Читать книгу Description des maladies de la peau observées à l'hôpital Saint-Louis - Jean-Louis Alibert - Страница 5

DEUXIÈME SECTION.
Des modifications que l’ âge, le sexe, le tempérament, les saisons et le climat impriment aux Maladies de la Peau.

Оглавление

Table des matières

§. XVI. JE viens d’indiquer succinctement à mes lecteurs les matières diverses dont je me propose de traiter dans le cours de cet ouvrage. Mais ces matières, considérées sous différens points de vue, semblent offrir un intérêt nouveau. C’est ainsi que j’ai pu contempler les maladies cutanées se modifiant selon l’âge, le sexe, le tempérament et les saisons, même selon le climat. L’hôpital Saint-Louis m’a fourni l’occasion de les étudier sous tous ces aspects, et j’en ai profité avec zèle. J’expose avec simplicité les détails utiles que j’ai rassemblés.

§. XVII. En premier lieu, on ne peut douter que l’âge n’entre pour beaucoup dans les modifications que peuvent subir les Maladies de la peau; car cette enveloppe elle-même change selon les différentes époques de la vie. Elle a, comme les autres organes, des formes fugitives qu elle revêt et quitte avec rapidité. A peine l’enfant a-t-il quitté le sein de la mère, que chez lui le système dermoide devient la proie d’une multitude d’infirmités. Tout le cuir chevelu est tourmenté par un violent prurit, et se couvre de croûtes ou d’écaillés. L’épiderme se fend derrière les oreilles, et il en découle une sanie copieuse. Quelques nouveau-nés ont les bords intérieurs des deux lèvres souillés par des aphtes; d’autres ont la face dégradée par des vésicules pleines d’une sérosité jaune; c’est, en un mot, le temps des Gourmes, des Teignes, des Varioles, etc. Qui ignore que le travail de la dentition occasionne des éruptions brûlantes sur les joues, désignées par le nom vulgaire de feux de dents? N’est-ce pas alors que la membrane muqueuse du pharinx, des intestins, etc. est plus spécialement irritée, et qu’il survient des engorgemens dans les glandes mézaraïques? Mais l’enfance s’éloigne; l’âge de puberté arrive: tout change alors dans l’économie humaine. Le système dermoïde paroît embrasé d’un feu nouveau; il perd l’odeur muqueuse qu’il avoit, et exhale une odeur, pour ainsi dire, séminale. Les affections qu’il éprouve ont quelque chose de plus inflammatoire. C’est alors que paroissent divers érysipèles; la peau est marquée çà et là de boutons qui ont une apparence phlegmoneuse; ces boutons sont tantôt réunis et aglomérés, tantôt isolés et solitaires. Ils sont accompagnés d’un sentiment de tension et d’âcreté qui annonce leur action purement dépuratoire. De là vient qu’ils ne cèdent qu’aux délayans et au régime antiphlogistique. Les années se multiplient; les maladies du système dermoïde n’ont plus la même vivacité, comme dans la période ardente de la jeunesse. Cet organe, dans l’âge mûr, devient plus rude, moins sensible et moins perspirable. C’est chez les adultes que se manifestent les cors, les aspérités, les taches, les lichens, etc. Enfin, quand l’homme touche à la vieillesse, les vaisseaux cutanés se tuméfient, et deviennent variqueux. Le tissu cellulaire se dessèche; la peau est dure, épaisse, tuberculeuse; elle se résout quelquefois en écailles furfuracées. On voit alors se former différentes espèces de dartres, des phlyctaines, des ulcères, etc. A cette dernière époque de l’existence, le système dermoïde n’est point exposé aux révolutions qu’il éprouve dans les autres âges. Ses propriétés vitales sont dans un état de langueur et de dépérissement. Il faut moins compter sur la guérison. Au surplus, en continuant de considérer les maladies cutanées sous le même point de vue, on peut ajouter qu’elles suivent, en général, la direction des forces toniques dans l’économie animale. Dans l’enfance, elles viennent assaillir la tête; dans la puberté, elles se portent à la poitrine; dans l’âge mûr, elles occupent l’abdomen, le siège hémorroïdal, etc.; dans la vieillesse, elles sont dans les extrémités inférieures.

