Читать книгу Les Quinze-Vingts (XIIIe-XVIIIe siècle) - Léon Le Grand - Страница 7
PRIVILÈGES ACCORDÉS PAR LE POUVOIR SPIRITUEL.
ОглавлениеLes Quinze-Vingts n’étaient pas de véritables religieux, puisqu’il s ne faisaient pas de vœux de chasteté et ne renonçaient point à l’usufruit de ce qu’ils possédaient; cependant, suivant leur propre remarque, ils vivaient ensemble sous une règle commune après avoir donné à la maison leurs personnes et la nue propriété de leurs biens; on comprend donc que leur congrégation ait été considérée comme une sorte d’ordre monastique et que les donateurs, par exemple, aient demandé à être associés aux prières des aveugles, de même qu’ils eussent réclamé une part dans les
«biens fais et oroisons» d’un couvent. Leur assimilation à un hôpital suffisait d’ailleurs à les faire regarder comme un établissement religieux à une époque où toutes les Maisons-Dieu avaient ce caractère. Aussi furent-ils souvent désignés sous le nom d’Église et Hostel des XVxx.
A ces deux titres de maison religieuse et hospitalière, ils entretinrent avec les différentes autorités ecclésiastiques de nombreux rapports que nous allons étudier.
Le manoir des aveugles venait à peine de s’élever près de la Couture-l’Évêque que saint Louis implora d’Alexandre IV la concession d’indulgences spéciales en leur faveur.
Le pape accorda cent jours de «pardon» à ceux qui visiteraient l’église le jour de Saint-Remi et les trois mois suivants. Reprenant tour à tour la belle formule de la «Remissio pro religiosis domibus,» dont les archives de toutes les congrégations religieuses offrent tant d’exemples et pour lesquelles les formulaires donnaient des modèles spéciaux, Urbain IV, Clément IV, Nicolas IV, Clément V, Jean XXII, Clément VI, Innocent VI, Urbain V, Clément VII, Benoît XIII, Martin V, Pie II, etc., vinrent successivement augmenter ou confirmer ces indulgences. Ils imposèrent aux fidèles, qui voulaient les gagner, l’obligation de déposer quelque aumône dans les troncs de l’église de l’hôpital et donnèrent ainsi un excitant puissant à la charité. Dans le même but, les souverains pontifes encouragèrent les quêtes et recommandèrent aux évêques de recevoir favorablement les frères de la Congrégation qui solliciteraient l’autorisation de quêter dans leurs diocèses.
D’après les textes qui nous restent, ces exhortations aux évêques furent assez rares jusqu’à la fin du xve siècle; nous ne voyons que Clément IV, Jean XXII et Clément VI en faire de semblables, et nous n’avons aucun renseignement sur l’accueil que les aveugles reçurent près des évêques pendant cette période.
Mais à partir de la bulle d’Alexandre VI, dont nous avons déjà parlé, les recommandations des papes aux prélats se succèdent régulièrement, et nous rencontrons un grand nombre de mandements rendus par les évêques ou les vicaires généraux à la suite de cette bulle et de celles de Jules II, de Léon X, de Clément VIII, de Paul V.
Ces actes enjoignent uniformément aux curés et autres personnes ecclésiastiques du diocèse de procurer aux quêteurs des Quinze-Vingts toutes les facilités désirables, pourvu que ce soient gens de bonnes vie et mœurs; quelques évêques veulent même que les mandataires de l’hôpital soient des clercs. Défense est faite aux prêtres de rien prélever sur les aumônes à moins que les collecteurs ne leur en offrent libéralement une portion.
La Congrégation ne rencontrait cependant pas toujours autant de bonne volonté chez les prélats, qui se souciaient peu quelquefois de voir la charité de leurs diocésains se porter sur un hôpital éloigné, au lieu d’alimenter les œuvres instituées dans le ressort même de l’évêché ; et les différents directeurs d’établissements hospitaliers s’associaient à ces résistances.
Les Quinze-Vingts durent en certains cas faire appel à l’autorité judiciaire pour pouvoir profiter des avantages que leur avaient assurés les papes. Dans les procès soulevés à ce sujet, le Parlement suivit une jurisprudence invariable et donna toujours gain de cause aux aveugles. Pour couper court à toutes difficultés il prescrivit d’une manière générale, le 7 septembre 1532, à tous les évêques d’accorder gratuitement aux Quinze-Vingts la permission de quêter, et il appliqua rigoureusement les conclusions de son arrêt à ceux qui s’y refusaient.
