Читать книгу Les coliques du cheval : diagnostic et traitement - Joseph-Justin-Adrien Roger - Страница 13
II. — RÉVERBÉRATIONS.
ОглавлениеSous le nom de «réverbérations» nous comprendrons les irritations à distance du fait de la diffusion des agents irritants par voie humorale et aussi par certaines modifications apportées à l’hydraulique sanguine.
Disons tout de suite que les réverbérations peuvent conditionner tous les gestes et toutes les attitudes que nous avons examinées au sujet des irradiations.
Nous nous bornerons à examiner la nature des poisons susceptibles d’imprégner l’organisme au cours des crises abdominales et quelques manifestations dépressives.
Par poisons nous entendrons avec le professeur H. Roger, tout corps capable de troubler où d’arrêter la vie non de l’être, mais des organites ou, si l’on veut, des éléments anatomiques - qui les constituent.
Les poisons reconnaissent tantôt une origine exogène, tantôt une origine endogène. Dans le premier cas, il s’agit d’une intoxication, dans le second d’une auto-intoxication.
Poisons exogènes. — Ils sont d’origine minérale, végétale, organique.
Les poisons minéraux sont absorbés par imprudence ou. administrés dans un but thérapeutique ou criminel. Parmi les corps de cette origine nous citerons particulièrement le cuivre, l’arsenic, le plomb, le soufre, le phosphore, les sels de potasse. Certes l’instinct est bien souvent une sauvegarde, mais il n’est pas absolument infaillible. C’est ainsi que l’enfant s’empoisonne avec les baies de différentes solanées (douce-amère, atropa, belladona, etc.), le perroquet avec du persil, le singe avec l’iodoforme, l’homme avec de la cigüe, l’amanite phalloïde, etc., etc. Nous avons fait l’autopsie d’un cheval qui avait absorbé de la bouillie cuprique viticole. Le docteur Schmidt a remarqué qu’aux environs des endroits où on travaille le plomb, il s’échappe des cheminées une certaine quantité d’oxyde de plomb qui se répand sur les végétaux, sous forme de poussière gris bleuâtre et que ces végétaux occasionnent des symptômes d’empoisonnement sur les chevaux.
L’intoxication accidentelle s’observe avec les sels de potasse, azotate ou oxalate à la suite d’une méprise bien connue, faisant confondre ce sel avec le sulfate de soude. Les coliques saturnines peuvent être la conséquence de l’utilisation de seaux ou d’auges métalliques, de canalisations en plomb ou alliages renfermant une forte proportion de plomb.
Nous citerons encore parmi les poisons minéraux les acides, les bases, les poisons les plus divers sans y insister plus longuement, ces intoxications ressortissant plutôt à la médecine légale qu’à la pathologie abdominale.
Les intoxications par les produits d’origine végétale sont plus fréquentes; elles sont plus souvent imputables aux altérations de la denrée qu’à la nature de la denrée elle-même. Cependant il existe des plantes ou des graines dont la toxicité est reconnue. Pendant la campagne contre l’Allemagne, de nombreux accidents ont marqué l’utilisation du riz décortiqué. M. Mouilleron a signalé le danger des haricots de Java, du Pérou, etc., etc., attribué à un glucoside cyanhydrique, la phaséolunatine qui, sous l’influence de l’émulsine, se dédouble en présence de l’eau en glucose, acétone et acide cyanhydrique. D’après Mallevre ce glucoside existerait dans beaucoup d’autres grains notamment le sorgho, le lin, les vesces sauvages et serait à l’origine de nombreux empoisonnements.
La nocivité des graines de ricin, de lupin, d’ivraie, de staphysaigre, de sénevé, de nielle est reconnue. Les tourteaux de farine ont entraîné des accidents toxiques.
Parmi les plantes nous citerons les renoncules, l’if, la cigüe, le mille-pertuis, les chaumes de lupin, la mercuriale, le trèfle hybride, le colchique, le buis, etc., etc.
