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QUATRIÈME SECTION.
Des Phénomènes physiologiques que peut révéler l’étude des Maladies de la Peau.

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Table des matières

§. XXXIII. S’il est vrai qu’il faille généralement considérer l’étude de la Physiologie comme une introduction nécessaire à celle de la Pathologie, on doit avouer que la Pathologie fournit, à son tour, des leçons très–étendues sur la Physiologie. Je n’ai donc pu diriger toute mon attention sur la nombreuse classe de maladies qui font le sujet de cet ouvrage, sans approfondir en même temps les notions qu’on a déjà acquises sur les propriétés vitales du système dermoïde. Aucun système, d’après mes remarques, n est plus éminemment organisé pour l’exercice de la sensation: chaque point de sa surface a, pour ainsi dire, son mode de plaisir ou de douleur. La portion de la peau qui est pourvue d’une plus grande quantité de nerfs, est aussi celle qui est le plus exposée aux éruptions morbifiques; de là vient que les tégumens de la face humaine sont si souvent dégradés par les hideuses empreintes de la Petite-Vérole, des Dartres, des Scrophules, etc. Les personnes dont la peau est d’une susceptibilité très-irritable, sont aussi celles qui sont les plus sujettes aux Erysipèles, etc. Ne faut-il pas conclure de ces observations, que toutes les circonstances qui concourent à l’excitement des propriétés vitales du système dermoïde, doivent favoriser le développement de plusieurs maladies dans ce même systême? Les mouvemens de la dentition font naître, sur le visage des enfans, des papules d’une couleur rouge: les éclats de la puberté s’expriment par des boutons phlegmoneux. Chez les femmes naturellement très-sensibles, le phénomène de la conception ternit la peau, et la couvre de rousseurs que l’accouchement fait disparoître: ces femmes sont alors fréquemment assaillies par la fièvre miliaire; et quelquefois il leur survient des efflorescences qui durent plusieurs années. Au surplus, ce qui prouve que les forces vitales ont une part très-active au développement des maladies cutanées, c’est que les éruptions des Dartres et celles de la Gale s’affaissent considérablement après la mort, ainsi que nous avons pu nous en assurer par un grand nombre d’autopsies cadavériques. D’une autre part, il importe de remarquer, que le système dermoïde subit une multitude d’altérations, lesquelles ne proviennent que d’un affoiblissement extraordinaire, introduit dans l’exercice de l’irritabilité et de la sensibilité: telles sont les ecchymoses, les taches scorbutiques, les pétéchies, et autres affections de ce genre. Les Dartres furfuracées ou squammeuses, que les vieillards éprouvent dans les extrémités inférieures, sont dues à l’état d’atonie générale qui existe dans leur économie. Un homme dont le travail consistoit à décharger le bois qui arrive sur la Seine, fut contraint, un jour d’hiver, de se plonger dans l’eau jusqu’à la ceinture. Frappé d’un engourdissement subit, il tomba, et fut ramené par ses camarades sur le bord de la rivière. Depuis ce temps, la peau de ses mains et de ses pieds est devenue roide et presqu’insensible; il a perdu jusqu à la faculté de se livrer aux plaisirs de l’amour, et son corps est parsemé de plaques violettes et bleuâtres, d’une forme très-variée. Cette affection singulière disparoît toutefois momentanément, quand on soumet le système dermoïde à une douce chaleur, ou à des lotions tièdes et stimulantes. C’est par un mécanisme d’action analogue, qu’une violente fièvre, soudainement suscitée, fait souvent évanouir des Dartres chroniques, qu’on croyoit inguérissables. Cette double considération physiologique, que nous venons d’établir, touchant l’exaltation excessive ou la prostration extrême des forces vitales de la peau, donne, pour ainsi dire, la clef des procédés curatifs.

