Читать книгу Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris au XIIIe et au XIVe siècle - Gustave Fagniez - Страница 4

CHAPITRE Ier ÉTAT DE L’INDUSTRIE

Оглавление

Table des matières

Origine des corps de métiers.—Population industrielle.—Industries parisiennes les plus florissantes.—Quartiers occupés par les diverses industries.

Une curiosité naturelle et légitime porte l’esprit humain à s’enquérir de l’origine des institutions qui ont fourni une longue carrière et joué un grand rôle. Malheureusement l’historien éprouve souvent de grandes difficultés à satisfaire cette curiosité. Il en est ainsi pour les corporations de métiers. L’histoire ne nous fait pas assister à leur formation; quand elles nous apparaissent dans les documents, elles comptent déjà de longues années d’existence et nous offrent une organisation complète. Pourtant il n’est peut-être pas impossible, en rapprochant certains traits de cette organisation de quelques textes mérovingiens et carolingiens, de se représenter ce qu’était l’industrie avant les corps de métiers, ainsi que la façon dont ceux-ci prirent naissance.

Lorsque les Francs s’établirent en Gaule et s’approprièrent les domaines du fisc impérial et ceux qui avaient été abandonnés par leurs propriétaires[2], les artisans fixés sur ces domaines durent travailler pour leurs nouveaux maîtres. Les uns restèrent isolés et conservèrent leur fonds colonaire à la charge de fournir des produits de leur industrie[3]. La plupart furent distribués, suivant leurs métiers, dans des ateliers dont chacun était dirigé par une sorte de contre-maître (ministerialis)[4]. La nombreuse domesticité du conquérant germain comprenait donc tous les artisans dont l’industrie lui était nécessaire[5]. Dans les gynécées, des femmes se livraient au cardage de la laine, au tissage, au lainage, au foulage et à la teinture des étoffes à l’aide des matières livrées par l’intendant du domaine[6]. Le maître tirait un profit pécuniaire des talents de ses esclaves en vendant les produits de leur industrie ou en louant leurs bras à prix d’argent[7]. Les plus habiles avaient pour lui une grande valeur à cause des bénéfices qu’ils lui rapportaient. Aussi celui qui tuait un esclave initié à un art mécanique payait au maître un wergeld plus élevé lorsque cet esclave avait donné des preuves publiques d’habileté (publice probati)[8]. C’est à ces ouvriers travaillant à la fois au profit de leur maître et à leur profit personnel, que s’adressaient les hommes libres qui n’étaient pas assez riches pour entretenir des esclaves aussi nombreux, aussi experts que l’exigeaient leurs besoins. Les villages possédaient aussi des moulins et des forges, où des agents, ayant un caractère public, travaillaient pour les membres de la communauté[9]. Enfin il y avait dans les villes quelques artisans libres[10]. Mais on n’en a pas moins le droit de dire que, pendant la période mérovingienne et la période carolingienne, le travail industriel eut en général un caractère domestique et servile.

C’est de ces groupes d’artisans créés dans les domaines des grands propriétaires que sortirent les corps de métiers du moyen âge. Une organisation, imaginée dans l’intérêt du maître pour discipliner et rendre plus productif le travail servile, devint la garantie des priviléges de la classe industrielle, la source de sa prospérité. Cette transformation s’accomplit par degrés; l’artisan réussit d’abord à s’assurer une partie des bénéfices de son travail, et nous venons de voir que, dès le VIe siècle[11], il avait parfois franchi ce premier pas, puis le maître les lui abandonna entièrement en stipulant seulement des droits pécuniaires, enfin les associations ouvrières s’attribuèrent des priviléges exclusifs qui firent disparaître les travailleurs isolés. Parvenues à une indépendance complète, elles conservaient encore, nous le verrons, des traces de leur origine. Le mouvement communal ne fut pour rien dans cette émancipation de la classe ouvrière, elle était terminée quand il commença, et ce fut, au contraire, l’existence des corporations qui favorisa la formation des communes.

Si la plupart des corporations de métiers ont l’origine que nous venons d’indiquer, il en est cependant quelques-unes qui descendent directement des colléges romains. Parmi les corporations parisiennes, celles des marchands de l’eau et des bouchers de la Grande-Boucherie doivent remonter à l’époque romaine. Les nautes parisiens, qu’une inscription nous montre dès l’époque de Tibère consacrant un autel à Jupiter, survécurent à l’invasion franque et ne perdirent rien de leur importance, puisqu’ils formèrent la municipalité parisienne[12]. La corporation des bouchers de la Grande-Boucherie se recrutait héréditairement, et cette particularité, qu’on ne rencontre dans aucune autre corporation de la capitale, fait inévitablement penser aux colléges romains chargés de l’alimentation publique, dont les membres étaient également héréditaires. A ces deux exceptions près, on ne peut retrouver les collegia opificum dans les corps de métiers du moyen âge. Aucun texte n’indique la persistance de ces colléges, tandis que nous en avons cité plusieurs qui témoignent de l’existence d’un régime industriel tout différent. Si, faisant abstraction des textes qui sont loin, il faut bien en convenir, d’être tout à fait topiques et concluants, on cherche à se représenter ce qui s’est passé lorsque les Francs ont occupé Paris, on est porté à penser qu’ils firent subir aux membres des colléges le sort de leurs esclaves germains, qu’ils les réduisirent à un état voisin de la servitude pour s’assurer leurs services. Des associations, dont les membres étaient enchaînés à leur profession dans un intérêt public, n’étaient pas faites pour être respectées ni même comprises par un peuple qui ne s’était pas encore élevé jusqu’à la notion de l’État.

Faut-il admettre qu’une partie des gens de métiers échappa à la servitude et, pour protéger son indépendance, forma des ghildes que le temps transforma en corps de métiers? Nous ne le pensons pas, et le petit nombre d’artisans qui avaient conservé leur liberté, comme le tailleur dont parle Grégoire de Tours, ne tarda pas, selon nous, à disparaître.