Les Parlements de Toulouse et de Bordeaux prirent les mêmes mesures que celui de Paris et enregistrèrent la décision que celui-ci avait rendue en faveur des Quinze-Vingts.
Ces concessions d’indulgences, ces exhortations à la charité, émanées de la cour pontificale, furent imitées par un certain nombre d’évêques ou de monastères. L’évêque de Paris en 1404, le légat du Saint-Siège en 1393 et en 1432, onze cardinaux en 1460, le cardinal Jean d’Anjou en 1468, enrichirent l’église de nouvelles indulgences.
En 1345, les abbés de Saint-Denis, de Saint-Germain-des-Prés, de Sainte-Geneviève, de Saint-Maur-des-Fossés, de Saint-Magloire, de Saint-Victor et le prieur de Saint-Martin-des-Champs invitèrent les chrétiens à secourir les aveugles et accordèrent à ces derniers la participation à tous les biens spirituels de leurs congrégations. Leurs lettres, toutes conçues en termes identiques, furent réunies en sept colonnes sur une même feuille de parchemin au bas de laquelle étaient apposés leurs sceaux, aujourd’hui brisés en partie.
Le Général des Frères Mineurs, en 1432, et celui des Frères de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, en 1436, accordèrent à l’hôpital une semblable association de prières.
Plusieurs monastères avaient d’ailleurs été spécialement investis par les papes du soin de protéger les Quinze-Vingts, que Benoît XII confia à la garde de l’abbaye Saint-Martin, près de Pontoise. Grégoire XI, Clément VII recommandèrent également à ce même abbé de Saint-Martin et à ceux de Saint-Jean, près de Sens, de Sainte-Geneviève, de Saint-Loup (à Troyes), de Saint-Magloire, ainsi qu’à l’évêque de Senlis et au Trésorier de la Sainte-Chapelle, de publier les censures ecclésiastiques contre ceux qui détiendraient injustement les biens des aveugles.
Les Souverains Pontifes ne se contentèrent pas de procurer aux Quinze-Vingts d’abondantes aumônes, ils donnèrent à l’hôpital un rang dans la hiérarchie ecclésiastique, en faisant de son église la paroisse de ceux qui habitaient l’enclos.
Dès les origines de l’établissement, l’office divin fut célébré dans la chapelle, comme l’atteste le confesseur de la Reine Marguerite. On n’a pas gardé de trace de la première autorisation que l’évêque de Paris dut accorder à ce sujet. Elle fut renouvelée en 1282, et l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois, sur le territoire de laquelle se trouvaient les Quinze-Vingts, leur permit d’avoir un cimetière et un clocher haut de deux toises.
Jean XXII, sur la requête de Philippe le Long, ordonna à l’évêque de Paris de faire, du chapelain perpétuel, le curé des personnes qui demeuraient dans les limites de l’Hôtel, à la condition de dédommager la paroisse Saint-Germain pour les oblations et redevances dont elle serait ainsi dépouillée. Innocent VI, Clément VII permirent de nouveau au chapelain des Quinze-Vingts d’y administrer les sacrements, et ce dernier pape décida que l’indemnité à donner au chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois consisterait en une rente annuelle de 3 l. p..
Le doyen de Saint-Germain ne fut pas satisfait de cette compensation et intenta, à ce sujet, devant le Parlement, un procès qui se termina par un accord passé le 4 avril 1399, en vertu duquel l’hôpital constitua à Saint-Germain-l’Auxerrois une rente de 18 l. p. (le marc valant 100 s. p.).
Les limites de cette exemption semblent avoir été les mêmes que celles du pourpris et du clos. En effet, la rue Neuve-Saint-Louis s’étant bâtie le long du terrain donné aux Quinze-Vingts par Pierre des Essarts, le côté septentrional de cette rue, qui regardait la Ville-l’Évêque, fut revendiqué à la fois par le chapitre de Saint-Germain-l’Auxerrois et le curé de Saint-Eustache d’une part, par le curé de la Ville-l’Évêque de l’autre, et, en 1406, les Maîtres des Requêtes du Palais en confièrent, par intérim, l’administration aux chapelains des Quinze-Vingts pour le temps du procès. Il est probable que le côté méridional de la rue, formé par les maisons du clos et pour lequel on ne soulève pas de contestation, dépendait régulièrement de ces chapelains.
