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FORTUNE IMMOBILIÈRE (suite). L’ÉGLISE.

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Les chroniques du XIIIe siècle rapportent que saint Louis, en fondant l’asile des aveugles, y avait élevé une chapelle. Lebeuf «veut bien croire, puisque monsieur Piganiol l’assure, que ce fut un nommé de Montreuil, architecte, qui bâtit la chapelle de cet hôpital.» Rien ne nous autorise à combattre une croyance formulée en termes si peu compromettants; mais il faut avouer que le témoignage de Piganiol n’est pas ici d’un grand poids.

La seule indication qu’on puisse emprunter aux titres anciens concerne la superficie du monument, qui mesurait, en 1283, huit toises cinq pieds de long sur quatre toises et un pied de large.

L’église avait été construite près de la «Grand’Rue,» aujourd’ hui la rue Saint-Honoré, et d’après les règles de l’orientation, universellement observées à cette époque, elle était parallèle à cette rue, le chœur tourné vers Paris.

Au milieu du XIVe siècle, entre 1351 et 1355, Michel de Brache, aumônier du roi Jean, entreprit de la réédifier. Les travaux se terminèrent vers 1393, car la dédicace fut célébrée le 16 août de cette année. Le plan de l’ancienne chapelle avait été notablement développé, puisque peu de temps après, en 1398, les Quinze-Vingts obtinrent de l’évêque de Paris l’autorisation de déplacer les fonts baptismaux, qui, à la suite des agrandissements, se trouvaient au milieu de la nef et obstruaient l’allée conduisant des portes au grand autel. Ils les placèrent sous la première arcade à droite de l’entrée.

En 1460, on donna à l’église le complément que presque toutes reçurent à l’époque gothique: une chapelle spéciale en l’honneur de la vierge Marie, et on refit le mur qui bordait la rue Saint-Honoré, en y pratiquant un portail garni de huit piliers.

Vers 1515 furent commencées d’importantes réparations. On construisit tout de neuf, en empiétant sur la Grand’Maison, le bas-côté de droite, celui qui regardait l’hôpital. Cette basse-aile mesurait 12 toises de long sur 4 de large. Le mur extérieur fut bâti en pierre de Saint-Leu-d’Esserant et garni de fenêtres à meneaux et à remplages qui offraient sans doute les innombrables enchevêtrements de courbes, caractéristiques du style de cette époque. Les pieds-droits des doubleaux et des ogives des nouvelles voûtes, décorées avec le luxe de pendentifs alors en usage, reposaient sur les piliers de la nef.

Le mur latéral du bas-côté était percé d’un portail à voussures, couvert de moulures, et il se terminait dans la cour pavée par un pignon où s’ouvrait une grande forme, une grande fenêtre, éclairant l’église, tandis qu’une plus petite donnait jour sous les voûtes; au coin, un escalier, en forme de vis, conduisait au clocher.

Tous ces travaux furent entrepris par Garnier et Oblet, maîtres maçons, au prix de 4 l. 10 s. t. la toise. Le mesurage, fait après leur achèvement, évalue l’accroissement de la surface des murs à 272 toises et demie et 3 pieds trois quarts, ce qui porte les dépenses de bâtisse à 1,227 l. t. environ.

Jean Grant-Remy, charpentier de la Grant-Coignée, s’engagea à couvrir les voûtes d’une charpente de «bonne et grosse étoffe, matérielle, loyalle et marchande,» et à prendre pour modèle de ces combles ceux du grand dortoir des cordeliers de Paris, à la réserve qu’ils seraient faits «de plus grosse sorte.» Il devait également «couvrir en façon de lanterne» l’escalier à vis placé à l’angle du mur et construire une tournelle de bois pour mettre l’horloge. Les Quinze-Vingts considéraient cette horloge «comme une chose des plus nécessaires pour la maison.» En 1613, ils en achetèrent une neuve et y firent mettre un timbre, «de son bon, et bonne armonie, et agréable,» qu’ils payèrent 260 l. t.