Mais nous avons hâte de renoncer aux conjectures pour aborder une époque où le secours des textes ne nous fera plus défaut. Il faut arriver à la seconde moitié du XIIe siècle pour trouver les premières traces de l’existence des corporations. Cette existence se révèle pour la première fois dans une charte de 1160 par laquelle Louis VII concède à Thèce Lacohe les revenus des métiers de tanneurs, baudroyeurs, sueurs, mégissiers et boursiers. Il résulte implicitement de cette charte que ces cinq métiers étaient exercés par autant de corporations. La corporation des bouchers de la Grande-Boucherie remontait, nous l’avons dit, à l’époque romaine; on ne s’étonnera donc pas de voir leurs usages qualifiés d’antiques en 1162, lorsque Louis VII les remit en vigueur. Les drapiers qui, en 1183, prirent à cens des maisons de Philippe-Auguste faisaient par là même acte de corporation. Enfin c’est au même prince que plusieurs corps de métiers font remonter certains priviléges consignés dans les statuts du Livre des métiers.

Du reste le fond de ces statuts pris dans leur ensemble a une origine bien antérieure à l’époque où ils furent rédigés. C’est ce qui fait leur importance. Nous n’avons pas besoin de dire qu’Étienne Boileau n’a pas donné aux corporations leurs règlements; cela est trop évident. Il n’a pas même, comme les auteurs de nos codes, fait un choix parmi les coutumes de ces corporations dans des vues d’harmonie, d’équité et de progrès. Il s’est contenté de les recueillir par écrit telles que les gens de métiers les lui firent connaître, sans faire disparaître leurs contradictions, sans résoudre les questions soulevées par les requêtes de plusieurs corporations. Dans ces statuts une seule chose lui appartient: le plan. S’ils gardent en effet le silence sur une foule de points, ils s’occupent toujours, et cela dans un ordre uniforme, de la franchise ou de la vénalité du métier, du nombre des apprentis et des gardes-jurés, des impôts et du guet. Leurs nombreuses lacunes ne doivent pas plus nous étonner que l’époque relativement tardive à laquelle ils ont été rédigés; la tradition qui avait permis de se passer pendant si longtemps de règlements écrits, suppléait à leur silence. En dépit de leur laconisme, les statuts d’Ét. Boileau ont une haute valeur et parce qu’ils reflètent un état de choses bien plus ancien et parce qu’ils conservèrent longtemps leur autorité et servirent de base à la législation postérieure. On reconnaîtra l’usage fréquent que nous en avons fait dans le cours de notre travail.

Avant d’exposer l’organisation de l’industrie parisienne, il faut dire quelques mots du développement auquel elle était parvenue. Les chroniques et les autres compositions historiques ne contribuent presque pour rien à l’idée que nous pouvons nous en faire. L’Éloge de Paris, composé en 1323 par Jean de Jandun[13], est presque le seul document de ce genre qui nous fournisse à cet égard quelques renseignements; encore n’ont-ils pas toute la précision désirable. A défaut de précision, on découvre du moins, sous l’obscurité et le pédantisme de son style, la vive impression produite sur l’auteur par l’industrie et le commerce de la capitale. Renonçant à décrire tout ce qu’il a vu aux Halles, dans ces Halles que Guillebert de Metz nous dépeindra au siècle suivant comme aussi vastes qu’une ville[14], Jean de Jandun se borne à signaler les provisions considérables de draps, les fourrures, les soieries, les fines étoffes étrangères exposées au rez-de-chaussée, et, dans la partie supérieure qui présente l’aspect d’une immense galerie, les objets de toilette, couronnes, tresses, bonnets, épingles à cheveux en ivoire, besicles, ceintures, aumônières, gants, colliers. Les divers ornements destinés aux fêtes, nous dit-il dans un style que nous sommes obligé de simplifier pour le rendre intelligible, fournissent à la curiosité un aliment inépuisable. Jean de Jandun exprime d’une façon vive et frappante le développement de l’industrie parisienne, en déclarant qu’on ne trouvait presque pas deux maisons de suite qui ne fussent occupées par des artisans. Ce trait est ce qu’il y a de plus intéressant dans le court chapitre consacré par lui aux professions manuelles et où il se contente d’énumérer un certain nombre de métiers, sans donner de particularités sur aucun d’eux. Cette énumération comprend l’art de la peinture, de la sculpture et du relief, l’armurerie et la sellerie, la boulangerie, dont les produits sont d’une exquise délicatesse, la poterie de métal, enfin les industries des parcheminiers, des copistes, des enlumineurs et des relieurs.

Heureusement nous ne sommes pas réduits à cette vague description pour nous représenter l’état de l’industrie parisienne au XIIIe et au XIVe siècles. Les rôles des tailles levées à Paris de 1292 à 1300, puis en 1313 nous offrent des informations plus précises. On y trouve rue par rue la liste de tous les artisans soumis à la taille, avec l’indication de leur cote. Ces documents officiels pourraient donc servir de base à une statistique de l’industrie parisienne, s’ils contenaient le recensement de toute la population ouvrière. Mais les simples ouvriers n’y figurent qu’en petit nombre; et les patrons eux-mêmes n’y sont pas tous compris, comme on en verra les preuves plus loin. Toutefois, si ces rôles ne nous font pas connaître l’ensemble de la population industrielle, ils permettent du moins de s’en faire une idée approximative, ainsi que du nombre des artisans de chaque métier; ils nous indiquent en même temps la répartition des diverses corporations dans Paris et par la cote de leurs membres, leur prospérité relative.

Géraud a fait le relevé des gens de métiers mentionnés dans le rôle de 1292; leur nombre, si on exclut de cette liste tous ceux qui n’exerçaient pas l’industrie proprement dite, s’élève à 4,159. Nous avons fait le même travail pour le rôle de 1300 et nous y avons compté 5,844 contribuables voués aux professions mécaniques. Nous avons constaté qu’un assez grand nombre de contribuables, dont la profession est indiquée dans le rôle de 1300, sont inscrits sans cette indication dans celui de 1292, et par conséquent ne sont pas entrés dans le recensement de Géraud; on peut aussi supposer que celui-ci a vu maintes fois un surnom là où nous avons cru reconnaître une qualification professionnelle. Toutefois ces raisons ne suffisent pas à expliquer une différence de 1,685 contribuables et il faut en chercher la cause soit dans l’augmentation de la population ouvrière de 1292 à 1300, soit dans l’assiette de la taille à ces deux époques, assiette qui nous est malheureusement inconnue.

