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AVANT-PROPOS

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Je crois rendre service à mes compatriotes en écrivant cette histoire de Savoie. Aucune n’est plus digne d’être racontée; aucune n’est plus propre à donner à un peuple des raisons d’aimer son pays. Ainsi les Savoyards qui liront celte histoire y puiseront, avec l’estime de leurs ancêtres, l’aiguillon bienfaisant d’une magnifique fierté. Dans les actions des Princes, dans les institutions, qui ont façonné notre nation, ils trouveront à un degré élevé un aliment aux plus nobles sentiments que l’homme puisse ressentir après l’amour de Dieu: ceux du respect et de l’attachement pour les communes gloires de la patrie, source d’affection mutuelle entre ses membres.

Le lien qui réunit entre eux les enfants de la Savoie est là. Ils n’ont pour se reconnaître aucun des caractères qui servent d’enseigne éclatante à d’autres; ils n’ont ni le don brillant du Provençal, ni la constance inflexible, du Breton, ni la fierté de l’Alsacien, ni l’enjouement charmant de la province de France; l’individu chez nous semble effacé. Les saillies du caractère commun sont discrètes, tout en nuances, et en partie voilées.. Ainsi le prestige de mérites distincts, la splendeur d’actes isolés n’est pas ce qui marque notre rang dans le monde. Notre grandeur est dans notre histoire, dans l’enchaînement admirable des faits qui nous ont faits ce que nous sommes.

Chose remarquable: seule des provinces de France, celle histoire fait de nous une nation, une matière historique complète. Huit siècles d’existence distincte et continue ont précédé notre réunion à la France; et nous avons ainsi vécu, non pas en tant que province d’un autre Etat, mais comme n’appartenant qu’à nous

La Savoie n’appartenait qu’à soi, même quand elle fit partie du royaume de Sardaigne. Cette propriété se reconnaît à deux signes: la nationalité de la maison régnante, l’originalité de la langue et des mœurs. Quoique les princes aient régné à Turin pendant une partie de cette histoire, la Savoie ne s’en présentait pas moins en Europe comme distincte, et dans cette distinction elle entraînait ses princes. On savait, ils savaient qu’ils étaient Savoyards: cette idée vivante au fond d’eux-mêmes, les préservait de l’absorption piémontaise. Nous en avons un témoignage illustre, dans le soin pieux pris par Charles Félix, dernier de leur lignée directe et terminant en 1831 leur descendance, de se faire enterrer à Hautecombe, parmi les tombes des comtes ses aïeux.

Si l’on considère leurs actions, on n’y trouve pas moins l’empreinte de la race; leurs armes et leur diplomatie sont à nous comme leur caractère; le grand ascendant de leur noblesse se confond avec le prestige de l’antiquité du petit Etat que leur politique a formé. Et d’autre part nous leur devons tout. La continuité de leur succession, l’adresse et le bonheur qu’ils eurent de toujours éviter les guerres civiles, ont fondé l’unité de la nation; leur amour des lumières a fait sa culture, leur gouvernement paternel sa confiance et sa facilité, leur fidélité à l’Eglise sa religion, l’exemple de leur sérieux ses mœurs.

Cette histoire lue avec attention sera donc non seulement un moyen de nous rallier, mais pour chacun de nous de se connaître. Cette connaissance gagne en clarté à mesure que se rapprochent les siècles dont on lira le récit. Les institutions mieux décrites y ajoutent à mesure plus de lumière, et l’on distingue aussi mieux le caractère de ceux qui, sous le Prince, composent la nation. Depuis la Renaissance on commence à bien voir le portrait du peuple Savoyard; dans les événements de la Révolution il se dessine avec un relief parfait; depuis le règne d’Emmanuel Philibert, l’illustre compagnie du Sénat ajoute son prestige particulier. Quelques hommes, dont la renommée dépasse les frontières de Savoie, mettent dans un éclat spécial plusieurs des traits communs à tous. Dans un saint François de Sales la Savoie reconnaît le sage équilibre d’une dévotion faite à son image; dans un Maistre elle reconnaît la droiture de son esprit, sa politesse, son horreur de l’emphase et sa fidélité.