§. XXXIV. Dans les sciences physiques, beaucoup de vérités ne restent inconnues, que parce qu’on ignore les vérités intermédiaires. L’étude approfondie des maladies dont nous traitons, n’est donc pas uniquement propre à nous éclairer sur tous les faits relatifs à la sensibilité et à l’irritabilité de la peau; elle parviendra peut-être quelque jour à nous révéler la physiologie entière des parties diverses qui constituent cette merveilleuse enveloppe, ou qui correspondent plus ou moins directement avec elle. Déjà, en suivant une méthode inverse de celle qui dirige communément les esprits dans l’apprentissage de notre art, par la contemplation des Teignes et de la Plique , nous sommes arrivés à des idées nouvelles sur les fonctions des tégumens de la tête et des cheveux: l’histoire des Dartres nous a initiés davantage dans l’action mystérieuse du tissu réticulaire et du corps papillaire; celle des éruptions écailleuses nous a mieux fait apprécier la nature de l’épiderme. Déjà mes recherches sur les Scrophules m’ont conduit à des notions plus certaines sur l’économie vitale des Glandes et du systême lymphatique. Qui sait enfin, si des méditations plus prolongées sur les symptômes affreux de l’Eléphantiasis, n’ajouteront pas à nos découvertes sur l’appareil cellulaire, et si un examen plus exact des exostoses et des caries vénériennes, ainsi que de tous les phénomènes qui leur appartiennent, ne résoudra pas quelque problême sur l’acte physiologique de l’ossification, qui a déjà coûté tant d’expériences!

§. XXXV. Toutefois, aucun phénomène ne me semble plus susceptible d’être éclairci par l’étude de la Pathologie cutanée, que celui de ces étonnantes sympathies, qui font continuellement correspondre les différens systèmes de l’économie animale. Ce sujet est toujours nouveau pour les Observateurs physiologistes; la connexion la plus frappante est, sans contredit, celle du système dermoïde avec les membranes muqueuses de l’estomac, dans les premiers paroxysmes de la Petite-Vérole: ce dernier organe se contracte dans cet exanthême, et est violemment irrité par des nausées ou par des vomissemens. L’appareil respiratoire n’est pas moins lié avec la peau, qui se couvre d’une efflorescence farineuse dans la troisième période de la Phthisie pulmonaire. Si l’on pou voit ignorer les sympathies du système dermoïde avec les parties génitales, il n’y auroit qu’à rappeler que l’infection syphilitique de ces parties, coïncide souvent avec les ulcérations de l’intérieur de la gorge. Mais le fait le plus remarquable que nous ayons découvert par la Pathologie cutanée, est celui d’une femme de mauvaise vie, atteinte d’une Dartre furfuracée qui occupoit tout le sein gauche: toutes les fois qu’elle grattoit long-temps le mamelon malade, elle étoit entraînée dans des pollutions voluptueuses. Un habitant d’Arras vint me consulter. Il avoit une émission de liqueur séminale, quand il cherchoit à appaiser le prurit violent qu’excitoit, à la marge de l’anus, la présence d’une Dartre miliaire. Lorry raconte qu’un sexagénaire éprouvoit une démangeaison insupportable à la cuisse, et qu’en se grattant, il ne tardoit pas à être affoibli par une éjaculation abondante. Qui ne sait pas que les appétences vénériennes deviennent souvent extraordinaires chez les individus affligés de certaines maladies de peau, sur-tout lorsque ces affections ont envahi la totalité du système dermoïde? Quelquefois aussi, par l’atonie universelle de ce même systême, il se manifeste un phénomène absolument contraire. J’ai cité naguère l’exemple d’un malheureux matelot, qui, pendant l’hiver, s’étoit plongé dans la Seine jusqu’aux reins, et chez lequel la peau, accidentellement frappée d’une rigidité morbifique, détermina une impuissance virile dont il ne s’est jamais rétabli. On verra dans le cours de cet ouvrage, que des maladies cutanées, parvenues à un degré d’intensité très-considérable, ont retardé la puberté dans les deux sexes, et ont radicalement énervé l’appareil de la reproduction. Pallas, dans son Voyage en Russie, rapporte que les Cosaques du Jaik sont très-fréquemment attaqués d’une lèpre endémique dans les contrées qu’ils habitent. Cette lèpre, accompagnée de douleurs vives dans les articulations, attaque d’ordinaire ceux qui sont à la fleur de l’âge, et pourtant elle donne une aversion invincible pour les plaisirs de l’amour. Je m’abstiens d’alléguer d’autres faits pathologiques, qui démontrent qu’en général, plus est important le rôle que joue un organe dans l’économie animale, plus ses relations avec les autres organes sont intimes et étendues. La peau est l’aboutissant commun de tous les nerfs, de tous les vaisseaux artériels, veineux et lymphatiques; elle est le foyer le plus actif de la sensibilité humaine; toutes les parties élémentaires du corps concourent à la former; chacune de ces parties lui imprime, pour ainsi dire, des propriétés de sa façon. Faut-il s’étonner du nombre et du pouvoir de ses influences sympathiques, dans ses divers états de maladie?