Nous allons donner le recensement des artisans de chaque métier. Aux chiffres qui nous sont fournis par les rôles de 1292 et de 1300 nous ajouterons ceux que nous avons trouvés dans les statuts et dans quelques autres documents. Le tableau suivant présentera aussi les explications nécessaires sur les industries qui y figurent.

RECENSEMENT DES ARTISANS INSCRITS DANS LESRÔLES DE1292 ETDE1300.

1292 1300
Afeteeurs de toiles, apprêteurs de toiles. 1 »
Affineurs. 3 8
Affineurs d’argent. 1 »
Aguilliers, aguillières, fabricants d’aiguilles. 16 6
Aiguillettes (fabricants d’)[15]. » 2
Ameçonneeurs, fabricants d’hameçons. 3 1
Ampolieeurs, ampoulieurs, empoleeurs. D’après Géraud, ce sont des polisseurs. Cette explication n’est pas admissible. Les ampoulieurs ou poulieurs étaient des ouvriers qui tendaient le drap sur la rame ou poulie. 5 3
Aneliers, fabricants d’anneaux. 3 6
Appareilleurs, maîtres ouvriers qui tracent la coupe des pierres. 2 3
Arbalestiers, arbalestriers, arbaletiers, fabricants d’arbalètes. 3 4
Archal (batteurs d’). 2 10
Archalières, fabricants de fil d’archal. » 1
Archiers, fabricants d’arcs. 8 5
Arçonneeurs. Ils ne faisaient pas des arçons de selles, comme l’a cru Géraud, mais arçonnaient la laine. Les arçons de selles étaient fabriqués par les chapuiseurs. 6 4
Argent (batteurs d’), ouvriers qui réduisaient l’argent en plaques. » 1
Argenteeurs, argenteurs. Géraud traduit ce mot par: argentiers, orfèvres, changeurs. De ces trois interprétations aucune n’est exacte et il s’agit ici d’argenteurs, doreurs. Voy. le Livre des mét. p. 210. 3 2
Armuriers, fabricants d’armures. 22 35
Armuriers (Vallets). 2 1
Atacheeurs, atachiers, atachières, «faiseurs de claus pour atachier boucles, mordans et membres seur corroie.» Livre des mét. p. 64. 7 6
Aumônières (faiseuses d’)[16]. » 3
Aumuciers, aumucières, fabricants d’aumusses. 9 8
Auquetonniers, faiseurs de hoquetons. 4 »
Azur (qui font), fabricants de bleu azur. 1 »
Baatiers, bastiers, fabricants de bâts. Cf. chapuiseurs. 3 1
Bahuiers, Bahuriers, fabricants de bahuts. 2 4
Balanciers, fabricants de balances[17]. 2 3
Barilliers, fabricants de barils en cœur de chêne, poirier, alisier, érable, tamaris, brésil pour les vins fins, les eaux de senteur, etc. Voy. leur statut dans le Livre des mét. et dans Laborde, Gloss. et répert. des émaux. Vo Barris. 6 6
Baudraières. » 1
Baudraiers, corroyeurs de cuir pour ceintures, et semelles de souliers. Voy. Livre des mét. p. 224. 15 35
Baudraiers (Vallets). 1 »
Bazaniers, cordonniers en basane. Livre des mét. p. 231. Cf. çavetiers. 20 16
Bazaniers (Vallets). » 1
Blazenniers, blazoniers, ouvriers qui recouvraient de cuir les selles et les blasons, c’est-à-dire les écus. Voy. leur statut, Livre des mét. p. 219. 2 2
Bocetiers. » 1
Boisseliers, boisseliers. 1 1
Boitiers, serruriers pour boîtes et meubles. Voy. Livre des mét. p. 53. » 2
Boschet (qui font ou vendent). Le boschet était une boisson. » 2
Bouchers, bouchiers, bouchers. 42 70
Bouchers (Vallets). 1 »
Bouchières, bouchères. » 2
Bouclières, femmes de boucliers. » 2
Boucliers (qui font), fabricants d’écus. » 1
Boucliers, fabricants de boucles. 36 73
Boucliers d’archal. » 1
Boudinières. » 4
Boudiniers, marchands de boudin. Les statuts des cuisiniers leur interdisent la vente du boudin. Livre des mét. p. 177. 12 2
Boulangers. Cf. talemeliers. » 1
Bourreliers[18]. 24 23
Bourreliers (Vallets). 1 »
Boursières[19]. Les boursiers-brayers faisaient des bourses et des braies en cuir. » 3
Boursiers, fabricants de bourses. 45 32
Boursiers (Vallets). 3 »
Boursiers de soie. » 2
Boutonnières. » 3
Boutonniers, fabricants de boutons et de dés à coudre. 16 13
Braaliers, braoliers, faiseurs de braies en fil. 6 2
Brasseurs. Cf. cervoisiers.[20] 1 »
Brésil (qui battent le). On sait que le brésil est un bois de teinture. » 1
Brodeeurs, broderesses, brodeurs, brodeuses[21]. 14 23
Brunisseurs, ouvriers qui polissent les métaux. » 1
Cages (qui font). » 1
Calendreeurs, calandreurs d’étoffes. 2 6
Carreaux de fer (fabricants de). » 1
Carriers, ouvriers qui extraient la pierre des carrières. 18 9
Çavetières. » 1
Çavetiers. Géraud dit que les çavetiers se distinguaient des cordouaniers en ce qu’ils travaillaient la basane, tandis que les derniers employaient le cordouan. C’était les çavetonniers qui faisaient les «petiz solers de bazane.» Les çavetiers étaient ce que sont aujourd’hui les savetiers. 140 171
Çavetiers (Vallets). 1 »
Cerceaux (plieurs de). Ils cerclaient les tonneaux. » 4
Cerceliers. N’étaient probablement pas différents des plieurs de cerceaux. 1 »
Cerenceresses, ouvrières qui peignaient le lin et le chanvre avec le seran. 3 »
Cervoisières. » 7
Cervoisiers. Cf. brasseurs. 37 33
Cervoisiers (Vallets). 2 1
Chandèles de bougie (qui font). » 1
Chandelières. » 11
Chandelières de cire[22]. » 1