Les embellissements de l’église au XVIe siècle se complétèrent par la construction de nouvelles chapelles. De 1526 à 1536, on voûte celle «où est pour enseigne saint Crépin;» on l’orne de fenêtres à meneaux, on y place une vitre représentant la légende de saint Crépin et saint Crépinien, dont le dessin a été conservé par une affiche de la confrérie des cordonniers, qui avait ces deux saints pour patrons et se réunissait au XVIIIe siècle dans cette chapelle.

En 1535, Nicolas Dubois, auteur de ce vitrail, en compose pour la chapelle Sainte-Agathe un autre, qui coûte également 30 l. t. Puis deux nouvelles chapelles sont Voûtées et des pendentifs disposés par toute l’église; en 1542, enfin, la chapelle Sainte-Anne est blanchie et mise à neuf.

Dans cette histoire de la construction de l’église, nous n’avons pas encore parlé du clocher, dont la congrégation était si fière et dont elle avait stipulé avec soin les proportions dans un accord passé en 1282 avec Saint-Germain-l’Auxerrois.

C’était une pyramide en charpente, à la couverture de laquelle on voit consacrer trois milliers et demi d’ardoises en 1519. A cette époque, l’ancien coq avait été simplement réparé, mais il n’était décidément plus en harmonie avec la splendeur nouvelle de l’église et on le remplaça par «ung autre toult neuf,» du prix de 20 s. p.

Dès l’aurore, les différentes cloches suspendues dans la tour remplissaient l’air de carillons; tantôt, c’étaient les messes qu’on annonçait aux frères, tantôt c’était un glas funèbre que faisait retentir le sonneur pour avertir la communauté de la mort d’un de ses membres, ou l’inviter à venir assister à l’un des nombreux obits fondés par les donateurs.

En 1531, la grosse cloche ayant été refondue, on l’augmenta de 60 livres de métal et on y fixa un marteau pesant 19 livres et demie. La dépense de la refonte, montant à 21 l. t., fut supportée pour un cinquième par les voisins de l’hôpital, qui aimaient à entendre retentir les sonneries; le reste fut soldé de moitié par la congrégation et de moitié par les parrains et marraines donnés à la cloche.

Les registres de l’hôtel ne nous ont pas conservé les noms des personnages qui furent choisis pour remplir ce rôle, mais ils ont gardé la trace des frais occasionnés par le baptême. Avec les quelques lignes du compte semainier, on peut se représenter le spectacle dont l’église fut le théâtre, quand, en présence des parrains et marraines portant des bouquets de roses et d’œillets, l’officiant vint jeter quelques gouttes d’eau aromatique sur la cloche couronnée elle-même d’un chapel de roses vermeilles. Après que l’airain destiné à charmer les oreilles des aveugles eut ainsi reçu sa consécration solennelle, la cérémonie fut close par une collation offerte aux personnes qui présentaient la cloche.

Le clocher fut encore remanié en 1585, et Olivier Lheureux, maître charpentier, reçut 90 écus d’or pour cette réparation et la construction du beffroi des cloches. C’est, avec la pose de deux vitraux à personnages, l’un au chevet, l’autre au portail, le dernier travail important dont nous trouvions mention pour l’église. D’après Lebeuf, les seules parties anciennes qu’elle aurait laissé reconnaître étaient le collatéral méridional, qu’il attribue au XVe siècle, et cinq chapelles du XVIe. Cette dernière appréciation est très exacte, mais nous avons vu que le bas-côté sud avait été construit un peu plus tard que le savant abbé ne le croyait. Quant à la date récente qu’il attribue au reste de l’église, elle nous paraît difficile à admettre, et il aura été probablement trompé par les lambris de bois qui, de son temps, recouvraient les colonnes. En 1703, en effet, on y voyait encore un jubé, et si la nef et le chœur avaient été refaits au XVIIe siècle, on n’aurait sans doute pas conservé une disposition qu’on faisait disparaître à cette époque dans la plupart des anciennes églises. De plus, dès 1746, les Quinze-Vingts se plaignent de la vétusté du monument, ce qui ne s’expliquerait guère pour une construction vieille à peine de cent ans.

A cette date, en effet, on conçut le dessein de bâtir une église nouvelle pour couronner la restauration de l’hôpital, qui était projetée. D’après le plan dressé en 1747, l’ancien édifice, affectant la forme d’un trapèze, se composait alors d’une nef avec deux bas-côtés, celui du sud, bordé de chapelles. Le chœur, également entouré de chapelles, se terminait par un chevet carré.

