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AVANT-PROPOS

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De même que la pathologie de la femme gravite autour de l’utérus, la pathologie équine gravite autour de l’appareil digestif.

Le praticien est parfois dans un cruel embarras en présence d’une crise abdominale. Il partage ce sort avec le médecin qui, cependant, est mieux doté au point de vue diagnostique grâce au laboratoire, à la radiographie et aux renseignements que peut lui fournir le patient. Le médecin a encore l’avantage de passer le malade à un chirurgien qui dispose du moyen «d’aller voir» en pratiquant la laparatomie, tandis que la chirurgie exploratrice n’a pas encore acquis droit de cité dans la pratique courante de notre art. Le vétérinaire doit tendre son esprit d’observation et aiguiser son sens clinique pour lui donner le maximum de pénétration s’il ne veut pas être passible des griefs que le vitaliste Barthez de la faculté de Montpellier adressait aux médecins de son temps: «Nous sommes des aveugles qui, un bâton à la main, frappons tantôt sur le mal, tantôt sur le malade; tant mieux quand c’est sur le mal.»

Le taux de la morbidité et de la mortalité permettent de penser que nous en sommes au point de vue abdominal à l’époque Barthézienne. En effet, une prophylaxie si peu efficace doit être tenue pour suspecte ainsi que l’étiologie qui lui fournit les indications. Tout s’enchaîne logiquement dans l’erreur quand le point de départ est erroné. L’étiologie égare la prophylaxie et la pathogénie; comme on a pu dire judicieusement que la thérapeutique est la pathogénie retournée, il est facile de saisir les conséquences déplorables de l’erreur de doctrine.

Le rôle du vétérinaire en présence d’une crise abdominale nous paraît être le suivant:

1° Sauver son malade.

2° Le guérir et, dans le cas où la guérison est impossible, fixer les indications d’une utilisation rationnelle aux fins d’une conservation prolongée.

Quand l’orage d’une crise est passé, quand le calme est rétabli et que les déviations fonctionnelles se sont évanouies, en un mot quand l’entourage considère que le cheval est guéri, la tâche du praticien n’est pas terminée. Son malade est sauvé, mais il n’est pas guéri car dans l’immense majorité des cas, la crise abdominale n’est qu’un épisode plus ou moins dramatique d’une maladie fonctionnelle ou organique dont elle peut être considérée en quelque sorte comme révélatrice. Les crises abdominales éclosent sur un fond dyspeptique.

La dyspepsie est parfois essentielle mais elle est souvent symptomatique; elle est dite essentielle quand elle n’est pas la conséquence d’un trouble préexistant dans l’organisme; elle est dite symptomatique dans le cas contraire.

La dyspepsie symptomatique comprend plusieurs variétés:

1° organopathique (gastrite, hépatite, néphrite, artério-sclérose, affection du cœur, etc., anévrismes).

2° Helminthiasique.

3° Microbienne (auto-intoxication).

Pour sauver son malade, le praticien doit être en mesure d’établir le bilan des déviations fonctionnelles qui caractérisent l’affection envisagée. Les symptômes sont les données du problème que la crise pose au clinicien. Comme pour tout problème dont l’énoncé manque de données, l’entendement de la crise sera impossible pour ceux qui n’auront pas appris à voir. Il n’est pas toujours possible pendant la crise de faire le diagnostic étiologique et pathogénique.

Ce diagnostic est indispensable pour guérir le malade; mais le diagnostic physio-pathologique peut permettre de le sauver. Or, il est possible d’établir dans tous les cas la somme des déviations fonctionnelles et ce sont ces déviations qui doivent servir de base au traitement de la crise.

Un spasme intestinal reconnait plusieurs mécanismes, mais il cède aux antispasmodiques. L’hypertension a également des causes multiples; n’empêche que les émissions sanguines ou les vaso-dilatateurs apportent un soulagement au patient et peuvent même faire cesser la crise.