Chandeliers, faiseurs de chandèles. 71 58
Chandeliers (Vallets). 1 1
Chandeliers de cire. Cf. ciriers. 1 »
Chandeliers de suif. » 1
Chapelières. » 4
Chapelières de perles. » 2
Chapelières de soie. Elles tissaient des voiles appelés couvre-chefs. Nous considérons comme chapelières de soie trois femmes indiquées dans le rôle de 1300 comme faisant des couvre-chefs[23]. 4 3
Chapeliers. 47 35
Chapeliers de feutre. 7 10
Chapeliers de feutre (Vallets). 2 »
Chapeliers de perles. » 1
Chaperonniers. Ils faisaient des chaperons. 6 6
Chapuiseresses de selles. » 1
Chapuiseurs. 11 9
Chapuiseurs (Vallets). 1 »
Chapuiseurs de bâts. Cf. baatiers. 1 »
Charpentières, femmes de charpentiers. » 4
Charpentiers. 95 108
Charpentiers de maisons. 1 »
Charpentiers de nés, charpentiers de bateaux. 2 »
Charrons. 19 11
Charrons (Vallets). 1 »
Chasubliers. 5 4
Chauciers, chaussetiers[24]. 61 48
Chauciers (Vallets). 2 2
Chaudronnières[25]. » 3
Chaudronniers. Cf. maignens. 6 12
Chaumeeurs, chaumiers, couvreurs en chaume? 3 2
Chaumeresses. » 1
Ciriers, cirières. Cf. chandèles de bougie, (qui font) chandelières de cire. 19 8
Ciriers (Vallets). 1 »
Cloutiers. 19 20
Coffrières. » 2
Coffriers, coffretiers. 17 8
Coffriers-bahuiers. » 1
Coiffes de laine (faiseurs de). » 1
Coiffiers, coiffières. 29 12
Conréeurs, corroyeurs. 22 27
Conréeurs de basanne. 1 »
Conréeurs de connins, corroyeurs de peaux de lapin. » 2
Conréeurs de cordouan, corroyeurs de cuir façon de Cordoue. 2 1
Conréeurs de cuirs. 3 4
Conréeurs de peaux ou de pelleterie. 2 1
Contresangliers, fabricants de contresangles. 2 1
Coquilliers. Géraud croit qu’ils faisaient les coiffures de femmes appelées coquilles. 3 »
Corbeilliers, corbeliniers, vanniers. 1 1
Cordières. » 2
Cordiers. 26 11
Cordiers (Vallets). 1 »
Cordouanières. » 8
Cordouaniers, cordonniers de cordouan[26]. 226 267
Cordouaniers (Vallets), Nous comptons parmi les vallets cordonniers inscrits dans le registre de 1292 deux compagnons cordouaniers que Géraud a eu le tort de ne pas considérer comme tels. 9 2
Corroiers, courraiers, courroiers, faiseurs de courroies. 81 135
Courraières, courroières. » 13
Coutelières. » 1
Couteliers. Cf. emmancheurs[27]. 22 38
Couteliers-fèvres. 2 »
Coutepointiers, faiseurs de courtepointes. Cf. couverturiers. 8 18
Coutières. » 1
Coutiers, faiseurs de coutes, c’est-à-dire de couvertures[28]. 9 5
Couturières. 46 31
Couturiers. Ils appartenaient à la même corporation que les tailleurs. 57 121
Couturiers (Vallets). » 1
Couturiers de gants. 1 »
Couturiers de robes. » 1
Couverturiers. Ils faisaient des couvertures. Cf. coutepointiers. » 4
Crépinières. » 16
Crépiniers. [Les crépiniers et crépinières faisaient en fil et en soie des coiffes de femmes (voy. Quicherat, Hist. du costume, 189), des taies d’oreiller et des pavillons pour couvrir les autels (Liv. des mét. p. 85).] 32 13
Cristalières. » 2
Cristaliers, lapidaires. Ils ne formaient avec les pierriers de pierres naturelles qu’une corporation, qui taillait le cristal et les pierres fines. 18 13
Cuisinières. » 2
Cuisiniers. 21 15
Cuisiniers (Vallets). 2 »
Cuviers (fabricants de). » 1
Déciers, déiciers, fabricants de dés à jouer. 7 4
Déeliers, fabricants de dés à coudre. Cf. boutonniers. 1 »
Doreeurs, doreurs. 4 3
Doreeurs (Vallets). 1 »
Dorelotières. » 2
Dorelotiers, rubaniers[29]. 14 12
Drapiers, marchands de draps. 19 56
Drapiers (Vallets). 1 16
Draps d’or (fabricants de). » 3
Emmancheurs, faiseurs de manches de couteaux. Dans les 27 emmancheurs imposés en 1300 je compte un contribuable qualifié: qui fait manche. 10 27
Encrières. 1 »
Encriers, fabricants d’encre. » 1
Enlumineurs. 13 15
Entailleurs d’images, sculpteurs. 1 »
Entailleurs de manches. » 1
Eschafaudeeurs, constructeurs d’échafaudages. 2 4
Eschaudeeurs. Géraud croit que ce mot vient d’échaudés et désigne une espèce de pâtissiers. 2 »
Eschequetiers. Nous ignorons le sens de ce mot. » 2
Escorcheeurs. 13 20
Escorcheeurs de moutons. » 1
Escreveiciers. Géraud pense que ce mot désignait les fabricants d’une cuirasse dont les lames s’emboîtaient les unes dans les autres comme les écailles de l’écrevisse. Mais d’après Quicherat (Hist. du costume, p. 305), l’usage et le nom de cette cuirasse ne paraît pas remonter au-delà de la fin du XVe siècle. 2 »
Escriniers, faiseurs d’écrins, de boîtes[30]. 2 5
Escuciers, faiseurs de boucliers, d’après Géraud. 1 »
Escueles d’étain (batteurs d’). » 1
Escueles d’étain (fabricants d’). » 1
Escueliers, fabricants d’écuelles, d’auges, d’outils en bois. 9 3
Escueliers (Compagnons). » 1
Escueliers (Vallets.) 3 »
Esmailleurs[31]. 5 6
Esmouleeurs, rémouleurs. 6 2
Esmouleurs de couteaux. » 1
Esperonniers. 3 5
Espicières. » 4
Espiciers[32]. 28 65
Espiciers (Vallets). 6 2
Espingliers, fabricants d’épingles. » 12
Espinguières. » 2
Espinguiers. 10 11