§. XVIII. Après la considération des âges, celle des sexes s’est naturellement présentée à moi dans l’étude des Maladies de la peau. Ainsi, par exemple, on observe que le système dermoïde, chez les femmes, est plus abreuvé de sucs et doué d’une sensibilité plus exquise que chez l’homme. Cette double qualité peut influer sur la nature de leurs éruptions cutanées. Combien d’ailleurs n’y a-t-il pas de ces éruptions qui ont les rapports les plus directs, soit avec la fonction menstruelle, soit avec la fonction de l’allaitement? La rétention des règles donne lieu à une multitude d’exanthêmes; mais ce qui est sur-tout difficile à guérir, ce sont les altérations dermoïques qui se manifestent à la période critique qui constitue l’âge de retour, parce qu’alors on n’a plus l’espérance de rétablir le flux supprimé. J’ai remarqué en outre que lorsque ces mêmes altérations, déjà existantes, ne sont pas dissipées par la révolution organique qui s’opère à cette époque de la vie, elles éprouvent une sorte de recrudescence, et deviennent plus intenses qu’auparavant. Une interruption prématurée dans la sécrétion du lait, produit des désordres presqu’aussi considérables. J’ai vu naguère une dame qui, ayant sevré tout-à-coup son enfant, fut couverte soudainement d’une dartre croûteuse dans les membres torachiques et abdominaux. Elle reprit son nourrisson, et cette affection ne tarda pas à disparoître. Je dois ajouter que la redondance du liquide laiteux se marque souvent à la périphérie du corps de la femme par des taches d’un roux cendré, par des croûtes d’un blanc verdâtre, et que cette cacochimie rebelle entraîne parfois des abcès qu’on pourrait presque considérer comme caséeux; il se déclare des douleurs vagues, mais très-vives, occasionnées par l’irritation générale du tissu cellulaire et des glandes lymphatiques; il se manifeste des empâtemens, des tuméfactions, des gonflemens de ces organes, fort mal décrits jusqu’à ce jour. J’ai particulièrement approfondi cette intéressante matière à l’hôpital Saint-Louis, et j’airassemblé beaucoup de faits qui ont échappé aux auteurs qui ont médité avant moi ce même sujet.

§. XIX. Il falloit sur-tout apprécier l’influence des tempéramens sur la production des maladies cutanées. C’est ainsi que les individus doués d’une constitution lymphatique, dont les cheveux sont blonds, dont la peau est blanche, sont particulièrement sujets aux efflorescences scarlatines, aux dartres miliaires, dont la plupart se manifestent au scrotum, à la partie interne des cuisses, sur les joues, etc. C’est ainsi que la Dartre furfuracée est l’apanage des gens robustes et d’un tempérament bilieux-sanguin. Nous observons assez constamment dans l’ordre civil, que le système dermoide s’embellit, pour ainsi dire, aux dépens de son énergie physique, et que la peau humaine qui flatte le plus agréablement la vue, n’est souvent, pour un Physiologiste attentif, qu’une peau malade ou étiolée. Mais il est un tempérament spécialement remarquable par la foiblesse radicale de l’organe cutané, et qui appartient sur-tout aux personnes dont le teint est fleuri, dont la chevelure est d’un rouge ardent, dont les yeux sont bleus, etc. Or, il n’est pas rare de voir que, dans la vieillesse, ce tempérament est voué au supplice de l’opiniâtre prurigo; c’est également celui que l’herpes farineux et la gale canine attaquent avec le plus de ténacité. Je pourrois alléguer d’autres faits non moins irréfragables; ces faits prouveroient de concert que les tempéramens particuliers communiquent leur empreinte aux maladies cutanées, aussi bien qu’aux autres altérations du corps vivant. C’est encore ici un apperçu nouveau en pathologie, qui offre la plus grande latitude aux méditations des Médecins cliniques.

