Читать книгу La vie et les oeuvres de Jean Lemaire de Belges - Jean-Auguste Stecher - Страница 9
VII.
ОглавлениеMarguerite d’Autriche qui avait le26septembre1501épousé Philibert de Savoie, emmena Lemaire à Turin. Le12juin1504, le trésorier Loys Vionnet lui remit de la part de la duchesse, dix escus d’or à la couronne. Peut-être fut-il d’abord placé soit à Bourg, soit à Annecy (lettre de1509). Après la mort de Philibert de Savoie (9septembre1504, au chateau de Pont-d’Ain) Marguerite, restée veuve sans enfants, éprouva de la part de son beau-frère Charles de Savoie plus d’une difficulté au sujet du douaire. Elle se retira auprès de son père en Allemagne.
C’est à ce voyage que se rapportent les deux Epistres de l’Amant verd. Le genre est condamné par Dubellay, qui le rapporte presque aux espiceries du moyen-âge, (II, chap.4) mais Quintil Horatian, y voit le prototype des jolies pièces de son poète Marot. «Ces deux epistres, dit-il sont tant riches en diversité de plusieurs choses et propos que c’est merveille.» L’abbé Goujet, en sa Bibliothèque française, croit que l’amant, c’est Lemaire lui-même. Il a oublié ces vers de la première épitre:
Que diray-ie d’autres grans privautez
Parquoy jay veu tes parfaites beautez:
Et ton gent corps, plus poli que fin ambre,
Trop plus que nul autre varlet de chambre?
Nud, demy nud, sans atour et sans guimple,
Demy vestu, en belle cotte simple,
Tresser ton chef, tant cler et tant doré,
Par tout le monde aymé et honnoré.
Même s’il ne s’agit que d’un perroquet, l’audace est grande.
L’abbé Sallier croit pourtant qu’il s’agit de Lemaire, «vestu tout de verd» tandis que Marguerite n’arbore que le noir. A tout prendre ce n’est qu’une plaisanterie pour décrire le deuil des serviteurs laissés en son château de Pontd’ain près de Bourg. Avec le perroquet qui vainement a appris le latin, l’espagnol et le flamand, se désolent la levrette, la marmotte et le singe. Le poète, un peu mièvre, badine à la façon d’Ovide et de Stace. La seconde épitre est une missive datée de l’Elysée des oiseaux, qui rappelle la Messe des oisiaux de Jean de Condé. L’amant verd, ou plutôt son ombre salue Marguerite revenue de «Rin, Meuse et Seine.»
Ta grant clemence un peu veuille excuser
Force d’amours qui me feit abuser.
Il rapporte en vers scintillants un entretien avec Minos, Mercure et l’Esprit Vermeil, l’âme du perroquet que Sigismond, l’oncle de Maximilien, donna jadis à Marie du Bourgogne. Quelle surabondance d’érudition! Pas un animal légendaire qui soit omis. L’épilogue semble ajouté longtemps après1505; car on y célèbre Marguerite «princesse de paix et trésor d’union» comme si elle avait déjà fait la paix de Cambrai. En outre, on dirait que Lemaire finit par parler en son propre nom pour vanter le bon cœur de la reine Anne de Bretagne.
La dame illustre et portans sceptre en France
Laquelle eut deuil de ma grieve souffrance.
Peut-être aussi ne s’agit-il que d’une plaisanterie à propos de la reine qui (d’après une lettre de Perréal à Claude Thomassin, conservateur des foires lyonnaises) aurait plus d’une fois répété quelques vers de la première épitre. La seconde et dernière finit sur ce distique:
Icy prend fin le mien ioyeux escrire
Dont on verra plusieurs gens assez rire.
Ces vers composés (du moins, presque tous) avant le voyage de Lemaire en Italie, semblent par leur désinvolture instinctive donner tort au jugement de Darmestetter, (Le seizième siècle en France) qui, ouvrant la série des poètes par notre auteur, dit: «Versificateur correct et parfois élégant, il ne s’est guère montré poète que dans la prose; il a créé le genre de la prose poétique.» Pour que Marot ait pu comparer «Lemaire le Belgeois, à Homère le Gregeois» ne faut-il pas admettre une veine poétique en ses vers comme en sa prose?