Estachéeurs. Géraud attribue à ce mot le même sens qu’au mot attachéeurs. 2 2
Estain (batteresses d’). » 1
Fariniers, meuniers? 5 2
Favresses. Cf. fèvres. » 2
Fermaillers, fabricants d’anneaux, de fermaux, de fermoirs de livres. Voy. le statut des fremaillers de laiton, dans le Livre des mét. 5 10
Fermaillières. » 1
Ferpiers, fripiers. 121 163
Ferpiers (Vallets). 2 »
Ferrons. 11 18
Feutrières. » 2
Feutriers, ouvriers qui apprêtent le feutre. 10 6
Feutriers (Vallets). 1 »
Fèvres, forgerons. Ce terme générique désignait les ouvriers qui travaillaient le fer sans avoir une spécialité. Cf. Forgerons. 74 40
Fil d’argent (qui tret le). 1 »
Filandriers, filandrières, fileurs, fileuses. 5 6
File laine (qui). 2 1
File sa quenouille (qui). » 1
Fileresses de soie. 8 36
Fileresses d’or. » 1
Fileurs d’or. 2 1
Floreresses de coiffes, fleuristes. 1 »
Fondeeurs. 2 3
Fondeurs de cuivre. » 1
Fondeurs de la monnaie. » 1
Fonteniers, fabricants de fontaines. 1 1
Forcetiers, fabricants d’outils en fer et notamment de forces pour tondre les draps[33]. 11 10
Forgerons. Cf. fèvres. » 1
Formagiers, fourmagiers, faiseurs et marchands de fromages. Cf. fromagères. 18 23
Fouacières. » 1
Fouaciers, fouacières, faiseurs et faiseuses de fouaces. 3 »
Foulons[34]. 24 83
Foulons (Vallets). » 1
Four (aides à). » 3
Fourbisseurs[35]. 35 43
Fourbisseurs (Vallets). » 1
Fournier de Saint-Magloire. Celui qui exploitait le four banal de l’abbaye. » 1
Fournier de Saint-Martin-des-Champs. Celui qui exploitait le four banal du prieuré. » 1
Fournières. » 3
Fourniers. Sous cette désignation étaient compris non-seulement ceux qui tenaient un four banal, mais aussi des garçons boulangers et même des boulangers établis. 94 66
Fourniers (Vallets). 1 6
Fourreliers, fabricants de fourreaux. 6 3
Fourreurs de chapeaux. » 3
Fours (faiseurs de). » 1
Frasarresses. » 1
Fraseeurs, faisaient les garnitures bouillonnées appelées frezeaux et frezelles. Voy. Quicherat, Hist. du costume. 1 »
Fromagères. Cf. formagiers. » 3
Fueil (qui font le). Le fueil était une teinture comme le prouve le texte suivant: «L’en ne pourra faire draps tains en moulée, en fuel ne en fostet...» » 1
Gaisnières. » 2
Gaisniers. 52 40
Gaisniers (Compagnons). » 1
Galochiers, fabricants de galoches. 2 2
Gantières. » 1
Gantiers. 21 40
Gantiers (Vallets). 2 »
Gantiers de laine. » 1
Garnisseurs. Ils garnissaient de viroles et de coipeaux les couteaux, les épées, les gaînes. 4 11
Garnisseurs de couteaux. » 1
Gascheeurs, gâcheurs de plâtre. 2 1
Gasteliers, pâtissiers. 7 »
Gravelières. » 1
Graveliers, ouvriers qui se livraient à l’extraction du gravier. 5 3
Greffiers. Fabriquaient des agrafes plutôt que des greves, comme le dit Géraud. Ils appartenaient à la corporation des fèvres. 7 6
Haubergières. » 2
Haubergiers, fabricants de hauberts. 4 7
Heaumier le roi. » 1
Heaumiers, fabricants de heaumes. 7 7
Heaumiers (Vallets). 1 1
Huches (faiseurs de). » 2
Huchières. » 2
Huchiers. 29 52
Huilières. » 2
Huiliers, fabricants d’huile[36]. 43 29
Huissières. » 1
Huissiers, fabricants d’huis. » 2
Imagières. » 2
Imagiers, ymagiers, sculpteurs. 24 23
Imagiers emmancheurs, ouvriers qui sculptaient les manches de couteaux. » 1
Laceeurs, passementiers-rubaniers. Cf. dorelotiers. » 1
Lacets de soie (faiseuses de). » 1
Lacières. 6 1
Lacs (qui font). » 2
Lacs à chapeaux (hommes qui font). » 1
Lacs de soie (femmes qui font). » 1
Laine (femmes qui euvrent de). Cf. file laine (qui). » 2
Lampiers, fabricants de lampes et de chandeliers. 5 6
Laneeurs, ouvriers qui chardonnaient le drap pour le rendre pelu. 2 5
Lanières. » 18
Laniers, marchands de laine? » 16
Lanterniers, fabricants de lanternes. 3 8
Lanterniers d’archal. » 1
Laveeurs de robes, dégraisseurs. » 1
Lieeurs, relieurs de livres. 17 4
Lingiers, lingières. Les lingers et lingères recensés par Géraud sont au nombre de 5; mais il a compté à tort parmi les lingers un marchand de fil de lin (qui vent file linge) et un linier (lingnier), c’est-à-dire un marchand de lin. 3 8
Loiriers, probablement, comme le pense Géraud, fabricants de courroies, corroiers, courraiers. » 1
Lorimières. » 1
Lorimiers, lormiers[37]. 39 49
Maçonnes, femmes de maçons. » 1
Maçons. 104 122
Maçons (Aides à). » 7
Madelinières. Cf. mazelinniers. » 2
Maignans. Cf. chaudronniers. 12 4
Males (qui font). » 1
Maliers, maletiers. » 1
Manches (feseeurs de, qui font). 2 1
Mareschales. »
Mareschaux. 34
Mareschaux (Vallets). 3 »
Mazelinniers. Cf. madelinières. Fabricants de vases en madre. 5 »
Mercières. » 23
Merciers. 70 129
Merciers (Vallets). 1 1
Mereaux de plomb (fabricants de). » 1
Mesgissiers[38]. 23 38
Meunières. » 4
Meuniers. 56 17
Miel (qui fait, qui vend). 1 1
Miroeriers, fabricants de miroirs. 4 5
Miteniers. » 1
Monnaies (qui fait les coins de la). » 1
Monnoiers. 19 »
Monnoiers (Vallets). 1 »
Morteliers. 8 6