Un portail s’ouvrait dans la grand’cour de l’hôpital, un autre dans la rue Saint-Honoré. L’église nouvelle, dont il reste plusieurs plans et un modèle en relief, devait présenter une disposition toute différente; l’axe était changé et le chœur aurait été tourné vers le sud, tandis qu’un grand portail surmonté d’une colonnade se serait élevé en face de la rue de Richelieu. Le roi, par un arrêt du 20 juillet 1746, approuva ce projet et accorda pour son exécution la moitié du produit que rapporterait chaque année la loterie de Saint-Sulpice. Les Quinze-Vingts commencèrent par reconstruire les bâtiments destinés aux frères et les maisons de rapport qu’ils louaient à des étrangers; aussi, lorsqu’après la suppression de la loterie de Saint-Sulpice ils réclamèrent un secours nouveau, le roi, en leur attribuant 40,000 l. à prendre chaque année sur le produit des loteries de Piété jusqu’à concurrence de la somme de 400,000 l., représentant la moitié du devis de reconstruction, décida que cet argent serait mis en séquestre tant qu’ils ne seraient pas prêts à commencer les travaux de l’église. L’hôpital ayant sur ces entrefaites été transféré au faubourg Saint-Antoine, les plans du nouveau monument durent être abandonnés et les 400,000 l. qu’on avait réservées servirent à payer le prix de l’hôtel des Mousquetaires Noirs.

Ce furent donc seulement les acquéreurs de l’ancien enclos des Quinze-Vingts qui démolirent la vieille église. D’après le catalogue du musée des Petits-Augustins, nous avions espéré retrouver deux statues du XIIIe siècle, qui représentaient saint Louis et Marguerite de Provence et se voyaient, en dernier lieu, dans des niches modernes, sur les côtés du portail de la rue Saint-Honoré. Mais, si l’on en croit Guilhermy, les statues que Lenoir avait ainsi identifiées provenaient en réalité des Célestins et reproduisaient l’image de Charles V et de Jeanne de Bourbon.

Les ornements de l’église, les statues, les épitaphes, etc., qu’on avait exceptés de la vente de l’enclos, furent transportés au faubourg Saint-Antoine. La Révolution en fit verser une partie à la Monnaie, et on aliéna le reste pendant ce siècle-ci.

Bien que l’emplacement de l’église soit depuis longtemps recouvert par les maisons de la rue Saint-Honoré, bien que ses richesses se soient dispersées au hasard des ventes, nous pouvons cependant restituer assez exactement sa disposition intérieure et nous faire une idée de l’aspect qu’elle offrait dès le commencement du XVIe siècle.

Avec les registres de compte pour guides, nous pouvons jeter tour à tour un regard sur le bénitier, que supporte une colonne de pierre, sur les fonts baptismaux, munis d’un couvercle de cuir, «pour que la pouldre n’entre dedans,» sur la chaire en bois sculpté, sur le crucifix placé dans la nef, sur l’ «œuvre» où, pendant les jours de fêtes, on expose les reliques dans un coffret de cyprès, sur la croix d’argent qui y est fixée et sur le

«bassin» destiné à recueillir les aumônes.

Des statues se dressent çà et là devant nous: celle de saint Pierre et de sainte Pétronille, par exemple, ou bien l’ «ymage de cuivre,» qui représente saint Jean et qui est placée à l’une des ailes du chœur, le groupe de N.-D.-de-Pitié, qui repose sur un pilier, et la statue de saint Louis, qui tient un sceptre peint et doré de fin or, terminé par une main d’argent.

Le pourtour de l’église nous offre toute une suite de chapelles: celle de Saint-Joseph avec sa piscine, celle de Saint-Crépin avec son autel de pierre, celle de Sainte-Anne, dont les voûtes portent les armoiries du roi et de Mgr le cardinal Le Veneur, grand aumônier , celle de Sainte-Marguerite avec sa verrière, œuvre de Nicolas Dubois celle de Notre-Dame-de-Pitié, celle de Notre-Dame des XV Joies, où une statue de la Vierge, revêtue de riches étoffes et surmontée d’un dais, se détache sur un fond de fleurs de lis avec une lampe de cuivre suspendue devant elle; celles enfin de Sainte-Agathe, de Saint-Jacques, de Saint-Maur, de Saint-Saintin, de Sainte-Pétronille, de sainte Suzanne.

