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I.

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Table des matières

C’est à Jules César qu’on doit la première page de l’histoire de Paris ou de Lutèce, comme on l’appelait d’abord. Dans le récit qu’il fait de ses expéditions, on voit qu’avant la conquête des Romains, la Gaule était composée d’une foule de peuplades qui formaient autant de nations distinctes, bien qu’elles eussent en général les mêmes mœurs, les mêmes lois ou coutumes. Chacune portait un nom spécial et se ralliait à une cité plus renommée ou plus considérable que les autres: c’était son chef-lieu, sa capitale. A des époques déterminées, les cités de chaque nation envoyaient des députés à une assemblée particulière où étaient réglées les affaires de la confédération. Dans certaines circonstances, une assemblée générale était convoquée par la Gaule entière et toutes les cités devaient y avoir leurs représentants. Les Parisiens formaient une de ces peuplades; leur capitale était Lutèce, située sur la Seine et renfermée dans l’Ile que nous appelons aujourd’ hui la Cité.

Lorsque César voulut soumettre la Gaule, la plupart des peuplades se soulevèrent contre lui. Quelques-unes ne lui opposèrent d’abord aucune résistance et semblèrent accepter la domination romaine en échange de la protection qu’il leur offrait. De ce nombre fut sans doute la peuplade des Parisiens, car Lutèce est bientôt choisie par César comme le lieu où doit se réunir l’assemblée générale de la Gaule. Toutefois, cette soumission toute bénévole des Parisiens ne fut pas de longue durée. César repasse en Italie; les Gaulois asservis se préparent à reconquérir leur liberté. Les Carnutes donnent le signal de la révolte; l’exemple est suivi par les habitants de l’Auvergne; leur jeune chef, Vercingétorix s’attache plusieurs autres peuples parmi lesquels figurent les Parisiens; il excite l’ardeur des insurgés et leur recommande de brûler les bourgs et les places qui ne sont pas assez à l’abri du péril et peuvent tomber au pouvoir des Romains. César revient en toute hâte dans la Gaule, marche contre Vercingétorix et dépêche Labienus avec quatre légions contre les Parisiens. Ceux-ci s’étaient réunis avec quelques peuples voisins sous le commandement d’un vieillard, Camulogène, qui d’abord alla se placer avec ses troupes sur le marais qui entourait la ville et de là se mit à disputer le passage aux Romains.

En vain Labienus travaille à se frayer une voie à l’aide de claies et de fascines; il ne peut y parvenir. C’est alors qu’il remonte jusqu’à Melun, qu’il prend d’assaut, s’empare d’une cinquantaine de barques et revient vers Lutèce, en suivant le cours du fleuve. Avertis de son approche et du succès qu’il vient de remporter, les Parisiens incendient leur ville, en coupent les ponts et, quittant le marais sur lequel ils étaient placés, vont camper sur le bord de la Seine, vis-à-vis de Lutèce et en face de l’armée de Labienus. Le général romain paraît différer l’attaque, mais il profite de l’obscurité de la nuit pour faire passer le fleuve à son armée. Au point du jour, les Parisiens sont circonvenus et attaqués à l’improviste; Camulogène est tué ; ceux qui peuvent échapper au fer de l’ennemi s’enfuient dans les bois ou sur les hauteurs environnantes.

Voilà ce que rapporte César dans ses Commentaires. Après cela, la tradition se trouve interrompue. Tout ce que l’on sait, c’est qu’à partir de ce moment, Lutèce fut occupée par les Romains, qui ne l’abanbonnèrent qu’à l’arrivée des Francs. Un proconsul y avait sa résidence habituelle. Julien, qui y fut envoyé à ce titre, nous a laissé de précieux souvenirs sur le séjour qu’il y fit; il en parle avec amour et s’attache à relever tous les avantages qu’elle offrait par sa situation. On ne verra pas sans intérêt ce tableau de Paris d’après nature, tracé de la main d’un homme qui l’habitait il y a bientôt quinze cents ans:

