Читать книгу Description des maladies de la peau observées à l'hôpital Saint-Louis - Jean-Louis Alibert - Страница 4
PREMIÈRE SECTION.
Coup-d’œil général sur les Maladies qui sont le sujet de cet Ouvrage.
Оглавление§. Ier. J’ENTRE dans une carrière presque déserte, où peu d’hommes ont pénétré avant moi, où aucun travail antérieur ne m’a servi de guide, où tout est nouveau pour l’observation, où tout est problême pour la pensée. J’ai frayé moi-même la route que je parcours. Qu’on juge des nombreux obstacles dont il m’a fallu triompher!
§. II. De toutes les parties intéressantes dont traite notre art, aucune sans doute na été plus négligée que celle dont je m’occupe. Les ouvrages que nous possédons, n offrent que des idées incertaines, un amas immense de théories dangereuses ou du moins superflues. On y puise à peine quelques faits disposés sans méthode et sans ordre. On n’a pas même approfondi l’étude des objets qui sont journellement sous nos yeux. Je n’en veux pour preuve qu’une multitude d’affections psoriques qu’on confond presque toujours au détriment des individus qui les éprouvent. Un médecin célèbre a eu raison de dire que, dans une semblable matière, les auteurs eussent mieux servi la science, s’ils s’étoient bornés à transcrite leurs propres découvertes, au lieu de copier servilement les erreurs commises par leurs devanciers.
§. III. Placé sur un théâtre où ces maladies se présentent et se renouvellent sans cesse, j’ai pu mieux qu’un autre débrouiller la confusion introduite dans les travaux des anciens; j’ai pu suivre la marche, les périodes, le déclin, les recrudescences, les métamorphoses des divers exanthèmes. C’est dans les hôpitaux que leurs traits caractéristiques se prononcent avec plus d’évidence et d’énergie, parce qu’on les contemple dans toutes les époques de leur existence.
§. IV. J’ai eu besoin sans doute d’une patience infatigable pour démêler des faits aussi nombreux dans un champ si vaste pour l’observation médicinale. En effet, quelle inconcevable variété dans les dégradations de tout genre dont nos tégumens sont susceptibles! Tantôt c’est l’épiderme seul qui s’altère, se résout en une substance farineuse, ou se détache en petites exfoliations furfuracées, semblables aux lichens ou aux mousses parasites qui souillent l’écorce des vieux chênes; tantôt ce sont des lames écailleuses plus ou moins étendues, plus ou moins épaisses, plus ou moins dures, plus ou moins régulières; tantôt cette même membrane est parsemée d’éruptions papuleuses ou pustuleuses, miliaires ou perlées, vésiculeuses ou phlycténoïdes, etc. Quelquefois c’est simplement le système dermoïde qui se décolore sans sélever au-dessus de son niveau, et qui nous montre tour-à-tour des taches rouges, brunes, noires, jaunes, livides, ou d’une nuance verdâtre comme la chair des cadavres en putréfaction. D’autres fois aussi il se déprime dans certains endroits de sa surface, et présente des excavations profondes. Mais plus souvent les maladies cutanées laissent transsuder une matière ichoreuse ou purulente qui se concrète en une masse croûteuse, pour tomber, renaître, et pour tomber encore. Ces croûtes, dont la figure varie à l’infini, représentent des cercles, des losanges, des prismes, des cylindres, des tubercules ou des mamelons proéminens qui simulent les sucs lapidifiques cristallisés. On en voit qui s’étendent insensiblement, et s’arrondissent en zones relevées par des bords affreux, ou qui rampent comme les serpens en lignes sinueuses et longitudinales. Mille autres accidens peuvent survenir. Il est des circonstances où la peau entière se gonfle, se tuméfie, se gerce ou se détériore entièrement dans sa texture, au point de présenter une consistance qui la fait ressembler à l’enveloppe de certains quadrupèdes. Dans ces effroyables déformations, les malades conservent à peine l’apparence humaine ils ont la physionomie terrible des lions ou la face hideuse des satyres, selon la remarque de l’immortel Arétée. Enfin, il est d’autres cas où la peau s’élève en tumeurs circonscrites, qui ont l’aspect des fruits, et étonnent les regards par leurs pédicules amincis, ou par une sorte de végétation bourgeonnée. Des caractères si divers et si frappans constituent sans doute autant d’espèces de maladies cutanées qui réclament tout l’intérêt et toute l’attention des Pathologistes.