Sans connaître l’étiologie exacte on peut déterminer la nature d’un trouble. Ex.: Parmi les facteurs de la stase intestinale on peut invoquer le spasme qui bloque l’intestin; l’entérite qui le paralyse d’après la loi de Stockes; la paralysie du plexus solaire, etc. Les attributs du trouble fonctionnel varient avec la nature de ces troubles comme nous aurons l’occasion de le montrer et leur connaissance conduit à une thérapeutique rationnelle adaptée à chaque cas.

Pour guérir son malade le praticien doit être en mesure de diagnostiquer la variété de dyspepsie qui conditionne l’apparition des crises (voir étiologie). Beaucoup de dyspepsies sont fonctionnelles avant d’être organiques; tant que le trouble n’atteint que la fonction, la guérison peut être obtenue. On arrive trop tard quand l’organe a été frappé. Dans ce cas le praticien doit se borner à prévenir les orages en fixant les indications d’une utilisation rationnelle.

En somme les crises abdominales sont des ruptures explosives de la paix organique abdominale, amorcées de longue haleine qui éclatent au choc d’une occasion favorable. L’amorce c’est l’état dyspeptique. L’étincelle ce sont des facteurs variés; milieu ambiant, travail, la qualité ou la quantité des aliments, etc. On ne peut le plus souvent rien pour supprimer l’étincelle, tandis qu’on peut empêcher l’amorçage grâce aux indications fournies par une Etiologie vraie.

Afin d’éviter les répétitions, nous renvoyons le lecteur au chapitre des causes amorçantes, nous bornant pour l’instant à montrer comment on peut arriver à saisir l’ensemble des perturbations apportées dans l’organisme par l’évolution d’une crise de coliques. Pour atteindre ce but il faut penser physiologiquement. Nous allons exposer la méthode que nous avons employée et qui nous a permis d’éclairer notre pensée clinique.

Faisant table rase de nos connaissances, nous avons essayé de reprendre l’étude de la question en nous imposant d’interpréter toutes les manifestations observées au cours des crises et à les subordonner entre elles. Pendant longtemps nous nous sommes imposé de n’avoir que des yeux et des oreilles et de suivre nos malades à partir du moment où ils nous étaient présentés jusqu’au dénoûment. Nous avons fait une ample moisson de symptômes. Nous avons passé ensuite à l’interprétation des éléments séméiologiques à l’aide de quelques principes que nous nous sommes donnés et que nous allons énumérer.

1° Un même symptôme peut être produit par des causes différentes. Ex.: Le météorisme s’observe au cours de l’aérophagie, de la péritonite, des fermentations primitives ou secondaires. Cette constatation impose l’étude du déterminisme des éléments symptomatiques car le symptôme conduit au syndrôme et le syndrome au diagnostic.

Les crises sont généralement plurisyndromatiques. Si nous assimilons le tableau clinique à un jeu de patience les syndrômes et les symptômes représenteront des fragments à contours plus ou moins irréguliers qui ne pourront faire partie du complexus de la crise qu’à la condition de se raccorder. Ex.: Le symptôme météorisme d’origine fermentative ne trouvera pas place dans un syndrome aérophagique car les stigmates de l’aérophagie feront défaut. Les syndrômes devront également se raccorder entre eux. De plus le tableau clinique devra être brossé mentalement suivant les lois de la perspective clinique, c’est-à-dire en situant sur des plans différents le syndrome principal, déchaînant, nourricier en quelque sorte de la ciser et les syndromes corollaires ou parasites. Quand on est en mesure de reconstituer mentalement le tableau clinique de la façon que nous avons indiquée on a l’entendement de la crise dont on a fait en quelque sorte la preuve clinique.