L’altération des denrées est un facteur qui a peut-être été invoqué un peu trop souvent, mais il serait injuste de le dépouiller de toute influence. Dans un cas rapporté par Magnin à Oran les chevaux nourris de pain à oïdium aurantiacum et ascophora nigricans rejeté par les hommes furent frappés de coliques, d’accès vertigineux et de sueurs profuses. Cornevin accuse le pain moisi donné en grande quantité d’avoir déterminé la mort. Fischer dit que la dose de un kilogramme peut être suffisante pour entraîner une issue fatale. Avec 500 grammes de pain moisi par cheval, Perrin a observé des troubles graves (3 chevaux morts sur 40) ou des troubles bénins suivant des circonstances indéterminées.
Ces faits incriminent formellement les moisissures. Et cependant le professeur Cadeac s’exprime de façon suivante au sujet de ces agents: «Apportez-moi de l’avoine moisie et rien que moisie avec laquelle je pourrai rendre à coup sûr les animaux malades et je proclamerai la nocivité des moisissures; fournissez-moi un pain moisi c’est-à-dire couvert de cultures d’oïdum aurantiacum, de mucor mucedo, d’aspergillus glaucus, de rhizopus nigricans et de toutes les moisissures incriminées, susceptibles de produire les accidents relatés par Gaveriau, Cornevin, Abadie, Menier et Lecornue, Perrin, Cagny, Lenoir, Richard et je serai de leur avis, sinon je conclurai avec Decaisne, Rochard et Legros à l’innocuité de ces moisissures car accuser n’est pas prouver.
La preuve qu’exige le maître de Lyon suggère l’idée d’une étude expérimentale fort intéressante. Mais en l’état actuel de la question il nous semble que les moisissures doivent être incriminées en nous basant sur les travaux de Cornevin, Fischer, Perrin, etc. En biologie on ne doit tenir compte que des faits positifs. Quand il s’agit de germes vivants il faut tenir grand compte du terrain. Ex. Un savant étranger ayant impunément ingéré une culture de vibrions cholériques se crut autorisé à dénier au vibrion de Koch le rôle d’agent étiologique du choléra. Metchnikoff et plusieurs de ses collaborateurs tentèrent sans plus d’inconvénients la même expérience. Cependant, parmi les collaborateurs de Metchnikoff il s’en trouva un qui contracta le choléra et fut atteint si sérieusement qu’il faillit succomber. Ce fut pour Metchnikoff l’occasion de montrer la nécessité d’une oospora dans le tube digestif pour que l’individu soit réceptif pour le choléra. On sait d’autre part que le bacille tétanique en culture pure ne donne pas le tétanos. Il a besoin d’être associé à d’autres germes qui préparent son action. Il n’est pas défendu de penser que les Mucorinées et les Mucédinées jouent un rôle analogue par rapport à certains hôtes intestinaux.
Cadeac dit encore: «J’ai vu dans divers pays les paysans manger du pain moisi et n’en éprouver aucun trouble; les panades faites exclusivement de pain moisi ne produisent aucune intoxication.»
Dans ces circonstances il peut être question d’accoutumance ou encore d’actions biochimiques comparables à celles que l’on observe chez l’homme hyperchlorhydrique ou hypochlorhydrique. Dans l’hyperchlorhydrie les viandes faisandées sont supportées tandis qu’elles sont toxiques dans l’hypochlorhydrie.
Il se pourrait encore que les moisissures ne constituent que des témoins d’altération plus grave et d’une nature différente; comme l’urée au cours de l’azotémie est un index, utile à connaître, de substances toxiques, bien qu’elle soit elle-même inoffensive.
Pour les différentes raisons que nous venons d’énumérer, nous considérons les moisissures comme des altérations capables de déterminer des accidents d’ordre toxique. Notre regretté camarade Gobert a constaté en Chine des troubles cardiaques assez accusés sur les mulets d’une batterie nourris pendant quelques temps avec du «paddy» fermenté et de la paille de riz vasée et moisie.
