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V

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Enfin le président acheva son discours, et, agitant en l’air, d’un geste gracieux, la feuille qui contenait la liste des questions, il la remit au président du jury. Les jurés se levèrent, et, mal à l’aise, comme s’ils avaient honte d’être là et qu’ils fussent heureux de pouvoir quitter leurs sièges, ils passèrent, l’un derrière l’autre, dans leur salle de délibérations. Dès que la porte se fût refermée sur eux, un gendarme se plaça devant cette porte, tira son épée du fourreau, la mit sur son épaule, et resta ainsi en faction. Les juges se levèrent et sortirent aussi; et l’on emmena aussi les prévenus.

En entrant dans leur salle de délibérations, les jurés, cette fois comme la précédente, commencèrent par prendre des cigarettes et les allumer. La conscience de ce qu’il y avait d’artificiel et de faux dans leur position, cette conscience que tous avaient éprouvée plus ou moins nettement pendant qu’ils étaient assis dans la salle du tribunal, s’effaça entièrement de leurs âmes dès qu’ils se retrouvèrent libres, la cigarette en bouche: de sorte que, soulagés et reprenant leur aise, ils s’installèrent suivant leur fantaisie. Et aussitôt commença une discussion des plus animées.

— La petite n’est pas coupable, — elle s’est laissée entortiller! — déclara le brave marchand. Il faut avoir pitié d’elle!

— C’est ce que nous allons examiner! — répondit le président. — Prenons bien garde de ne pas céder à nos impressions personnelles!

— Le président des assises à fait un bien beau résumé! — observa le colonel.

— Très beau, en effet. Mais croiriez-vous que j’ai failli m’endormir?

— Le point principal, c’est que les deux domestiques n’auraient pu rien savoir de l’argent du marchand si la Maslova n’avait pas été d’accord avec eux! — dit le commis au type juif.

— Alors, d’après vous, elle aurait volé? — demanda un des jurés.

— Jamais on ne me fera croire cela! — s’écria le gros marchand. C’est cette canaille de servante aux yeux sans sourcils qui a fait tout le mal!

— Fort bien, — interrompit le colonel, — mais cette femme affirme qu’elle n’est pas entrée dans là chambre.

— Et c’est elle que vous préférez croire? Moi, de ma vie, je ne voudrais me fier à une telle charogne!

— Eh bien! Et après? — fit ironiquement le commis. — Il n’en est pas moins vrai que c’est la Maslova qui avait la clé!

— Qu’est-ce que cela prouve? — cria le marchand.

— Et la bague?

— Mais elle nous a expliqué toute l’affaire! Le Sibérien avait la tête chaude, et puis il avait bu: il l’a battue. Et ensuite, eh bien! Il en a eu pitié. «Tiens, voilà pour toi, et ne pleure plus!» On nous a bien dit quel homme c’était: 12 archines, 12 verschoks de taille, et le poids en proportion!

— La question n’est pas là, — fit observer Pierre Gérassimovitch. — La question est de savoir si c’est elle qui a prémédité et accompli toute l’affaire, ou si ce sont les deux domestiques.

— Mais les deux domestiques ne peuvent pas avoir agi sans elle! — répéta le juif. C’était elle qui avait la clé!

Ainsi le débat se poursuivit assez longtemps, à l’aventure.

— Permettez, Messieurs! — dit enfin le président du jury, asseyons-nous autour de la table, et délibérons!

Sur quoi, donnant l’exemple, il prit place dans le grand fauteuil présidentiel.

— Quelles rosses que ces filles! — déclara alors le commis.

Et, pour réfuter l’opinion de ceux qui prétendaient que la Maslova n’avait pas volé, il raconta comment une créature de la même espèce, sur le boulevard, avait un jour volé la montre d’un de ses collègues. Le colonel, après lui, raconta un trait plus étrange et plus probant encore: le vol d’un samovar d’argent.

— De grâce, Messieurs, arrivons aux questions! — fit le président, en frappant de son crayon sur la table.

Tous se turent, et le président commença la lecture des questions posées au jury.