§. V. Si l’on examine maintenant, sous d’autres points de vue, la série innombrable des affections dont le système dermoïde est la proie, quelle diversité dans le génie particulier de leur marche, dans le caractère propre de leurs phénomènes, dans le type de leurs paroxysmes, dans la durée de leurs phases, dans le mode de leur invasion et dans celui de leur issue! Les unes attaquent tous les âges; les autres n’arrivent qu’à une époque déterminée de la vie. Certaines éruptions dégradent la surface entière du corps humain; certaines n’atteignent que quelques organes. Il en est un petit nombre qu’on n’a à redouter qu’une seule fois, tandis que plusieurs menacent à chaque instant notre existence. On en voit qui se manifestent avec des démangeaisons violentes et souvent intolérables; on en voit aussi qui n’excitent pas le plus léger prurit. Le phénomène de leur maturation présente les mêmes contrastes. Tantôt ces éruptions suppurent avec vitesse, tantôt elles suppurent avec lenteur. Souvent elles n’offrent aucune trace de cette opération vitale; enfin, on observe qu’elles marchent quelquefois avec l’appareil d’une fièvre brûlante; et que, dans d’autres cas, elles se déploient avec calme et sans provoquer le moindre trouble dans l’économie vivante. Quel sujet inépuisable pour la réflexion!
§. VI. Aussi ne crains-je pas de l’avouer, dans ce vaste hôpital où tant d’objets appeloient à-la-fois ma curiosité et ma vigilance, mon esprit se fût souvent égaré, sans le pouvoir tutélaire d’une méthode rigoureusement analytique; et cette méthode, préférable à toutes, a été celle des Naturalistes. J’ai commencé mon travail par la description des maladies du cuir chevelu, généralement indiquées sous la dénomination de Teignes. On sait que les Arabes ont principalement excellé dans l’étude de ces affections funestes qui attaquent l’homme à l’entrée de la vie. Mais combien de faits manquoient à leur histoire! La Teigne faveuse n’a voit pas été signalée avec les vrais phénomènes qui la distinguent. Je puis porter le même jugement sur la Teigne granulée ou rugueuse, sur la Teigne furfuracée ou porrigineuse. La Teigne muqueuse avoit été confondue avec la croûte de lait. Enfin, toutes ces dégradations cutanées étoient soumises à des traitemens ineptes et barbares. Non-seulement j’ai tracé un tableau fidèle de leurs différentes espèces, en n’assignant à chacune d’elles que les attributs qui les séparent; mais j’ai éprouvé, par des expériences décisives, les divers plans curatifs qu’on leur a opposés jusqu’à ce jour. J’ai fait des efforts pour pénétrer le mystère de leur contagion. Les résultats que j’ai obtenus, doivent dissiper les craintes du vulgaire, et rassurer les imaginations alarmées. Je n’ai pas borné là mes recherches; j’ai suivi ces exanthêmes jusque dans le mécanisme de leur formation, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi: en sorte qu’après avoir enlevé, par des applications détersives, les croûtes et les écailles qui les constituent, je contemplois de nouveau les progrès de leur marche, à mesure qu’elles renaissoient. J’ai même interrogé, par les procédés analytiques de la chimie, la nature matérielle de leurs desquammations. En un mot, j’ai tâché de noublier aucun point de vue, pour arriver à la connoissance complète d’une affection si rebelle à nos moyens thérapeutiques.
