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Séminaire État, Sociétés et Problèmes sociaux en Afrique Australe Compte rendu de l’année 2012-2013 par Ingolf Diener

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Créé en 1983 par le GDR 846 CNRS dirigé par Claude Meillassoux pour accompagner scientifiquement les luttes sociales et/ou anti-apartheid et les décolonisations tardives dans cette partie de l’Afrique, le séminaire avait ensuite travaillé la question de la « transition » (du connu vers quoi ?) et la phase du post (– apartheid, – conflit, – colonial). Comment évoluent ces sociétés, désormais également acteurs sur la scène africaine et sur l’échiquier de la mondialisation ? Seule plateforme scientifique en région parisienne focalisée sur l’Afrique australe, le séminaire a gardé son approche transdisciplinaire, comptant sur ses propres compétences et celles de chercheur.e.s du cru de passage en France.

Didactiques, les trois séances du premier semestre, assurées par Ingolf Diener (CERASA-PARIS 8), Roger Meunier (EHESS) et Michel Lafon (CNRS-LLACAN, Research Fellow University of Pretoria) ont présenté les connaissances de base sur les plans historique, économique, politique, anthropologique : prégnance des colonisations de peuplement ; dynamique en spirale du capitalisme minier et agricole, boulimique en main-d’œuvre et centré sur l’Afrique du Sud, devenue fabrique de discriminations et d’identités. La contestation de cet ordre tout comme sa répression ont suivi cette dynamique transfrontalière, finissant en guerre régionale. Ces interactions ont lié ces pays entre eux, au-delà du seul fait de se trouver dans la partie australe du continent.

 La 4e séance (Ingolf Diener, 19/12/12) a complété ce dispositif en montrant les efforts entrepris en Namibie et en Afrique du Sud pour réarticuler le pouvoir des chefs, légitimé par leur contrôle de fait des terres dites communautaires, avec celui de l’État désormais légitimé par le suffrage universel aux échelons national, régional et local. Tout le monde est citoyen, et nombre d’entre eux sont aussi sujets. Certains élus cherchent l’aura du traditionnel, et certains chefs arrivent à faire venir des équipements modernes. Un laborieux chantier institutionnel inachevé.

 Les 5e et 6e séances ont porté sur les dynamiques identitaires en cours. Ingolf Diener (16/1/13), faisant état du retour des restes humains dans leurs terres africaines, a retracé les enjeux et procédés des stratégies mémorielles qui se développent, de part et d’autre, depuis la restitution de la « Vénus Hottentote » (par la France) et des Pienaar (par l’Autriche) à l’Afrique du Sud, et de crânes à la Namibie un siècle après le génocide des Herero, Nama et Damara. Notre collègue Simon Bekker (Université de Stellenbosch, 30/1/13) a développé la manière dont l’Afrique subsaharienne est perçue en Afrique du Sud, en confrontant les ouvrages de Duncan Clarke, 2008, Africa’s Future : Darkness to Destiny) et de Stephen Ellis (2011, Season of Rains: Africa in the World) à ses propres recherches comparatives sur les villes capitales africaines.

 En 7e séance (6/2/13), Élisabeth Peyroux (CNRS-LISST, Université de Toulouse), partant de la stratégie des relations internationales de Johannesburg, a détaillé comment se montent des projets et équipes de recherches transnationales en matière d’urbanisme, autour de concepts et modèles en circulation – une recherche sur les recherches.

Cinq séances ont été consacrées à tracer l’évolution sur les plans social et foncier depuis la présidence de Mandela.

 En une première séance (6/3/13), Judith Hayem (Université de Lille, CLERSÉ-CNRS) a montré comment les lignes du classique rapport entre capitalisme et racisme ont bougé suite à la sortie de l’apartheid. Ses enquêtes en usines du milieu urbain lui ont permis de dégager une figure ouvrière marquée par un nouveau nationalisme de la reconstruction et un unanimisme productiviste. Dans sa deuxième intervention (27/3/13), restituant la chronologie du massacre des mineurs à Marikana (août 2012) et les enjeux de cette grève ouvrière, pas syndicale, elle conclut à une figure ouvrière combative.