Ces questions étaient rédigées ainsi:

1° Le paysan Simon Petrovitch Kartymkine, du village de Borki, district de Krapivo, trente-quatre ans, est-il coupable d’avoir, le 16 octobre 188…, volontairement attenté à la vie du marchand Smielkov, dans l’intention de le voler? Et est-il coupable d’avoir dérobé au susdit marchand, après l’avoir empoisonné avec la complicité d’autres personnes, une somme d’environ 2.500 roubles et une bague en brillants?

2° Euphémie Ivanovna Botchkov, bourgeoise, âgée de quarante-trois ans, est-elle coupable d’avoir commis, de complicité avec Simon Petrovitch Kartymkine, les actes énumérés dans la première question?

3° Catherine Mikaïlovna Maslov, âgée de vingt-sept ans, est-elle coupable d’avoir, de complicité avec les deux autres prévenus, commis les actes énumérés dans la première question?

4° Au cas où Euphémie Botchkov ne serait pas reconnue coupable des actes énumérés dans la première question, est-elle coupable d’avoir, le 16 octobre 188…, étant domestique dans l’Hôtel de Mauritanie, pris secrètement dans la valise fermée du marchand Smielkov une somme d’environ 2.500 roubles?

Ayant achevé sa lecture, le président reprit la première question.

Hé bien! Messieurs, comment allons-nous répondre sur ce premier point?

La réponse fut vite trouvée. Tous se mirent d’accord pour l’affirmative, tant au sujet du vol que de l’empoisonnement. Un seul des jurés refusa de tenir Kartymkine pour coupable: un vieil artisan qui, sans commentaires, répondait toujours négativement à toutes les questions.

Le président se figura d’abord que ce vieillard ne comprenait pas, et il se mit en devoir de lui expliquer que, sans l’ombre d’un doute, Kartymkine et la Botchkova étaient coupables; mais le vieillard répondit qu’il comprenait fort bien, et que, suivant lui, mieux valait tout pardonner. «Nous-mêmes, dit-il, ne sommes pas des saints!» Et rien ne put l’amener à changer d’avis.

Sur la seconde question, concernant la Botchkova, après de longs débats la réponse fut: «Non, elle n’est pas coupable.» On estima, en effet, que les preuves manquaient de sa participation à l’empoisonnement: c’était d’ailleurs sur ce point qu’avait particulièrement insisté son avocat.

Le marchand, qui cherchait à innocenter la Maslova, soutint de nouveau que la Botchkova était l’agent principal de toute l’affaire. Et plusieurs des jurés furent de son avis, jusqu’au moment ou le président, soucieux de se maintenir sur le terrain de la stricte légalité, fit observer que, en tout cas, sa participation à l’empoisonnement n’était établie par aucune preuve matérielle. On discuta longtemps encore, mais l’avis du président finit par prévaloir.

On déclara en revanche, sur la quatrième question, que la Botchkova était coupable d’avoir pris l’argent. À la demande de l’artisan, on ajouta: «Avec des circonstances atténuantes.»

Enfin vint le tour de la troisième question, qu’on avait réservée pour la fin. Elle donna lieu à une discussion plus vive encore que les trois autres.

Le président affirmait que la Maslova était coupable. Le marchand soutenait qu’elle était innocente, et le colonel et l’artisan appuyaient son avis. Le reste des jurés hésitait, mais semblait pencher vers l’opinion du président; et cela tenait surtout à ce que tous les jurés étaient fatigués, et se rangeaient de préférence à celle des deux opinions qui, en mettant plus vite tout le monde d’accord, pourrait plus vite leur rendre la liberté.

