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IX

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Avant de quitter Saint-Aubin, Léon avait envoyé une dépêche pour qu'on préparât à Madeleine un appartement dans la maison de la rue de Rivoli,—celui que sa soeur occupait avant son mariage.

En arrivant il la conduisit lui-même à son appartement:

—Te voilà chez toi, dit-il; tu vois que cette chambre est celle de Camille; maintenant elle est la tienne: la soeur cadette prend la place de la soeur aînée.

Il se dirigea sers la porte de sortie, mais après avoir fait quelques pas il revint en arrière:

—Tu vas sans doute manquer de beaucoup de choses; ne t'en inquiète pas trop, mon intention est d'aller ce soir ou demain à Rouen pour m'occuper des affaires de mon oncle, tu me donneras une liste de ce que tu veux et je le rapporterai.

—J'aurais voulu aller à Rouen.

—Pourquoi?

—Mais....

Elle hésita.

Aussitôt il lui vint en aide:

—Tu voudrais aussi, n'est-ce pas, t'occuper de ses affaires?

Elle inclina la tête avec un signe affirmatif.

—Sois tranquille, elles seront arrangées à la satisfaction de tous; aussi bien à l'honneur de ... mon oncle, qu'à l'intérêt de ceux avec qui il était en relations; je ne ferai rien sans te consulter. Mais c'est trop causer. À tantôt!

Elle le retint

—Un seul mot.

—Mais....

—Mieux vaut le dire tout de suite que plus tard, puisqu'il est douloureux et qu'il doit être dit: ces affaires sont embarrassées ... très-embarrassées; nous avons des dettes qui certainement dépasseront notre avoir; de combien, je ne sais, car mon pauvre papa, pour ne pas m'effrayer, ne me disait pas tout; mais enfin ces dettes se révéleront assez lourdes, je le crains: qu'il soit bien entendu que je veux qu'elles soient toutes payées.

—C'est bien ainsi que je le comprends.

—On n'est pas la fille d'un magistrat sans entendre parler des choses de la loi; j'ai des droits à faire valoir comme héritière de ma mère; j'abandonne ces droits, j'abandonne tout, je consens à ce que tout ce que je possède soit vendu pour que ces dettes soient payées.

Mais Léon ne partit pas le soir pour Rouen comme il le désirait, car il trouva rue Royale une dépêche de son père annonçant son arrivée à Paris pour le soir même.

Ce que Léon voulait en se rendant à Rouen, c'était prendre connaissance des affaires de son oncle, et dire aux créanciers qui allaient s'abattre menaçants qu'ils n'avaient rien à craindre, qu'ils seraient payés intégralement et qu'il le leur garantissait, lui Léon Haupois-Daguillon, de la maison Haupois-Daguillon de Paris.

Son père à Balaruc, cela lui était facile, il n'avait personne à consulter, il agissait de lui-même, dans le sens qu'il jugeait convenable.

Mais l'arrivée de son père à Paris changeait la situation.

Il fallait laisser à celui-ci le plaisir de sa générosité envers cette pauvre Madeleine; cela était convenable, cela était juste, et, de plus, cela était, jusqu'à un certain point, habile; on s'attache à ceux qu'on oblige; le service rendu serait un lien de plus qui attacherait son père à Madeleine; il l'aimerait d'autant plus qu'il aurait plus fait pour elle.

C'était par le train de six heures que M. et madame Haupois-Daguillon devaient arriver à la gare de Lyon. À six heures moins quelques minutes, Léon les attendait à la porte de sortie des voyageurs. Tout d'abord il avait pensé à demander à Madeleine si elle voulait l'accompagner, ce qui eût été une prévenance à laquelle son père et sa mère auraient été sensibles; mais la réflexion l'avait fait vite renoncer à cette idée; il ne pouvait pas, à Paris, sortir seul avec Madeleine.

De la gare de Lyon à la rue de Rivoli, le temps se passa pour M. et madame Haupois en questions, pour Léon en récit.

