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VII

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Lorsqu'elle sortit enfin de sa longue crise nerveuse, sa première parole fut une prière adressée à son cousin:

—La marée basse aura lieu cette nuit à une heure, dit-elle; tu m'accompagneras, n'est-ce pas?

Elle ne dit point où elle voulait aller ni ce qu'elle voulait faire, mais il n'était pas nécessaire qu'elle s'expliquât plus clairement pour être comprise de Léon.

—Nous irons ensemble, répondit-il.

Mais ce n'était pas seuls qu'ils pouvaient tenter la recherche que Madeleine demandait; qu'eussent-ils pu faire sur la grève, au milieu des rochers, en pleine nuit?

Abandonnant Madeleine un moment, Léon s'entendit avec la propriétaire pour que celle-ci s'occupât de réunir une dizaine d'hommes de bonne volonté, marins ou pêcheurs, qui les accompagneraient la nuit sur les îles de Bernières, munis de torches ou de lanternes; puis, cela fait, il envoya un mot à M. Soullier, en le priant de retrouver quelques-unes des personnes qui avaient vu disparaître M. Haupois dans la fosse, et qui par conséquent pouvaient indiquer d'une façon exacte la place où il avait disparu.

Et, ces dispositions prises, il revint vers Madeleine, non pour détourner ou étourdir son désespoir par de banales paroles de consolation, mais pour être près d'elle, pour qu'elle ne fût pas seule.

Elle marchait en long et en large; tournant autour de la table devant laquelle il s'était assis, puis, quand dans le silence arrivait le ronflement de la mer qui battait son plein, elle s'arrêtait parfois tout à coup, et avec un tressaillement qui la secouait de la tête aux pieds elle écoutait; la brise passait, la plainte des vagues s'éteignait et Madeleine reprenait sa marche.

Parfois aussi elle restait immobile devant son cousin, et alors, comme si elle se parlait à elle-même, elle répétait un mot que dix fois, que vingt fois déjà elle avait dit:

—Mais comment ne l'a-t-on pas secouru?

Vers dix heures, on entendit dans la pièce voisine un bruit de pas lourds et de voix étouffées; c'étaient les marins et les pêcheurs, qui arrivaient: Léon en avait demandé dix, une vingtaine répondirent à son appel, car en apprenant la mort de M. Haupois et le service qu'on demandait, chacun avait voulu venir en aide au chagrin de cette pauvre jeune fille qui pleurait son père; et puis sur les côtes on est compatissant aux catastrophes causées par la mer; aujourd'hui notre voisin, demain nous-même.

Quand Madeleine entra dans la pièce où ces gens étaient réunis, tous les bonnets de laine se levèrent devant elle, et ces rudes visages halés par la mer exprimèrent la compassion et la sympathie; cela s'était fait silencieusement, sans que personne dit un seul mot.

Alors un homme sortit du groupe et s'avança vers Madeleine.

C'était un pêcheur nommé Pécune, dont le père et le fils avaient été noyés, trois mois auparavant, dans une de ces sautes de vent si fréquentes et si dangereuses sur ces côtes sans ports, où les barques de pêche qui doivent échouer par tous les temps sur la grève presque plate sont mal construites pour résister à un coup de vent.

—Mademoiselle, dit-il, comptez sur nous: j'ai retrouvé mon père, nous retrouverons le vôtre.

Un autre s'avança aussi d'un pas:

—La mer ne garde rien, tout le monde sait cela, mademoiselle.

Madeleine voulut prononcer une parole de remercîment, mais de sa gorge contractée il ne sortit qu'un son étouffé et qu'un sanglot.

On se mit en marche, Madeleine enveloppée dans un manteau et s'appuyant sur le bras de Léon, qui la guidait; les pêcheurs s'avançant par groupes de deux ou trois, silencieux.

—En peu de temps, par les rues sombres et désertes du village, ils arrivèrent sur la grève; la mer s'était déjà retirée à une assez grande distance, et le sable humide réfléchissait çà et là avec des miroitements argentins la lumière de la lune, dont le disque commençait à s'échancrer; il soufflait une brise de terre qui poussait les nuages vers l'embouchure de la Seine, et, de ce côté, ils s'entassaient en des profondeurs sombres au milieu desquelles scintillaient les deux yeux des phares de la Hève.

Madeleine eut un frisson, et ses doigts se crispèrent sur le bras de son cousin: la vague, qui déferlait sur la plage, frappait sur son coeur.

En moins d'une demi-heure, par la grève, ils arrivèrent devant le sémaphore de Bernières; alors trois ombres se détachèrent de la terre pour venir au-devant d'eux sur la plage: M. Soullier et deux pêcheurs qui avaient vu la catastrophe.

Mais les recherches ne purent pas commencer aussitôt, car la marée lente à descendre était encore trop haute: il fallut attendre; et les hommes se promenèrent de long en large tandis que Madeleine appuyée sur le bras de Léon restait immobile, regardant la mer, se demandant si elle ne se retirerait jamais.

Elle se retira cependant et l'on alluma les torches goudronnées dont les flammes avivées par la brise et reflétées par le sable humide, par les flaques d'eau et par les goëmons ruisselants éclairèrent toute cette partie de la grève à une assez grande distance.

Mais, au moment de commencer les recherches, une discussion s'engagea entre les deux pêcheurs de Bernières sur la question de savoir le point précis où M. Haupois avait été englouti; l'un soutenait que c'était à gauche d'un long rocher encore couvert par la vague écumeuse, l'autre que n'était au contraire à droite.

Cara

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