Mouleeurs. Ouvriers qui fondaient dans des moules des boucles, des sceaux et autres petits objets en cuivre et en archal. Voy. leur statut dans le Livre des mét. 2 »
Mouleeurs (Vallets). 1 »
Moustardières. » 1
Moustardiers. 10 7
Nates (qui font). » 1
Natiers. 1 »
Navetiers, fabricants de navettes de tisserands. Ce mot a conservé cette signification. 4 1
Nes (qui euvrent es). » 1
Oiers, rôtisseurs. 3 »
Orbateurs, batteurs d’or. 6 14
Orfaveresses. » 2
Orfévres. 116 251
Orfévres (Vallets). 2 7
Orfrosiers, faiseurs d’orfroi, c’est-à-dire de galon. 1 »
Oublaières. » 2
Oubloiers, faiseurs d’oublies[39]. 29 24
Paneliers. D’après Géraud, ils faisaient des panneaux pour prendre les lapins. 3 2
Panonceaux (qui font). » 1
Paonnières, chapelières de paon. » 1
Paonniers, chapeliers de paon. 5 2
Pareeurs. C’était, sous un autre nom, les mêmes ouvriers que les laneeurs. 5 4
Pataières. » 6
Pataiers, pâtissiers. 68 55
Pataiers (Vallets). 4 »
Patenôtrières. » 3
Patenôtriers[40]. 14 14
Pauciers, peaussiers. 1 »
Paveurs. » 1
Peautre (batteurs de). Cf. peautriers, piautriers. » 1
Peautriers[41]. » 2
Peintres. 33 38
Peintres (Vallets). » 2
Peletières. » 6
Peletiers. 214 338
Peletiers (Vallets). 5 8
Pelliers. Géraud interprète ce mot par fabricants ou marchands de perles. 6 6
Perrières. » 1
Perriers, joailliers[42]. 13 8
Piautriers. Cf. Peautre, peautriers. » 3
Pigneresses, ouvrières qui peignaient les matières textiles. 3 2
Pigneresses de laine. » 1
Pigneresses de soie. » 1
Pigniers. 9 3
Piqueeurs, faiseurs de piques. 3 2
Plastriers. 36 22
Plastriers (Compagnons). » 1
Plommiers, ploumiers. C’était des fabricants de plommées, ou fléaux terminés par une boule de plomb, bien plutôt que des brodeurs (plumarii). 1 1
Potières. » 8
Potières d’étain. » 2
Potiers. 54 36
Potiers d’étain[43]. » 3
Potiers de terre. » 1
Poulaillères, marchandes de volailles et de gibier. » 5
Poulaillers. 49 43
Pouletières, pouletiers. Faisaient le même commerce[44]. 3 »
Queus. Cf. cuisiniers. 23 »
Rafreschisseeurs. Ils remettaient à neuf les vêtements. Voy. Ord. relat. aux mét., p. 425. » 3
Recouvreeurs, couvreurs. 21 31
Recouvreeurs (Vallets). 1 »
Relieurs, Voy. lieurs. » »
Retondeeurs, ouvriers qui tondaient les draps qui avaient subi déjà une première tonte. 9 2
Retordent fil (qui). » 1
Saintiers, fondeurs de cloches. Voy. Compte de la refonte d’une cloche de Notre-Dame de Paris en 1396, tirage à part, p. 9. » 1
Sarges (qui fet les). 1 »
Sargiers. » 2
Sarrasinoises (qui fait œuvres). » 1
Savonniers, fabricants de savons. 8 5
Scieurs d’es, scieurs de long. Cf. siéeurs. » 2
Séelleeurs, graveurs de sceaux. 8 7
Séelleeurs (Vallets). 2 »
Selières. » 2
Seliers. 51 63
Seliers (Vallets). 7 1
Serruriers[45]. 27 36
Siéeurs, Cf. scieurs. 7 »
Soie (femmes qui carient). » 2
Soie (qui dévident). » 1
Soie (femmes qui font tissus de). » 1
Soie (ouvrières de). » 38
Soie (ouvriers de). » 4
Sonnettes (hommes qui font). » 1
Soufletiers, fabricants de soufflets. 2 3
Sueurs, cordonniers. 25 27
Tabletières. » 1
Tabletiers. Ils faisaient des tables, des étuis, etc., en bois, en ivoire, en corne. Voy. leur statut dans le Livre des mét. 21 19
Taçonneeurs, savetiers. 1 »
Taières, toières. 7 »
Taiers. Ils faisaient probablement les taies d’oreillers. » 3
Tailleresses. 1 »
Tailleurs. 124 160
Tailleurs (Vallets). 7 »
Tailleurs de dras. 1 »
Tailleurs d’or. 1 »
Tailleurs de pierre. 12 31
Tailleurs de robes. 15 27
Talemelières. » 5
Talemeliers. 62 131
Talemeliers (Vallets). 5 2
Taneeurs. 2 30
Taneeurs (Vallets). » 2
Tapicières. » 1
Tapiciers[46]. 24 29
Teinturières. » 2
Teinturiers. 15 33
Teinturiers (Vallets). » 2
Teinturiers de robes. 2 »
Teinturiers de soie. » 3
Telières. » 6
Teliers, tisserands de toiles. Voy. Du Cange, vo telarius. 11 1
Tiretainiers. 4 »
Tisserandes de toiles. » 2
Tisserands, tisserandes[47]. 82 360
Tisserands (Vallets). » 2
Tisserands de lange, tisserands drapiers. » 1
Tisserands de linge, tisserands de toile. 4 7
Tisserands de soie. » 1
Tissus (qui fait, feseresse de). 2 »
Toiles (qui bat les). 1 »
Toilliers. Ce mot doit être compris comme teliers. 3 »
Tondeurs. 20 36
Tonnelières. » 2
Tonneliers. 70 89
Tonneliers (Vallets). 2 »
Tourneurs. 12 15
Treffiliers. 8 9
Treffiliers d’argent. » 1
Tripières. » 3
Tripiers. 3 3
Trompeeurs, faiseurs de trompes et non pas joueurs de trompes, comme le dit Géraud. Voy. Ord. relat. aux mét., p. 360-361. 3 4
Trumeliers, fabricants de l’armure qui couvrait les jambes et qu’on appelait trumelières. 1 »
Tuiliers, fabricants de tuiles. 22 9
Vanetiers. 1 »
Vaniers. Ces deux mots sont synonymes. 4 »
Veilliers, fabricants de vrilles. Ils appartenaient à la corporation des févres. 3 2
Veluet (qui fait le), ouvrier en velours. 1 »
Verriers, voirriers, verriers. 17 14
Viroliers, faiseurs de viroles. Cf. garnisseeurs. 3 5
Voirrières. » 1

