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SOELLER

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Je n’ai fait que regarder…. (A part.) la danse de ce matin.

SOELLER. ALCESTE.

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ALCESTE.

Monsieur Soeller n’a pas dansé ? pourquoi cela ?

SOELLER.

Je me l’étais pourtant promis sérieusement.

ALCESTE.

Et cela n’allait pas ?

SOELLER.

Eh ! non. J’avais la tête affreusement pesante, et je n’étais pas du tout en humeur de danser.

ALCESTE.

Hé !

SOELLER.

Et le pire était que je n’y pouvais rien faire. A mesure que j’écoutais et voyais, la vue et l’ouïe me manquaient.

ALCESTE.

C’est affreux ! Je vous plains. Le mal vient vite.

SOELLER.

Oh ! non, je le sens depuis que vous êtes chez nous, et de plus loin encore.

ALCESTE.

C’est singulier !

SOELLER.

Et je ne puis m’en délivrer.

ALCESTE.

Eh ! faites-vous frotter la tête avec des linges chauds. Peutêtre cela passera.

Soeller, à part.

Je crois qu’il raille encore ! (Haut. ) Oui-da ! Cela ne va pas si aisément !

ALCESTE.

A la fin le mal cédera. Et cela vous vient justement. Il vous arrivera mieux encore ! Vous n’avez pas mené une seule fois votre pauvre femme avec vous, quand vous alliez au bal ! Monsieur, cela n’est pas bien. Laisser la jeune femme toute seule, en hiver !

SOELLER.

1 Ah ! elle reste volontiers à la maison et me laisse me divertir : elle sait le moyen de se réchauffer sans moi.

ALCESTE.”

Ce serait curieux !

SOELLER.

Oh ! oui, celui qui aime les friands morceaux s’aperçoit bien, sans qu’on lui fasse des signes, où il se trouve quelque chose à sa guise.

Alceste, piqué.

Pourquoi si mystérieux ?…

SOELLER.

Ce que je dis est fort clair. Exempli Gratia : je bois trèsvolontiers les vins vieux du père ; mais lui, il ne débouche pas volontiers ses flacons, il ménage son bien, et je bois hors du logis.

Alceste, devinant. Monsieur, songez !…

Soeller, avec moquerie. Monsieur l’ami des dames, elle est ma femme à présent : pourquoi vous en inquiéter ? Et quand même son mari la prend pour autre chose….

Alceste, avec une colère contenue. Son mari ! Mari ou non ! Je brave le monde entier ; et, si vous osez encore une fois dire….

Soeller, à part, avec crainte. Fort bien ! Je devrai encore le consulter pour savoir quelle est la vertu de madame. (Haut.) Mon fourneau est pourtant mon fourneau ! Je me moque de tout cuisinier étranger !

Alceste. Vous n’êtes pas digne de votre femme, si belle, si vertueuse, une âme si pleine d’attraits, qui vous a tant apporté ! Rien ne manque à cet ange.

Soeller. Elle a, je l’ai remarqué, dans le sang un charme particulier ; et l’ornement de tête aussi fut un de ses apports. J’étais prédestiné à une pareille femme, et sans doute déjà couronné dans le ventre de ma mère.

Alceste, avec éclat. Monsieur Soeller !

Soeller, hardiment. Que voulezvous ?

Alceste, se contenant. Je vous le dis, tenez-vous tranquille.

Soeller. Je voudrais bien voir qui prétendrait me fermer la bouche !

Alceste. Si je vous tenais ailleurs, je vous le ferais voir, qui vous la fermerait.

Soeller, à demi-voix. Il se battrait, en vérité, pour l’honneur de ma femme.

ALCESTE.

Certainement.

Soeller, enfre ses dents. Personne ne sait aussi bien jusqu’où il va.

ALCESTE.

Malédiction !

SOELLER.

O monsieur Alceste, nous savons ce qui en est. Du calme, je vous prie ; un peu de calme ! Nous pourrons nous arranger, et l’on sait bien que messieurs vos pareils moissonnent d’ordinaire tout le champ pour eux, et ne laissent au mari que le spicilége1….

ALCESTE.

Monsieur, je m’étonne que vous vous permettiez….

SOELLER.

