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IV Napoléon et le 18 brumaire.

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En voici d’autres qui, aveuglés par la passion politique, nous reprochent la naissance de Napoléon et le 18 brumaire, et demandent que, pour ce double crime, nous soyons rayés de la carte de France.

— Napoléon, disent-ils, a eu de grands défauts.

— Il se peut : mais qui n’en a pas?

— Il a commis de grandes fautes.

— Sans doute. Qui donc n’en commet pas? Les défauts et les fautes qui en dérivent ne sont-ils pas des produits naturels de l’infirmité humaine? Mais si vous êtes si sévère pour ses faiblesses, n’est-il pas juste que vous teniez compte de ses qualités? Or, sous ce rapport-là, fouillez dans tous les coins et les recoins de l’histoire, Combien d’hommes y trouverez-vous, qui lui aient été, je ne dis pas supérieurs, mais égaux pour le génie et les accessoires du génie? Combien lui peuvent être comparés tout à la fois comme capitaines, organisateurs et administrateurs? Combien ont plus profondément remué le monde, passionné les esprits et les cœurs ? Combien ont plus fait pour la gloire de leur patrie, et l’ont dotée de plus d’institutions utiles! Vous aurez de la peine à en découvrir un seul !

Et vous reprochez à la Corse d’avoir produit un tel homme ! Vous voulez qu’elle le renonce et le renie! qu’elle rougisse d’avoir été son berceau! Comment, pour peu qu’un des vôtres ait fait la moindre petite chose remarquable, vous lui élevez des statues, presque des autels! Vous instituez en son honneur des concours et des fêtes! Vous êtes heureux et fiers d’être ses compatriotes! Et vous voulez nous chasser de la France, parce que Napoléon est né chez nous! Quoi de plus injuste et de plus absurde!

Et puis, s’il est né en Corse, à qui la faute, si faute il y a? Qui est-ce qui préside à la naissance des hommes? Qui est-ce qui les fait naître ici, plutôt que là; aujourd’hui plutôt qu’hier; de tel père plutôt que de tel autre? etc... N’est-ce pas Dieu, le maître souverain de toutes choses? Et, si c’est Dieu, comment aurait pu s’y prendre la Corse, pour qu’il en fût autrement? Voyez-vous d’ici le gouverneur et les notables du pays se présenter en grand costume devant Mme Lœtitia Ramolino, et lui parler à peu près en ces termes?

« Vous portez dans votre sein un enfant qui nous déplaît, et dont nous ne voulons pas pour compatriote. Ainsi donc, changez-le pour un autre; ou bien, allez vous en faire vos couches en Sardaigne, en Italie, aux antipodes, au diable, s’il vous convient; mais pas en Corse; nous ne le souffrirons pas! »

Quant au 18 brumaire, il ne m’appartient pas de discuter ici, moins encore de décider quel fut son véritable caractère. Fut-il un bien? fut-il un mal ? faut-il y voir un fait d’ambition personnelle ou de nécessité sociale? Y eut-il ambition et nécessité tout à la fois?

Je l’ignore; mais plusieurs pensent qu’il avait été rendu inévitable par la faiblesse, les dissensions et l’incapacité du Directoire, jointes au désordre des esprits et à la corruption des mœurs, qui caractérisent cette époque. Plusieurs sont convaincus qu’il fut une conséquence fatale des coups d’Etat du 18 fructidor et du 30 prairial, et que, si Bonaparte ne l’eût pas fait, il aurait été fait par un autre. Tous les esprits clairvoyants s’y attendaient; le Directoire lui-même ne se faisait à cet égard aucune illusion, puisqu’ il s’apprêtait à déposer le pouvoir suprême aux mains du brave général Joubert, quand celui-ci fut tué à Novi, moins de trois mois avant le 18 brumaire 1

Dans tous les cas, le 18 brumaire eût-il été le plus grand des malheurs et des crimes, en quoi la Corse a-t-elle participé à sa conception, à sa préparation, à son exécution? Pourquoi dès lors l’en rendre responsable? Où en serait-on, si chaque pays devait répondre pour tous ceux qui sont nés dans son sein? S’il était permis de reprocher, au Cantal et à la Charente, la naissance de Carrier et de Ravaillac, et de les effacer du nombre de nos départements pour les noyades de Nantes et l’assassinat d’Henri IV?... Et de trois.

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