Читать книгу Les quartiers pauvres de Paris : le 20e arrondissement - Louis Lazare - Страница 6

III

Оглавление

Table des matières

Il est une question des plus graves, parce qu’elle intéresse au plus haut degré nos arrondissements excentriques: c’est le déplacement des classes laborieuses qui, du centre de la ville, ont été successivement refoulées aux extrémités par suite des immenses travaux exécutés dans l’intérieur de l’ancien Paris,

Ce qu’il importe surtout de faire connaître exactement à l’autorité supérieure, c’est la situation fâcheuse que nos ouvriers ont subie, alors que l’ancienne banlieue, dans laquelle ils s’étaient réfugiés en grand nombre, s’est trouvée frappée instantanément du payement des taxes d’octroi de Paris.

On va voir tout ce qui manque à nos arrondissements excentriques, sous le rapport du nécessaire.

Les études que nous avons faites ne s’appliquent pas seulement au 20e, elles embrassent toute la zone annexée; le tableau de ses misères est à peu près le même dans tous nos arrondissements excentriques, le 16e excepté.

Dès sa nomination à la préfecture de la Seine, le 23 juin 1853, M. Haussmann se préoccupe de la question du plan d’ensemble de Paris dont le magistrat poursuit activement la réalisation, mais jusqu’à l’ancien mur d’octroi seulement. Le préfet ne songe pas alors le moins du monde à la zone immense que Paris doit absorber bientôt. Il continue le prolongement de la rue de Rivoli; il commence en 1854 le boulevard depuis décoré du nom de Sébastopol, puis d’autres trouées ici, là, partout dans l’ancien Paris.

57 rues ou passages sont supprimés, 2,227 maisons jetées par terre et plus de 25,000 habitants, presque tous ouvriers, contraints d’abandonner à l’instant le centre de la ville, sont repoussés vers les extrémités. Ce déplacement, qui suivit la progression des travaux dans le centre de Paris, fut une émigration forcée, comme on va le voir. En effet, les terrains bordant les nouvelles voies avaient été chèrement payés par l’expropriation, et les maisons importantes construites sur leur emplacement ne pouvaient renfermer de locations dont le prix fût accessible à nos classes laborieuses.

Loin de nous la pensée d’amoindrir l’action bienfaisante des nouvelles voies, de ces grands ventilateurs si précieux pour la salubrité d’une ville comme Paris. Ce qu’il importe de constater ici, c’est l’absence complète d’un système administratif dont l’application intelligente et humaine devait avoir pour résultat de suivre ces migrations successives de la population ouvrière, à laquelle il fallait procurer, dans les quartiers excentriques l’équivalent des avantages dont elle jouissait au milieu de Paris, qu’on la forçait d’abandonner.

On devait, en même temps qu’on faisait le vide dans l’intérieur de la ville pour l’assainir, on devait favoriser à tout prix les constructions modestes dans les quartiers éloignés, à cette fin que le trop plein se déversât jusqu’aux extrémités.

Aucun percement utile et pouvant servir d’heureuse dérivation au flot populaire qui montait rapidement ne fut réalisé dans ces premières années. On démolissait, on jetait par terre des maisons par centaines dans le centre de Paris, sans se préoccuper de l’installation des émigrants aux confins de la ville.

Les travaux continuant et même augmentant, les émigrants se portèrent en foule dans les quartiers avoisinant l’ancien mur d’octroi, principalement vers les faubourgs du Temple, Saint-Antoine et Saint-Marceau.

Comme la pioche des démolisseurs avait aussi son contre-coup dans nos provinces, qui entendaient dire, répéter, ressasser qu’on dépensait dans la capitale des millions par centaines, les cultivateurs et les ouvriers quittèrent en foule leurs champs et leurs villes secondaires pour fondre sur Paris.

De là ce renchérissement des petites locations par l’augmentation foudroyante de la population ouvrière. Il arriva bientôt que ces locations devinrent insuffisantes dans l’ancien Paris; alors nos classes laborieuses, enjambant le mur d’octroi, se portèrent en grand nombre dans l’ancienne banlieue, principalement à Belleville, à Ménilmontant, à Charonne, aux Ternes, à Montrouge, Vaugirard et Grenelle.

Qu’a fait l’administration municipale? Elle a frappé tout à coup des taxes d’octroi de Paris des communes qui n’étaient pas le moins du monde parisiennes et n’avaient participé en rien aux améliorations de la ville.

Ainsi, d’un côté, en moins de douze années, dans les quartiers riches ou commerçants de l’intérieur, la propriété avait vu doubler ses revenus, tandis que de l’autre, dans la zone annexée si brutalement, la population ouvrière, qui s’y était forcément agglomérée, subissait, par le fait de l’octroi de Paris, un impôt de plus de 20 p. 100 sur le prix des denrées de première nécessité.

Était-ce faire acte d’administration sagement distributive que de mettre sur le même pied, par l’impôt si lourd de l’octroi, une ville dans laquelle on venait de dépenser plus d’un milliard et des communes qui n’avaient reçu aucune espèce d’améliorations?

Ainsi l’on avait forcé les ouvriers en grand nombre à deux déplacements en quelques années; on les avait obligés à venir habiter des localités éloignées de leurs travaux. Cette zone immense était privée d’établissements indispensables; ses rues, pour la plupart mal éclairées, manquaient de pavage, et c’était une Sibérie pareille, à laquelle on n’avait rien accordé, qu’on frappait instantanément de l’octroi à Paris.

Les quartiers pauvres de Paris : le 20e arrondissement

Подняться наверх