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Peur de voler

Eva, un jour d’octobre, devint insuportable après les habituelles discussions que nous faisions sur l’ordre à maintenir dans la maison vu que les avertissements lui étaient principalement adressés.

J’entendais ses jurons assaisonnés de citations en langue napolitaine, en contraste avec son discours habituellement privé d’inflexions dialectales.

Etaient-ce les fréquentes radiations cosmiques, les champs magnétiques, les vibrations ou le bruit des avions qui lui donnaient ces changements d’humeur ?

Ludovica, entre temps, décida de réserver un massage ayurvedique pour tonifier les muscles, relaxer le corps et stimuler la circulation auprès de l’esthéticienne indienne qui avait aménagé un espace dans les alentours, elle m’informa qu’à partir du lundi elle se serait mise au régime car Eva lui avait dit que dernièrement elle lui semblait appesantie.

Moi, j’étais recroquevillée sur le divan avec de comodes vêtements d’intérieur et un cardigan masculin informe couleur crême, un plaid sur les jambes me protégeait des premiers vents d’hiver, j’étais sur le point de m’accorder un détâchement mental, un moment de relax.

Je ne parvenais pas à dormir car l’adrénaline de

“ l’après vol ” n’était pas encore passée.

Tout à coup le souvenir de la journée à peine passée m’assailli.

J’avais connu à bord les époux Lucherini : Madame Lucrezia et Monsieur Massimo.

Durant l’embarquement j’avais vite remarqué des signes de tension dans leur comportement ; ils prenaient leurs places le dos légèrement courbé, en marchant de manière rigide, avec le menton baissé, la tête inclinée et une attidude passive, rémisive.

Les bras de Massimo étaient raides et rigides le long des hanches, tandis que ceux de Lucrezia étaient croisés, presque comme pour se protéger instinctivement. Ils regardaient tous les deux autour d’eux, comme s’ils étaient en train de chercher quelque chose, une issue de secours ; leurs pupilles étaient tellement dilatées qu’elles semblaient atteintes de mydriase.

Les mouvements de leur corps étaient lents et je remarquai qu’ils m’adressaient un léger sourire, que j’échangeai gracieusement.

Ils s’asseyaient de manière rigide, appuyés au bord extrême du siège, avec un pied posé en avant et l’autre en arrière presque comme s’ils avaient le désir de s’évader, ils changeaient continuellement de position comme si le siège brûlait.

Mon responsable, en apparence le sosie de James Dean, toujours joyeux même si avec un grain de tristesse presque imperceptible dans le regard, me fit signe de m’occuper d’eux.

Je m’approchai du couple, en leur demandant s’ils avaient besoin de mon assistance, la dame me répondit non, tandis qu’elle secouait la tête comme pour dire oui et commença à se balancer du buste en retenant son souffle presque pour ne pas se faire remarquer.

Je me rendis immédiatement compte de la situation. La dame souffrait d’un trouble assez commun à certaines personnes, il créait différents problèmes, touchait sans distinction et allait jusqu’à provoquer un manque de contrôle.

Les symptômes provoquaient des vertiges, de la nausée, des noeuds à la gorge, des palpitations, de la sueur froide et de la tachycardie.

Même s’ils ne me l’avaient pas demandé, je leur donnai certains conseils sur le comportement à adopter en cas de malaise ; suprimer l’anxiété ne fait que l’augmenter, il faut, au contraire accepter ses propres peurs et les affronter avec une attitude positive pour parvenir à les gérer et les contrôler.

En outre, je leur conseillai de ne pas prendre de caféïne, un bon livre ou des mots croisés pour que la mémoire soit occupée.

Durant le décollage je vis leurs visages blanchir et un appel provenant de leur emplacement.

Après avoir détâché ma ceinture de sécurité, je m’approchai pour contrôler la situation.

La dame commença à se confier : “ Excusez-moi de vous déranger ” me murmura t-elle.

“ Je voudrais vous informer que je suis terrorisée, dès que je sens le moindre bond j’ai l’impression que mon estomac se fend en deux ; mon problème est que le vide d’air me provoque des sensations désagréables, je dois prendre l’avion pour rendre visite à ma mère, très âgée en Allemagne, et je ne peux l’éviter ”.

Je vis qu’elle passa ses mains dans ses cheveux et commença à tourmenter une boucle avec un roulement frénétique.

Son mari l’encercla presque pour la cajoler, un peu voûté et maladroit, les lèvres contractées et les mains en sueur ; il montrait, lui aussi d’évidents signes de malaise.

“ Est-ce que l’orage est dangereux ? ” me demanda t-il

d’un ton de voix assez bas, en mangeant des bouts de paroles, des syllabes, et avec de continus mouvements des muscles du visage.