En 1491, les prêtres des Quinze-Vingts étaient en paisible possession d’exercer les droits paroissiaux dans l’hôpital. De toute ancienneté, à cette époque, ils administraient aux membres de la Congrégation tous les sacrements, même la communion pascale; ils bénissaient les fonts baptismaux, les vigiles de Pâques et de la Pentecôte, faisaient l’eau bénite chaque dimanche et disaient les recommandations au prône; ils ensevelissaient enfin au cimetière de l’hôpital les personnes décédées dans l’enclos1.
Une chose, cependant, manquait à cette église pour qu’elle fût absolument assimilable aux paroisses ordinaires: elle n’avait pas de fabrique, et les Quinze-Vingts réclamèrent hautement, en 1704, quand on voulut les comprendre dans la répartition de l’impôt levé sur la vente des offices de trésoriers de fabrique.
Au XVIIIe siècle, le chevecier et le vicaire étaient seuls chargés d’administrer les sacrements, de faire les prônes et les instructions, de prendre soin des malades et des indigents, d’accomplir en un mot «les fonctions curiales,» et c’est à ce titre qu’en 1755 le chevecier obtint que la quête se fît, pendant la quinzaine de Pâques, pour les pauvres de la paroisse.
Parfois des étrangers, des forains, logés près de l’église, venaient y recevoir les sacrements, et les gens du voisinage y faisaient baptiser leurs enfants en cas de nécessité.
On ne semble pas s’être fait scrupule de multiplier ces cas, puisque dans un registre de baptêmes, qui va de 1552 à 1561, figurent les enfants de personnes habitant les rues Saint-Honoré, du Faubourg-Saint-Honoré, des Gravilliers, etc. Le 14 juillet 1555, par exemple, on voit mentionner le baptême d’Angélique,
«fille de Arthur d’Offréville, gentilhomme et homme d’armes du Roy;» le 13 août 1557 est baptisée la fille de «Me Rigault de Chazettes, ciurgien, inciseur et oculiste sur les corps humains, demourant rue Saint Honoré.»
Ce registre, probablement un des seuls vestiges des anciens actes de l’état religieux à Paris, est un cahier de papier de 40 folios, très étroit et recouvert avec un fragment de parchemin provenant d’un antiphonaire. Suivant l’usage antérieur au concile de Trente, les filles y ont deux marraines et un parrain, les garçons deux parrains et une marraine. Sous la même cote de l’inventaire (6387) sont placés deux autres cahiers de même genre; l’un va de 1585 à 1588, l’autre de 1613 à 1618.
Les personnes étrangères venaient aussi en grand nombre assister aux offices célébrés à l’hôpital. Dès le XVIIe siècle, il était de bon ton de s’y faire voir, et Tallemant des Réaux, parlant de Mme de Launay, dit que «pour faire la femme de grande qualité en toute chose, elle va à la messe, aux Quinze-Vingts, en justaucorps.» Mais c’est surtout à partir de la Régence que la haute société se donna rendez-vous dans l’église des aveugles. La duchesse d’Orléans s’y fit construire une tribune et la noblesse la suivit avec empressement, c’est ce que constate le cardinal de Rohan, en 1746, quand il dit dans un mémoire sur la reconstruction de cette église: «Les principales personnes du voisinage assistent à l’office qui s’y fait... Madame la Duchesse d’Orléans y est très assidue.» Le nombre des fidèles était si grand qu’on dut, en 1745, prescrire aux membres de l’hôpital de ne se tenir que dans la chapelle des saints, et leur faire «inhibitions et deffenses de se mettre dans le chœur, la chapelle de la Sainte Vierge, la nef et la tribune, ny d’y prendre les chaises qui sont destinées pour les externes.» Cette vogue continua tant que les Quinze-Vingts restèrent près du Palais-Royal, comme le prouve ce passage du Nouveau Paris de Mercier: «D’autres églises étoient pour ainsi dire les climats du luxe de la capitale. Dans celle des Quinze-Vingts se réunissaient les fermiers généraux, les agents de change, les commis des finances; superbes comme des paons, ils étinceloient d’or, de rubis, de diamans. Il ne leur manquoit que des diadèmes. Le pauvre même dans ce lieu de magnificence ne demandoit l’aumône qu’en termes choisis.»