§. VII. Je ne pouvois sans doute m’occuper des maladies qui intéressent les tégumens de la tête, sans porter en même temps mes regards sur la Plique , affection extraordinaire des cheveux et des poils, qui est spécialement endémique dans la Pologne, la Lithuanie et autres pays circonvoisins. Les faits relatifs à cette affection doivent nécessairement trouver leur place dans l’ouvrage que je publie; car les altérations que subissent les organes pdeux sont essentiellement liées à celles du système dermoïde, et leur histoire ne peut pas plus en être séparée, que la théorie de la végétation des plantes de celle du sol qui les fait croître et les nourrit. D’ailleurs, beaucoup de traits d’analogie rapprochent la Plique de la Teigne. Toutes deux, en effet, produisent des éruptions, des ulcérations sur la peau, des engorgemens glanduleux, des déformations unguiculaires, etc. Peut-être aussi que lés dépurations qu’elles occasionnent, ont des points de contact que nous ne connoissons pas. Au reste, de tous les phénomènes rares et singuliers dont traite la Pathologie descriptive, aucun, j’ose le dire, n’offre plus de difficultés à éclaircir que la Plique . Cette maladie, qui est si redoutable dans les pays où elle sévit communément, et que j’ai eu occasion d’observer dans trois circonstances à Paris, m a mis à même de mettre à profit les recherches particulières qu’ont bien voulu madresser les médecins qui pratiquent l’art dans ces contrées; et je me plais à payer ici un tribut d’éloges à leur zèle, pour l’excellence des faits qu’ils m’ont communiqués avec tant d’empressement.
§. VIII. Il est une série nombreuse de maladies de la peau, sur lesquelles jai été plus à même de méditer, parce qu’elles sont plus fréquentes parmi les hommes, et qu’on les rencontre sous mille formes à l’hôpital Saint-Louis: ce sont les Dartres. Quelques espèces sans doute avoient été soigneusement déterminées par l’observation; mais il en est une foule dont l’étude n’étoit pas même encore commencée, et dont la description ne se retrouve dans aucun auteur. On n’avoit pas retracé d’ailleurs d’une manière assez exacte les symptômes et la marche des Dartres déjà connues. On avoit, en outre, trop généralisé les principes de traitement pour toutes ces affections, qui ont tant de types différens, que tant de causes opposées développent, que tant de levains fomentent, qui s’exercent sur des tégumens dont la texture est si variée. Quel vide encore n’avois-je pas à remplir, touchant les éruptions herpétiques que suscitent souvent des maladies étrangères au système dermoïde, telles que la goutte, le rhumatisme, etc.! J ai longuement exercé mes yeux à discerner, dans toutes les circonstances, les déplorables empreintes des scrophules, du scorbut, et les ravages innombrables de la siphylis prothéiforme. Afin de ramener l’ordre dans une matière si embrouillée, j’ai décomposé les Dartres jusque dans leurs élémens les plus simples. Par une longue contention de mon esprit, et par une constance que rien n’a pu fatiguer, j’ai tenu le compte le plus fidèle de tout ce qui est relatif aux phénomènes de leur propagation, au caractère de leur mobilité, au danger de leur répercussion. et à l’espèce d’influence utile qu’elles conservent dans l’économie animale. L’examen approfondi de ce vaste ensemble m’a fourni, je puis l’assurer, des résultats inattendus et des points de doctrine infiniment utiles à la science.
