Читать книгу Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes - Louis Nigon De Berty - Страница 9
DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CHEZ LES ATHÉNIENS.
ОглавлениеD’un esprit vif et léger, d’un caractère inconstant, les Athéniens aimaient par nature l’indépendance personnelle. Ils abhorraient le despotisme, et cependant on pouvait aisément leur imposer des chaînes en les couvrant de fleurs. Mais, après quelques années d’une apparente léthargie, leur passion pour la liberté se réveillait plus ardente; le goût des arts et des lettres la développa; leurs institutions démocratiques vinrent encore l’accroître et la fortifier.
Athènes a été gouvernée durant 487 ans par des rois ; ils réunissaient à leur couronne les fonctions de pontife, de général et de juge; toutefois leur puissance était peu étendue ; ils étaient obligés de prendre les avis d’un conseil, placé près du trône, et de communiquer ses décisions à l’assemblée générale de la nation, qui les approuvait ou les rejetait. Les rois d’Athènes n’en avaient réellement que le nom; ils se montrèrent presque tous de véritables chefs de famille, et laissèrent chaque Athénien entièrement maître de sa personne . Quoique souvent exposés aux caprices et aux violences de leur peuple, ils restreignirent eux-mêmes les limites de leur autorité. Thesée partagea les citoyens en trois ordres, maintint parmi eux l’égalité, et jeta les premiers fondemens d’une république. Erecthée consolida les innovations de ce héros; Codrus dévoua sa vie pour ses sujets; comment les Athéniens reconnurent-ils un si généreux sacrifice? Ils détruisirent le gouvernement monarchique. Aristide exilé, Miltiade expirant dans les fers, Phocion condamné à mort ont prouvé que la reconnaissance n’était pas la vertu des Athéniens.
Leur extrême mobilité les entraîna souvent à changer leurs lois; il faut néanmoins leur rendre cette justice qu’ils surent ménager les transitions, si funestes en politique quand elles sont brusquées. Au gouvernement des rois on substitua l’archontat qui fut d’abord perpétuel, puis décennal, puis annuel. Le pouvoir, centralisé dans les mains d’un seul homme, les inquiéta encore; ils le divisèrent entre neuf archontes.
Depuis la glorieuse mort de Codrus jusqu’à la première olympiade, c’est-à-dire, durant environ trois siècles, l’histoire est restée muette sur l’état de la république. Athènes n’eut probablement pas à déplorer ces événemens qui affligent et illustrent les nations. Cependant, au bout de cette longue période de tems, le besoin d’une législation plus complète se fit sentir; un homme intègre, mais inflexible, Dracon fut choisi pour la composer; il prodigua la peine de mort pour les fautes les plus légères, et, suivant l’expression de l’orateur Démades, il traça ses lois avec du sang. La sévérité des châtimens produisit l’impunité. Le peuple se souleva, des troubles éclatèrent; Athènes languissait en proie à l’anarchie, lorsque Solon parut.
Un sénat, de fréquentes assemblées du peuple, neuf archontes, un aréopage, telles furent les principales bases de la constitution de ce législateur.
Le sénat délibéra sur toutes les affaires publiques et jugea les crimes d’état. Le peuple statua définitivement sur les délibérations du sénat, les convertit en lois par son approbation et nomma à toutes les magistratures; ainsi il demeura, en réalité, dépositaire de la souveraine puissance; le sénat, dont les actes politiques étaient purement préparatoires, dont chaque membre d’ailleurs, à l’expiration de ses fonctions annuelles, attendait sa récompense du peuple, n’avait pas reçu assez d’autorité pour maintenir l’équilibre que Solon voulut établir. Aussi Anacharsis disait un jour à ce philosophe : J’admire que vous ne laissiez aux sages que la délibération, et que vous réserviez la décision aux fous.
Les archontes, chargés de l’exécution des lois et de la police, exerçaient en outre, chacun selon leur rang, une surveillance spéciale.
L’aréopage, le premier des tribunaux judiciaires, comprit dans ses attributions la religion, l’éducation et les moeurs; ce ne fut pas seulement une cour de justice; c’était encore une institution politique préposée à la garde de ce qu’il y a de plus précieux parmi les hommes.