§. XX. L’état de l’atmosphère a une action aussi puissante sur le système dermoide que sur le systême nerveux. Hippocrate avoit déjà remarqué que les chaleurs humides déterminoient le développement des taches cutanées. C’est dans les saisons pluvieuses que les douleurs des cors aux pieds se raniment, que plusieurs sortes de dartres s’irritent et croissent en intensité. Il est certaines constitutions de l’air particulièrement favorables au développement de l’érysipèle. La petite-vérole et la rougeole n’ont-elles pas des saisons qui leur sont propres? Les vapeurs mal-saines de l’automne font naître quelquefois sur la peau des exanthêmes de mauvais caractère, des anthrax, des pétéchies, etc. J’ai souvent vu le prurigo se cacher pendant les ardeurs brûlantes de l’été, pour reparoître pendant l’hiver. La desquammation furfuracée a principalement lieu pendant le printemps. Au surplus, nier l’influence des saisons sur les fonctions de la peau, ce seroit nier cette même influence sur les fonctions du systême exhalant. Cette influence est, du reste, si manifeste, qu’on la remarque même chez la plupart des quadrupèdes et des volatiles, qui, comme l’on sait, sont sujets tous les ans à une sorte de mue cutanée. Pendant cet acte mystérieux de la nature, les animaux sont tristes, et tout annonce en eux la révolution organique qu’ils sont sur le point de subir. Le système dermoide n’est donc pas le même dans toutes les saisons, et les changemens divers qu’il éprouve, doivent, sans contredit, modifier le traitement qu’on applique aux nombreuses infirmités qui l’assiégent.

§. XXI. Au milieu de cette variété infinie d’individus que l’indigence et le malheur rassemblent à l’hôpital Saint-Louis, j’ai pu même appercevoir une autre influence non moins intéressante: je veux parler de celle du climat, qui modifie généralement les maladies humaines, comme il modifie les plantes, les animaux et autres productions naturelles. Dans ce vaste hospice, des voyageurs malheureux viennent de toutes parts présenter à nos regards l’empreinte des lieux où ils ont reçu la naissance. Sans quitter l’enceinte de Paris, j’ai donc vu la Plique sur un Polonais, la Frambœsia sur un Américain et l’Eléphantiasis sur un infortuné Colon qui venoit de quitter le ciel impur de Cayenne. J’ai pu contempler un Ethiopien long-temps brûlé par les feux de la zône torride, victime encore de l’ancienne irritation qu’il avoit endurée, et chez lequel l’épiderme des mains se séparoit et se soulevoit en phlyctaines. Qui peut savoir si quelque jour des circonstances fatales à l’humanité, mais favorables à la science, ne transporteront point dans nos murs la Lèpre de l’Egypte, la Radesyge de la Norwège et la Pélagre du Milanais? Mais la France sur-tout m’a offert des circonstances locales que les praticiens, doivent apprécier. Ceux qui habitent ses côtes maritimes, sont tourmentés de certaines dartres dont le caractère est très-opiniâtre; et on peut porter le même jugement sur ceux qui vivent dans des provinces marécageuses, ou dans des villes bassement situées sur les bords des grands fleuves. C’est une remarque intéressante, que chez tous les peuples qui descendent des anciens Celtes, et qui ont une physionomie analogue, tels que les Bas-Bretons, les Écossais, les habitans du pays de Cornouailles, etc. la peau est généralement infectée par des maladies prurigineuses, dont on augmente parfois les accidens par des frictions violentes et réitérées. Le règne de ces maladies, dans ces lieux, est sans doute entretenu par les rivages de la mer, où croupissent journellement une multitude d’insectes, de poissons, de coquillages, etc. Ainsi donc, toutes les affections cutanées qui souillent l’espèce humaine, arrivent et paroissent successivement sur un même théâtre pour les progrès de l’observation médicale.

Description des maladies de la peau observées à l'hôpital Saint-Louis

Подняться наверх