2° Etant donné que le système nerveux régit la clinique, tous les phénomènes observés au cours des crises sont dans un état de dépendance vis-à-vis du pneumogastrique ou du sympathique, seuls rameaux en rapport directement avec le tube digestif auquel ils apportent la sensibilité, la motricité, la vaso-motricité et qui règlent en outre les sécrétions, la tonicité et la trophicité. Dans toute crise il y a participation du vague ou du sympathique, parfois des deux. Il existe donc dans la cavité abdominale un clavier vago-sympathique dont chacune des touches représente une des fonctions de la Xe paire ou du sympathique. Les notes de ce clavier vibrent soit isolément, soit en accords, soit tutti-quanti quand il s’agit d’irritations électives n’intéressant que certaines fibres spécialisées fonctionnellement, ou d’irritation totale.

3° D’autre part, il est à remarquer que l’irritation provoque des réactions différentes suivant les cas. Elle est susceptible de conditionner soit l’exaltation fonctionnelle, soit la suppression fonctionnelle par inhibition, soit l’hallucination (voir article «douleur»).

4° Toute réaction de l’organisme peut être considérée comme une défense ou une hallucination.

5° Les réactions sont fonction de l’hérédité, du tempérament et de la tendance morbide.

6° Un trouble fonctionnel léger ou une lésion superficielle exaltent les réflexes; tandis qu’un trouble grave ou une lésion profonde les supprime (loi de Lasègue). Hippocrate avait déjà dit: Febris spasmos solvit. Le professeur Roger a montré que le réflexe gastro-salivaire est supprimé dans les affections graves de l’estomac.

7° Toutes les manifestations observées au cours des crises en dehors de la cavité abdominale sont subordonnées à des répercussions nerveuses ou humorales du trouble abdominal. Il faut encore tenir compte de phénomènes d’origine mécanique.

Une crise est donc constituée: 1° par le dérèglement partiel ou total des fonctions de l’appareil digestif; 2° par des troubles à distance, véritables harmoniques des notes abdominales.

Rien n’est plus simple que de percevoir les notes du clavier vago-sympathique. La participation de la motricité sera perçue par les modifications de la péristaltique car elle conditionnera l’une ou l’autre des deux déviations du type normal: 1° suivant le degré, l’exagération du transit intestinal ou le spasme; 2° l’inhibition fonctionnelle ou paralysie. L’auscultation abdominale nous permet de différencier ces états de la motricité. L’élément douleur se révèle par le facies, les gestes ou les attitudes volontaires, les plaintes, etc. Nous montrerons que l’irritation des fibres sensitives abdominales s’irradie sur la surface somatique et que cette constatation permet d’imaginer un clavier utilisable dans le diagnostic du siège du trouble abdominal. L’irritation des fibres vaso-motrices entraîne des modifications de la tension sanguine dans le sens de l’hypertension ou de l’hypotension.

L’excitation anormale des fibres sécrétoires se révèle par l’état de la sécrétion salivaire, par l’auscultation, par les évacuations alvines.

Si les fibres toniques sont influencées on peut observer dans le cas de fléchissement: du météorisme et dans le cas d’hyperactivité.: l’absence de ballonnement.

S’il n’y avait qu’une seule note du clavier qui vibre on se trouverait en présence d’une individualité telle qu’on ne pourrait pas les confondre avec d’autres; on pourrait dire par exemple que ce sont des crises d’un style pur. On aurait le style vasculaire, le style moteur, le style sécrétoire, etc., etc. Malheureusement il y-a toujours plusieurs fibres qui vibrent et les styles sont composites. Parfois les notes secondaires vibrent faiblement, faisant en quelque sorte un accompagnement et dans ce cas il est facile de dégager la note dominante. La difficulté est plus grande quand plusieurs notes vibrent fortement, et à plus forte raison quand tout le clavier est mis en branle énergiquement. Nous montrerons comment on peut arriver à différencier les concerts abdominaux.