Pour retenir cette élégante assistance, dont les généreuses offrandes leur étaient très utiles, les aveugles ne se contentaient pas de leur talent en plain-chant, ils faisaient appel à des musiciens étrangers et, pendant la semaine sainte, par exemple, en 1712 et en 1713, on les voit demander au sieur du Tartre, maître de musique, des chanteurs pour les Ténèbres. Le Grand Aumônier, dans le même but, «n’accordoit et présentoit au Roy, pour le ministère de la parole aux advens et caresmes devant Sa Majesté, les prédicateurs, qu’après leur mission exercée en l’église de céans;» c’est ainsi qu’on voit le Père Chamillart, le Père de La Rue, Massillon monter dans la chaire des Quinze-Vingts. Indépendamment des aumônes que pouvaient apporter les auditeurs de ces orateurs en renom, le chapitre profitait de leur affluence pour élever la rétribution que devait payer le fermier des chaises de l’église: en 1711, ce bail était passé «sur le pied de 3,200 l. par an, quand il y aura prédicateurs du Roy, qui prescheront le caresme en l’église du dit hospital, et quand il n’y en aura point, le fermage sera réduit à 2,500 l..»
L’église des Quinze-Vingts constituait un lieu d’asile; en 1416, Louis de Braquemont et autres malfaiteurs s’y étant réfugiés et ayant été saisis par la justice royale, malgré l’immunité de l’hôpital, les chapelains refusèrent de continuer à dire les offices. Pour vaincre leur résistance, dans laquelle ils étaient encouragés par l’évêque de Paris, Charles VI dut faire saisir le temporel de la maison et faire célébrer à plusieurs reprises, dans l’église, le service divin par les chapelains des Innocents, aux frais des aveugles.
Au XVIe siècle, nous voyons les franchises de l’Hôtel mieux respectées: en 1518, le Châtelet fait remettre Jean Le Maire en l’immunité des Quinze-Vingts et condamne Antoine Bénard à payer des dommages-intérêts pour l’en avoir arraché par violence.
Régulièrement, l’hôpital devait être soumis, pour les matières ecclésiastiques, à la juridiction de l’ordinaire, c’est-à-dire à l’officialité de Paris, mais Clément VII l’affranchit de cette dépendance et substitua à l’autorité de l’évêque celle de l’aumônier du Roi ou du chapelain de l’autel Saint-Remi, quand l’aumônier ne serait pas clerc.
Ce privilège fut confirmé par Jean XXIII, qui confia l’exécution de ses ordres aux abbés de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés, et au trésorier de la Sainte-Chapelle; ces mandataires rencontrèrent une vive opposition: l’évêque de Paris prétendit que le Souverain Pontife n’avait pu, en connaissance de cause, soustraire ainsi les Quinze-Vingts à leur supérieur naturel, pour les remettre à la garde de l’aumônier qui était absent, la plupart du temps, ou du chapelain qui était généralement un homme simple, ignorant le droit; l’hôpital, disait-il, deviendrait bientôt, dans ces conditions, un repaire de brigands et personne ne voudrait plus donner d’ouvrage aux aveugles; enfin il terminait son réquisitoire par un appel au futur concile.
Il ne se borna pas à ces protestations et l’année suivante, passant des paroles aux actes, il fit emprisonner un des chapelains et excommunier les trois autres; la Congrégation eut recours au Parlement, et alors s’ouvrit un de ces procès interminables dont on ne trouve que trop d’exemples au moyen âge. On confia la juridiction ecclésiastique, qui faisait l’objet du litige, à deux commissaires spéciaux chargés de décider des causes qui surgiraient pendant le cours des débats. Nous ne retrouvons pas les dernières pièces de cette longue procédur; la plus récente est un acte de Louis Séguier, commissaire du Parlement, qui interdit à l’official «de traiter les aveugles en justice jusqu’à ce que autrement en soit ordonné par la cour» et renouvelle les mesures prises par ses prédécesseurs commis en cette partie, en vertu desquelles les aveugles «ne pouvaient être traités que devant les commissaires pendant le débat de la dite exemption.»