 À l’occasion du centenaire du Land Act colonial, Nancy Andrew (chercheure associée au LAM, Sciences Po-Bordeaux) (20/2/13) rappelle la ségrégation spatiale (87 % de « terres blanches »/13 % de « terres noires »), avec force rapports de métayage plus ou moins informels entre familles noires et fermiers blancs. La réforme agraire voulue par l’ANC reste ambiguë : la redistribution de terres au profit d’anciens ayants droit, portant sur 8 %, est loin de l’objectif des 30 %, entre-temps révisé à la baisse. Quatre millions de « fermiers » noirs sur les terres communautaires, et 36 000 unités de production sur les terres commerciales qui subissent la concentration capitaliste. Et toujours plus de métayers renvoyés de ces fermes. Dans sa 2e intervention (15 mai 2013), elle évoque la reconversion de près d’un quart de ces fermes, regroupées à des fins de chasse, de safari et d’éco-tourisme de luxe ; et le sort des métayers qui, évincés de fait, se retrouvent soit dans des lotissements informels aux abords de townships, soit dans des fermes. Les anciens ouvriers agricoles n’ont pas le profil requis pour le nouveau type de personnel.

 Côté Namibie, Olivier Graefe (Université de Fribourg-CH) (25, 5, p. 13) a suivi la réforme foncière dans les terres communautaires dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la sécurité foncière, la réduction de la pauvreté et l’attention à l’environnement. Sur ce dernier point, la réforme est un succès. Il retrace les efforts entrepris depuis 1991, rappelle que les terres communautaires dépendent de subventions, et que 12 Community Land Boards régionales, comprenant des chefs et 4 femmes agricultrices, ont pour tâche d’attribuer des droits fonciers à des individus à vie et pour emploi agricole (enregistrement du droit d’usufruit, révocable). Appuyée sur un cadastre élaboré chemin faisant, cette procédure a permis en 10 ans d’attribuer une petite moitié de quelque 100 000 parcelles identifiées. L’individuation et l’acceptation de fait de l’État sur la terre érodent le pouvoir des chefs et tendent à l’effacement des terres communautaires.

 En séance extraordinaire (20/3/13), notre invité Chris Tapscott (University of the Western Cape) s’est interrogé sur la pratique d’user et abuser du terme community, à travers une étude de cas à Cape Town sur des projets d’équipement, de services publics et du logement social dans les quartiers pauvres. La politique officielle vers une nation intégrée de citoyens, fort divers à divers titres, passe par leur implication dans une démocratie participative, démarche revendiquée dans beaucoup de pays : faire en sorte que les projets locaux ne soient pas imposés d’en haut par une administration peu attentive aux destinataires. En Afrique du Sud, la citizen participation a rapidement glissé vers community participation dans le discours officiel à tout échelon. Or, ce terme y sent l’apartheid avec son Department of community development – après démantèlement de communautés existantes pour cause raciale, remaniement de frontière administrative et création d’entités géographiques prétendues homogènes. Par ailleurs, l’intervenant relève la vacuité conceptuelle du terme : regroupement autour d’intérêts en commun – mais lesquels ? L’administration a souvent affaire à des communities de circonstance, voire imaginaires, pour véhiculer l’intérêt propre du plus entreprenant. Il récuse ce terme, mais par quels autres le remplacer ? La discussion se termine en cherchant de possibles traductions françaises : concertation, quartier. La dernière séance (5/6/13) a été consacrée à discuter le travail d’étudiant.e.s, et pour clore les 30 ans d’existence de notre séminaire, s’est terminée par un pot.

N. B. : L’enregistrement des séances au format MP3 peut être consulté sur demande adressée au CERASA-PARIS 8 (www.ipt.univ-paris8/fr, ou diener.ingolf@neuf.fr).

Au bout de trente ans de Séminaire Afrique australe, cette partie du continent est dans l’horizon des sciences sociales en France. Mais il y a des béances d’ignorance à combler ! Certes, de jeunes collègues, enseignant.es/chercheur.es dans telle ou telle université et/ou laboratoire, discipline, travaillent sur cette Afrique-là, et font des colloques pour sortir de la dispersion. Exemple Dijon avec Afrique du Sud : 20 ans de démocratie contrastée ? du 25 au 26 septembre 1994. Est-ce que de telles initiatives suffiront pour entretenir une dynamique ? Je propose un pas : qu’on archive et rende accessibles mes enregistrements des séminaires sur minicassettes et sur support MP3. Hé Ingolf, encore un séminaire ? Oh que non ! Tout au plus une séance. Un séminaire, je le commencerais par deux séances didactiques à partir de l’article Diener, Ingolf, 2010, « Perceptions d’Africains et dynamiques identitaires », Cahiers du CERASA n° 1, regroupant les actes du colloque de mai 2003 intitulé « Non, l’Afrique n’est pas un thème pédagogique : pour une approche culturelle de l’éducation artistique », IUFM Montpellier. Publié sur le site de la nouvelle bibliotheque-numerique-paris8.fr…, cassettes-MP3.

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