§. IX. La Lèpre, l’Éléphantiasis, le Pian et autres fléaux de ce genre, sont très-rarement observés en Europe; aussi les érudits disputent encore sur le vrai caractère de ces affections terribles, dont les anciens ont fait mention. Ce qui augmente sur-tout la confusion qu ils ont introduite dans cette matière, c’est qu’ils se plaisent à disserter sur des symptômes dont ils n’ont pas été les témoins. Ils compulsent les ouvrages des Grecs et des Latins; ils en interprètent le texte diversement et à leur gré: c’est ce qui a donné lieu à une multitude d’erreurs. Mais, certes, si on s’accorde à peine aujourd’hui sur les attributs invariables des plantes décrites par les Botanistes de l’antiquité, comment s’accordera-t-on sur des maladies dont la physionomie spéciale a pu être modifiée par mille circonstances dans la durée des siècles? Au surplus, il suffit souvent de quelques faits exactement exposés, pour détruire tant de discussions superflues qu’il importe de ne lire, que lorsque la contemplation fidelle de la nature a prémuni notre esprit contre les impressions fausses qu’il pourroit recevoir. Quoique les affections désastreuses dont nous venons de parler, ne se manifestent presque jamais en France, j’ai eu cependant occasion de voir plusieurs accidens qui leur appartiennent. L’hôpital Saint-Louis est, en quelque sorte, l’égout de toutes les contrées du monde. Les étrangers qui affluent dans une cité aussi vaste que Paris, y apportent quelquefois le germe des éruptions les plus extraordinaires, contre lesquelles ils viennent implorer notre secours. Je rapprocherai, en conséquence le peu de phénomènes qu’il m’a été possible de recueillir des phénomènes nombreux que des observateurs authentiques ont été à même d’étudier, persuadé que les résultats de cette double expérience éclaireront beaucoup mieux notre jugement.
§. X. Je me suis occupé, avec l’attention la plus scrupuleuse, de quelques autres maladies de la peau, presqu’aussi rares que les précédentes: telle est, par exemple, l’Ictiosis, altération remarquable et singulière, dans laquelle les tégumens sont tellement rugueux et écailleux, qu’ils offrent une similitude frappante avec l’enveloppe des poissons; telles sont pareillement certaines tumeurs aplaties, tantôt d’une forme oblongue, tantôt d’une forme quadrangulaire, ou plutôt certains boursoufflemens du système dermoïde, qui cachent un caractère éminemment pernicieux et opiniâtre. Ces sortes de congestions, dont la nature paroît être lymphatique, ont une structure cordiforme, qui n’a été décrite par aucun observateur, et qu’il est infiniment difficile de retracer. Des chirurgiens habiles ont vainement tenté de les faire disparoître par l’instrument tranchant. Mais à peine les excisions et les extirpations de ces tumeurs sont-elles exécutées, que celles-ci repullulent et se remontrent plus féroces que jamais. Elles jettent çà et là des racines profondes; elles occasionnent des douleurs aiguës, lancinantes, assez analogues à celles que suscite le Cancer, dont j’offrirai aussi le déplorable tableau, pour qu’on puisse mieux apprécier les traits de différence qui distinguent deux affections aussi affligeantes dans l’histoire pathologique de l’homme. Il est une autre dégénération du système dermoïde non moins affreuse. Il se manifeste quelquefois sur la face, ou sur d’autres parties du corps, des tumeurs charnues qui ressemblent à des fruits a cause de leur foi me ronde et granuleuse. Les anciens en ont fait des peintures hideuses et effrayantes. Ces tumeurs fongueuses se convertissent ordinairement en ulcères tellement fétides, qu on ne peut approcher des malades sans éprouver une répugnance invincible. Aucun spectacle alors n’est plus repoussant que leur peau, qui, en proie à la suppuration, tombe dans une sorte de fonte et de décomposition générale. On verra toutefois, dans cet ouvrage, que je n’ai négligé aucune occasion de recueillir tous les cas rares que j’ai pu rencontrer, pour les présenter à la curiosité de mes lecteurs.
§. XI. En traitant des excroissances morbifiques qui dégradent le système dermoïde, j’ai cru qu’il importoit de ne pas perdre de vue celles qu’il faut, pour ainsi dire, considérer comme des végétations cutanées, qui se développent à la surface du corps humain, sans qu’aucune de ses fonctions en soit altérée; qui n’ont qu’une existence d’emprunt, et sont, en quelque sorte, placées hors du domaine de la circulation et de la vie; de ce nombre sont les cors, les verrues, les loupes, les callosités du derme, les accroissemens extraordinaires des ongles, etc. On a, ce me semble, trop négligé ces sortes de dégénérations, que les anciens médecins, tels que Celse, Avicenne, etc. avoient jugées dignes de leur attention. Ces affections sont certainement du domaine de la Pathologie cutanée, quoique la plupart tiennent à des causes purement mécaniques, comme, par exemple, à l’effet comprimant des chaussures étroites, aux frottemens divers que subit l’épiderme dans les marches forcées, etc. C’est mal-à-propos qu’on abandonne aux empiriques le soin de les guérir. Toutes les parties de notre art sont également honorables pour le praticien, et toutes méritent les regards de l’observateur philosophe. Qui sait d’ailleurs si l’étude de ces altérations ne peut pas conduire à des notions plus utiles!