Les rouilles des céréales et le charbon paraissent avoir une toxicité beaucoup plus douteuse.
La flore des fourrages doit être très variée à en juger par le nombre des espèces vivant dans le tube digestif, espèces recrutées par les ingesta. Elle est subordonnée à celle de l’eau, du sol, de l’air des régions d’origine et des milieux de conservation. Dans certaines conditions déterminées de chaleur et d’humidité, des espèces microbiennes peuvent se développer, secréter des toxines capables d’engendrer des troubles abdominaux ou de les préparer. Parmi les espèces malheureusement aussi nombreuses que peu étudiées nous citerons le streptothrix que Brocq Rousseu a isolé des avoines moisies, le vibrion de Dasson ville, le bacillus maïdès et le bacillus mesentericus fuscus du maïs altéré, le subtilis, le proteus, le vibrion septique et les coli-bacilles qu’on rencontre dans tous les aliments en voie de décomposition. Il est certain d’autre part qu’il existe en outre des bacilles sporulés aérobies ou anaérobies dont les spores pénètrent dans le tube digestif avec les fourrages et qui sont susceptibles de s’acclimater dans certaines conditions et de jouer un rôle dans l’auto-intoxication.
Poisons endogènes. — Les phénols, crésols, paracrésols, leucomaïnes et ptomaïnes qui sont issues des fermentations microbiennes constituent des poisons redoutables. D’autre part les physiologistes ont montré la toxicité des extraits du contenu intestinal. Qu’il nous suffise pour le moment de dire qu’il existe dans l’intestin un poison convulsivant, un poison paralysant, un poison qui provoque la diarrhée. De plus les parois du tube digestif renferment également des substances toxiques et la couche épithéliale du tractus digestif peut être considérée comme une glande étalée dont la suppression fonctionnelle peut entraîner la mort aussi bien que l’insuffisance hépatique ou la méïopragie rénale.
Les organopathies peuvent être des sources d’intoxication. La nutrition d’une cellule, d’un tissu ou d’un organe est dépendante de trois facteurs: 1° de l’action du système nerveux (neuro-trophisme); 2° de l’irrigation sanguine (vaso-trophisme); 3° de l’action chimique produite par les hormones (ou ferments excito-fonclionnels spécifiques sécrétés par toute cellule et par les glandes interstitielles) et de celle des harmozones ou produits de déchets normaux et anormaux du travail fonctionnel des cellules, tissus, organes. Cette dernière action correspond à la crase sanguine ou action humorale (crinotrophisme).
Chaque fois que l’un de ces facteurs est déficitaire le trouble apparaît dans la fonction et les humeurs deviennent «peccantes » (cholémie, urémie). Dans le cas de lésions organiques il y a formation de cyto-toxines qui jouent un rôle dans certaines intoxications.
Les dyscrasies résultant d’une maladie de la nutrition comme l’oxalémie, sont susceptibles d’impressionner défavorablement le système nerveux. Il en est de même du surmenage. Nous aurons garde d’oublier les sécrétions microbiennes et les gaz tels que l’hydrogène, l’hydrogène sulfuré, le méthane, le méthylmercaptan, l’acide carbonique qui prennent naissance dans le tube digestif et peuvent passer dans le sang Les toxines vermineuses et les alcaloïdes de la putréfaction doivent également entrer en ligne de compte.