Oh ! j’en ai eu assez souvent les yeux pleins de larmes, et chaque jour encore il me semble que je flaire des oignons. Alceste, avec colère et résolution. Comment ? Monsieur, cela va trop loin ! Parlez ! Que voulezvous ? Il faudra, je le vois bien, vous délier la langue. Soeller, hardiment. Eh ! parbleu, ce qu’on voit, je pense qu’on peut le savoir.

ALCESTE.

Comment, ce qu’on voit ! Qu’entendezvous par voir 1

1. Soeller a été homme de plume, et il en a conservé le langage.

SOELLER.

Ce qu’on entend par voir et par entendre.

AIXESTE.

Ah !

SOELLER.

Pas tant de colère.

Alceste, tres-irrilé. Qu’avez-vous entendu ? qu’avez-vous vu ?

Soeller, effrayé et voulant fuir. Permettez-moi, monsieur….

Alceste le retenant. Où allez-vous ?

Soeller.

De me retirer.

Alceste. Vous ne sortirez pas d’ici !

Soeller, à part. Oh ! le démon le tourmente !

Alceste. Qu’avez-vous entendu ?

SOELLER. ’

Moi ? Rien ! On m’a dit seulement….

Alceste, le pressant avec colère. Quel est cet homme ?

SOELLER.

Cet homme…. était un homme….

Alceste, plus vivement et s’avançant avec menace. Vite !

Soeller, avec anxiété. Qui l’a vu de ses yeux. (Plus hardiment.) J’appelle les domestiques !

Alceste, le prenant au collet. Qui était-ce ?

Soeller, tachant de se dégager. Quoi ? Enfer !

Alceste. Il le serre plus fort. Qui ? Vous me poussez à bout. (Il tire l’épée.) Qui est le vaurien ? le drôle ? le menteur ?

Soeller, tombant à genoux de frayeur. Moi !

Alceste, menaçant. Ou’avez-vous vu ?

Soeller, tremblant. Eh ! mais, ce qu’on voit toujours : le monsieur est un monsieur, Sophie une dame.

ALCESTE.

Et puis ?

SOELLER.

Eh bien ! cela va le train du monde, comme cela va quand la dame plaît au monsieur, et le monsieur à la dame.

ALCESTE.

C’est-à-dire… ?

SOELLER. “

J’auFais cru que vous le saviez sans questions. .

ALCESTE.

Eh bien !

SCELLER.

On n’a pas le cœur de refuser cela.

ALCESTE.

Quoi, cela ? Plus clairement !

50ELLER.

Oh ! laissez-moi en repos ! “

ALCESTE.

Cela s’appelle !… par le diable !…

SOELLER.

Eh bien, cela s’appelle un rendezvous.

Alceste, troublé. Vous mentez !

Soeller, à part. Il a peur.

Alceste, à part.

Comment Fa-t-il appris ? (// remet l’épéc dans le fourreau.)

Soeller, à part. t

Courage !

Alceste, à part.

Qui lui a découvert notre entrevue ? (Il se remet.) Qu’entendezvous par là ?

Soeller, fièrement. Oh ! nous nous entendons bien. La comédie de cette nuit ! Je n’en étais pas loin.

Alceste, surpris.

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ALCESTE.

Voilà comme vous étiez au bal ?

SOELLER.

Et qui était au festin ? Du calme seulement, et deux petits mots sans fiel. Si secrètement que l’on croie faire quelque chose, messieurs, retenez-le bien, cela finit, par se découvrir.

ALCESTE.

Il se découvre aussi fort bien que vous êtes mon voleur ! Je préférerais avoir dans ma maison des corbeaux et des pies plutôt que vous. Fi ! le vilain homme !

SOELLER.

Oui, oui, je suis fort vilain ; mais vous, gros messieurs, vous avez toujours le droit pour vous ! Vous voulez disposer de notre bien à votre fantaisie ; vous ne respectez aucune loi, et les autres devront les respecter ? C’est chose fort pareille de convoiter l’or ou la chair. Commencez par ne pas être pendables, si vous voulez nous faire pendre.

ALCESTE.

Vous osez encore !…

SOELLER.

J’ai droit d’oser. Certes, ce n’est pas une plaisanterie que de porter des cornes. In Summa, ne prenez pas la chose si fort à la rigueur : j’ai volé à monsieur son argent et il m’a volé ma femme.

