Читать книгу Les coliques du cheval : diagnostic et traitement - Joseph-Justin-Adrien Roger - Страница 7
A. — Description des principales manifestations de la partie mimée.
ОглавлениеLa physionomie du cheval en proie à une crise abdominale est très variable. Elle est tantôt figée dans un masque de douleur, d anxiété, de tristesse, d’abattement, de désarroi, de prostration, d’accablement ou d’indifférence. Le facies est dit «grippé », lorsque les yeux sont hagards et enfoncés dans 1 orbite, les naseaux contractés, la commissure labiale tirée en haut découvrant plus ou moins les dents et donnant au patient un air de moquerie acerbe désigné sous le nom de rire sardonique ou sardonien ou encore rictus.
Parfois la physionomie est au contraire extrêmement mobile. La face est grimaçante, le bout du nez, les lèvres, les oreilles, les paupières et même les yeux présentent des mouvements anormaux. On peut observer de la distorsion des traits comparable à celle qui se manifeste chez les chevaux qu’on vient de délivrer du tord-nez. On constate le relèvement de la lèvre supérieure, des contractions cloniques des sus-naseaux des crises de clignements palpébraux, du nystagmus, de la déviation conjuguée des yeux et de la tête, etc.
Le patient est tantôt calme, résigné, les yeux mi-clos, la tête basse, indifférent aux choses du milieu, l’air plus intoxiqué que souffrant. Tantôt il manifeste une vive agitation, on dirait un énergumène, il grimpe dans le râtelier, se jette contre les parois et cherche à mordre. Dans les cas qui s’accompagnent de dyspnée intense, le sujet a l’attitude orthopnéique: il se fige sur ses quatre membres, les antérieurs écartés du corps de façon à permettre à la cage thoracique le maximum d’ampliation.
La tête est tantôt basse, tenue au ras du sol, à hauteur des genoux ou du poitrail, tantôt portée normalement, quelquefois plus ou moins renversée ou placée de travers comme s’il s’agissait d’un torticolis.
Les oreilles sont tantôt piquées, tantôt placées horizontalement, quelquefois couchées comme chez le cheval qui va ruer; elles sont mobiles: synergiques ou asynergiques ou immobiles.
La queue est tantôt immobile et portée comme chez le cheval normal, mais elle est susceptible de présenter des mouvements variés au cours des crises. Elle peut être alternativement relevée et abaissée, maintenue horizontalement, animée d’un mouvement de balancier, alternativement abaissée et relevée, relevée et frémissante, relevée, déviée sur la croupe et même contorsionnée ou encore être agitée brusquement en coup de fouet et comme un chasse-mouches.
Il est loisible d’observer des nausées, des plaintes, des éructations, des régurgitations, des vomissements, des épreintes, des évacuations, des efforts comparables à ceux qu’on voit sur une jument en train de mettre bas.
Certains chevaux «tâtent» le sol avec leurs membres antérieurs. D’autres grattent, et il existe des nuances dans le «gratter». Tantôt c’est lentement, tristement, faiblement et en rasant le sol; tantôt, au contraire avec rage, avec pétulance le membre levé bien haut à la manière des chevaux de cirque que l’on fait compter. Ce geste rappelle dans certains cas celui par lequel le taureau manifeste sa colère dans l’arène et qu’on pourrait pour cette raison désigner sous le nom de geste tauromachique.
Certains chevaux se frappent l’abdomen avec les membres postérieurs. Il en est qui piétinent et d’autres qui décochent d’énergiques ruades. On en voit qui. soulèvent un membre postérieur et le portent en abduction.
Parfois le pénis reste dans le fourreau comme à l’état normal, mais on peut voir cet organe entrer et sortir alternativement, pendre flasquement entièrement dégainé ou au contraire être en état de turgescence. L’érection s’accompagne ou non des gestes coïtaux; elle est parfois ataxique, c’est-à-dire qu’au lieu de se diriger dans le grand axe du corps, le pénis est dévié d’un côté. Le clitoris peut présenter les mouvements qu’il effectue au cours des chaleurs.
On constate parfois l’écoulement anal de glaires ou le rejet: de fausses membranes, d’une matière crêmeuse, d’un liquide lactescent ou sanguinolent ou encore la présence de sable qui tapisse les bords de l’anus et le périnée.
Le malade porte son regard vers la cage thoracique, la cavité abdominale, la région inguinale et l’articulation du grasset ou le canon qu’il cherche parfois à mordre. Il secoue tantôt la crinière dans une sorte de nystagmus cervical ou bien c’est tout le corps qui se secoue violemment à la manière d’un cheval qui vient de se rouler par terre. Tantôt la tête est soumise à des mouvements rythmés de faible amplitude dans le sens vertical (geste d’approbation) ou dans le sens horizontal (geste de négation). Tantôt il se produit un mouvement de rotation de la tête sur l’encolure comme si le patient cherchait à percevoir quelque chose dans le firmament (geste de l’astronome). On note des gestes d’encensement dans les deux sens et un geste comparable à celui que fait avec la tête et le cou un canard qui barbote.