Cette longue série est close par l’autel Saint-Louis, fondé par Nicolas Périchon, et orné d’un contretable à images peintes et dorées. La table est recouverte d’une draperie de velours bleu, sur laquelle sont brodées les représentations du crucifix, de Notre-Dame, de saint Jean, de saint Remi, de saint Louis, au milieu d’un semis de fleurs de lis d’or. Situé à droite et près du maître-autel, il nous conduit au sanctuaire, qui mérite une description détaillée.

Le chœur était entouré d’une ceinture de menuiserie tendue de toile perse; au fond se dressait l’autel, accosté de quatre colonnes de cuivre, en haut desquelles étaient figurés des anges portant chacun un des instruments de la Passion. Au-dessus de l’autel, une colonne de même métal se terminait par une sorte de crosse; à cette crosse était suspendue, par une «corde d’arbaleste bonne et forte,» roulant sur des poulies, une lanterne de bois, peinte et dorée, dans laquelle on enfermait, sous des voiles de taffetas de différentes couleurs, une custode de fer forgé, garnie d’argentures, de dorures et de verrières bleues «où reposoit le précieulx corps de Nostre Seigneur.»

Suivant l’usage gothique, l’autel, au XVIe siècle, était encore peu orné : un crucifix et six grands chandeliers de cuivre formaient une décoration sévère convenant bien à cette table sacrée, où l’on déposait seulement pendant la messe un missel dont le canon était en parchemin. Au-dessus, un châssis, recouvert de toile à franges et tendu au moyen de cordes enrubannées attachées à des colonnes également en forme de crosse, rappelait le souvenir de l’antique ciborium: on le désignait sous le nom de ciel ou de temple.

Cette disposition fut modifiée au XVIIe siècle; on vendit les colonnes et les statues qui les surmontaient, on renferma le saint sacrement dans un tabernacle, et le chœur présenta sans doute alors l’aspect qu’on retrouve dans les églises modernes.

Avant que ces changements ne fussent apportés, tous ces ornements de métal étaient, chaque année, écurés par le chaudronnier. Il en était de même des plaques funéraires et du grand aigle de cuivre qui, dressé sur deux petits piliers, la tête surmontée d’une couronne, servait de lutrin en supportant un pupitre muni d’une forte barre de fer. Devant le grand livre, garni de sinets de cuir, qui s’ouvrait sur ce lutrin, devant les antiphonaires encadrés d’enluminures, se plaçaient les chantres. Aux grandes fêtes, pendant le XVIe siècle, c’était la Sainte-Chapelle qui les fournissait; plus tard, on fit appel à des musiciens de profession. A leur voix, au son des grandes orgues que tenait souvent un frère aveugle, se mêlait le chœur des enfants de l’infirmerie, qui se tenaient là revêtus de leurs petits surplis, et les frères voyants pouvaient suivre ces chants en se servant du psautier attaché par une chaîne de fer aux chaises de l’église.

Au XVIe siècle, indépendamment de ses vitraux, l’église était décorée de peintures murales; au siècle suivant on y réunit une belle collection de tableaux; l’inventaire des toiles qui furent confiées à Lebrun en 1780 pour les réparer renferme des noms célèbres, tels que ceux de Philippe de Champagne, de Vouet, du Guide. Ces œuvres ont aujourd’hui disparu, et on ne retrouve dans l’hôpital actuel qu’une peinture du temps de Louis XIV représentant l’écu de France soutenu par un ange.

Sur le sol de l’église, les jours de fêtes, on répandait autrefois cette décoration si aimée du moyen âge: des jonchées d’herbe verte. A Pâques-Fleuries, c’était du buis, à Noël des «gluys de paille» qu’on jetait sur les dalles.

Pour assister aux offices, les frères et les sœurs pouvaient emporter de chez eux leurs chaises et jusqu’au milieu du XVIIe siècle ils avaient le droit d’en louer aux fidèles pour leur propre compte. A partir de 1649, le chapitre restreignit cette faculté, qui occasionnait du désordre dans l’église, et résolut d’appliquer au profit de la maison les ressources que procurerait le bail de ces chaises.