Hormis les aréopagites , les fonctionnaires d’Athènes étaient tous élus par la voie des suffrages, quelquefois par la voie du sort, et ne pouvaient remplir plus d’un an leur charge. En déposant leurs insignes, tous se voyaient contraints de rendre compte de leur conduite à une commission appelée pour ce motif, la Chambre des comptes. La courte durée d’un pouvoir, dont l’usage était soumis à un si scrupuleux examen, en prévenait les empiétemens et les dangers; le sénat lui-même, produit libre et sincère des élections, ne fut jamais à Athènes le soutien d’une orgueilleuse oligarchie.
Grâce au système électif partout appliqué, l’Athénien jouissait, comme citoyen, de toute sa consistance individuelle; il prenait une véritable part de la souveraineté, soit en jugeant les criminels, soit en votant dans ces assemblées publiques où se mettait chaque jour en action ce gouvernement essentiellement démocratique.
Dans ses relations privées, l’Athénien n’était point assujetti, comme les autres peuples de l’antiquité, au joug d’une loi minutieuse; il n’avait à redouter que la censure de l’aréopage; le commerce multipliait les agrémens de sa vie intérieure, facilitait ses rapports de société en égalisant tous les rangs, augmentait en lui le besoin et l’amour de son indépendance personnelle.
Les femmes d’Athènes, quoique moins dépendantes que les dames romaines, vivaient néanmoins dans un pénible état de contrainte. La loi ne leur permettait de sortir pendant le jour que dans certaines circonstances, et pendant la nuit qu’en voiture. Mais cette loi, inexécutable pour les femmes du peuple, ne devint pour les autres qu’une règle de bienséance. Si l’extérieur des femmes blessait la pudeur, les magistrats, chargés de veiller sur elles, les condamnaient à une forte amende, et leur sentence restait affichée sur la promenade publique .
Toutefois cette république goûta rarement les douceurs de la paix; elle eut tour à tour à supporter le despotisme de Pisistrate, le choc des armées de Xercès, les trente tyrans imposés par Lysandre, et ces divisions intestines qui si souvent déchirèrent son sein. Au milieu de ses malheurs, Athènes se montra constamment jalouse et digne de sa liberté ; elle éleva des statues aux deux héros qui la délivrèrent des Pisistratides; plus tard, à la voix de Thémistocle, ses courageux citoyens abandonnèrent leurs dieux pénates, leurs femmes, leurs enfans, leurs propriétés pour se soustraire à la domination du roi des Perses, transportèrent leur patrie indépendante sur de fragiles vaisseaux, et forcèrent leur superbe ennemi à fuir précipitamment dans ses Etats. Il n’a été donné qu’à un peuple libre de déployer un aussi admirable patriotisme!
Ainsi protégée par les institutions politiques, la liberté individuelle des Athéniens trouva également un appui dans leur législation civile et criminelle!
A l’époque où florissait Solon, l’emprisonnement pour dettes avait été la principale cause des troubles qui désolaient Athènes; le premier acte de ce grand homme fut d’abolir toutes les dettes; il remit lui-même à ses débiteurs sept talens qu’il avait recueillis dans la succession de son père, espérant que son exemple serait suivi; de plus, il déclara nulles toutes les obligations qui se contracteraient à l’avenir sous peine de la contrainte par corps .
Il était de principe qu’aucun citoyen ne pouvait, pour un motif quelconque, aliéner sa liberté, ni celle de ses enfans. Une seule exception avait été posée dans l’intérêt des moeurs. Si un Athénien se trouvait témoin du déshonneur de sa fille, ou d’une sœur dont il surveillait la conduite, il était maître de la réduire en servitude. Du reste, il fallait un crime pour autoriser la suspension de la liberté d’un citoyen; dès qu’il était commis, chacun pouvait en demander la répression. Loi sage qui provoquait le châtiment des forfaits, et semblait, en liant les Athéniens par un même intérêt, n’en faire qu’une seule famille! Cependant les parties lésées avaient seules le droit de poursuivre les délits privés.
