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INTRODUCTION.

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Table des matières

LA liberté individuelle peut être définie la faculté que le droit naturel accorde à chacun de disposer, à son gré, de sa personne et de ses actions, en se conformant aux lois du pays qu’il habite. Elle est la première et la plus précieuse de toutes les libertés; rien ne peut la remplacer ni suppléer à sa perte. Vainement, en son absence, la presse ferait entendre une voix indépendante; que me sert le droit de publier mes pensées, si la main, qui les transcrit, est chargée de fers, ou si la franchise de mes opinions me fait ravir la propriété de ma personne?

La liberté individuelle est, dans un pays, la plus forte garantie du bien-être des citoyens; tranquille sous son égide, chacun se livre sans crainte à ses travaux comme à ses plaisirs; le pauvre bénit la loi qui protège sa faiblesse; la vertu goûte en paix une félicité sans nuage; le crime seul est inquiet; seul il redoute le glaive vengeur de la justice.

Sous la féconde influence de cette liberté, l’industrie se développe, le commerce s’agrandit, la littérature et les beaux-arts jettent un plus vif éclat; l’histoire publie ses salutaires enseignemens; les magistrats, zélés défenseurs de chaque citoyen, marchent environnés de la considération et de la reconnaissance universelles; et l’autorité, désormais à l’abri des plaintes que multipliait l’arbitraire, s’assure l’amour et le respect des peuples.

Ainsi la liberté individuelle, qui ne parait destinée qu’au bonheur des particuliers, devient pour les Etats un élément de prospérité. Si quelquefois elle entrave l’exercice du pouvoir, par une heureuse compensation elle en prévient les abus, et lui imprime toute la force, toute la dignité de la modération.

Cette liberté se lie, dans la pratique, à toutes les institutions d’un pays, de sorte que, pour en compléter l’histoire, il faudrait écrire l’histoire constitutionnelle de chaque nation. Notre intention n’est pas de suivre un plan aussi vaste; nous voulons seulement tracer un essai historique, c’est-à-dire, examiner rapidement les principales causes qui ont influé sur l’usage de la liberté individuelle.

La première de ces causes est la nature du gouvernement. Lorsque la puissance du chef se trouve circonscrite par la constitution dans de justes limites, que le peuple choisit lui-même ses représentans, qu’il participe ainsi à la confection des lois et au vote des impôts, les intérêts et les droits de tous sont respectés; car la liberté politique. fut, dans tous les siècles, la meilleure sauve-garde de la liberté privée . Mais si le souverain, sans cesse le sabre à la main, fait peser sur ses sujets un joug de fer, ou si, du fond de son palais, il peut, sans frein et sans contrôle, imposer sa volonté ; la fortune, la sûreté, la vie même des habitans de ses Etats, tout est soumis à son moindre caprice; ils gémissent opprimés, soit par le monarque lui-même, soit par ses délégués. Un bon roi n’est-plus alors, suivant l’ingénieuse expression de l’empereur Alexandre, qu’un heureux accident . Aussi la liberté individuelle demeure presque toujours inconnue sous les gouvernemens militaires et despotiques qui ne devront pas fixer long-tems notre attention. Elle existe souvent de fait dans les royaumes où le gouvernement est tempéré, mais ce n’est véritablement que dans les gouvernemens constitutionnels ou démocratiques qu’elle peut rencontrer les garanties nécessaires à sa conservation.

Montesquieu l’a dit avec raison: De la bonté des lois criminelles dépend la liberté du citoyen . Sont-elles vagues, obscures, dictées par la crainte ou l’ambition? ses droits les plus chers restent à la merci d’un arbitraire d’autant plus effrayant qu’il se cache sous des formes légales. Si, au contraire, elles ont été rédigées dans un esprit de justice et d’humanité, elles protègent chaque homme, quel qu’il soit, contre les excès du pouvoir et contre les attaques du crime, assurent à l’innocence calomniée les moyens de présenter sa prompte justification, proportionnent les peines à la gravité des délits, veillent enfin au maintien de l’ordre public, sans lequel il n’est pas, il ne peut même exister de liberté individuelle.

Mais il ne suffit pas de trouver dans les archives des nations des lois plus ou moins parfaites; il faut encore vérifier si elles sont loyalement et scrupuleusement observées; c’est l’exécution qui leur donne la vie; c’est donc elle seule qui peut attester leur utilité. Impossible de découvrir la vérité sur ce point sans s’éclairer du. flambeau de l’histoire. Le légiste qui, loin d’ouvrir les annales de la révolution française, se bornerait à lire les articles 9 et 10 de la constitution de 93, si favorables à la liberté individuelle, dans quelle erreur ne tomberait-il pas? Fut-il jamais un tems où le fait l’emporta plus sur le droit! Tems déplorable dont le seul souvenir interdit maintenant encore à de vénérables vieillards l’amour de la liberté !

Souvent aussi le caractère, l’esprit, les coutumes d’un peuple modifient l’application des lois; la jurisprudence corrige ce qu’elles ont de défectueux, adoucit ce qu’elles ont de trop sévère; rarement elles résistent à la puissance de l’opinion publique.