§. XXXVI. L’histoire physiologique des correspondances que la peau entretient avec les autres systèmes de l’économie vivante, jette nécessairement un jour nouveau sur les rétropulsions des maladies cutanées. Quoiqu’on ne puisse pas dire rigoureusement que la matière, ou les humeurs particulières qui signalent extérieurement ces maladies, puissent se déplacer d’un organe à l’autre, il s’opère néanmoins des refoulemens et des transports manifestes de l’irritation morbifique, lorsqu’une issue quelconque lui est fermée. En général, nous avons observé que le phénomène des rétropulsions étoit d’autant plus pernicieux, qu’il a lieu dans les exanthêmes que les Médecins cliniques regardent comme étant en quelque sorte dépuratoires: de ce nombre sont les Varioles, les Rougeoles, les Fièvres miliaires, les Erysipèles de divers genres, etc. Souvent, sans autre signe précurseur qu’un léger frisson métastatique, ces exanthêmes abandonnent soudainement la peau, pour se jeter sur quelque viscère important, et en détruire la vitalité: dès-lors l’acte de la coction est interrompu; il survient de l’anxiété, une suffocation véhémente, des défaillances; la mort arrive en quelques heures. Quelquefois pourtant la nature parvient à se débarrasser; la crise se déclare aussi-tôt par des douleurs énormes dans les bras et dans les cuisses, par un flux d’urine plus abondant, ou par la formation d’un abcès. C’est ce dernier procédé que nous imitons, lorsqu’en pareil cas nous pratiquons des vésicatoires, des cautères et autres émonctoires. Pour ce qui est des exanthêmes chroniques, leur rétropulsion ne s’exécute point communément d’une manière aussi prompte: cependant il peut arriver que ces maladies reportent leurs effets irritans vers le cerveau, vers le poumon, ou vers d’autres parties non moins essentielles de l’organisation. J’ai vu à l’hôpital Saint-Louis, la répercussion de la Gale produire un accès de folie chez une femme; une infiltration universelle du tissu cellulaire chez un enfant. J’ai vu les Dartres déterminer l’apoplexie, le catarrhe suffocant, etc. Une ouvrière en linge avoit une Teigne furfuracée, dont elle parvint à se délivrer par des lotions réitérées d’eau de saturne. Elle devint aveugle. Depuis cette époque, son triste état s’est un peu amélioré par les purgatifs. La Gourme muqueuse, par ses métastases, cause des diarrhées, des gonflemens dans les articulations et dans le bas-ventre des enfans; par une action plus fatale encore, elle attaque les glandes du mésentère, et trompe les regards par une bénignité apparente. Il paroît que les rétrôpulsions des Maladies cutanées avoient été observées par les anciens maîtres de l’art, et qu’ils les regardoient comme très-redoutables. J’ai pourtant obtenu des succès dans leur traitement, par le secours des emplâtres vésicans; quelquefois aussi, tous les moyens qu’on emploie, sont infructueux pour les combattre–, alors elles sont d’autant plus à craindre, qu’elles sont peu apparentes, et qu’on ne s’apperçoit que fort tard de leur danger; il n’est pas rare de voir que les malades s’applaudissent de leur guérison, parce que l’affection ne donne plus aucun symptôme d’irritation et d’existence: cependant les viscères deviennent squirreux. Lorry se souvenoit d’avoir vu, à Lyon, un homme qui, d’après le conseil d’un charlatan, avoit opéré la répercussion d’une Dartre, à l’aide d’un topique astringent. Il n’éprouvoit aucune douleur–, mais son foie resta singulièrement endurci. Au surplus, j’aieu occasion d’étudier, dans l’hôpital Saint-Louis, les signes précurseurs de la rétropulsion des Maladies cutanées. On doit juger qu’elle est sur le point de s’effectuer, lorsque le système dermoide reprend la couleur qui lui est propre, et que l’individun’entrepas néanmoins dans une complète convalescence; quand les accidens intérieurs semblent augmenter aux dépens des accidens extérieurs; lorsqu’il y a du trouble dans les fonctions naturelles; lorsqu’il se manifeste des anxiétés précordiales, des vertiges, des douleurs articulaires, etc.: enfin j’ajouterai, comme un dernier résultat de mes observations cliniques, que les rétropulsions morbifiques sont essentiellement subordonnées à la loi puissante des sympathies. C’est pourquoi les membranes muqueuses qui correspondent le plus directement avec le système dermoïde, reçoivent toujours les premières atteintes, etc. L’influence de l’âge détermine communément le lieu qui doit être spécialement atteint: dans les enfans, par exemple, les rétropulsions sont parfois suivies de l’hydrocéphale ou de la surdité; chez les jeunes gens, on leur voit succéder la phthisie pulmonaire ou le catarrhe aigu; dans les vieillards, c’est l’ascite, l’œdème des extrémités inférieures, l’ulcération de la vessie, etc. Il importe de ne pas négliger la considération du sexe et de la prédominance de l’organe utérin, qui donne lieu à des métastases irrémédiables, particulièrement à l’époque si orageuse de la cessation du flux menstruel.