Les mains du mari commencèrent à tambouriner avec les doigts sur le guéridon d’en face.

Avec un ton ferme et décidé je dis: “ Non, tout est sous contrôle, nous ne serions pas parti s’il y avait un moindre danger. Et en insistant “ tout est sous contrôle ”

“ La pluie ne créera aucun problème à notre sécurité, quelques désagréables sensations de gêne seront dues au vent qui provoquera un balancement tout à fait normal ”.

Je rentrai dans le galley pour organiser le travail avec ma collègue.

La dame me rejoind peu après.

“ Je vous en pries, aidez-moi ! Je voudrais hurler, pleurer. Chaque fois c’est une tragédie, je commence à devenir nerveuse même un mois avant le départ, à la seule pensée de faire ma valise.

J’ai honte de celà, mais je ne sais comment faire, je voudrais disparaître ! “ implora t-elle avec ferveur et humilité“

“ Soyez tranquille, vous pourriez avoir l’impression que l’avion fait des bonds, mais c’est uniquement pour équilibrer l’altitude. ”

Je m’approchai lentement, jusqu’à arriver près d’elle, sans hésitations.

A voix basse, clairement et en balayant les mots un à un: “ Ne vous préoccupez pas, je suis là ” lui dis-je, en courbant lentement les épaules et en m’approchant pour essayer de lui donner l’aide qu’elle désirait et essayer de dissoudre cet embarras, relaxer son anxiété.

Je respectais sa peur irrationelle et je comprenais son inconfort.

Je lui pris fermement le bras, en le serrant délicatement des deux mains et je la regardai dans les yeux afin d’établir un plus fort contact.

Je la raccompagnai à sa place.

La dame ressemblait à ma maman, le même âge, très bien élevée, apparament fragile, ce fut simple pour moi en cette occasion de me sentir proche de ses sentiments.

Durant le vol, je passai en cabine plusieures fois et je l’accompagnai du regard pour la tranquiliser.

Elle me rappela à l’énième vibration, j’essayais d’enlever ses doutes et ses peurs qui persistaient et transparaissaient de sa posture toujours si rigide.

Je lui dis que la sécurité en avion a un niveau très élevé, que les contrôles techniques et l’entretien sont continus, les pilotes parfaitement instruits.

Durant la préparation de la cabine pour l’atterrissage je lui demandai avec un semblant de nonchalance :

“ Ces bruits sont normaux, y a t-il quelque chose qui ne va pas?”

Je l’informai sur l’origine de tous les bruits qui auraient pu provoquer de l’inquiétude : le positionement du chariot, l’ouverture des portes, l’accélération et les variations des moteurs, les sorties des ailes des flaps et slats, la sonnerie de notre microtéléphone, les appels des passagers.

Je sentais qu’elle appréciait le fait de connaître ces informations mais continuait de se ronger les ongles, sans s’en rendre compte.

Je l’invitai à inspirer et expirer profondément et lentement pour oxigéner son corps afin que les muscles se relaxent et j’ajoutai des aperçus sur la technique de l’entraînement autogène pour un relaxement progressif.

La dame apparaissait maintemant assise plus confortablement, plus à son aise, ainsi que Monsieur Lucherini même si sur son visage une expression d’incertitude persistait, un peu plastifiée sur la partie droite de son sourire surélevélée par rapport au côté gauche.

“ Vous êtes notre ange du ciel ” dit-elle

En descendant il y eu une légère perturbation mais le vol se termina par un doux atterrissage.

“ Mesdames et Messieurs, bienvenue. Nous vous souhaitons un agréable séjour. ”

Nous arrivâmes parfaitement à l’heure à Francfort.

La dame, avant de franchir la porte de sortie, m’embrassa discrètement avec élégance et me dit :

“ Merci ”.

C’est moi qui éprouvait de la reconnaissance pour son amabilité.

Son mari me serra la main vigoureusement avec une force retrouvée, et laissa aller la classe qui l’avait distingué depuis le début.

“Aurevoir ! ”

C’étaient les souvenirs du vol à peine terminé, qui réapparaissent de manière imprévue dans ma mémoire quand je suis en train de savourer la chaleur de la maison. D’un coup j’entendis la porte s’ouvrir.

Eva était sortie.

J’appuiai la couverture sur mon visage pour atténuer la lumière qui entrait par la fenêtre.

L’heure était venue de me relaxer. J’étais presque assoupie en me perdant dans mes pensées, je considérais que voler, limités et contraints à l’intérieur d’un avion, pouvait ne pas être naturel, donc développer des peurs personelles inconscientes et lointaines était légitime. Je me rappelai en ce moment, des épisodes de mon passé. Je compris combien ils peuvent vous influencer pratiquement durant toute la vie.

Une Vie D'Hôtesse De L'Air

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