Les membres de l’hôpital et les étrangers reçurent la permission d’établir des bancs dont ils jouissaient leur vie durant. Quelquefois, c’était une chapelle entière dont on obtenait ainsi l’usage exclusif.

Nous aurons achevé ce qui se rapporte à l’organisation matérielle de l’église en mentionnant le chauffage au charbon qu’on y entretenait pendant les grands froids.

Au XVIe siècle, c’était le portier qui remplissait les fonctions de sacristain; on confia ensuite cette charge à un employé spécial, le porte-verge. Il devait prendre soin des ornements, épousseter au moins une fois par semaine les voûtes, les épitaphes, le jubé, etc. Après les offices, les cierges étaient éteints avec une petite corne; on déposait dans une armoire, scellée au mur près de l’huis du trésor, les burettes et les deux pots d’étain contenant l’eau et le vin; le calice d’argent doré, les vêtements sacerdotaux étaient ensuite renfermés dans le petit bureau élevé à côté de l’église.

Ce trésor renfermait tout d’abord les reliques conservées dans des châsses enveloppées de «taftas et de sandal.» Elles affectaient différentes formes. La plus belle, qui recouvrait une chemise de saint Louis, reposait sur un pied de cuivre doré, dans une gaîne de cuir. C’était «une fasçon d’église» soutenue par deux anges aux ailes d’argent, portés sur six chérubins. Cette œuvre de Piramus Triboulet, maître orfèvre à Paris, avait coûté 760 l. t.

A côté des reliquaires, on voyait les encensoirs de cuivre, leur navette, le bénitier de cuivre et les goupillons, les coupes d’argent et de cuivre doré, les chandeliers «servant aux trépassés, les chappes, les chasubles de velours et de «saiette» aux couleurs variées. Dans des coffres remplis d’herbes odoriférantes étaient étendus les aubes et les amicts bordés de riches parements.

Tous ces ornements étaient fréquemment visités par un brodeur, qui les réparait et les garnissait, quand cela était nécessaire, de franges d’or, de rubans rouges.

Les richesses de l’église étaient entretenues par des donations, telles que celle de Jean du Moustier en 1395, celle de la reine de France en 1422, ou bien par les acquisitions que le ministre et les jurés faisaient au nom de l’hôpital. A la mort des frères ou des sœurs, avant de procéder à la vente de leurs effets, on prélevait le linge qui pouvait servir à l’église. Enfin la source la plus abondante qui vint alimenter le trésor était l’abandon qu’à certains intervalles la Sainte-Chapelle du palais lui faisait de ses vieux ornements et de ses vieux livres. Beaucoup sans doute étaient défraîchis, mais le roi faisait à sa chapelle des dons assez fréquents pour permettre aux Quinze-Vingts de recevoir ainsi des objets de valeur importante.

Malheureusement, tant de «biens» tentaient les larrons: on connaît l’aventure de Villon faisant le guet auprès de l’hôpital pendant que deux de ses compères volaient des burettes dans l’église des Quinze-Vingts. En 1528, on rompit le treillis en fil d’archal qui protégeait les vitraux, et, pénétrant dans le monument, on déroba différents ornements; quelques jours plus tard, de nouveaux malfaiteurs s’emparèrent de deux coupes d’argent doré servant de ciboire; les aveugles prévinrent de ces vols le clerc des orfèvres et celui des fripiers. Le lieutenant criminel fit fouiller plusieurs maisons «suspectes et mal nommées» du quartier des Petits-Champs; on arrêta divers inculpés, entre autres deux soldats qui partaient pour la guerre d’Italie, mais ce fut en vain, le voleur resta inconnu. Pour empêcher le renouvellement de pareils sacrilèges, on dut placer pendant la nuit un chien de garde dans l’église.

Il fallait encore se défendre d’autres ennemis non moins redoutables pour les étoffes précieuses: les rats. Des ratières en bois et en fil d’archal devaient donc compléter l’ensemble des précautions prises pour conserver ces richesses dont nous avons essayé de donner une rapide description.

Les Quinze-Vingts (XIIIe-XVIIIe siècle)

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