Nous avons dit que les troubles abdominaux retentissent sur les grandes fonctions. Parmi ces retentissements, il en est qu’on rencontre à coup sûr, tels sont les répercussions cardiaques des troubles circulatoires, les troubles respiratoires d’origine mécanique, etc. Mais il en est d’autres qui sont contingents et qui dépendent des susceptibilités nucléaires individuelles.

Une excitation à point de départ abdominal peut s’irradier à la périphérie, à la moelle, aux centres nerveux supérieurs. Il en est de même quand il s’agit d’une réverbération humorale. Un certain nombre de centres sont intéressés et tandis que certains noyaux sont réfractaires, il en est qui réagissent violemment. Les susceptibilités nucléaires entrent ici en jeu. Chaque individu a ses sensibilisations spéciales qui diffèrent de celles qu’on observé chez un autre sujet. Ex.: Un malade qui souffre de l’oreille dont l’innervation a des connexions avec le noyau de la VIIIe paire qui est le noyau du vertige fera facilement du vertige d’irradiation. Un autre malade présentant des troubles du glosso-pharyngien qui est le nerf de la nausée fera de préférence des nausées.

Les manifestations à distance sont encore influencées indépendamment de la loi de Lasègue par l’organe dans lequel se produisent les troubles primitifs. Ex.: Les troubles gastriques ont une mimique cervico-faciale, tandis que les troubles du côlon flottant ont une mimique génitale (érection, saillies clitoridiennes). Ce fait permet dans une certaine mesure de distinguer les affres siégeant dans les parties antérieures du tube digestif de celles qui siègent dans les parties opposées.

Ce qui précède montre que chaque crise a une physionomie spéciale. L’aphorisme de Landouzy: «IL n’y a pas de maladie, il n’y a que des malades», s’applique étroitement aux crises abdominales. On ne peut saisir l’étendue des déviations fonctionnelles qu’en suivant physio-pathologiquement le film qui se déroule. Indépendamment des susceptibilités nucléaires, il a des complications multiples et variées. Une crise gastrique peut s’accompagner de stase intestinale et celle-ci se compliquer d’un syndrome urinaire. De plus, les syndromes parasites peuvent s’implanter après la cessation de la crise qui leur a donné naissance. Nous avons vu maintes fois après la suppression d’une stase abdominale persister des troubles qui étaient liés à la rétention d’urine et qui étaient apparus sous l’influence de la stase.

Pour toutes ces raisons on conçoit qu’il ne soit pas possible de faire entrer une crise déterminée dans un cadre préparé à l’avance.

La scène se déroule dans un milieu vivant et se modifie d’un instant à l’autre. Il y a plus de tableaux cliniques que de cadres car il n’y a pas deux crises absolument superposables. Les descriptions synthétiques sont anti-cliniques. Ce sont des clichés qui peuvent être parfaits considérés isolément, mais qui perdent toute signification du fait de leur superposition. Ce qu’il faut au clinicien ce n’est pas de la photographie, mais plutôt de la cinématographie qui seule pourra lui donner une idée des contingences évolutives et du sens de la crise. C’est la raison pour laquelle nous accompagnons chaque question d’un certain nombre d’observations propres à montrer qu’autour du noyau fondamental de la crise peuvent évoluer des manifestations extrêmement variées.

Le diagnostic des affres abdominales a été l’objet de soins particuliers. Nous avons imaginé différents procédés qui rendront des services à ceux qui voudront les utiliser. Nous envisageons l’étiologie et la prophylaxie sous un angle que nous avons déjà esquissé et nous exposerons ce point particulier en détail dans le cours de cet ouvrage.

En matière de thérapeutique nous n’apportons pas de médicaments nouveaux estimant que la pharmacopée actuelle est riche à nous embarrasser pour le choix quand nous avons des indications précises à remplir.

L’ampleur de la tâche que nous avons assumée nous incline à compter sur la bienveillance de nos confrères au jugement desquels nous soumettons ce travail né de la clinique et destiné aux cliniciens.

Les coliques du cheval : diagnostic et traitement

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