Le coupable était-il surpris au moment où il consommait son crime? des officiers publics, appelés undécemvirs, pouvaient l’incarcérer et le dénoncer ensuite aux archontes. Chaque citoyen avait aussi le droit de l’arrêter; s’il n’en usait pas, il s’adressait au magistrat qui se transportait sur les lieux et constatait le délit. Ce droit, conféré à chaque particulier, aurait été une arme fort dangereuse contre la liberté individuelle, si celui qui l’exerçait n’avait pas été forcé de se constituer accusateur; il comparaissait devant le second archonte ou l’un des six derniers archontes, nommés thesmotètes, suivant la gravité des faits. Après deux interrogatoires, le magistrat lui demandait s’il était en état de soutenir son accusation; lorsqu’il persistait, il prêtait serment de dire la vérité, produisait ses preuves, et déposait une somme d’argent comme garantie de sa dénonciation qui demeurait affichée jusqu’à l’appel de la cause. On a vu quelquefois l’accusateur se rendre volontairement en prison pour proclamer à tous les yeux la justice de l’action qu’il avait intentée. L’archonte procédait à une information; puis il renvoyait l’affaire devant le tribunal compétent.
Les audiences étaient publiques; on permettait à l’accusé d’employer tous les moyens qu’il croyait nécessaires à sa défense. Les témoins fesaient, en sa présence, leurs dépositions à haute voix; et la question n’était ordonnée contre un citoyen que dans des cas extraordinaires. Les juges s’assemblaient en très grand nombre; s’il y avait partage entr’eux, l’accusé était absous; l’accusateur qui ne réunissait pas le cinquième des suffrages, ou qui même renonçait à son accusation avant le jugement, se voyait condamner à une amende de mille dragmes. La crainte de cette peine, d’ailleurs toujours ignominieuse, fut souvent funeste à la sureté publique en assurant l’impunité des coupables. Quelquefois les formes judiciaires, les plus favorables aux intérêts de l’accusé, sont d’inutiles boucliers contre les erreurs et les passions des juges. Le récit du procès de Socrate va le prouver:
Une dénonciation ainsi conçue est portée à l’archonte-roi:
«Mélitus, fils de Mélitus, intente une accusation
» criminelle contre Socrate, fils de
» Sophronisque, du bourg d’Alopèce. Socrate
» est coupable en ce qu’il n’admet pas nos
» dieux, et qu’il introduit parmi nous des divinités
» nouvelles sous le nom de génies; Socrate
» est coupable en ce qu’il corrompt la jeunesse
» d’Athènes; pour peine, la mort .»
Pendant l’instruction, les témoins sont gagnés. Anytus et Lycon, orateurs d’état, en possession d’un grand crédit sur la multitude, unissent leurs efforts à ceux de Mélitus pour la séduire. Socrate est jeté dans une prison; cependant l’archonte saisit de l’affaire le tribunal des héliastes. Le vertueux accusé est assigné à comparaitre devant ses juges, au nombre d’environ 500. Après les insidieuses plaidoiries de ses adversaires, il prend lui-même la parole. Son discours est simple comme la vérité, noble comme l’innocence. Un premier jugement, rendu à une très faible majorité, le déclare coupable; à ce moment, il lui était libre, suivant la loi, de choisir entre une amende et une prison perpétuelle; il pouvait se condamner lui-même à l’exil. Seulement, dans ce dernier cas, ses biens auraient été confisqués et vendus; mais Socrate, dédaignant un privilège dont l’usage suppose l’aveu du crime, expose sa vie passée et les services qu’il a rendus à son pays. Le peuple irrité, dans un second arrêt, prononce contre lui la peine capitale; et le plus sage des hommes, condamné à mort, est reconduit dans sa prison; là, entouré de sa famille et de ses disciples, il continue ses leçons jusqu’au moment où les undécemvirs viennent lui annoncer qu’il doit boire la ciguë.