Disons maintenant dans quelles branches d’industrie Paris se distinguait et s’était fait une réputation. La draperie parisienne, sans atteindre le même développement que celle de Flandre, avait pris une assez grande extension. La capitale était une des villes «drapantes» qui composaient la hanse de Londres[48]. L’étoffe de laine qu’on y fabriquait sous le nom de biffe jouissait d’une grande renommée[49]. Le Dit du Lendit rimé parle des draps parisiens[50] qui sont également mentionnés dans les tarifs des marchandises vendues aux foires de Champagne[51]. De tous les gens de métiers inscrits dans le rôle de 1313, les drapiers sont certainement les plus imposés, et par conséquent les plus riches. Il en est dont la cote s’élève à 24 livres, à 30 liv., à 127 liv., à 135 liv., et c’est un drapier qui supporte la plus forte contribution du rôle, qui est de 150 livres[52].

La mercerie était aussi très-florissante à Paris et y attirait un grand concours de marchands de tous les pays[53]. Le commerce des merciers comprenait des objets très-divers, dont la fabrication exigeait déjà ce goût et ce savoir-faire qui recommandent aujourd’hui les produits parisiens à l’étranger[54].

Enfin la bijouterie parisienne était très-estimée, à en juger par des vers du roman d’Hervis qui la mettent sur le même rang que les draps de Flandre[55].

L’activité industrielle et commerciale se déployait surtout sur la rive droite de la Seine qu’on appelait le quartier d’outre Grand-Pont. Les artisans de même profession étaient fréquemment groupés dans le même quartier; mais il ne faut pas considérer cet usage comme étant d’une constance absolue, car les artisans et les consommateurs avaient un intérêt commun à ce que chaque industrie n’eût pas un centre unique, les premiers pour ne pas se faire une concurrence préjudiciable, les seconds pour trouver à leur portée les produits dont ils avaient besoin. Aussi, quand on parcourt les registres des tailles de 1292, de 1300 et de 1313, ne s’étonne-t-on pas de la diversité des métiers qui s’exerçaient, pour ainsi dire, côte à côte. Cependant le nom seul de certaines rues, qui s’est conservé jusqu’à nos jours, prouverait qu’elles étaient, à l’origine du moins, le siége d’une industrie spéciale. Le nom de la Mortellerie est expliqué par le passage suivant: «... en la rue de la Mortèlerie, devers Saine, où l’on fait les mortiers[56]...» La population de la Tannerie se composait en majorité de tanneurs[57]. Les selliers, les lormiers et les peintres étaient domiciliés en grand nombre dans la partie de la Grant Rue ou rue Saint-Denis, qui s’étendait depuis l’hôpital Sainte-Catherine jusqu’à la porte de Paris, et qui était appelée la Sellerie[58]. La rue Erembourg de Brie portait aussi le nom de rue des Enlumineurs, qu’elle devait à la profession de ses habitants composés presque exclusivement d’enlumineurs, de parcheminiers et de libraires[59]. C’était dans les rues Trousse-Vache et Quincampoix que les marchands de tous les pays venaient s’approvisionner de mercerie[60]. Les tisserands étaient établis dans le quartier du Temple, rue des Rosiers, des Ecouffes, des Blancs-Manteaux, du Bourg-Thibout, des Singes ou Perriau d’Etampes, de la Courtille-Barbette et Vieille-du-Temple[61]. Jean de Garlande nous apprend que les archers, c’est-à-dire les fabricants d’arcs, d’arbalètes, de traits et de flèches, avaient élu domicile à la Porte Saint-Ladre[62]. On comptait un grand nombre de fripiers dans la paroisse des Saints-Innocents[63]. Les attachiers demeuraient sur la paroisse Saint-Merry, car, durant le carême, ils cessaient de travailler quand complies sonnaient à cette église[64].

Ces agglomérations, dont nous pourrions donner d’autres exemples, s’expliquent par plusieurs causes. D’abord, les membres d’une association, unis par des occupations et des intérêts communs, ont une tendance naturelle à se grouper. Indépendamment de cette cause générale, plusieurs corps de métiers étaient attirés dans certains quartiers par les exigences de leurs industries, d’autres ne pouvaient s’en écarter pour des raisons d’hygiène ou de police. Certaines industries, telles que la teinturerie, ne pouvaient s’exercer que dans le voisinage d’un cours d’eau[65]. Au mois de février 1305 (n. s.), Philippe le Bel rétablit les changeurs sur le Grand-Pont, qu’ils occupaient déjà avant sa destruction, et défendit de faire le change ailleurs[66]. Il est aisé de découvrir le motif de cette interdiction: le commerce de l’argent, se prêtant à des fraudes nombreuses, nécessitait une surveillance active que la réunion des changeurs dans un lieu aussi fréquenté que le Grand-Pont, rendait beaucoup plus facile[67]. C’est sans doute pour la même raison que le prévôt de Paris assigna aux billonneurs une place nouvellement créée vis-à-vis de l’Écorcherie, au bout de la Grande-Boucherie. Plusieurs obtinrent de rester dans la rue au Feurre, en représentant qu’elle était située au centre de Paris, près de la rue Saint-Denis, la plus commerçante de la ville, et dans le voisinage des Halles. Les billonneurs domiciliés sur le Grand et le Petit-Pont furent compris dans cette exception, les autres durent se conformer à la mesure prise par le prévôt[68]. En 1395, le procureur du roi au Châtelet voulait obliger les mégissiers qui corroyaient leurs cuirs dans la Seine depuis le Grand-Pont jusqu’à l’hôtel du duc de Bourbon, à transporter plus en aval leur industrie, parce qu’elle corrompait l’eau nécessaire aux riverains et aux habitants du Louvre et dudit hôtel[69].