Ainsi qu’on peut en juger d’après la liste des poisons que nous avons passée en revue, les réverbérations doivent revendiquer un certain nombre de manifestations au cours des crises abdominales. Elles peuvent solliciter les centres divers à l’instar des irradiations et conséquemment conditionner les mêmes gestes et les mêmes attitudes. Ce qui le montre bien c’est que par l’injection intra-veineuse de poisons d’origine intestinale on obtient un certain nombre de manifestations observées au cours des coliques. C’est ainsi qu’on provoque des mouvements convulsifs, des mouvements brusques et saccadés des membres postérieurs, des pulsions, des paralysies, des effondrements, des vomissements, de la narcose, etc. S’il était encore besoin d’arguments pour prouver que les gestes ou les attitudes que nous avons signalés peuvent reconnaître une origine toxique nous en trouverions de décisifs dans la magistrale étude du professeur Cadeac: de l’intoxication du chien par les essences de thym, de romarin, de fenouil, d’absinthe, etc. Au cours de ces expériences, le professeur Cadeac a noté des gestes superposables à ceux que nous avons enregistrés au cours des coliques.
D’autre part, on sait que les poisons paralysants sont tout d’abord excitants. Or, sur le cheval nous avons vu, à la suite d’une injection sous-cutanée d’atropine, apparaître des clonies des sus-naseaux, des crises de clignement et des mouvements cuniculaires et perçu des borborygmes à distance.
Nous avons assisté dans ce cas à l’excitation préparalytique des fibres du pneumogastrique avec irradiation dans le territoire du facial.
Les phénomènes de dépression tels que céphalée, semi-coma, narcose, etc., sont le plus souvent sous la dépendance des réverbérations.
Il est des manifestations qui sont sous la dépendance de l’hydraulique sanguine.
Au cours d’un flux congestif de l’intestin il peut se produire une anémie cérébrale qui entraîne du vertige par défaut de compensation labyrinthique. L’oreille est formée de trois milieux fluides: le conduit extérieur empli par l’air atmosphérique, la caisse du tympan également remplie d’air, le labyrinthe plein d’un liquide séreux; ces milieux sont séparés par des membranes inertes dont le jeu physiologique exige qu’elles supportent sur leurs deux faces des pressions égales. La pression du liquide labyrinthique et celle de l’air tympanique doivent faire équilibre à la pression atmosphérique et suivre ses variations à l’aide de ce que P. Bonnier a appelé la compensation tympanique et la compensation labyrinthique. La première se fait par l’ouverture de la trompe d’Eustache; certains baillements ne sont autre chose que des réflexes ayant pour but de permettre l’ouverture de la trompe. Dans le cas d’hémorragie cérébrale chez l’homme on observe de fréquents baillements qui résultent du trouble apporté à la circulation cérébrale par la compression liée à l’extravasation-sanguine.
La compensation labyrinthique est l’ensemble des procédés et conditions qui permettent à l’oreille de soustraire dans une certaine mesure le neuro-épithéliome à la compression du liquide qui le baigne. Elle se fait par régulation vaso-motrice du calibre des vaisseaux flexueux et glomérulaires qui tapissent la paroi labyrinthique modifiant légèrement la capacité du labyrinthe et la tension de son contenu. Si la compensation labyrinthique est insuffisante ou nulle, le vertige apparaît. Une congestion active ou passive de l’intestin anémiant plus ou moins les centres nerveux, l’hypertension ou les troubles de l’endothélium peuvent conditionner l’inondation séreuse ou hémorragique du labyrinthe et déterminer des accidents vertigineux. La section de la colonne vertébrale à l’autopsie des chevaux morts de coliques montre dans certains cas que le liquide céphalo-rachidien est en quantité anormale et sous pression; il doit en résulter des phénomènes de compression médullaire rendant compte de certaines excitations du névraxe et de la façon dont se comportent certains cas. Ainsi que la rachialgie qu’on observe dans certains cas.
Si nous faisons le bilan de tous les gestes il nous reste encore à examiner la nausée, les régurgitations, et les plaintes.
