Читать книгу Le tour de France en aéroplane - H. de Graffigny - Страница 21

LA PREMIÈRE SORTIE DU «RÉVILIOD N° 1»

Оглавление

Table des matières

PREMIERS VOLS DES HOMMES-OISEAUX A AÉROVILLA.—UN ACCIDENT DE MONOPLAN.—Au GARAGE D'ÉCANCOURT.—FRUSCOU PILOTE.—LES GRANDES TERREURS DE CE BON M. FIRMIN.—QUARANTE KILOMÈTRES A L'HEURE CONTRE LE VENT.—Au DESSUS D'AÉROVILLA.—LA RANCUNE DU «PETIT BISCUITIER».—MESSIEURS, LA SÉANCE CONTINUE!

—Attention au virage, Monsieur Robert!... Pesez sur le levier de gauchissement en même temps que moi!... Suivez le mouvement, et, en même temps, braquez le gouvernail à droite... Là! ça y est!... Vous voyez que ce n'est pas bien difficile!... Maintenant, je vous laisse manoeuvrer seul pour le prochain virage...

—Je crois avoir compris. Je vais essayer, vous rectifierez si je fais un écart...

—C'est cela!... Allez-y franchement et sans hésiter!... Hé bien, voilà qui est fait et bien réussi. Maintenant, embrayez les hélices ascensives pour l'atterrissage!... Boum!!... C'est encore un peu brutal, mais avec un peu plus d'expérience, vous ramènerez l'appareil au sol aussi doucement qu'un pigeon qui vient se poser sur une branche.

Le marquis de La Tour-Miranne, qui prenait sa leçon de conduite en compagnie du constructeur de son appareil, le digne Martin Landoux, arrêta son moteur en retirant sa fiche de contact et sauta à terre.

—Eh bien, président, dit d'une voix joviale le secrétaire général de l'Aéro-tourist-club, en s'approchant, cela marche, à ce que je vois, l'apprentissage du métier d'oiseau?...

—Oh!... j'ai encore à faire avant d'acquérir la capacité d'un Wright ou d'un de ses émules. Je viens seulement de m'essayer à exécuter seul mon premier virage..

—Et vous avez réussi, je crois?...

—A peu près, mais je manque encore d'assurance, il y a du flottement.

—Cela viendra à la longue!... déclara Martin Landoux, intervenant dans la conversation. Étiez-vous aussi habile, le deuxième jour que vous avez conduit une automobile de vitesse, un racer ou même une simple bicyclette, qu'après une semaine d'usage?... Non, probablement. Eh bien! il en est de même pour l'aéroplane, et vous ne devez pas vous étonner de n'être pas encore passé maître après une demi-douzaine seulement de vols. Dans quinze jours, ce sera bien différent, vous verrez!...

—J'en accepte l'augure, mon cher Landoux, et j'espère que, sous votre habile direction, je ne tarderai pas à devenir un élève passable.

—Passable!... se récria l'inventeur, vous plaisantez, monsieur Robert; je suis sûr que vous serez, au contraire, plus adroit que moi. Vous êtes jeune, vous, tandis que je commence à me rouiller et je n'ai déjà plus la promptitude d'action que j'avais à l'époque où je conduisais des autos en course aux circuits du Taunus ou de la Sarthe!...

—Vous êtes trop modeste, mon cher professeur, car vous êtes et vous resterez certainement notre maître à tous. Enfin, êtes-vous, en général, satisfait de vos apprentis?...

—Je serais difficile, en vérité, monsieur le mar... non, monsieur Robert, puisque vous ne voulez pas que je vous donne votre titre et que vous exigez d'être appelé par votre prénom. Oui, je serais difficile, car je vous avoue franchement que je ne comptais pas sur des progrès aussi rapides...

—Il est de fait, interrompit Médouville, que cela ne paraît pas très difficile à manoeuvrer, un aéro de votre fabrication. Pour ma part, et après les quelques leçons que vous m'avez données, il me semble que je parviendrai aussi à m'en tirer.