L’intérêt de la salubrité publique avait fait placer les boucheries hors de la ville[70], parce qu’à cette époque on avait l’habitude d’y abattre et d’y équarrir les bestiaux. La Grande-Boucherie ne fit partie de Paris que depuis l’agrandissement de la capitale par Philippe-Auguste. Elle était située au nord du Grand-Châtelet[71], et désignée aussi sous les noms de boucherie Saint-Jacques, du Grand-Châtelet et de la porte de Paris. Elle se composait de trente et un étaux et d’une maison commune nommée le four du métier, parce que le maître et les jurés y tenaient leurs audiences[72].

Les étaux des bouchers de Sainte-Geneviève se trouvaient dans la rue du même nom. Ils y jetaient le sang et les ordures de leurs animaux et avaient fait pratiquer à cette fin un conduit qui allait jusqu’au milieu de la voie. Un arrêt du Parlement, du 7 septembre 1366, les obligea à abattre, vider et apprêter les bestiaux hors Paris, au bord d’une eau courante[73].

Dom Bouillart attribue à Gérard de Moret, abbé de Saint-Germain des Prés, la création de la boucherie du bourg de ce nom[74]. Cependant, Jaillot assure que des actes du XIIe siècle font mention des bouchers de Saint-Germain[75]. Quoi qu’il en soit, par une charte du mois d’avril 1274-75, l’abbé Gérard loua à perpétuité aux bouchers y dénommés et à leurs héritiers seize étaux, situés dans la rue conduisant à la poterne des Frères mineurs, et appelée depuis rue de la Boucherie[76]. Le loyer de ces seize étaux s’élevait à 20 livres tournois, payables aux quatre termes d’usage à Paris, et était dû solidairement par chaque boucher. Le nombre ne pouvait en être augmenté ni diminué sans l’autorisation de l’abbé. Ceux qui devenaient vacants par la mort ou l’absence du locataire, ne pouvaient être loués qu’à des personnes originaires du bourg, et pour une somme qui ne devait pas dépasser 20 sous parisis. La vacance ou même la destruction de l’un d’eux n’opérait pas de réduction dans le loyer dont le taux restait fixé à 20 livres. Le défaut de payement amenait la saisie des biens meubles de tous les bouchers ou de l’un d’eux (communiter vel divisim), jusqu’à l’acquittement intégral de la dette. L’abbaye avait aussi la faculté de confisquer leurs viandes en cas de non-payement ou de violation d’une clause du bail. Dans la suite, les bouchers qui occupaient alors les étaux, convertirent spontanément les livres tournois en livres parisis et augmentèrent par là le loyer d’un quart. La charte rédigée à cette occasion, le mercredi 29 mars 1374 (n. s.), constate deux autres modifications apportées au bail. Le boucher sur lequel la saisie avait été opérée pour le tout eut désormais, contre ses codébiteurs solidaires, un recours dont la première charte ne parle pas, et l’étranger qui épousait une femme native du bourg, fut admis à s’y établir boucher pendant la durée du mariage. Indépendamment de ces seize étaux, la même rue en contenait trois autres qui ne sont pas compris dans le bail. L’abbé Richard, de qui émane la charte, prévoyant le cas où ce nombre augmenterait, se réserva, ainsi qu’à ses successeurs, le droit de les louer à des bouchers connaissant bien leur état et nés à Saint-Germain[77].

La fondation d’une nouvelle boucherie rencontrait l’opposition des bouchers du Châtelet, qui y voyaient une atteinte à leur monopole. Ils eurent un procès devant le Parlement avec les Templiers, au sujet d’une boucherie que ceux-ci faisaient construire dans une terre, sise aux faubourgs de Paris. Les adversaires des Templiers prétendaient être en possession d’instituer leurs fils bouchers avec la faculté d’exercer cette industrie pour toute la ville, sous la condition de l’autorisation royale[78]. Personne, disaient-ils, fût-ce un seigneur justicier, ne pouvait créer des bouchers, ni construire une boucherie à Paris ou dans les faubourgs, à l’exception de ceux qui en avaient depuis un temps immémorial. Philippe III, avec leur assentiment, accorda aux Templiers la permission d’avoir hors des murs deux étaux, dont la longueur ne devait pas dépasser douze pieds, et d’y établir deux bouchers, qu’ils ne seraient pas obligés de prendre parmi les fils de maîtres[79]. Il était permis à ces bouchers de faire écorcher et préparer les bestiaux par leurs garçons, mais ils étaient tenus de les dépecer et de les vendre en personne. Le roi les affranchit de tous les droits auxquels la corporation était sujette, en déclarant qu’il n’entendait pas porter atteinte par cette concession aux usages et priviléges de ladite corporation[80]. Cette transaction, datée du mois de juillet 1282, nous fait connaître l’origine de la boucherie du Temple.

Le 2 novembre 1358, le dauphin Charles autorisa le prieuré de Saint-Éloi à établir six étaux à bouchers dans sa terre située près de la porte Baudoyer et au delà de la porte Saint-Antoine. Le prieur obtint cette faveur en faisant valoir la commodité qu’elle procurerait aux habitants du quartier Saint-Paul, dont toutes les boucheries se trouvaient fort éloignées, et l’exemple de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés et du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, qui avaient des boucheries dans les faubourgs[81].

L’évêque de Paris possédait un étal situé entre la grande et la petite porte de l’Hôtel-Dieu. Cette position causant beaucoup d’incommodité aux malades et aux personnes de la maison, l’évêque et l’hospice s’accordèrent pour qu’il fût transporté plus loin, dans la rue Neuve-Notre-Dame, à condition qu’il resterait sous la juridiction du prélat, et que le boucher qui l’occuperait conserverait ses priviléges. Philippe de Valois consentit à l’un et à l’autre, au mois de décembre 1345[82].

Mentionnons enfin la boucherie du bourg de Saint-Marcel et celle du Petit-Pont, qui était sous la juridiction de Saint-Germain-des-Prés[83].

Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris au XIIIe et au XIVe siècle

Подняться наверх