D’après les résultats des interrogatoires, et d’après ce qu’il savait de la Maslova, Nekhludov avait la conviction que celle-ci n’était coupable ni de vol ni de l’empoisonnement. Il avait cru d’abord que tout le monde serait de ce même avis; mais il dut reconnaître bientôt qu’il s’était trompé, et que la majorité, sur la question, penchait plutôt vers l’affirmative, un peu à cause de la lassitude générale, un peu par égard pour le président, et un peu parce que le brave marchand, qui ne cachait pas que la Maslova lui plaisait, mettait vraiment trop de maladresse à la défendre. Nekhludov, en voyant cela, fut tenté de prendre la parole; mais une peur l’envahit à l’idée d’intercéder pour Katucha, comme s’il eût senti que tout le monde, aussitôt, devinerait les relations qu’il avait eues avec elle. Et cependant il se disait que les choses ne pouvaient pas se passer d’une telle façon et qu’il avait absolument le devoir d’intervenir. Il rougissait et il pâlissait; et il allait enfin se décider à parler, lorsque Pierre Gérassimovitch, évidemment agacé du ton autoritaire du président, intervint dans la discussion et dit, précisément, ce que lui-même s’apprêtait à dire.

— Permettez, — disait le professeur, — vous affirmez qu’elle est coupable du vol parce que c’était elle qui avait la clé de la valise; mais est-ce que les domestiques de l’hôtel ne pouvaient pas ouvrir la valise avec une autre clé?

— C’est cela, c’est cela même! — appuyait le marchand.

— En réalité, il est impossible que la Maslova ait pris l’argent, car, dans sa situation, elle n’aurait su qu’en faire.

— Parfaitement, c’est tout juste ce que je dis! — ajoutait encore le marchand.

— J’estime plutôt que son arrivée à l’hôtel avec la clé aura suggéré l’idée du vol aux deux domestiques, qu’ils auront profité de l’occasion, et, ensuite, tout rejeté sur la Maslova.

Pierre Gérassimovitch parlait d’une voix agacée. Et son agacement se communiqua au président, qui insista de plus en plus fort sur son opinion. Mais Pierre Gérassimovitch parlait avec tant d’assurance que la majorité se rangea à son avis, et reconnut que la Maslova n’avait point pris de part au vol de l’argent, ni de la bague, celle-ci lui ayant été donnée en cadeau par le marchand.

Restait à décider si elle avait été coupable de l’empoisonnement. De nouveau le marchand, ardent défenseur de la prévenue, déclara qu’on avait le devoir de la proclamer innocente; mais le président répliqua, avec beaucoup d’énergie, qu’il y avait impossibilité matérielle à la proclamer innocente sur ce point, attendu qu’elle-même avouait qu’elle avait versé la poudre dans le verre.

— Elle a versé la poudre, oui, mais elle croyait que c’était de l’opium! — fit le marchand.

— Mais l’opium lui-même est un poison, — répondit le colonel, qui aimait les digressions; et il raconta, à ce propos, l’aventure de la femme de son beau-frère, qui avait absorbé de l’opium par accident, et qui serait morte sans l’habileté miraculeuse d’un médecin appelé en hâte auprès d’elle. Le colonel racontait avec tant de complaisance que personne n’avait le courage de l’interrompre. Seul, le commis juif, entraîné par l’exemple, s’enhardit à lui couper la parole:

— On peut si bien s’accoutumer au poison, dit-il qu’on finit par en supporter, sans danger, de très fortes doses; et la femme d’un de mes parents…

Mais le colonel n’était pas homme à se laisser interrompre; il continua son histoire, et tout le monde connut à fond le rôle qu’avait joué l’opium dans la vie de la femme de son beau-frère.

— Mon Dieu! Messieurs, voici qu’il est déjà quatre heures! — s’écria un juré.

— Eh bien! — Messieurs, demanda le président, — qu’allons-nous répondre? Voulez vous que nous répondions quelque chose comme ceci: «Oui, elle est coupable d’avoir versé le poison, mais sans intention de voler?» Pierre Gérassimovitch, satisfait du succès qu’il venait d’obtenir sur la question précédente, donna, cette fois, sa pleine approbation.

— Je demande qu’on ajoute: «Avec circonstances atténuantes!» — s’écria le marchand.

Tout le monde y consentit aussitôt. Seul l’artisan insista de nouveau pour que l’on répondit: «Non, elle n’est pas coupable.»