Ainsi que l’apprend la détention préalable de ce philosophe, l’accusé pouvait être arrêté avant son jugement, même hors le cas de flagrant délit; mais il avait le droit d’obtenir sa liberté en présentant des cautions, à moins qu’il ne fût inculpé de certains crimes graves, comme d’une conspiration contre le gouvernement. Ce droit si précieux de donner caution rencontrait une nouvelle garantie dans le serment des sénateurs; ils juraient, en commençant leurs fonctions, de ne jamais faire incarcérer aucun Athénien qui offrirait trois répondans possédant le même revenu que lui; dans tous les cas, l’accusateur discutait l’admission de ceux qui étaient proposés.
La loi autorisait encore l’emprisonnement des débiteurs de l’Etat insolvables, tels que les condamnés à l’amende, les dépositaires infidèles des revenus publics jusqu’au jour où ils pouvaient se libérer. Elle consacrait l’hérédité des peines, principe souverainement injuste. Hors d’état de payer l’amende de 50 talens prononcée contre Miltiade, Cimon fut envoyé dans une prison; on n’avait à lui reprocher que d’être le fils d’un grand homme; il remplaça son père qui venait d’y mourir couronné des lauriers de Marathon, et ne recouvra sa liberté qu’aux dépens de son bonheur. Cet illustre capitaine fut obligé de céder en mariage Elpinice, sa sœur et sa femme, au riche Callias qui acquitta sa dette .
Les lois pénales de Solon, quoique plus douces que celles de Dracon, ne se firent point cependant remarquer par leur indulgence. Elles infligèrent la peine capitale aux vols qualifiés, aux attentats contre la religion, le gouvernement et la liberté des citoyens; mais elles tolérèrent, même en cas d’assassinat, les compositions pécuniaires.
L’homicide cessa d’être un crime quand il fut exécuté sur un tyran; c’était alors un acte conservateur de la liberté nationale. Le meurtrier recevait et transmettait à ses descendans les témoignages de la reconnaissance publique. Il était même permis d’ôter la vie à l’ambitieux, seulement soupçonné de vouloir renverser le gouvernement populaire .
La mort, la déportation, l’emprisonnement, la dégradation, voilà les châtimens que subissaient les hommes libres. La mutilation, le fouet, les stigmates, les fers furent, hors quelques cas rares, réservés aux esclaves . Devant les tribunaux, les dépositions des hommes libres étaient affirmées par des sermens; celles des esclaves, par des tortures. Cruauté d’autant plus inexplicable que, malgré la puissance illimitée des maîtres, les esclaves étaient ordinairement traités avec douceur à Athènes , que la loi se plaisait même, dans certaines circonstances, à protéger leur sureté ! Ainsi un esclave, frappé par un autre que son maître, avait le droit de l’appeler en justice, et l’on punissait rigoureusement le coupable. Etait-il mécontent des traitemens de son propre maître? il pouvait le citer devant le magistrat, et obtenir l’autorisation d’être vendu à un autre plus humain. Toutefois, il lui fut interdit de repousser la violence par la violence; s’il tuait, en se défendant, un homme libre, on le considérait comme un parricide.
Le goût des plaisirs, si prononcé chez les Athéniens, profita du moins aux prisonniers qui prenaient part à leurs nombreuses fêtes; certains détenus étaient rendus à la liberté aux Thesmophories; tous voyaient leur captivité suspendue pendant les Bacchanales.
Cette législation criminelle pouvait sans doute garantir sur plusieurs points la liberté individuelle des Athéniens; mais que sont les meilleures lois, si elles sont mal appliquées! Aristote a critiqué avec raison l’organisation judiciaire de ce peuple. Outre l’aréopage, tribunal permanent, il existait dix tribunaux, renouvelés tous les ans par la voie du sort, et composés d’un grand nombre de juges. Quatre étaient chargés de statuer sur les meurtres, et les six derniers de prononcer sur les affaires civiles et criminelles. Trente ans d’âge, une conduite sans reproche, ne rien devoir au trésor public, telles étaient les seules qualités requises pour exercer les fonctions de juge.
