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II

Madame d’Arçay les attendait dans la grande salle à manger du rez-de-chaussée. Elle n’était pas seule. Près d’elle se tenait une belle jeune fille qui arrangeait des fleurs dans un grand vase.

En entendant la porte s’ouvrir, cette jeune fille se retourna. En apercevant Armand, elle rougit.

–Corbleu! pensa André Gérard, il a bon goût, l’ami Armand!…

Il était difficile, en effet, de voir une créature plus belle et plus gracieuse que Marguerite de Trémeillan, et Gérard avait raison de féliciter tout bas Armand, qui avait su se faire aimer d’elle.

Marguerite était accourue au-devant d’Armand et lui avait pris les deux mains. En apercevant un étranger, elle recula, un peu surprise et rougit de nouveau.

–Ma chère Marguerite, dit Armand, je vous présente un de mes plus vieux amis, un ami d’enfance, M. Gérard, qui veut bien être notre hôte pendant quelques jours.

Puis, se tournant vers le jeune peintre et lui montrant Marguerite:

–Mademoiselle de Trémeillan, ma fiancée.

Il mit dans ces deux mots un accent si pénétré, si ému, que Gérard se sentit remué. Le brave garçon était un de ces naïfs qui se mettent à genoux devant l’amour toutes les fois qu’ils le rencontrent. Et il devinait que ces deux jeunes gens s’aimaient à plein cœur.

–Mademoiselle, dit-il, je suis tenté de gronder Armand. Depuis deux heures que nous bavardons, il ne m’a pas dit ce qui devait l’intéresser le plus.

–Il ne vous a pas parlé de moi, n’est-il pas vrai?

Et la jeune fille leva un doigt vers Armand, d’un air de reproche.

–Je voulais lui ménager une surprise, ma chère Marguerite.

–Dites plutôt que vous êtes un timide…

–Qui n’ose avouer son bonheur. Eh bien! cela est vrai. Je ne puis croire que vous consentiez réellement à devenir ma femme. C’est pour moi un rêve, un événement miraculeux auquel j’ai peine à ajouter foi.

Et Armand, interdit comme un enfant, baissait les yeux et n’osait s’approcher d’elle.

–Eh bien! oui, je vous aime, dit-elle gaiement en courant au devant de lui et en lui mettant ses deux mains sur les épaules. Voilà ma déclaration faite. Êtes-vous heureux? N’aurez-vous plus peur? Oserez-vous m’avouer à vos amis?

Pour toute réponse, Armand saisit ses deux mains et les baisa avec transport, tandis qu’André se répétait à lui-même, pour la deuxième fois, que son ami était un homme heureux d’être aimé par cette belle et charmante enfant.

–Voyons, mes amoureux, interrompit madame d’Arçay, quittons la poésie et faisons un peu de prose, voulez-vous? A table. Monsieur André, vous m’avez à peine saluée.

André se confondit en excuses. A dire vrai, la beauté de mademoiselle de Trémeillan lui avait fait presque oublier la bonne madame d’Arçay, qui se tenait un peu à l’écart.

Pour réparer son erreur, il vint lui tendre comme autrefois ses deux joues et elle l’embrassa de tout cœur. Le déjeuner fut fort gai.

Lorsqu’il fut terminé, madame d’Arçay ayant reçu une visite qui la retint au salon avec Marguerite, les deux jeunes gens allèrent fumer un cigare dans le jardin.

Ils y étaient à peine depuis quelques instants, lorsqu’un domestique s’approcha d’Armand.

–Que me veux-tu, Baptiste? demanda le jeune homme.

–Il y a là quelqu’un qui désire parler à monsieur, dit le vieux domestique en désignant la grille de la rue, derrière les barreaux de laquelle on apercevait, en effet, une forme noire.

–Eh bien! fais entrer.

–C’est que.

–Quoi?

–Cet homme a une bien mauvaise figure.

–Que me veut-il?

–Il désire voir monsieur pour une affaire, un procès.

–Pardieu! s’écria Armand en se tournant vers son ami qui, resté un peu plus loin, n’avait pas entendu les paroles que le vieux domestique avait prononcées d’une voix très basse.–On m’annonce un client. mon premier client!

–Vraiment! dit Gérard. Je serais curieux de voir la figure de cet heureux mortel qui va pour la première fois s’asseoir dans le magnifique fauteuil vert, sous l’œil paternel de Démosthène… Est-ce au moins ce qu’on appelle un fort client?

Le vieux Baptiste fit une grimace significative.

–Non? tant pis… Après tout, Me d’Arçay n’a pas besoin des deniers du plaideur.

La grille s’ouvrit et un homme parut sur le seuil. Il est probable que le client s’impatientait d’attendre.

–Hum! dit Gérard en jetant un coup d’œil sur lui… Heureusement, il fait jour et nous ne sommes pas au coin d’un bois. Quel visage sinistre!… Ça, dit-il en toisant l’inconnu, c’est une affaire de cour d’assises. Armand, je te félicite; cela vaut mieux qu’un de ces procès civils où tout le monde dort, juges et avocats.. La cour d’assises! les grandes paroles! les grands sentiments! Voilà ce qui te va… Et à moi aussi. Mordieu! J’aurais dû me faire avocat, acheva Gérard en fendant l’air de ses deux grands bras.

–Je vais recevoir cet homme, dit Armand. Fais-le monter, Baptiste. Inutile que ces dames le voient. En vérité, il pourrait leur faire peur. Fais-le monter par le petit escalier.

Baptiste s’inclina et alla rejoindre l’inconnu, avec lequel il entra sous une petite porte donnant sur l’escalier intérieur.

Armand pria en deux mots son ami de l’excuser, gravit légèrement les marches du perron et alla attendre dans son cabinet l’arrivée de son premier client.

Un cas de folie

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