Je ne donne pas ici le résultat de recherches originales. J’ai rassemblé des faits connus de tous, m’étudiant seulement à les mieux comprendre au moyen de lectures de détail, et par suite à les mieux placer. Mon dessein a été d’en composer une suite où le lecteur puisse apercevoir le progrès des faits et le mouvement de l’histoire, trop souvent brouillés dans les livres qu’on a faits sur le même sujet. L’essentiel de ces faits m’a été fourni par deux auteurs. Le premier est M. de Costa, ami de l’illustre Maistre, éminent par le savoir, le grand sens et la dignité, par une noble fidélité à tous les souvenirs de la maison de Savoie. L’autre; à cet égard bien inférieur, libéral et révolutionnaire, adonné à la chimère d’une Savoie existante sans ses princes, chicanier de l’autorité, dénué de jugement politique, mais curieux de faits, fouilleur d’archives et amoureux de notre pays, est Saint-Genix. Malgré l’estime bien différente qu’on doit au caractère de ces deux écrivains, j’ose dire que la cause de notre histoire, à condition de corriger le second, ne doit pas moins à l’un qu’à l’autre. D’autres moins importants n’ont pu être nommés dans un livre dont le plan ne comportait ni notes, ni références. Je ne dois une exception qu’à M. l’abbé Trésal, dont les deux ouvrages sur l’Annexion m’ont offert une matière précieuse et d’une importance particulière.

Cet ouvrage est divisé par règnes, ainsi qu’il convient à l’histoire proprement dite, où les événements politiques sont tout. Une répartition plus générale rassemble ces règnes en six chapitres ou parties, par faitement distinguées dans l’histoire de Savoie, quoiqu’on ait omis d’en faire usage. Après la Formation de l’Etat de Savoie, qui précède le règne d’Amédée V, c’est la période d’éclat de la Dynastie, occupant le XIVe siècle et le XVe, où brillent quatre princes illustres du nom d’Amédée; puis vient l’abaissement du Duché après la mort d’Amédée VIII, aboutissant à l’occupation française de 1536. La Restauration du Duché sous Emmanuel Philibert fait suite; elle est portée jusqu’à Victor, premier roi, de qui la Monarchie a reçu son plus grand lustre.. Le règne de ce prince commence la cinquième période, terminée avec la lignée directe de la maison en 1831: l’occupation révolutionnaire ne pouvant être prise pour une décadence du royaume, qui, comme tous ceux de l’Europe, se releva intact. Avec les Carignans, dans une sixième période, commence l’histoire de la Monarchie libérale et révolutionnaire, et décidément italienne.

Toute cette matière a été présentée dans un ordre un peu différent, mais avec des réflexions pareilles, dans des cours donnés en 1910 à l’Institut d’Action Française, dans la chaire Louis XI, chaire d’Unité Française, consacrée à l’histoire des provinces. Ces cours étaient présentés sous le patronage d’un auteur savoyard, l’abbé Martinet, né à Queige, mort en 1871, éminent par la doctrine et par la dialectique, profond théologien, dont l’œuvre politique a pour nous l’avantage de poser parfaitement la situation de la Savoie envers la France. Quoiqu’il l’en suppose détachée et simplement vassale, que son plan par là appelle quelques retouches, le dessein général est solide, et la restauration des libertés locales appelée par tous les vœux dans les provinces de France, ne pourra s’écarter beaucoup des jalons essentiels qu’il pose.

Ce livre vise à hâter cette restauration en lui donnant pour base chez nos compatriotes une connaissance mieux formée du passé. Je ne saurais donc mieux faire que d’y réitérer l’hommage de ce qu’il contient, au souvenir du même auteur.

Histoire de Savoie, des origines à l'annexion

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