Nausée (d’un mot qui signifie «vaisseau»). — La nausée est une sensation musculaire vague due à de faibles contractions de certaines fibres musculaires de la partie inférieure du pharynx et du commencement de l’œsophage qui s’extériorisent par l’allongement de la tête sur l’encolure et un déplacement du corps de l’hyoïde. Il s’agit d’un trouble irradié à point de départ variable: estomac, intestins, voies biliaires, utérus, reins, etc. Nous l’avons observé au cours d’un état créé artificiellement par la ligature du grêle. On a pu dire que le vomissement est à la nausée ce que le cri est à la douleur; de même qu’on peut souffrir sans crier, on peut avoir la nausée sans vomir. Dans le déterminisme de la nausée la susceptibilité nerveuse entre pour une grande part, conformément à la loi de Lasègue. La nausée considérée isolément n’a aucune valeur au point de vue du diagnostic de siège car elle peut dépendre aussi bien du rein ou de l’utérus que de l’estomac. Il est des états gastriques bénins qui conditionnent l’apparition de nausée à côté de troubles stomacaux profonds qui n’en présentent pas. La nausée étant due à l’excitation du nerf glosso-pharyngien on concevra qu’elle s’accompagne d’hypersécrétion salivaire puisque le nerf innerve la glande parotide. D’autre part la contingence de l’irradiation au vague et au centre vaso-moteur peut associer la nausée à un malaise syncopal avec ralentissement cardiaque, pâleur des muqueuses, tremblements, sueurs profuses, faciès anxieux, etc., etc.
Eructations. — Ce sont des renvois gazeux. Cette manifestation suppose: 1° la présence de gaz dans l’estomac; 2° la perméabilité du cardia; 3° la contraction de l’estomac ou une forte inspiration à glotte fermée qui fait le vide dans l’estomac.
Les gaz de l’estomac viennent soit de l’air dégluti par tiquose, sialophagie, stéréotypie de léchage, aérodipsie, etc., soit des fermentations gastriques ou intestinales primitives ou secondaires. Ces gaz sont plus ou moins mélangés; on y trouve de l’oxygène, de l’azote, de l’acide carbonique, de l’hydrogène, du gaz des marais, de l’hydrogène sulfuré, etc. Ceux qui proviennent de la fermentation des hydrates de carbone sont inodores; les gaz qui résultent de la putréfaction des matières albuminoïdes ont une odeur nidoreuse, aigre ou rance selon qu’il s’agit d’hydrogène sulfuré, ou d’acides volatils (acide acétique, butyrique, etc.).
Les éructations sont plus ou moins fréquentes et plus ou moins copieuses. Elle se succèdent parfois en série comme si l’estomac était transformé en «usine à gaz». Si l’on songe que le foin renferme 44 0/0 d’amidon ou de sucre et l’avoine 60 0/0 et que d’autre part d’après H. Roger un grain d’amidon de 0 gr. 06 centigrammes donne 125 centimètres cube de gaz on pourra faire une part aux fermentations dans la genèse des gaz dans l’estomac contrairement à la tendance à considérer la quasi-totalité de ces fluides comme d’origine aérienne et dont la présence dans l’estomac s’expliquerait par l’aérophagie. Dans certains cas les gaz s’accumulent dans l’estomac; ce sont ceux dans lesquels les soupapes de sûreté : cardia et pylore ne fonctionnent pas. La déchirure de l’organe peut en être la conséquence.
Régurgitations. — Ce sont des renvois de liquide. Ces manifestations reflètent un trouble gastrique primitif ou secondaire. Des régurgitations salivaires s’observent dans le spasme de l’œsophage. Quand l’estomac ne renferme que des liquides, les régurgitations sont inodores. Quand il renferme des aliments les régurgitations ont une odeur sui-generis de suc gastrique ou une odeur empruntée à la nature des fermentations. Les régurgitations sont fréquentes dans la dyspepsie acide.
La substance qui est renvoyée peut être de l’eau, de la salive, une sorte de bouillie quand la digestion est peu avancée, bouillie qui peut être colorée en jaune par la bile ou en rouge par l’hémoglobine.