Solon avait divisé les Athéniens en quatre classes; les trois premières renfermaient les propriétaires distribués suivant la quotité de leur fortune. La quatrième, uniquement composée d’artisans, ne put long-tems aspirer à aucun emploi public, ni assister aux assemblées du peuple; mais par une inconcevable bizarrerie, les membres de cette dernière classe, dès qu’ils remplissaient les conditions exigées pour faire partie d’un tribunal, pouvaient disposer de l’honneur, de la liberté, et de la vie de leurs concitoyens. On donnait à chaque juge trois oboles par séance. L’appât du gain redoubla l’assiduité de ces hommes, trop souvent sans argent et sans lumières. Avec de tels magistrats, faut-il s’étonner que la balance de la justice ait été tant de fois agitée par les passions!
Les lois de Solon éprouvèrent des modifications généralement peu favorables à la liberté ; l’une des plus remarquables fut l’ostracisme. Tous les cinq ans, le peuple, réuni au nombre de 6000 votans, pouvait, à la simple majorité, condamner un citoyen illustre à un exil de dix années. Cette peine honorable ne lui enlevait ni la considération publique ni la jouissance de ses biens; on punissait en lui, non son crime, mais ses talens qui fesaient redouter sa puissance; l’ostracisme était le privilége des grandes renommées et le châtiment de leur gloire; il ne fut prononcé qu’une seule fois contre un homme méprisé, contre Hyperbolus; honteux de l’avoir avili, les Athéniens l’abolirent .
Ainsi l’ostracisme, les vices d’une constitution trop démocratique et de l’organisation judiciaire, la continuelle surveillance de l’aréopage, les troubles fréquens de la république s’opposèrent à l’entière et paisible possession de la liberté individuelle; néanmoins il est certain qu’elle fut connue et souvent respectée à Athènes.
Depuis le siècle de Périclès, cette ville perdit chaque jour une partie de sa puissance et de sa liberté ; l’aréopage cessa d’exister comme corps politique et influent; le sénat fut successivement dépouillé de ses prérogatives, la palce publique resta seule souveraine; le pouvoir populaire l’emporta sur les deux autres; mais les triomphes de la démocratie, toujours turbulente et passionnée, ne sont jamais d’une longue durée. A peine échappée aux discordes civiles, Athènes se soumit, malgré l’éloquence de Démosthènes, à la domination des Macédoniens. Plus tard, elle se laissa prendre et ravager par Sylla; dès ce moment, l’Attique devint province romaine. Cependant ses habitans conservèrent long-tems encore leur esprit audacieux et frivole, leurs lois et leurs magistrats; on les vit rendre des honneurs divins à Démétrius Poliorcète qui proclama dans le Pirée la liberté du peuple, se ranger du parti de Pompée et de Brutus, et dresser des statues aux assassins de César.
En 323, Constantin transforma la république de Solon en une principauté dont le chef prit le titre de grand - duc. Après avoir été conquise tour à tour par les Français croisés, les Catalans et les Vénitiens, Athènes tomba, en 1455, au pouvoir de Mahomet II.
Comme si la fortune avait voulu lui faire expier sa gloire, elle gémit écrasée, durant près de quatre siècles, sous le joug odieux des Turcs. Le voyageur vint, d’un œil consterné, contempler ses ruines. Que de fois il s’arrêta indigné à l’aspect du stupide Musulman tantôt indolemment couché sur les débris du Parthénon, tantôt foulant aux pieds les tombeaux des plus grands génies de l’antiquité ! Ainsi, quoique descendue au dernier degré de la servitude, la patrie de Sophocle et de Thucydide n’en conserva pas moins sa célébrité ; désormais le tems lui-même ne pourrait la lui ravir.
Dans la noble régénération de la Grèce, les Athéniens se sont fait distinguer par leur héroïque persévérance, et, de leurs mains courageuses qu’un long esclavage n’avait pu énerver, ils ont eux - mêmes brisé leurs fers. Dignes de leurs ancêtres, ils se sont retirés, comme eux, dans l’île de Salamine, à l’approche d’autres barbares. En vain les Ottomans leur promirent la grâce de récolter en paix leurs moissons; «Si nous étions vos prisonniers,
» répondirent-ils, nous ne voudrions
» même pas nous abaisser à vous demander
» la vie .»