Читать книгу Essai sur la tolerance chrétienne - Jacques Tailhé - Страница 5

CHAPITRE IV.
CONTINUATION.
En quoi consiste l’égalité.

Оглавление

Table des matières

IL semble qu’on ne devroit pas aller plus loin, L’idée de l’équité est commune a tout être qui pense. Tout le monde la réclame; chacun sent qu’elle fait sa sûreté,&quand on viole les Loix de l’équité envers quelqu’un, il semble à tous les hommes qu’on leur fait injure.

Est-ce une idée simple qu’on ne peut définir? Mais non, il y a encore quelque chose de plus simple; c’est l’idée de cette parfaite égalité qui a toujours subsisté entre tous les hommes, à certains égards,&qu’aucune espèce d’inégalité qu’il puisse d’ailleurs y avoir entr’eux ne pourra jamais détruire.

Un Philosophe a dit; le fondement de l’équité est l’égalité. Tâchons de développer ces idées. Jamais la Philosophie n’a traité de question plus importante.

La nature a mis une prodigieuse inégalité dans la distribution de ses dons; les loix de la Société ont introduit un partage encore plus inégal des biens, des honneurs, des dignités,&c. cependant les loix de la nature&de la Société supposent toujours cette égalité dont je parle.

La Religion naturelle, la Religion révélée, cette foible, mais divine lueur qui sert de guide aux Nations les plus sauvages, ce noble instinct qui précéde quelquefois le raisonnement,&que, selon qu’il nous fait agir, nous appelions humanité, droiture, générosité,&c. tout suppose cette égalité parfaite&indestructible.

Qui nous montrera donc cette égalité si sacrée&si respectable? Écartons les préjugés, nous ne pourrons nous empêcher de la voir par tout.

Elle ne peut consister que dans le droit égal qu’ont tous les hommes de jouir de la portion des biens qui leur est échue, de s’y maintenir ou d’y être maintenus.

Les exemples rendent tout plus sensible. Une prairie commune où tous les habitans d’un village mènent paître leurs troupeaux, est l’image de l’égalité primitive. Le premier villageois qui arrive avec son troupeau, jouît du droit de premier occupant. Il prend place; aucun autre Berger, pas même le Berger du Seigneur, ne peut le déposséder. Dans la fuite les habitans peuvent convenir de partager entr’eux cette prairie pour la cultiver. Je suppose qu’ils fassent des lots&qu’ils les tirent au fort. Chacun alors aura un droit de propriété sur le lot qui lui est échu,&le Seigneur n’aura pas plus ce droit de propriété sur son lot, que le moindre paysan sur le sien.

Qu’un habitant du même village achète plusieurs lots, qu’il devienne par-là plus puissant, plus considéré, l’égalité subsiste toujours: cet homme riche n’a pas plus le droit de propriété sur la moitié, si l’on veut, de cette possession, qu’un autre ne l’a sur la centième partie qui lui reste.

Qu’il y ait dans ce village différentes Religions; l’orthodoxe, celui même qui professe la Religion dominante, n’aura pas plus le droit de propriété sur son lot, que l’hérétique ou le non-conformiste sur le sien.

Il en est de même à l’égard de la portion que chacun posséde de tous les autres biens: Que ma vie soit douce ou misérable, que je fois jeune& vigoureux, ou accablé d’âge&d’infirmités: que je n’aye qu’une seule femme ou plusieurs: un seul esclave ou un grand nombre: une liberté plus ou moins restreinte par les Loix: une réputation célébré ou obscure: une bonne ou une mauvaise religion: j’ai un droit de propriété toujours égal sur la portion qui m’est échuë. Il semble même, que plus cette portion de bien est petite, moins on me la doit envier: plus j’aurois droit en quelque manière d’y être maintenu, parce que plus je suis foible, plus je dois être protégé, c’est une surabondance de droit que me donne l’humanité. L’humanité ne veut-elle pas aussi, que si j’ai le malheur de n’être pas dans la bonne religion, on ne me persécute point pendant ma vie, afin que je ne sois pas malheureux&dans ce monde& dans l’autre?

Que du moins on n’aggrave point ma faute en me rendant coupable du crime d’hypocrisie, qui paroît plus grand devant Dieu, quel que puisse être celui de persister dans l’erreur.

Je mets donc hardiment la Religion au rang des biens,&des biens les plus précieux, puisque chacun le regarde comme le premier de tous. Il seroit donc absurde que je n’eusse le droit de me maintenir ou d’être maintenu, que dans ceux dont je ne fais nul cas en comparaison; comme si j’avois le droit d’être maintenu dans la possession d’un champ,&que je ne l’’eusse point lorsqu’il s’agiroit de ma liberté ou de ma vie. Seroit-ce une bonne police dans une ville,&l’habiteroit-on volontiers, s’il n’y avoit aucune sûreté pour la vie, quoique d’ailleurs on ne courut aucun risque d’être volé?

Je fonde ce droit, non sur ce que ma Religion est vraye, ou la seule vraye, mais sur ce qu’elle est mienne; sur ce que c’est un bien qui m’appartient, comme l’héritage de mes pères dont il fait la partie la plus chère; en un mot, je fonde ce droit sur le principe d’égalité, base commune de tous les droits.

Essai sur la tolerance chrétienne

Подняться наверх