— Mais la réponse que j’ai proposée revient à dire cela! — lui expliqua le président. — «Sans intention de voler», c’est comme si nous disions qu’elle n’est pas coupable.

— Oui, mais à la condition d’ajouter: avec circonstances atténuantes, pour achever d’absoudre l’accusée! — déclara le marchand, tout fier de son invention.

Et tout le monde était si fatigué, et ces longues discussions avaient tellement brouillé tous les esprits, que personne n’eut l’idée d’ajouter à la réponse: «Oui, mais sans intention de donner la mort.» Nekhludov lui-même n’en eut point l’idée, absorbé comme il était par sa douleur et son inquiétude. Les réponses furent écrites, sous la forme adoptée par les jurés, et c’est sous cette forme qu’elles furent remises au tribunal.

Rabelais raconte qu’un juriste, appelé à trancher un procès, après avoir énuméré une foule d’articles de lois, et après avoir lu vingt pages de fatras incompréhensible, proposa à ses collègues de tirer au sort le jugement. Si les dés donnaient un nombre pair, c’était l’accusateur qui avait raison; si le nombre était impair, c’était l’accusé.

De même il en fut cette fois encore. Les réponses adoptées par le jury ne le furent point parce que tous les jurés étaient du même avis. Elles furent adoptées, d’abord, parce que le président du tribunal, s’étant laissé entraîner à un trop long discours, avait négligé de dire ce qu’il disait d’ordinaire en pareil cas, à savoir que les jurés pouvaient répondre: «Oui, mais sans intention de donner la mort.» Les réponses furent adoptées, en second lieu, parce que le colonel avait très longuement raconté l’histoire de la femme de son beau-frère, ce qui avait ennuyé et fatigué les jurés; en troisième lieu, parce que Nekhludov, absorbé par ses préoccupations personnelles, ne s’était pas aperçu de ce que les mots: «sans intention de voler» auraient dû être accompagnés des mots: «sans intention de donner la mort»; en quatrième lieu, parce que Pierre Gérassimovitch, enchanté d’avoir une première fois imposé son opinion au jury, s’était désintéressé de la suite du débat et était même sorti de la salle pendant que le président relisait les réponses. Mais ces réponses furent adoptées, surtout, parce que les jurés étaient las, parce qu’ils avaient hâte de se retrouver libres et d’aller dîner, de telle sorte qu’ils s’étaient jetés sur le premier avis qu’on leur avait proposé.

Quand le président eut achevé de relire les réponses, il sonna. Le gendarme, qui s’était tenu devant la porte avec l’épée au clair, remit son épée dans le fourreau et s’écarta. Les juges revinrent s’asseoir sur leurs sièges, et les jurés, l’un après l’autre, rentrèrent dans la grande salle.

Le président du jury, d’un air solennel, portait la feuille contenant les réponses. Il s’avança jusqu’à la table ou siégeait le tribunal et remit la feuille au président.

Celui-ci, l’ayant lue d’un coup d’œil, parut très surpris, agita les bras, et se tourna vers ses collègues pour leur demander leur avis. Il était stupéfait de voir que le jury, ayant répondu négativement à la question du vol, eût répondu affirmativement et sans réserve à celle du meurtre. De cette réponse découlait la conclusion que la Maslova n’avait pas pris l’argent ni la bague, et que, cependant, en l’absence de tout motif, elle avait empoisonné le marchand.

— Voyez donc l’ineptie qu’ils ont rapportée! — dit le président à son voisin de gauche. — Ce sont les travaux forcés pour cette fille, et, très certainement elle est innocente!

— Et pourquoi serait-elle innocente?

— Mais cela saute aux yeux! À mon avis, il y a lieu d’appliquer l’article 817.

L’article 817 déclare que le tribunal a le droit de modifier la décision du jury, s’il la juge mal fondée.

— Et vous, qu’en pensez-vous? — demanda le président à son autre voisin.

— Peut-être devrions-nous, en effet, appliquer l’article 817? — dit le juge aux bons yeux.

— Et vous? — demanda le président au juge grognon.