Il y avait une demande qu'il attendait et pour laquelle il avait préparé sa réponse: «Comment était-il arrivé à Saint-Aubin juste au moment de la mort de son oncle?»

Ce fut sa mère qui la lui posa:

Son explication fut celle qu'il avait déjà donnée à Madeleine: le médecin de Rouen qu'il rencontre par hasard et qui le prévient que son oncle est menacé de devenir aveugle.

Cette histoire du médecin avait l'inconvénient de ne pas expliquer la lettre de son oncle; mais devait-on supposer que Savourdin parlerait de cette lettre? Cela n'était pas probable; si contre toute attente le vieux caissier en parlait, il serait temps alors de l'expliquer d'une façon telle quelle.

Élevé par un père et une mère qui l'aimaient, Léon n'avait pas été habitué à mentir, aussi se serait-il assez mal tiré de son récit fait dans le calme et en tête à tête avec ses parents; mais en voiture, au milieu du bruit et des distractions, il en vint à bout sans trop de maladresse.

En entrant dans le salon où Madeleine se tenait, M. Haupois-Daguillon ouvrit ses bras à sa nièce et l'embrassa tendrement.

Puis après l'oncle vint la tante.

Mais ce fut plutôt en père et en mère qu'ils l'accueillirent qu'en oncle et en tante.

Madame Haupois-Daguillon eut soin d'ailleurs de bien marquer cette nuance:

—Désormais cette maison sera la tienne, lui dit-elle, et tu trouveras dans ton oncle un père, dans Léon un frère; pour moi tu peux compter sur toute ma tendresse.

Madeleine était trop émue pour répondre, mais ses larmes parlèrent pour elle.

Madame Haupois Daguillon était depuis trop longtemps éloignée de sa maison de commerce pour ne pas vouloir reprendre dès le soir même les habitudes de toute sa vie; aussi, malgré les fatigues d'un voyage de vingt-deux heures, voulut-elle, après le dîner, aller coucher rue Royale.

—Je vais t'accompagner, lui dit son fils.

À peine dans la rue, Léon se pencha à l'oreille de sa mère:

—Comment trouves-tu Madeleine? lui demanda-t-il.

L'intonation de cette question était si douce, que madame Haupois-Daguillon s'arrêta surprise et, s'appuyant sur le bras de son fils, elle força celui-ci à la regarder en face:

—Pourquoi me demandes-tu cela? lui dit-elle.

—Mais pour savoir ce que tu penses maintenant de Madeleine, que tu n'avais pas vue depuis deux ans.

—Et pourquoi tiens-tu tant à savoir ce que je pense de Madeleine?

—Pour une raison que je te dirai quand tu auras bien voulu me répondre.

Ces quelques paroles s'étaient échangées rapidement; la voix du fils était émue; celle de la mère était inquiète.

Cependant tous deux avaient pris le ton de l'enjouement.

—Sur quoi porte ta question? demanda madame Haupois-Daguillon, qui paraissait vouloir gagner du temps et peser sa réponse avant de la risquer.

—Comment sur quoi? Mais sur Madeleine, puisque c'est d'elle que je te parle.

—J'entends bien, mais toi aussi tu m'entends bien; tu me demandes comment je trouve Madeleine; est-ce de sa figure que tu parles? de son esprit, de son coeur, de son caractère?

—De tout.

—Quand je voyais Madeleine, elle était une bonne petite fille, intelligente.

—N'est-ce pas?

—Douce de caractère et d'humeur facile.

—N'est-ce pas? et pleine de coeur.

—Elle était tout cela alors, mais ce qu'elle est maintenant je n'en sais rien; deux années changent beaucoup une jeune fille.

—Assurément, mais moi qui, depuis dix jours, vis près d'elle, je puis t'assurer que, s'il s'est fait des changements dans le caractère de Madeleine, ils sont analogues à ceux qui se sont faits dans sa personne.

—Il est vrai qu'elle a embelli et qu'elle est charmante.

—Alors que dirais-tu si je te la demandais pour ma femme?

—Je dirais que tu es fou.

Cara

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