§. XXXVII. En parcourant les divers points de vue physiologiques, qu’a pu m’offrir l’étude des Maladies de la peau, j’ai nécessairement appliqué mon attention au singulier rapport que ces maladies conservent avec l’intégrité des sécrétions et des excrétions habituelles. Quand la matière de ces sécrétions et de ces excrétions ne prend point sa route accoutumée, elle ravage le système dermoide. La Dartre scabioïde des pauvres, tient presque toujours à une interception de la transpiration. Les saletés qui s’accumulent sur l’épiderme, y font naître des écailles, des Pustules, des Phlyctènes, etc. Le flux hémorroïdal, par exemple, peut appartenir à l’un et à l’autre sexe. Ce flux paroît nécessaire à l’économie animale, parce qu’il est favorable au dégorgement de la veine des portes. Il y avoit, à l’hôpital Saint-Louis, un infortuné maître d’école, dont le visage devenoit affreusement couperosé, quand ce flux salutaire lui manquoit. On peut rapporter des phénomènes analogues à la suppression des menstrues. Nous avons vu quelquefois cette suppression suivie d’une éruption générale des papules. J’ai eu l’occasion de recueillir, dans l’intérieur de l’hôpital Saint-Louis, un grand nombre d’observations sur les Dartres causées par l’exubérance du lait, chez les femmes qui n’ont pas nourri, ou qui sèvrent inopinément leurs enfans. Ces Dartres, qui tiennent à un désordre interne des glandes lymphatiques et du tissu muqueux, sont les plus rebelles aux moyens curatifs. Les bains, ordinairement si salutaires, redoublent quelquefois leur intensité; elles sont accompagnées de douleurs violentes, éparses çà et là dans l’économie animale, qui se dirigent tantôt vers la tête, pour troubler les fonctions cérébrales ou embarrasser l’exercice de e l’ouïe; tantôt vers la poitrine, pour opprimer la respiration; tantôt vers les entrailles, pour provoquer des coliques nerveuses ou intercepter le flux des menstrues, etc. Je tracerai le tableau de ces douleurs extraordinaires, qui, ce me semble, ont échappé jusqu’à ce jour à la sagacité vigilante des Observateurs cliniques.

Description des maladies de la peau observées à l'hôpital Saint-Louis

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