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CHAPITRE II.
Du principe d’égalité.

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Table des matières

LES peuples qu’on appelle policés, ont entr’eux&respectivement de peuple à peuple, non seulement des Loix écrites, des Traités solemnellement jurés,&c. mais aussi certaines conventions non écrites, au moyen desquelles ils différent plus particulièrement des peuples barbares, qu’ils n’en différent par les Loix écrites. Nous êtions barbares, quoique nous eussions des Loix écrites, &nous le sommes encore à certains égards.

Les mœurs&les usages dérivent naturellement de ces conventions tacites, plus respectées par tout que les Loix; car un homme a plus de moyens pour enfreindre les Loix, que pour se garantir du mépris qui punit l’impudent violateur des bienséances.

Les égards réciproques de Citoyen à Citoyen, de Nation à Nation, découlent de la même source. On sent qu’on ne doit point forcer un Étranger à adopter des usages&des goûts qui le révoltent:&réciproquement un Étranger sent fort bien qu’il doit s’y prêter autant qu’une noble franchise peut le permettre.

C’est ainsi sans doute qu’Alcibiade charma les Lacedémoniens&les Perses. On peut croire qu’il les auroit autant choqués par une servile complaisance, que par un mépris marqué. Il n’auroit pas eû si bonne grace à manger de cette mauvaise sauce des cuisiniers Spartiates, il n’en auroit même pas goûté, si ses hôtes avoient eû la brutalité de vouloir l’y contraindre.

Ce bon Missionnaire, qui, pendant huit jours, mangea sans le sçavoir, de la chair humaine, à la table d’un Roi Africain, ne l’eut jamais fait par complaisance, s’il l’eut sçu, moins encore par force:&ce Roi, qui ne mérite que des louanges pour son affabilité envers ce Religieux, auroit fait l’action d’un barbare en l’y contraignant.

De même on eut pu regarder comme une double barbarie, de la part d’un Roi de Perse, d’avoir voulu forcer certains Indiens à brûler les corps de leurs parens, qu’ils mangeoient par respect,&d’avoir ordonné aux Grecs qui les brûloient, de les manger comme faisoient ces Indiens, puisque les uns les autres en rejetterent la proposition avec tant d’horreur&d’indignation,

L’utilité mutuelle que les hommes ont trouvée à commercer ensemble, a perfectionné avec le tems les Loix de leur commerce. L’amour propre s’est insensiblement plié à ne gêner personne, pour conserver le droit précieux de n’être point gêné. Il a senti qu’il ne peut jouir tranquillement de la prééminence de ses goûts, de ses usages&de ses opinions, qu’autant qu’il ne troublera point les autres dans la jouissance des mêmes prérogatives.

Voilà, ce me semble, en quoi la politesse différe essentiellement de la barbarie.

La politesse est donc un espèce de Traité, par lequel on se garantit respectivement les prétentions de l’amour propre,&au moyen duquel la Societé se trouve dans un état de paix.

Tout acte d’intolérance, de persécution, de contrainte, est donc un acte d’hostilité, qui rompt ce Traite mutuel,&qui remet la Société dans un état de guerre, parce qu’alors chacun rentre dans le droit de faire valoir ses prétentions.

Essai sur la tolerance chrétienne

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