L’état des mœurs réagit sans aucun doute sur la liberté individuelle; simples et pures, elles élèvent l’âme, elles la fortifient, elles lui communiquent cette indépendance, cette énergie que les séductions du pouvoir ou du luxe ne peuvent ébranler. Semez la frugalité y disait Agésilas, et vous recueillerez la liberté. Dès que la corruption infecte les cœurs de son funeste venin, tout s’énerve, tout s’abâtardit; l’homme, affamé de plaisirs et de repos, ne songe qu’à satisfaire à tout prix les besoins qui l’accablent, et la liberté, dont la brillante image charme encore ses yeux, n’est plus alors exploitée que comme un instrument de déception.

Toutefois la religion exerce sur la destinée des peuples un empire encore plus marqué ; tantôt elle contribue à leur oppression, en réunissant dans les mains des sultans l’autorité spirituelle et temporelle; tantôt elle améliore leur sort en opposant aux rois ses préceptes et ses ministres. Chez les payens, elle tolérait la servitude; chez les sauvages, elle immole des victimes humaines. Dans l’histoire moderne, partout ou régnent le mahométisme et l’idolâtrie, les hommes condamnés à l’ignorance, leurs compagnes réduites à une dépendance perpétuelle, languissent abrutis sous le poids d’une domination tyrannique. Honneur au christianisme! il a détruit l’esclavage, proclamé l’égalité, et, réparant les longues injustices de l’homme, il a rendu à la femme le rang qui lui appartient dans la société ; mais dénaturé par les passions, il n’a que trop souvent servi de prétexte aux tortures de l’inquisition, et de voile aux vengeances de l’hypocrisie.

Enfin il existe dans presque toutes les lois civiles un droit qui porte atteinte à la liberté individuelle, c’est la contrainte par corps; elle arrache un débiteur à ses affaires et à sa famille, le plonge dans une prison et l’y retient captif plusieurs années pour le forcer à remplir ses engagemens; elle hypothèque la liberté comme un arpent de terre, et la jette pour de modiques sommes dans le commerce. Cependant la plupart des législateurs ont pensé que ce grand sacrifice était dû à l’intérêt non moins sacré de la propriété ; seulement ils y ont apporté des restrictions plus ou moins philantropiques selon les principes qui les dirigeaient. Il importera donc de rechercher comment les lois, qui ont autorisé l’exercice de la contrainte par corps, en ont atténué la rigueur.

Ainsi la constitution de chaque peuple, son gouvernement, sa législation criminelle et civile, son caractère, ses mœurs, sa religion, telles sont les causes dont nous essaierons de déterminer les effets sur la liberté individuelle .

Nous ne croyons devoir nous occuper que des principaux peuples qui ont brillé sur la terre; quant aux autres, leurs lois sont tellement incomplètes, les documens transmis sur leurs institutions si incertains, qu’il serait difficile de ne point hasarder des conjectures.

Jusqu’à ce jour, les habiles jurisconsultes qui ont traité cette matière, se sont contentés d’établir les droits et les devoirs des fonctionnaires et des citoyens; nous venons aujourd’hui envisager la liberté individuelle sous un point de vue plus étendu; notre but est de constater, de prouver par des faits sa puissante influence, et sur le bonheur des citoyens, et sur la prospérité des Etats. Nous déduirons les importantes conséquences de ces faits dans un dernier chapitre, résumé de tout notre travail.

La situation actuelle de la France donnera peut-être à cet écrit un nouveau degré d’utilité. Dans les tems calmes où les partis semblent avoir replié leurs drapeaux, la liberté individuelle est pour le citoyen paisible ce qu’est la santé pour l’homme robuste; il en jouit sans s’en apercevoir, avec une sorte d’indifférence; il ne commence réellement à en sentir le prix qu’au moment où il en est privé. Un mois d’emprisonnement la lui fait mieux connaitre qu’une vie entière de théories ; mais il n’en peut être ainsi dans ces jours d’agitations et d’effervescence qui suivent inévitablement une grande révolution. Les intérêts froissés, les ambitions déçues, les passions exaspérées multiplient les délits politiques, et par suite les arrestations. Il n’est personne alors qui ne s’attache à la liberté individuelle; qu’y a-t il de plus propre à mettre en lumière tous ses avantages, qu’un tableau historique représentant, d’un côté ses inestimables bienfaits, de l’autre le malheureux sort des peuples qui en ont été dépouillés, et les sanglans efforts de ceux qui l’ont enfin obtenue? Il faut savoir combien elle coûte à conquérir pour comprendre combien elle est précieuse à garder.

Non, les leçons de l’expérience ne seront point perdues pour ma patrie; on n’oubliera pas que les lois d’exception furent toujours des armes funestes aux mains qui s’en servirent; la liberté individuelle restera irrévocablement fixée en France. Désormais, que tous les fonctionnaires de l’ordre administratif et judiciaire mettent journellement en pratique cette maxime si juste, si morale: Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît; que chaque citoyen soit aussi indigné d’une arrestation arbitraire que celui qui en est victime, et le respect pour la liberté individuelle, partout inviolable, deviendra un véritable culte.

Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes

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