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I.

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Ce surnom de Belges a paru si étrange que, de nos jours encore, plus d’un s’obstine à écrire des Belges. Pourtant, quand Jean Lemaire signe Belga ou Belgien, il ne veut pas indiquer autre chose que sa naissance à Bavay, en1473. Bavay doit son nom de Belgis à une méprise de naïfs enthousiastes du moyen age:ils avaient fait une ville du Belgium de César.

Belgis (Bagacum Nerviorum), place d’armes, sinon de Boduognat, du moins des Romains, entre la mer, la Meuse et la Seine, était la rivale de Tongres et de Tournai, et comme un second Lyon d’Auguste et d’Agrippa. Une colonne milliaire indiquait le centre de la Belgique ancienne (non encore mutilée par les Français) et le point de départ de sept voies romaines. Lucius de Tongres les attribue à Bavo, cousin de Priam; d’autres, appelant Octavia la ville où Tibère fit une entrée triomphale, attribuent les chaussées soit au grand druide Brune-hald, soit à la reine Brunehault. Bavay-la-Cachie, comme la dénomma Jehan Le Bel, était célèbre par «la pierre aux sept coins», par les boves ou souterrains où l’auteur de Baudouin de Sebourg voyait «œuvre de payennie.» Les paysans y parlent encore des murs de layduct ou aqueducs des Sarrasins... de Rome. Malgré le sac des Vandales et les incendies signalés par les chroniqueurs du XIVe et du XVe siècles, Bavay, l’ancienne capitale des fiers Nerviens, devenus le s fidèles alliés des Romains, pouvait encore montrer ce que Lemaire appelle «des ruines merveilleuses». Dans son enfance sans doute vagabonde, le futur poète humaniste devait s’écrier comme Montaigne à Rome: «ruines d’espouentable machine». Avant les désastres accumulés par les Iconoclastes, puis par Turenne, on pouvait mieux encore que le jésuite Boucher (Belgium romanum) constater opus sane mirabile planeque romanum quod nos aliquoties diutiusque, magna animi voluptate nec minore admiratione consideravimus.

«Si Trêves, dit Schayes (II, 412) peut se vanter de posséder la seule basilique qui existe encore en deçà des Alpes, Bavay, à son tour, présente le seul cirque subsistant de nos jours dans toute l’étendue de l’ancienne Gaule.» Des traces de temples, de palais, d’aqueducs, de bains, d’hypocaustes, de murs en blocaille, de tours rondes, de tombeaux, des médailles, des monnaies, des inscriptions, des pierres gravées, des mosaïques, des vases, des tuiles, expliquent surabondament pourquoi tant de légendes hantaient ce pays. Si peu qu’il y ait vécu, Lemaire en a senti l’obsession, l’hypnotisme.

Ronsard (préface de sa Franciade) nous dit: «Tout homme dès le naistre reçoit en l’ame je ne scay quelles fatales impressions qui le constraignent suivre plustost son destin que sa volonté.» Mais ici destin et volonté se confondent, car tout nous permet d’affirmer que Lemaire, comme il aime à le redire, fut de bonne heure poussé vers les études romaines. Sans doute, c’est à Valenciennes qu’il les fit sous la conduite de Molinet, son oncle et son parrain, mais Valenciennes n’était qu’à trois lieues de Bavay et n’offrait pas moins de suggestions classiques. Avec un esprit tout imaginatif les ruines se relèvent et se repeuplent à miracle. Valenciennes, «bonne et franke ville d’Empire», ne lui rappelle que Valentia et l’empereur Valentinien. Le souvenir de l’indiciaire Chastelain, mort à la Salle-le-Comte en1475, s’harmonisait avec ces préoccupations de grandiose.

Le jeune poète romanise son nom, tantôt Mairius, tantôt Marius, quelquefois Major, à moins qu’il ne signe Eriamel par anagramme. S’il concourt aux ballades du Puy de l’Assomption (N.D. de Valenciennes), il cherche déjà comme le lui reproche Palsgrave, les mots de Renaissance. On dirait que le puy lui rappelle le podium des Césars. Son état d’âme ne se ressent à Valenciennes d’aucun des grands souvenirs du moyen-âge, ni de la chanson des Loherains, ni de Baudouin IX, ni de Henri VII, ni de Beaumont, le parangon de chevalerie, ni d’Artevelde, éloquent dans les deux langues du pays.

Lui, en sait deux aussi, mais c’est le latin et le français. Plus tard, il connaîtra toutes les finesses de l’italien. Bien qu’il reconnaisse que la Belgique est à la fois «Thyoise et Vualonne» (comme il écrit malgré la prononciation française), il ne paraît pas avoir su beaucoup de flamand. Sans doute, son protecteur Maximilien recommandait cette langue, par exemple pour l’éducation de Charles Quint. Lemaire lui-même, en sa Chronique, était obligé de constater que c’était, en Flandre, la langue officielle des serments solennels. Néanmoins, comme on verra, l’influence française fut trop profonde pour n’être pas absorbante et exclusive. Peut-être a-t-on supposé sa connaissance du flamand, en croyant devoir lui appliquer ce que Guichardin (Descrizione de Paësi Bassi, 1567) dit à propos de Bavais Vallone: «La plus part des hennuiers apprennent aussy la langue flamande de leurs voisins.» (trad. du XVIe s.)

La vie et les oeuvres de Jean Lemaire de Belges

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