«Je me trouvais, dit-il, pendant un hiver, à ma chère Lutèce; c’est ainsi qu’on appelle dans la Gaule là ville des Parisiens. Elle est située dans une petite île; l’on y entre de l’un et de l’autre côté par des ponts de bois. Le fleuve qui l’environne de toutes parts monte et déborde rarement; tel il est en été, tel il demeure en hiver; l’eau en est très-pure et très-agréable à boire; ce qui est d’un grand secours pour les habitants. L’hiver est peu rigoureux dans cet endroit, et cela, dit-on, parce que l’Océan, qui n’en est éloigné que de neuf cents stades, y répand la chaleur de sa température: l’eau de mer est en effet moins froide que l’eau douce. Par cette raison ou par toute autre que j’ignore, la saison d’hiver est donc moins rude là qu’ailleurs. Aussi, y croit-il de bonnes vignes; les Parisiens ont même l’art d’élever des figuiers en les enveloppant de paille de blé, et en employant les autres moyens à l’aide desquels on abrite les arbres dans les mauvais temps. Or, par extraordinaire, l’hiver que je passais à Lutèce fut d’une rigueur extrême: la rivière charriait d’énormes glaçons blancs comme des pierres de Phrygie; ces glaçons se pressaient les uns les autres et, par leur réunion, semblaient former un pont. Mais, plus dur à moi-même que je ne l’avais jamais été, je ne voulus point souffrir que l’on échauffât ma chambre avec des fourneaux, selon l’usage du pays.»

C’est dans ce lieu même que Julien fut proclamé empereur par les légions romaines. Une acclamation le salua maître du monde. S’il faut en croire Ammien Marcellin, il fut élevé sur un bouclier; le collier d’un soldat lui servit de diadème. Il n’y a pas un demi-siècle que Napoléon recevait, lui, la couronne impériale dans la basilique de Notre-Dame, au milieu du plus éclatant cortége. C’était la seconde fois que Paris assistait à cette cérémonie, qui peut-être eût lieu au même endroit pour les deux empereurs. Julien s’apprêtait à rompre avec l’Église; Napoléon se réconciliait avec elle.

Lorsqu’après avoir chassé les Romains de la Gaule, les Francs ralentirent leurs incursions et commencèrent à se fixer, Paris devint comme le point central autour duquel ils vinrent établir leur retraite. L’aménité du lieu, les ressources de toute espèce dont il était entouré, car on pouvait trouver à peu de distance des champs propres à la culture, des forêts immenses, des bancs de pierre, des mines de fer, tout cela dut séduire un peuple qui, cessant d’être nomade et guerrier, allait devenir colonisateur. Vers l’an 508, après avoir défait le chef des Visigoths, Clovis se rend à Paris avec les trésors de ce prince et y établit le siége de ses États. C’est Grégoire de Tours qui l’atteste. Désormais, dit un auteur, Paris devait être la résidence de nos rois et la capitale du royaume.

Depuis longtemps déjà, la population, trop resserrée dans l’île étroite de la Cité, avait débordé sur les deux rives de la Seine et principalement sur la rive droite; de vastes faubourgs s’étaient élevés sur la boue des marais. Cependant, au commencement du neuvième siècle, on remarquait encore les deux ponts de bois par lesquels on entrait dans l’île du temps de Julien, avec cette différence qu’ils se terminaient par une petite tour ou forteresse du côté du rivage; une tour plus grande était située, selon toute probabilité, à leur point de jonction dans l’île même. Il paraît aussi qu’une forte muraille bordait la Cité sur tous les points. C’est dans cet état qu’elle fut assiégée par les Normands, en l’année 885; c’est du haut de cette muraille que l’évêque Gozlin et Eudes, comte de Paris, repoussèrent si vaillamment les assaillants. Il faut voir à ce sujet le curieux poëme d’Abbon, écrit peu d’années après le siège.

En vertu du traité qui leur accordait une partie de la Neustrie, les Normands s’établirent enfin dans la belle contrée que les Romains appelaient Lyonnaise seconde. Alors Paris n’ayant plus à redouter les continuelles attaques de ce peuple, recula de nouveau ses limites. On vit se former sur les deux rives de la Seine comme de nouvelles cités. Le peuple y affluait de toutes parts et désertait les autres points de la France. Ce qui faisait surtout envier le séjour de Paris, c’est que là, par des priviléges spéciaux, l’habitant était affranchi de la plupart des impôts et des charges qu’il supportait partout ailleurs. On a souvent pris des mesures contre cet envahissement; elles ont toujours été impuissantes à l’arrêter.

Les diverses enceintes dont la ville de Paris a été entourée donneraient, pour ainsi dire, sa mesure de capacité à toutes les époques, si on en avait conservé les traces; mais on en est réduit aux conjectures sur l’étendue et la situation des deux premières. Celle qui fut entreprise par les ordres de Philippe-Auguste et que l’on considère généralement comme la troisième, est un peu mieux connue. Des deux côtés de la Seine, elle formait un arc qui commencerait aujourd’ hui, vers le nord, à peu près au pont des Arts, se dirigerait le long de la rue de l’Oratoire, passerait par le carrefour existant à la rencontre des rues Coquillière et Jean-Jacques-Rousseau, longerait la rue Mauconseil, la rue Michel-Le-comte, la rue Paradis, et aboutirait au pont Marie. Au midi, et en suivant, l’arc partirait du pont de la Tournelle, passerait derrière le Panthéon et s’arrêterait au bord de la rivière, là où est situé le palais de l’Institut.

