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PREMIÈRE PARTIE

Table des matières

DE LA FATIGUE DE LA VOIX PAR LE MÉCANISME

1. La voix est un son (voy. p. 3) produit par le travail de plusieurs organes, que l’on appelle organes de la voix, ou organes de la phonation, ou organes pharyngo-laryngés.

Ce travail peut être salutaire au développement de ces organes, mais une dépense de forces disproportionnée ou mal calculée amène la FATIGUE, c’est-à-dire une lassitude, une faiblesse qui, si elle devient fréquente ou persistante, finit par altérer profondément les tissus. L’organe fait faillite.

Tout le monde sait que l’exercice musculaire est favorable au développement du corps; mais on sait aussi qu’une course exagérée devient fatigante et peut épuiser la constitution. Il en est de même pour l’organe de la voix, car il fonctionne à l’aide de nombreux muscles dont le travail, à savoir la contraction, concourt à la production de la voix, mais ne s’opère que par une dépense de forces.

Cette dépense peut être disproportionnée à la recette, c’est-à-dire aux ressources fournies par la vie, soit par son intensité et sa durée, soit par le mode particulier dont elle s’accomplit.

2. Lorsque la durée de la production de la voix est trop prolongée, les muqueuses du larynx et du pharynx se congestionnent, les sécrétions cessent. De là sécheresse, soif, sensation désagréable d’ardeur ou d’irritation et finalement fatigue. La voix perd sa pureté et finit par s’affaiblir; les muscles du thorax deviennent douloureux au toucher et dans l’acte inspiratoire.

On force donc la nature et l’on outre-passe les moyens dont on dispose, quand on prolonge l’exercice au point d’amener ces symptômes. Ces excès se payent toujours chèrement.

Reste à savoir ce qu’il faut entendre par durée excessive. Il est impossible de fixer théoriquement une limite de la durée normale; elle dépend entièrement de l’organisation générale et plus particulièrement de la constitution de l’organe vocal. Telle personne pourra chanter ou parler des heures entières sans éprouver de fatigue, tandis qu’une autre, tout en supposant son organe vocal dans son état normal, mais plus délicat, doit suspendre l’émission de la voix au bout d’un temps beaucoup plus restreint.

Il faut prévenir les effets de cette cause nuisible, en étudiant ses propres forces, celles qui résultent de l’organisation générale et particulièrement celles inhérentes à l’organe vocale. Il faut cesser de parler ou de chanter dès que l’on est fatigué, mieux encore dès que l’on sent approcher la fatigue. Les élèves feront des exercices progressifs par la durée; il en sera de même pour les convalescents. Le repos est le grand moyen curatif; c’est le secret des effets salubres des voyages et d’un grand nombre de stations balnéaires. Nous indiquerons plus loin les conseils propres à remédier momentanément à la fatigue de chacun des organes de la voix.

3. L’abus de l’intensité épuise par une dépense trop grande des forces. Le repos, en renouvelant les forces, fait disparaître une fatigue momentanée; mais lorsque celle-ci se reproduit fréquemment, elle amène une altération des tissus qui enraye la fonction naturelle. Nous voyons ainsi l’exercice, qui, approprié aux forces, favorise la nutrition, la détruire, au contraire, lorsqu’il est disproportionné à ces mêmes forces.

4. Enfin, le mauvais mode de production de la voix peut altérer celle-ci, par un faux emploi du mécanisme. Ceci rend nécessaire quelques explications sur la nature et la production de la voix.

5. La voix est un SON, c’est-à-dire une sensation perceptible uniquement par l’oreille, produite par les vibrations des molécules d’un corps solide, gazeux ou liquide, et transmises à l’oreille d’habitude à l’aide de l’air.

Tout le monde connaît les vibrations d’une corde ébranlée. En jetant une pierre dans une nappe d’eau, on voit des vagues circulaires se succéder et s’avancer dans toutes les directions; une paille flottant sur l’eau ne sera pas entraînée, mais seulement soulevée, puis abaissée, parce que les molécules d’eau ne font qu’exécuter des vibrations et ne sont pas renvoyées au loin; c’est l’ébranlement seul qui se propage sans cesse en avant.

Les vibrations se passent d’une manière analogue dans l’air; aux éminences des vagues correspondent des couches sphériques concentriques et condensées; aux dépressions, des couches dilatées. On appelle onde sonore ou vibration double la couche condensée réunie à la couche dilatée, et vibration simple une seule de ces couches. Le temps qui s’écoule entre les deux reproductions successives du même état de mouvement est la durée de la vibration. Le son musical est le résultat de vibrations continues, rapides et à durée égale (isochrones). On croit que les bruits résultent du mélange confus de sons différents qui n’ont pas le temps d’être perçus par l’oreille.

Nous appelons son toute sensation perceptible uniquement par l’oreille, par conséquent aussi bien le son musical que le cri, que le bruit. Dans le langage habituel, on réserve le nom de son exclusivement au son musical.

6. Les caractères du son sont l’intensité, l’intonation et le timbre.

L’intensité dépend de la force de l’élément moteur qui ébranle le corps vibrant et de l’élasticité de ce dernier.

L’intonation ou la hauteur du son est déterminée par le nombre de vibrations accomplies dans une seconde.

Le timbre enfin est cette qualité qui fait distinguer des sons de la même hauteur, suivant la source qui les produit. C’est par le timbre que nous distinguons la voix des différents individus, la voix humaine d’avec les sons d’instruments de musique, le son de la clarinette d’avec celui de la flûte, etc.

7. Dans certains INSTRUMENTS DE MUSIQUE, nous trouvons ces trois caractères du son déterminés par trois éléments constitutifs de l’instrument.

Ainsi, dans les instruments à cordes on trouve la corde, qui est l’élément dont les vibrations déterminent la hauteur du son; l’intensité du son dépend de la force avec laquelle l’archet ou le doigt ou le marteau, l’élément moteur, ébranle la corde; enfin, le timbre est en rapport intime avec la caisse ou le corps résonnant et l’air qui y est confiné.

Dans les tuyaux à anches de l’orgue, de petites lames, appelées anches ou languettes, représentent l’élément vibrant; elles sont toujours adaptées au bout d’un tuyau dont le pied est fixé sur le sommier d’une soufflerie, qui joue le rôle de l’élément moteur. Le timbre dépend en partie de l’anche et en partie de la forme et de la nature du tuyau, qui est la caisse de résonnance.

8. Dans les organes qui concourent à la production de la voix et. qui forment, par conséquent, l’INSTRUMENT VOCAL, on peut également distinguer ces trois éléments constitutifs. La soufflerie est représentée par les poumons, renfermés dans le thorax; l’élément vibrant se trouve dans le larynx, situé dans le cou; enfin la caisse de résonnance, d’où dépend en majeure partie le timbre, est formée principalement par le pharynx avec ses cavités avoisinantes et par le thorax. L’ensemble de l’instrument vocal constitue une grande cavité, qui d’une part communique par la bouche avec l’atmosphère et d’autre part se termine par les vésicules pulmonaires (fig. 10).

9. Nous allons examiner maintenant chacun de ces trois éléments et les modifications de la voix qui résultent de la durée, de l’intensité et surtout du mode de leur fonction.

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