—Voyez messieurs Médrival et Bourdon, ils ont déjà exécuté leur premier vol sans aucune aide!...

—C'est vrai, mais Bourdon a cassé son hélice et Médrival démoli ses roues porteuses en reprenant terre.

—On ne fait pas d'omelettes sans casser d'oeufs, messieurs, et il faut vous attendre que cela vous arrivera aussi pendant vos essais.

—Heureusement, conclut Médouville, qu'il y a là votre équipe toute prête à raccommoder le bois que l'on viendra à casser. Je compte surtout sur le cambouisard mal dégauchi que je vous ai recommandé et que vous avez eu la bonne idée de faire venir ici. Il n'a pas l'air maladroit du tout...

La conversation entre les trois hommes fut interrompue par l'arrivée d'un quatrième personnage, qui s'avança vers eux la main tendue.

—Tiens!... dit cordialement La Tour-Miranne, c'est notre ami Damblin. Quoi de neuf?...

—Je vais tenter la chance avec mon mono. Le temps me semble propice.

—Mais je croyais que votre moteur ne vous donnait pas entièrement satisfaction?...

—Dites que c'était un clou, mon cher ami, un vrai clou, et vous serez dans le vrai!

—Alors?...

—Alors, je n'ai pas hésité, je l'ai balancé par-dessus bord et remplacé par un rotatif qui m'a paru tourner à merveille chez son constructeur. Ah! mes amis, le moteur, le moteur, c'est là le hic de l'aéroplane!... Enfin, nous allons voir: on vient de le mettre en place, je l'ai essayé à vide, il n'avait pas un raté. Je fais donc sortir mon mono...

—Décidément, vous préférez le monoplan au biplan?... Vous êtes, comme eût dit l'humoriste Alphonse Allais, un type dans le genre de Blériot et de Latham!...

—Et vous, vous voulez concurrencer le comte de Lambert et Farman, avec vos biplans?...

—L'expérience nous mettra tous d'accord!... déclara le président d'un ton conciliant. Nous serons très aises, mon cher Damblin, d'assister et d'applaudir à vos évolutions.

—Oh! ce ne va pas être long, attendez!...

L'appareil venait d'être sorti de son hangar et amené sur la piste sablée. Les mécaniciens s'empressaient autour de lui, et, parmi eux, on pouvait remarquer Charles Bader dit Charlot, en tenue bleue comme ses camarades, sa tignasse jaune recouverte de son éternelle casquette de cuir graisseuse, et qui s'agitait, affairé, une énorme clé anglaise à la main.

Le jeune ingénieur, très à l'aise et maître de lui, avait grimpé agilement à bord de l'oiseau artificiel aux larges ailes grises fortement incurvées, de manière à former une surface très concave d'avant en arrière. Deux ailerons de forme identique mais beaucoup plus petits étaient disposés obliquement de chaque côté de l'extrémité du fuselage. L'hélice, d'assez grandes dimensions, était en bois et placée à l'avant. Elle recevait son mouvement par un arbre à cardans la réunissant à l'arbre du moteur dont les trois cylindres tournaient à grande vitesse autour de l'arbre de couche, afin de le refroidir.

—En avant!... cria-t-il à l'aide chargé de la mise en marche du moteur.

Celui-ci imprima une vigoureuse impulsion aux ailes de l'hélice qui se mit à tourner, entraînant le moteur dont les détonations se succédèrent de plus en plus rapidement. Sous la vigoureuse traction du propulseur, l'appareil s'ébranla, les roues de son chariot de support roulant sur la piste. La vitesse s'accrut, et soudain le grand oiseau se décolla du sol et s'éleva graduellement suivant une pente presque insensible, tout en s'éloignant vers l'extrémité de l'aérodrome.