Vomissement. — Nous ne nous attarderons pas sur le fait bien connu, basé sur une disposition anatomique du cardia, de la difficulté du vomissement chez le cheval. Nous ferons remarquer qu’on confond souvent les régurgitations avec le vomissement. Le vomissement se produit parfois au moment de rupture de l’estomac laquelle peut s’accompagner d’un cri spécial que Pecus compare à celui de l’étalon qui s’approche d’une jument.
Conclusion. — Les gestes ou attitudes observés au cours des crises sont des manifestations à distance des troubles apparaissant dans le tube digestif qui sont conditionnées par des irradiations ou des réverbérations. Il en est qui sont des actes de volition d’autres qui sont inconscients et involontaires. En matière de crise abdominale on n’est pas autorisé à dire «Tout est dans le geste» mais il ne s’ensuit pas que les gestes soient dépourvus de signification. Un geste n’a de la valeur qu’à la condition d’être interprété. Sa constatation fait naître des suggestions diverses qui ne doivent être accueillies que sous bénéfice d’inventaire et tout autant qu’elles sont ratifiées par l’auscultation abdominale et la partie chiffrée. Sous ces réserves on peut dire que les gestes et les attitudes permettent d’aiguiller le diagnostic de siège de la lésion ou du trouble fonctionnel et fournissent parfois des indications sur la nature de la crise ou sur le pronostic qu’elle comporte.
Au point de vue du diagnostic de siège nous retiendrons:
Que le cheval se couche sur sa lésion.
Que le fait pour le patient de regarder fréquemment une certaine région révèle souvent l’origine d’un obstacle dans la portion intestinale qui se réfléchit dans cette région.
Que le décubitus est très précautionneux vis-à-vis des régions douloureuses.
Que l’attitude orthopnéique d’origine digestive indique que le trouble siège dans les parties antérieures du tube digestif.
Que le cheval qui porte un membre postérieur en abduction présente un trouble intéressant l’anse pelvienne. Il en est de même s’il porte la tête dans la région mammaire, dans la région inguinale, vers le grasset ou vers le canon.
Que la position du chien assis peut être prise pour dégager le diaphragme et celle du chien savant pour essayer de redresser une vessie en besace en antéflexion dans le bassin, etc.
Que la mimique faciale dans certains cas peut être considérée comme le sémaphore de l’estomac. Ces cas sont ceux au cours desquels seule la mimique faciale est en jeu.
Que la queue est le sémaphore des parties postérieures de l’intestin.
Quand les deux sémaphores fonctionnent le trouble porte sur tout l’appareil ou, au moins, à ses deux extrémités. L’appareil digestif peut être intéressé d’emblée dans sa totalité ou il peut se faire encore qu’un trouble antérieur en conditionne un postérieur secondairement ou vice-versa. Ex.: une indigestion gastrique peut se compliquer de stase intestinale et on voit dans ce cas le sémaphore caudal fonctionner en même temps que le sémaphore céphalique. La stase intestinale secondaire peut déterminer un syndrôme urinaire, etc., etc. 2e ex.: Un calcul du côlon flottant se signalera primitivement par la voie du sémaphore caudal, mais il pourra se produire secondairement de la stase gastro intestinale et le sémaphore céphalique pourra être actionné.
Les différentes manifestations péniennes que nous avons décrites s’observent dans les troubles intéressant la partie postérieure du côlon, le côlon flottant et le rectum. Les baillements, les nausées, les éructations peuvent quand ils sont fréquents faire soupçonner un trouble stomacal. Isolés ils sont dépourvus de signification diagnostique.
Au point de vue de la nature de la crise les gestes ou attitudes offrent quelque intérêt. Les manifestations comateuses suggèrent l’idée d’auto-intoxication, d’infection ou d’intoxication. L’éjection de blocs de mucus coagulé est un signe qui a une grande valeur diagnostique de l’occlusion ou de l’obstruction intestinale.