Alceste, avec menace. ’

Qu’ai-je volé ?…

SOELLER.

Rien, monsieur ! C’était votre bien, longtemps avant qu’il m’arrivât de m’en croire le maitre.

ALCESTE.

Faut-il ?…

GŒTIIE. — TH. 1. 6

SOELLER.

Il faut que je me taise.

ALCESTE.

Au gibet, le voleur !

SOELLER.

Ne vous souvenez-vous pas qu’une loi sévère parle aussi d’autres gens ?

ALCESTE.

Monsieur Soeller !

Soeller, faisant le geste de couper une tête. Oui, à vous autres friands, on vous fait passer le goût du pain.

ALCESTE.

Êtes-vous du métier et crdyez-vous la chose à la mode ?… Vous serez pendu, ou pour le moins fouetté. Soeller, montrant son front. Je-suis déjà marqué.

SCÈNE X.

LES PRÉCÉDENTS, L’HÔTE, SOPHIE.

Sophie, au fond du théâtre. Mon cruel père reste sur le ton de la menace.

L’hôte, au fond du théâtre. La petite ne veut pas céder.

SOPHIE.

Voilà Alceste.

L’hôte, apercevant Alceste. Ah ! ah !

SOPHIE.

Il faut, il faut que la chose s’éclaircisse.

L’hôte, à Alceste. Monsieur, c’est elle qui est le voleur.

Sophie, de l’autre côté, montrant son père. Le voleur, c’est lui, monsieur. Alceste. Il les regarde tous deux en riant, et, prenant le même ton, il leur montre Soeller. Le voleur, c’est lui !

Soeller, à part. Allons, ma peau, tiens-toi ferme !

SOPHIE.

Lui ?

L’hôte. Lui ?

ALCESTE.

Vous n’avez l’argent ni l’un ni l’autre : c’est lui qui l’a.

L’hôte. Enfoncez-lui un clou dans la tête ! A la roue !

SOPHIE.

Toi ?

Soeller, à part. Orage et grêle !

L’hôte. Je voudrais te….

ALCESTE.

Monsieur, je vous demande de la patience ! Sophie était soupçonnée, mais pas de sa véritable faute. Elle est venue me voir. Le pas était peut-être téméraire, mais sa vertu pouvait le risquer…. (A Sceller.) Vous étiez présent. Sophie, étonnée.

Nous n’en savions rien ; la nuit gardait un discret silence. La vertu….

SOELLER.

Oui, elle m’a donné une chaude alerte….

Alceste, à l’hôte. Mais vous ?

L’hôte. Par curiosité, j’étais aussi monté là-haut. J’étais si préoccupé de cette maudite lettre ! Mais vous, seigneur Alceste, je n’aurais jamais cru cela de vous. Je n’ai pas encore bien digéré monsieur le compère.

Alceste. Pardonnez-moi cette plaisanterie ! Et vous, Sophie, vous me pardonnez aussi, sans doute ?

SOPHIE.

Alceste !

ALCESTE.

De ma vie je ne soupçonnerai votre vertu. Pardonnez-moi cette démarche. Aussi bonne que vertueuse….

SOELLER.

Je le crois presque avec lui.

Alceste, à Sophie. Et vous pardonnez aussi à notre Soeller ?

Sophie, donnant la main à Sceller. De bon cœur !

Alceste, à l’hôte. Allons donc !

L’hôte. Il touche la main à Sceller. Ne vole plus !

SOELLER.

Le temps amène l’avenir.

ALCESTE.

Mais que devient mon argent ?

SOELLER.

O monsieur, c’était par nécessité ! Le joueur me tourmentait à la mort, moi, pauvre diable ; je ne savais que devenir : j’ai volé et payé mes dettes. Voici le reste : je ne sais combien de florins.

ALCESTE.

Ce qui manque, je vous le donne.

SOELLER.

J’en serais donc quitte pour cette fois !

ALCESTE.

Mais j’espère que vous deviendrez honnête, tranquille et fidèle. Et, si vous vous avisez de recommencer….

SOELLER.

Bien !… Cette fois, nous avons tous échappé à la potence.

FIN.

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