§. XII. Quand j’ai commencé mes recherches cliniques à l’hôpital Saint-Louis, je n’ai pas tardé a m’appercevoir du désordre extrême qui régnoit dans l’histoire des maladies psoriques. On confondoit habituellement, sous le nom de Gale, des altérations du système dermoïde qui n’ont d’autre rapport avec cette affection, que de provoquer le développement d’une multitude de boutons papuleux qu’accompagnent des démangeaisons vives et constantes. Je me suis attaché dès lors à bien assigner les attributs distinctifs de ces nouvelles espèces d’exanthêmes, afin de trouver le traitement qu’il falloit leur adapter. J’ai démontré que les moyens de guérison qui s’appliquent à la Gale, ne conviennent pas toujours au Prurigo; considération très-importante pour la médecine des prisons et des armées, où ces deux maladies peuvent quelquefois se montrer simultanément. Le Prurigo diffère essentiellement de la Gale par son caractère non contagieux. Souvent il est le triste résultat de la constitution physique des individus, et se transmet par des causes héréditaires; souvent aussi il est accidentel, et il est facilement contracté par l’habitude qu’ont certains individus de coucher dans les lieux humides sans quitter leurs vêtemens, par les veilles prolongées, l’abus des liqueurs spiritueuses, etc. La Gale, au contraire, se transmet par l’unique voie de la contagion. Les Naturalistes ont déjà classé l’insecte dévorant qui la propage. Elle a d’autres différences spécifiques que j’aurai soin de présenter. Je ferai voir également combien il importe de bien distinguer les boutons de la Gale, de ceux qui sont le produit d’une irritation secondaire de la peau, et que les frictions ne manquent jamais d’accroître et d’exaspérer. Dans ce cas, les onctions huileuses, les bains tièdes, etc. ne sont-ils pas préférables aux substances âcres que certains praticiens mettent en usage? Je dois observer encore que la suppression des menstrues, des hémorroïdes, de la transpiration, etc. donne lieu à des éruptions prurigineuses dont il importoit de faire mention. Il y avoit, en outre, quelques faits à recueillir, relativement à des Gales diverses que les animaux domestiques peuvent communiquer à l’homme. Il y avoit enfin beaucoup d’incertitudes à fixer, relativement à l’affection vulgairement appelée Pédiculaire. Mais la propagation des poux sur les tégumens ne constitue pas proprement une maladie; c’est un simple accident du prurigo, auquel j’ai cherché à remédier par divers topiques, dont la plupart ont eu des effets salutaires. Que de points de vue intéressans cette matière nouvelle m’a fournis!