Les crises épileptoïdes s’observent presque toujours dans le cas de stase intestinale, d’obstruction intestinale; on les voit encore dans les crises vasculaires mais ici la tension artérielle est très éloquente et d’autre part il manque le signe du bras. Les crises épileptoïdes qui se manifestent en l’absence d’obstruction et de crises vasculaires sont liées soit à l’auto-intoxication soit à l’helminthiase et nous montrerons ultérieurement le diagnostic différenciel de ces affections.
Le geste de l’astronome quand il est effectué nettement a une grande valeur au point de vue de l’occlusion ou de l’obstruction intestinale.
En dehors de l’éjection de blocs de mucus coagulé on peut dire qu’il n’existe pas de signe pathognomonique qui soit fourni par la partie mimée.
Le pronostic peut tirer des indications de la mimique. En effet les plaintes constituent un symptôme grave. Le cheval ne se plaint guère qu’en présence des crises sérieuses. Le cri de la déchirure de l’estomac est très éloquent bien qu’il soit utile de le différencier de celui qui accompagne le geste de défaillance. Il est des signes qui, sans rien faire préjuger de la nature de la crise, assombrissent le pronostic du fait de leur apparition tels sont: l’attitude du sphinx prise fréquemment et gardée longtemps, les gestes de désespoir, les gestes de défaillance, etc.
Les manifestations vertigineuses s’observent souvent dans des cas qui ont une terminaison favorable; nous voulons parler des pulsions et des effondrements. Ces phénomènes sont parfois plus impressionnants que de mauvais augure.
Il n’y a aucun rapport entre l’intensité des manifestations et ce qui concerne les gestes et les attitudes. Tels chevaux qui s’agitent comme des bouts de vers guérissent très facilement à la faveur d’une thérapeutique rationnelle (coliques nerveuses). D’autres qui n’offrent que des manifestations peu exubérantes sont irrémédiablement condamnés (calculs).
Les révoltes instinctives nous permettent de dire qu’un cheval qui accepte des aliments au cours d’une crise ne présente pas d’indigestion par surcharge. Qu’un cheval qui accepte de boire n’est atteint ni d’indigestion d’eau, ni de rétention d’urine.
Le cheval qui se campe pour uriner sort le pénis. Tout cheval qui se campe sans sortir le pénis ne prend pas cette attitude pour la miction. La jument qui se campe pour uriner lève la queue. Si le camper ne s’accompagne pas de geste caudal il n’a rien à voir avec la miction.
Un cheval qui fait des efforts de défécation a l’anus ouvert. Si les efforts ne s’accompagnent pas de béance anale ils ont un autre but que la défécation.
L’absence de toute manifestation autre que l’accablement doit faire craindre l’accalmie traitresse. Quel que soit le calme apparent d’un patient il ne faut pas le considérer guéri s’il est permis de constater de la crispation des naseaux. Les naseaux sont de véritables esthésiomètres ils constituent même un excellent baromètre des coliques. Quand ils sont crispés en permanence la crise est grave. Elle l’est moins quand les naseaux sont alternativement ronds et crispés. Elle est bénigne quand les naseaux restent ronds.
Pour clore le chapitre de la partie mimée et montrer l’utilité qu’elle présente; qu’il suffise de dire qu’elle nous a permis de porter le diagnostic d’obstruction intestinale sans avoir recours à la partie audible et à la partie chiffrée. Nous avons eu l’occasion de voir un cheval rejeter des blocs de mucus coagulé comparable à du blanc d’œuf cuit. Ce fait nous fit penser à l’obstruction intestinale. Le sémaphore caudal était agité, il y avait des érections et des crises épileptoïdes. Nous portâmes le diagnostic d’obstruction intestinale. L’examen de la partie audible et de la partie chiffrée confirmèrent notre opinion qui fut reconnue exacte à l’autopsié. La partie mimée ne permet pas souvent de se prononcer aussi catégoriquement mais il n’en est pas moins vrai que les indications qu’elle fournit sont suffisamment intéressantes pour que le praticien s’ingénie à déchiffrer le langage des gestes.