Quelques minutes s'écoulèrent, puis on entendit le sourd bourdonnement de l'hélice et le bruit de simandre du moteur. L'aéroplane, qui avait décrit un demi-cercle, revenait à tire-d'aile et les moindres détails de son gréement devenaient de plus en plus perceptibles à l'oeil. Arrivé au-dessus du petit groupe formé par La Tour-Miranne et ses amis, il voulut virer, mais l'ingénieur mit sans doute trop de précipitation dans la commande du gouvernail, car ses plans s'inclinèrent sous la poussée de la brise soufflant latéralement, l'appareil donna de la bande comme un navire couché par la lame, et la pointe d'une aile vint toucher le sol. Ce frottement intempestif fit pivoter l'aéroplane qui s'abattit avec un fracas caractéristique de bois éclatant en morceaux.

—Allons!... en voilà déjà un hors de combat!... grommela entre ses dents le tortueux Charlot.

Plein d'angoisse, craignant de trouver l'aviateur novice gravement blessé sous les débris de son véhicule aérien, le jeune président s'était précipité vers le lieu de l'accident, mais déjà Damblin s'était dégagé et debout devant sa machine effondrée il la considérait piteusement.

—Je viens d'en faire du propre!... murmura-t-il. Diable de virage!...

—Vous n'avez pas de mal, vous n'êtes pas blessé?... lui demanda anxieusement Robert.

—Moi?... Non, je n'ai rien, merci!... Mais mon pauvre aéro, dans quel état!...

Martin Landoux, qui s'était rapproché, fit le tour de l'appareil en l'examinant attentivement.

—Bah!... ce n'est rien, dit-il enfin. Il faut bien payer son expérience, et le principal c'est que vous n'ayez pas écopé!

—Oui, mais mon appareil est en morceaux!...

—Rassurez-vous, on vous le réparera, votre instrument, il ne s'agit que de quelques morceaux de bois à changer; la partie mécanique n'a pas l'air d'avoir souffert, c'est ce qui a le plus d'importance. Cela vous retardera simplement un peu dans votre entraînement. Quand vous reprendrez vos essais, vous vous rappellerez seulement qu'il ne faut pas essayer des virages trop près du sol. Il faut toujours s'élever un peu avant une entrée en courbe et agir doucement et par petits coups répétés sur le gouvernail, en même temps que sur le dispositif de gauchissement.

Le constructeur se tourna vers l'équipe de mécaniciens.

—Allons, vous autres, ajouta-t-il, ramenez l'appareil à l'atelier et démontez-le pour remplacer les pièces avariées par le choc!

Le marquis de La Tour-Miranne avait pris affectueusement le bras de l'ingénieur qui demeurait navré de sa maladresse.

—Voyons, ne vous frappez pas pour si peu, mon bon Damblin, lui dit-il amicalement. Il faut quelquefois payer cher le succès, mais il reste définitivement aux persévérants.

—Vous êtes bon, vous!... marmotta le débutant. En attendant que ma sottise soit réparée, je vais rester les bras croisés à vous admirer!

—Est-ce que Garuel n'a pas aussi un monoplan analogue au vôtre?... Empruntez-le-lui.

—Pour que je le réduise également à l'état de débris d'allumettes?... Je doute fort qu'il consente à me le prêter après ce qui vient de m'arriver!...

—Bah!... c'est un accident sans importance, appuya Médouville, et il est probable que vous ne serez pas le seul à qui cela arrivera. Ne vous chagrinez donc pas, puisque, après tout, vous vous êtes tiré indemne de votre pirouette!...

Cette prédiction pessimiste du Mécène des inventeurs devait malheureusement se réaliser plus d'une fois au cours de cette période d'apprentissage.

Alors que le temps s'était maintenu au beau pendant la première quinzaine du mois d'avril, époque où s'était produite la scène qui vient d'être racontée, il changea avec le dernier quartier de la lune; des averses fréquentes détrempèrent les pelouses d'Aérovilla, et la vitesse du vent, jusqu'alors modérée, s'accrut sensiblement. Ce ne fut que pendant quelques rares minutes, le matin après le lever du soleil, le soir avant le coucher de cet astre, que les apprentis pilotes purent tenter quelques brèves envolées. Les progrès ne furent donc que peu sensibles pendant cette période, et les plus longs parcours effectués ne dépassèrent pas une demi-heure comme durée totale.

Le tour de France en aéroplane

Подняться наверх