§. XIII. Après avoir fixé mon attention sur des maladies qui se manifestent en produisant des élévations sur la peau, je me suis livré à l’étude des simples décolorations de cet organe. Le système dermoïde est sujet à des taches, à des maculations de tout genre, qui altèrent, tantôt une partie, tantôt l’universalité de sa surface; certaines de ces taches sont passagères et fugitives, certaines sont immuables ou se perpétuent plusieurs années. On sent combien il m’en a coûté pour fixer leur nombre, qui est infini. Il en est beaucoup qui affectent une figure circulaire, et beaucoup qui n’ont point de forme déterminée. On voit des taches simples qui s’évanouissent, sans laisser après elles aucun vestige de leur apparition; mais on en voit qui, en s’éteignant, donnent lieu à des desquammations furfuracées. Les unes n’occupent que l’épiderme; d’autres ont un siège plus profond: leur couleur n’est pas moins sujette à changer. On remarque des taches brunes comme des lentilles, ou violacées comme des piqûres de puce; on en observe qui offrent le noir de l’ébène ou la blancheur du lait, etc. La plupart ternissent l’éclat de la peau, en lui imprimant une teinte jaune, livide ou terreuse, etc. Telles sont celles qui se développent dans l’Ictère, le Scorbut, et dans d’autres maladies dont eu occasion de suivre la marche à l’hôpital Saint-Louis. La connoissance approfondie de ces décolorations diverses m’a paru d’autant plus importante, qu’elle peut révéler des lésions intérieures et expliquer l’état pathologique du foie, de la rate, de l’utérus, etc. Ce rapport morbifique du système dermoïde avec les viscères de l’abdomen, a été mal étudié par les anciens, aussi bien que par les modernes,
§. XIV. Enfin, pour mettre le dernier complément à cet ouvrage, cru devoir le terminer par le tableau de tous les exanthêmes aigus. Plusieurs raisons m’ont porté à opérer ce rapprochement. En effet, ces éruptions, dont la marche est si rapide, produisent sur la peau les mêmes désordres que les exanthêmes chroniques; elles donnent également lieu à des renouvellemens furfuracés ou squammeux de l’épiderme, à des exsudations qui se convertissent en croûtes, à des boutons pustuleux, à des vésicules, à des phlyctaines, etc. Elles affectent les mêmes systèmes d’organes; elles rentrent, par conséquent, dans le même cadre, et se rattachent à la même théorie. D’ailleurs, j’ai souvent observé qu’il est des exanthèmes aigus qui ressemblent d’une manière si parfaite aux exanthèmes chroniques, qu’il n’y a que la seule présence de la fièvre concomitante qui puisse les faire distinguer. Or, comment la fièvre pourroit-elle constituer une différence notable, puisqu’on la remarque souvent dans la Lèpre l’Eléphantiasis, dans le Pemphigus et autres maladies cutanées qui tendent lentement à leur solution, et dont les périodes sont d’une très-longue durée? Je dois ajouter qu’il est des exanthêmes chroniques qui finissent par revêtir un caractère aigu, ou qui prennent alternativement l’un et l’autre de ces caractères. Ne voit-on pas des Dartres qui affectent l’allure de l’Érysipèle, ou qui trompent la vue par une physionomie absolument analogue à celle de la Petite-Vérole, de la Rougeole, etc.? D’après cette considération, il importoit infiniment de ne pas séparer l’histoire des exanthêmes aigus de celle des exanthêmes chroniques. Aussi suivrai-je la même méthode pour la traiter. Le pinceau du peintre retracera fidèlement chacune de ces affections, telle qu’elle existe lorsqu’elle est arrivée à son état parfait, et qu’elle n’a plus qu’à décliner et à décroître. J’imiterai le Botaniste exact, qui ne fait représenter la fleur à notre curiosité, que lorsqu’elle est entièrement épanouie, et que toutes les parties de la fructification sont formées.
§. XV. Ainsi la collection que je publie en ce jour comprendra la pathologie entière du système dermoide. Qui ne voit déjà l’étendue des travaux que j’ai entrepris! En effet, les maladies dont je traite, sont d’autant plus multipliées, que la peau qui en est l’objet, répond à tous les viscères, et participe, en quelque sorte, à toutes les fonctions du corps humain, Tapissée de nerfs, d’artères, de veines, de lymphatiques, peuplée de glandes, par-tout imprégnée du corps muqueux, sa structure se diversifie à chaque instant comme ses usages. Aussi essentielle à l’individu que l’écorce l’est à l’arbre, elle sert à l’ornement et à la conservation de l’homme. Non-seulement l’exhalation et l’absorption lui sont départies, mais elle est l’instrument suprême du toucher; et, par ce double emploi dans l’économie animale, elle exerce à-la-fois la vie d’assimilation et la vie de relation, pour me servir du langage des Physiologistes. Aucun phénomène de l’organisme ne lui est, par conséquent, étranger.