De distance en distance, des portes étaient pratiquées dans le mur d’enceinte; on en comptait six sur la rive gauche de la Seine, et sept sur la rive droite. Des tours ou forteresses s’élevaient çà et là au-dessus du mur. «Outre le grand nombre de tours élevées d’espace en espace dans tout le circuit de l’enceinte, dit Félibien, il y en avait quatre plus grosses et plus fortes que les autres, pour servir de principale défense à la ville. Elles étaient toutes quatre sur le bord de la rivière, deux d’un côté, et deux de l’autre, à chaque extrémité des deux murailles. Celles du côté du nord furent nommées tour de Billy et tour de Bois, et les deux autres, au midi, Tournelle et tour de Nesle. Pour joindre, en quelque sorte, la clôture que le cours de la rivière interrompait, on mit de grosses chaînes attachées, tant aux quatre tours qui finissaient chaque enceinte, qu’à d’autres élevées dans l’île Notre-Dame, et ces chaînes, portées sur des bateaux liés à de gros pieux, traversaient la rivière. Enfin, suivant ce plan, le circuit de Paris se trouvait presque rond, et l’ancienne ville ou Cité en était lé centre.»

Deux siècles plus tard, après la bataille de Poitiers, la ville fut fortifiée de nouveau. On creusa de larges fossés au-devant de la dernière enceinte. Les travaux avaient été exécutés aux frais de la ville; le droit de pêche dans les fossés lui fut concédé en récompense, par lettres patentes du mois de février 1358 On consolida les travaux dans la suite, à l’aide de murs et de remparts. On songea aussi à rendre propres à la navigation les fossés de la ville; mais ce projet, d’une exécution trop dispendieuse, fut bientôt abandonné.

Au commencement du dix-septième siècle, une nouvelle enceinte fut donnée à la ville, ou plutôt l’on renferma dans ses murs les marais subsistant entre le faubourg Saint-Honoré et le faubourg Montmartre. Alors, en effet, l’on remarquait encore dans l’enceinte de la ville des endroits marécageux, des champs en culture, des prairies livrées au pâturage; les habitants occupaient à peine le tiers de l’espace, et cependant il se formait à chaque instant de nouveaux faubourgs en dehors des murs. Cette tendance de la population à reculer sans cessé les limites de la ville, a toujours été combattue par l’autorité supérieure. Rome n’était devenue si difficile à garder que parce qu’on avait donné trop d’étendue à ses murailles. La préoccupation de cet exemple de l’antiquité a fait défendre, plusieurs fois, de bâtir aux abords de Paris, à peine de confiscation des constructions et du terrain occupé par elles.

Sous Louis XIV, tout ce qui restait des anciennes fortifications et de l’enceinte fut abattu. Des remparts plantés d’arbres formèrent alors la seule clôture de la ville.

Dans l’origine, Paris avait été divisé en quatre parties; afin d’en rendre la surveillance plus facile et plus active, des officiers spéciaux avaient été institués dans chaque partie ou quartier; ensuite, il avait été partagé en seize régions qui conservèrent toutefois le nom de quartiers en souvenir de leur première division. Le nombre des quartiers fut porté à vingt-quatre par un édit du 14 janvier 1702. «C’est ainsi, dit Delamare, après en avoir constaté les divers accroissements, que la ville de Paris, renfermée originairement dans une petite île d’environ cinquante arpents, ou, pour parler plus précisément, de cinq cents toises de long sur cent quarante de large au milieu, et beaucoup moins aux extrémités, est parvenue à cette extrême grandeur qui lui donne aujourd’hui deux lieues de diamètre, et six lieues de circonférence, y compris les faubourgs.»

Mais il y a plus d’un siècle que l’auteur du Traité de la police faisait cette remarque. Aujourd’ hui, la circonférence des boulevards extérieurs de Paris est de 22 kilomètres. La méridienne tirée du nord au sud et passant par l’Observatoire, donne une longueur de 5,505 mètres; la perpendiculaire tirée de l’est à l’ouest, c’est-à-dire de la barrière de Charonne à celle de Passy, est de 7,809 mètres. Les murs d’octroi renferment dans leur enceinte une superficie de 34,396,800 mètres carrés. Enfin, d’après le recensement opéré en 1841, la population de Paris est de 912,033 habitants.

La commune de Paris et le département de la Seine

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