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III
LES CAPITAINES DES GENS-D'ARMES SOUS LOUIS XII.—LE COMTE DE SAINT-VALLIER.—ORIGINE DE DIANE DE POITIERS.
1488-1514.
ОглавлениеLe vieux Dunois, du règne de Charles VII, n'était plus: si le bâtard d'Orléans n'avait pas toujours été fidèle à une même cause, si on l'avait vu plus d'une fois à la tête des ligues du bien public, il avait toujours été digne de sa bonne épée, tranche-haubert, et de son blason à trois fleurs de lys, sur champ d'azur, avec la barre de bâtardise; son image était peinte même sur les cartes enluminées qui avaient servi à distraire la folie de Charles VI[15]. Dunois avait eu de dignes successeurs et des capitaines expérimentés, qui s'étaient formés dans les guerres d'Italie sous Charles VIII et Louis XII.
Le plus ancien était La Trémouille, brave chevalier du Poitou, vicomte de Thouart, prince de Talmont, déjà très-illustre dans les guerres de Bretagne et chef de l'artillerie dans l'expédition d'Italie; il avait partout brillamment combattu: à Naples, en Lombardie. Redouté des Allemands et des Italiens, il mérita le titre de chevalier sans pareil[16].
Presque son égal en naissance et son rival de gloire, Chabannes, seigneur de la Palisse, dont le nom devint le type de la guerre et le sujet des chansons militaires[17] dans les siècles suivants: «Chabanne, le grand capitaine de beaucoup de batailles et de beaucoup de victoires, (el gran capitano de muchas guerras y vittoria)»[18], comme le disaient les Espagnols, Chabannes qui, à la tête de trente chevaliers, osa défier toute l'armée de Castille.
Voici enfin Pierre du Terrail, seigneur de Bayard, de noble et ancienne maison du Dauphiné[19]; né en 1476, il avait été page du duc de Savoie; à treize ans, il passa au service de Charles VIII qu'il suivit en Italie; presque enfant, il avait brillé dans les tournois. A dix-huit ans, il avait pris une enseigne à la bataille de Fornoue, et tué l'orgueilleux Santo-Mayor dans un de ces beaux combats corps à corps, en présence de l'armée. Seul, appuyé sur un pont comme les héros de l'antiquité, Bayard s'était si bien défendu, que les Espagnols doutaient si ce fut un homme ou un diable. Partout on ne parlait que du chevalier Bayard, aux siéges de Milan, de Brescia, dans le Roussillon, la Picardie aux batailles, aux assauts, présent aux périls, aux coups de balles et de couleuvrines.
A toutes les époques, il se révèle des types d'honneur, que l'on exalte comme un exemple, un étendard pour toute une chevalerie; Bayard fut l'objet des légendes, on l'appela le chevalier sans peur et sans reproche; et il y en avait très-peu sans reproches à une époque où les hommes de vaillance ne gardaient pas toujours le respect des choses et d'eux-mêmes!
Plus jeune encore que Bayard, Gaston de Foix, de l'illustre maison des comtes de Narbonne, neveu du roi Louis XII, la foudre d'Italie, comme on aimait à le nommer, combattait les Espagnols, les Vénitiens, les Lombards, avec une vaillance que la mort devait couronner à la bataille de Ravennes. «Après avoir refréné et rembarré les Suisses, Gaston tourna ses enseignes de l'autre côté du Pô, et, cheminant par la Romagne, il vint du côté de Ravennes; là fut donnée une bataille, la plus renommée que de longtemps fut donnée en Italie.» La victoire obtenue, Gaston de Foix se précipita avec un petit nombre de ses Gascons sur les Espagnols, qui, ayant déchargé leurs arquebuses et baissé leurs piques, entourèrent la troupe de France: «Gaston, combattant avec héroïsme, eut son cheval tué sous lui, et il fut blessé d'autant de coups, que, depuis le menton jusqu'au front, il en avait quatorze»[20].
Lautrec, cousin de Gaston de Foix, avait une bravoure indomptable; il tomba blessé à Ravennes. Anne de Montmorency, le filleul de la reine, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, tout jeune encore, combattait comme page à côté de Bayard et de Gaston de Foix. Ce nom de Montmorency portait un glorieux apanage aux barons, maréchaux, connétables.
Que reste-t-il maintenant de ces grandes lignées? quel souvenir est demeuré debout? la vieille tour, origine des Buchard, nid d'aigle qu'assiégea Louis VI, est même démolie; et seul peut-être, au milieu d'une multitude bruyante et en fête, je contemple la vieille église, dont les vitraux en ruine, décorés des ailerons blasonnés, ont salué le sire de Montmorency[21].
Le plus remarquable entre tous, celui que les gens d'armes comparaient à Roland pour la vaillance, et les hardies conceptions, était le connétable de Bourbon, le véritable vainqueur de la bataille de Marignan; sa science de guerre était supérieure à celle de tous ses contemporains, même à l'habileté de Prosper Colonne et de Peschiera.
Il était fils de Gilbert, comte de Montpensier[22], et par conséquent l'héritier des riches domaines de la maison de Bourbon. Autour de lui se groupaient de nombreux vassaux, et le plus fidèle de tous, son cousin, Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier en Dauphiné, brave et hardi capitaine de cent hommes d'armes[23]; son château s'élevait sur le Rhône, dans ces montagnes abruptes des côtes du Vivarais, où se voit encore aujourd'hui la roche taillée.
Le sire de Saint-Vallier avait une jeune fille d'une beauté remarquable, auquel il avait donné le nom de Diane. A six ans à peine, elle montait à cheval, allait en chasse avec son père; elle savait élever le faucon et l'esmerillon d'une manière merveilleuse[24]. A l'âge de dix ans, elle fut promise à Louis de Brézé, comte de Maulevrier. Louis de Brézé, grand-sénéchal de Normandie, descendait par bâtardise du roi Charles VII: sa mère était la fille des amours d'Agnès Sorel. Il avait reçu de la gentille Agnès le nom de Maulevrier, à cause de son rude amour pour la chasse; enfant, il était déjà terrible au gibier; il aimait Diane reproduite sous les traits de la déesse des forêts. Les Brézé étaient d'une grande race de Normandie (qu'il ne faut pas confondre avec les Dreux, sortis des maîtres de requêtes, qui reçurent le nom de Brézé)[25]. Le mariage de Diane de Poitiers avec Louis de Brézé fut célébré presqu'en guerre; le comte de Saint-Vallier ne quittait pas le connétable de Bourbon, à la tête des gens d'armes et son plus fidèle conseiller; compagnon des batailles de Bayard, de Gaston de Foix et de la Palisse, il avait fait les guerres d'Italie avec la Trémouille et Lautrec, brave chevalerie qui après avoir suivi Louis XII, allait entourer l'avènement de François Ier, comme les paladins groupés autour de Charlemagne. Génération pleine de merveilles et des grandes choses de la guerre, que François Ier devait satisfaire par des victoires et des conquêtes lointaines!