Cette ordonnance de 1527 montre que le procès n’était pas encore terminé à cette époque. Il semble cependant que le Parlement ait, en fait, laissé à l’aumônier ou à ses délégués la connaissance des affaires ecclésiastiques de la Congrégation avant que le fond de la question ne fût vidé, puisque, dès 1522, la Cour ordonna que deux des gouverneurs chargés de représenter l’aumônier dans l’administration des Quinze-Vingts fussent clercs, afin de pouvoir juger les causes ecclésiastiques que les exemptions de l’hôpital amèneraient devant eux.
Les actions judiciaires que les Quinze-Vingts dirigeaient contre l’administration épiscopale, s’ils croyaient leurs droits lésés, ne portaient atteinte ni au respect qu’ils professaient pour le caractère et la personne du prélat, ni à l’empressement avec lequel ils le recevaient lorsqu’il se rendait à leur Hôtel.
Ainsi, quand ils étaient prévenus de la visite de l’évêque, ils apostaient un petit garçon chargé de guetter son arrivée, afin d’être prêts à lui offrir quelques rafraîchissements dès qu’il entrerait au cloître Saint-Honoré.
On se figure aisément l’ardeur que les Quinze-Vingts devaient mettre à obtenir des papes les nombreux privilèges dont nous venons de parler: voici les différents moyens qu’ils employaient pour la sollicitation des bulles.
Tantôt c’était le ministre lui-même qui allait à Rome, sans oublier de faire son testament avant ce long voyage et de le déposer dans le trésor de l’Hôtel. Tantôt on profitait du pèlerinage de quelque personne charitable, de quelque religieux tel que celui de la Madeleine de Vezelay, qui se chargea de cet office en 1431: on lui avait confié, à cet effet, 16 ducats d’or achetés 17 saluts 14 sous parisis chez le changeur Oppez, et on lui offrit 2 saluts pour le rémunérer de ses peines. Quelquefois aussi on suivait la voie diplomatique et l’on demandait au Roi «des lettres adressantes à mon Saint Père et à l’Embassadeur de France à Romme pour obtenir bulles narratives des pardons des dicts XVxx.»
Les frais de chancellerie étaient toujours considérables: le religieux, dont nous parlions plus haut, dut payer 15 l. 14 s. p.
«pour une confirmation et autres privilèges.» En 1438, c’est une somme de 40 ducats d’or qu’on baille en cour de Rome pour
«lever l’expédition d’une bulle.» Et il faut compter en sus le salaire de l’écrivain chargé de rédiger les minutes du projet de bulle que l’on portait à Rome, afin de le présenter à l’approbation du pape.
Mais ces dépenses étaient encore plus fortes quand on recourait à l’intermédiaire d’un banquier pour solliciter les privilèges. Le sieur de Aqua reçoit, à cet effet, en 1525, 34 l. 17 s. t.. Antoine de la Case ne demande pas moins de 1,845 l. t. en 1504 et de 2,400 l. t. en 1513, pour entreprendre à forfait l’obtention des bulles de pardon et confirmation.
Malgré toutes ces dépenses, toutes ces formalités, la Congrégation ne se lassait pas de demander au Vatican la confirmation des privilèges dont elle jouissait.
Les hommes du moyen âge semblent avoir continuellement redouté de voir la prescription effacer les droits concédés à titre perpétuel, et les Quinze-Vingts n’échappèrent pas à cette préoccupation. Quand un pape mourait, ils se demandaient avec anxiété si les bulles qu’ils en avaient reçues conservaient leur efficacité.
Des docteurs en théologie étaient appelés en consultation et, moyennant l’offre d’un petit cadeau tel que celui d’une paire de couteaux, on leur demandait d’examiner les titres de l’église, d’en apprécier la validité.
Alors même que la réponse de ces experts était favorable, la Congrégation ne se sentait pas rassurée et réclamait presque toujours du nouveau Pontife la confirmation des faveurs accordées par son prédécesseur.
Dans la série des bulles conservées aux archives des Quinze-Vingts, on ne trouve, depuis le milieu du XIVe siècle jusqu’à la fin du XVIe, que les pontificats d’Alexandre V, de Callixte III, de Pie III et de Marcel II qui ne soient pas représentés par un acte de ce genre. Les confirmations devinrent ensuite moins fréquentes, on n’en compte plus que deux jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.