On peut noter encore des contractions musculaires cloniques et toniques et des tremblements localisés ou généralisés.
Le patient se couche tantôt volontairement et dans ce cas il déploie un grand luxe de précautions, tantôt le décubitus est imposé par effondrement. On observe des pulsions comparables à celles que les médecins décrivent chez les Parkinsoniens.
Le malade se déplace parfois d’une façon très active, obligeant le palefrenier à accélérer l’allure; mais il est des cas où le patient redoute la marche et refuse de se déplacer malgré les stimulations les plus énergiques. Il n’obéit pas plus à la voix du conducteur qu’aux cinglantes injonctions. La marche est tantôt effectuée dans l’attitude normale; elle se fait aussi dans certains cas en flexion plus ou moins prononcée sur les jarrets qui peuvent être vacillants. On voit aussi le cheval se bercer, c’est-à-dire présenter une démarche rappelant celle du canard. Il n’est pas rare d’assister à des dérobements monoplégiques ou paraplégiques suivis de chute ou donnant à la démarche une allure ataxoïde. Dans certains cas le cheval étant au repos, on constate qu’il ne peut pas se sustenter sur un bipède latéral et on le voit porter progressivement le poids du corps sur l’autre côté en s’inclinant de plus en plus du côté normal jusqu’au point où l’équilibre est compromis; alors il prend appui sur le malade et recommence le jeu que nous venons de signaler. Le cheval peut au cours des crises se camper du devant ou du derrière et aussi des quatre membres et dans cette attitude présenter des oscillations dans le grand axe du corps, ou se contorsionner et prendre des attitudes acrobatiques.
Qu’il se soit couché volontairement ou qu’il soit tombé vertigineusement, une fois à terre le cheval reste tranquille ou s’agite plus ou moins. On peut le voir se rouler dans tous les sens, se mettre sur le dos, détendre brusquement un ou plusieurs membres dont les fers en s’entrechoquant font entendre un bruit d’assaut de salle d’armes, se contusionner violemment, passer par un véritable saut de carpe d’un décubitus latéral à l’autre, ramener les membres fléchis sous le tronc, porter la tête alternativement en arrière, sur le dos ou en avant entre les membres antérieurs, essayer de se relever et retomber vertigineusement sur le sol, marcher sur les genoux, se relever et recommencer le même manège parfois en se plaignant d’une façon lugubre et rythmique.
Dans d’autres crises le cheval s’étend en décubitus latéral et reste tranquille comme s’il s’était adapté à la douleur. Parfois il présente des crises épileptoïdes. On peut le voir prendre le décubitus sterno-abdominal et rester presque immobile dans cette attitude, d’autres fois au cours de cette attitude le voit-on poser sa tête verticalement sur le sol ou elle repose sur le menton (céphalée).
Le cheval prend parfois l’attitude du chien assis ou du sphinx.
Il présente dans certaines conditions un geste comparable à celui des personnes qui s’évanouissent; l’encolure présente quelques oscillations et semble incapable de supporter le poids de la tête (geste de défaillance).
Lorsque le malade repose sur le sol par le sternum et l’abdomen et que les membres antérieurs sont allongés de chaque côté de l’encolure comme dans la présentation céphalique, tandis que les membres postérieurs sont en extension, on a un décubitus qui rappelle celui de l’ours. Dans cette attitude on voit parfois le cheval se déplacer par un véritable mouvement de reptation.
Un geste impressionnant est accompli lorsque le cheval étant en décubitus latéral abandonné fléchit l’encolure à angle droit avec le corps, la tête et l’encolure formant un tout rigide comme une sorte de massue avec laquelle l’animal frappe si violemment le sol que les spectateurs bénévoles croient à un geste de désespoir.
Parfois le patient a une attitude comparable à celle du chameau à l’abreuvoir: décubitus sterno-abdominal, encolure étendue au maximum et tête reposant sur le sol par l’intermédiaire des branches du maxillaire inférieur.
Au cours des crises, les malades acceptent ou refusent les aliments et les boissons. Parfois ils refusent les aliments et acceptent les boissons ou vice-versa.
Cette description volontairement écourtée donne une idée de la multiplicité des gestes ou des attitudes qu’on peut observer au cours des affections abdominales.
En dernière analyse, ces différentes manifestations peuvent être groupées sous différents chefs, car beaucoup d’entre elles constituent des phénomènes de même ordre. On peut reconnaître parmi elles des gestes volontaires qui sont fonctions de la douleur ou de l’adaptation fonctionnelle et des gestes involontaires conditionnés par l’irradiation nerveuse ou la réverbération humorale. Nous allons examiner successivement chaque catégorie de manifestations.