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Cette scène violente jeta dans l’esprit d’Armand d’Arçay des préoccupations dont il ne put se défendre durant le cours de la journée.
Marguerite remarqua l’humeur un peu soucieuse de son fiancé, mais, malgré ses tendres instances, elle ne put en connaître la cause. Armand lui jura que jamais il n’avait été plus heureux. Il prétexta un peu de migraine et se retira de bonne heure dans sa chambre.
André Gérard, que l’attitude préoccupée de son am avait surpris et inquiété, le suivit au moment où il quitta le salon et, en lui mettant la main sur l’épaule:
–Ami Armand, lui dit-il, quelque chose te tourmente… mademoiselle de Trémeillan l’a remarqué. Elle m’a supplié tout à l’heure de connaître la cause de ton humeur un peu sombre… Que dois-je faire, que dois-je lui dire?
–Laisse-moi, répliqua doucement Armand en se dégageant. Marguerite s’est alarmée bien à tort… Qu’a-t-elle donc remarqué en moi d’extraordinaire?
–Je t’en supplie, n’essaie pas de me tromper. Mademoiselle de Trémeillan ne peut deviner ce qui te trouble, mais je le pressens, moi. C’est depuis que cet homme, cet inconnu, est venu te voir, que tu es tourmenté, taciturne… Mais, mon pauvre ami, si tu t’affectes ainsi de toutes les histoires que viendront te raconter tes clients, tu seras le plus malheureux des hommes et le plus larmoyant des avocats.
–Ne plaisante pas, je t’en prie, dit Armand.
Il fit un pas en avant, comme pour s’éloigner. Puis il réfléchit une seconde et, prenant la main de Gérard:
–Tiens, fit-il, je vais te dire ce qui me préoccupe… J’ai besoin de te confier cela et de te demander conseil.
Ils montèrent dans la chambre du jeune avocat et, dès que la porte fut fermée, Armand qui semblait avoir hâte de soulager son cœur, raconta rapidement à Gérard la visite de Jean Torquenié.
Lorsque son récit fut terminé, il regarda le jeune peintre, comme s’il eût attendu son avis.
André Gérard était devenu sérieux. Il fit deux ou trois tours dans la chambre les mains derrière le dos. Puis, venant s’arrêter devant Armand:
–Cela est étrange, dit-il, et je comprends que cette visite t’ait causé une émotion profonde. Mais avant de te donner mon avis là-dessus, je voudrais bien connaître l’histoire de cet homme, les circonstances de son crime, les détails de son procès..–.
–Cette affaire a fait un assez grand bruit autrefois, et la Gazette des Tribunaux a rendu compte des débats. Je te ferai porter ce soir, dans ta chambre, le volume qui contient le procès. Tu le liras, et tu verras qu’il n’y a pas d’incertitude possible. Cet homme a avoué; il s’est reconnu coupable, il a été justement condamné.
–Et cependant, dit André en prenant les mains du jeune avocat, et cependant tu es tourmenté d’un doute affreux, mon pauvre ami, et tu ne peux te défendre d’une profonde inquiétude.
–Non, non, dit Armand avec énergie, je t’affirme que ma conviction est faite. Mon père était cité comme un des premiers magistrats du ressort, comme le juge le plus équitable, le plus austère, le plus habile.–Et puis, enfin, cet homme a avoué!!!
Armand répétait ces mots à tout instant, comme s’il eût éprouvé le désir de se bien prouver à lui-même qu’une erreur avait été impossible et qu’aucune tache ne devait obscurcir la mémoire de son père, pour lequel il gardait un culte si profond et si tendre.
–Fais-moi l’amitié de descendre au salon, reprit Armand d’Arçay. Il ne faut pas que l’on sache que j’ai reçu cet homme. Tu diras que je suis un peu souffrant. Tu diras ce que tu voudras, mais je compte sur ton amitié pour que ni Marguerite ni ma mère ne connaissent ce qui s’est passé aujourd’hui.
André Gérard fit ce que son ami désirait. Il essaya de convaincre Marguerite qu’Armand n’avait aucun sujet de tourment, que le lendemain il n’y paraîtrait plus. Il jura que son ami avait été désolé de se trouver dans cette disposition d’esprit un peu maussade, mais que depuis quelques heures la migraine le faisait cruellement souffrir.
Madame d’Arçay accepta ces explications les yeux fermés. Quant à Marguerite, elle sourit tristement et dit:
–Je veux bien vous croire, monsieur, et croire Armand. S’il avait quelque sérieux sujet d’ennui, j’aime à penser qu’il m’en ferait part. Tout ne doit-il pas être commun entre nous?
Marguerite se retira avec la mère d’Armand. Elle était à Rennes depuis la veille. Son père l’avait envoyée chez madame d’Arçay parce qu’il avait été obligé de visiter une ferme éloignée et qu’il ne voulait pas la laisser seule au château.
Il devait venir la chercher le lendemain.