— J’estime que pour rien au monde nous ne devons le faire! — répondit ce magistrat d’un ton résolu. — On se plaint déjà suffisamment de ce que les jurés acquittent les coupables: que dirait-on si le tribunal se mettait à renchérir sur eux? Pour rien au monde je ne puis y consentir!

Le président tira sa montre.

— Je suis désolé, mais qu’y faire? — songea-t-il; et il remit les réponses au président du jury, afin que celui-ci en donnât lecture.

Aussitôt tous les jurés se levèrent; et leur président, se balançant d’une jambe sur l’autre, lut à haute voix les questions et les réponses. Le greffier, les avocats, le procureur lui-même ne purent cacher leur stupéfaction. Seuls les prévenus restaient immobiles sur leur banc, ne comprenant pas le sens de ces réponses.

Puis les jurés se rassirent. Le président, se tournant vers le substitut, lui demanda quelles peines il proposait d’appliquer aux prévenus.

Le substitut, enchanté de la sévérité du jury à l’égard de la Maslova, qu’il attribuait uniquement à son éloquence, se rengorgea, fit mine de réfléchir, et dit:

— Pour Simon Kartymkine, je demande l’application de l’article 1452; pour Euphémie Botchkov, l’application de l’article…; et pour Catherine Maslov, l’application de l’article… paragraphe…

Les peines énoncées par ces articles étaient, naturellement, les plus dures qu’on pût appliquer dans l’espèce.

— Le tribunal va se retirer pour délibérer sur l’application de la peine! — dit le président en se levant.

Et il sortit avec les deux juges. Sur l’estrade, chacun éprouvait le soulagement que donne la conscience de la besogne achevée; et les jurés, notamment, bavardaient à leur aise.

— Eh bien! Petit père, vous avez fait du bel ouvrage! — dit Pierre Gérassimovitch en s’approchant de Nekhludov à qui le président du jury expliquait quelque chose. — Voilà que vous avez envoyé cette malheureuse aux travaux forcés!

L’émotion de Nekhludov fut telle, en entendant ces paroles, que c’est à peine s’il songea à se formaliser de la choquante familiarité de l’ancien employé de sa sœur.

— Quoi? Que dites-vous?

— Mais sans doute! — répondit Pierre Gérassimovitch. Vous avez oublié d’ajouter, dans votre réponse: mais sans intention de donner la mort. Et le greffier vient de me dire que le procureur demande quinze ans de travaux forcés.

— Mais la réponse est conforme à ce que nous avons arrêté en commun! — fit le président.

Pierre Gérassimovitch, de nouveau, le contredit, déclarant que, puisqu’on avait affirmé que la Maslova n’avait pas pris l’argent, on aurait eu le devoir d’ajouter qu’elle n’avait pas eu l’intention de donner la mort.

— Mais j’ai relu les réponses avant de rentrer en séance! — se justifiait le président. — Personne n’a réclamé!

— J’ai été forcé de sortir pour un instant, durant cette lecture, — dit Pierre Gérassimovitch. — Mais vous, Dimitri Ivanovitch, comment avez-vous pu laisser passer cela?

— Je ne me suis aperçu de rien, — dit Nekhludov.

— La chose était pourtant assez facile à remarquer!

— Mais on peut réparer le mal! — fit Nekhludov.

— Oh! Non, il est trop tard! Maintenant tout est fini.

Nekhludov jeta les yeux sur les prévenus. Pendant que leur destin se décidait, ils continuaient à rester assis sur leur banc, entre les deux soldats. La Maslova souriait. Et une pensée mauvaise se glissa dans l’âme de Nekhludov. Tout à l’heure, prévoyant l’acquittement de la Maslova et sa mise en liberté, il se préoccupait de savoir comment il devrait se conduire envers elle. Mais maintenant les travaux forcés et la Sibérie supprimaient du coup, pour lui, la possibilité de toute reprise de relations avec elle. L’oiseau blessé allait bientôt cesser de se débattre, dans la carnassière.

Résurrection (Roman)

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