Читать книгу Une Vie D'Hôtesse De L'Air - Marina Iuvara - Страница 11
ОглавлениеL’adolescence
Dèjà toute jeune, le fait d’avoir peu de temps à disposition m’engendra de la souffrance car je me sentais comme prisonière de mes espaces personnels réduits, et des brefs moments de liberté qui m’étaient permis puisque je devais attentivement et absolument respecter les horaires imposés.
Je n’étais pas maître de gèrer mon temps.
Je me rappelai que jusqu’à mes dix- huit ans, l’heure du retour, pour les rares samedis soirs où il m’était permis de sortir, était au maximum vingt-deux heures trente.
Mes amis se réunissaient à vingt et une heure pour décider où aller dîner, inexorablement nous étions tous assis à table pas plus tôt qu’à vingt-deux heures.
J’étais toujours pressée, je devenais nerveuse si le serveur tardait à arriver, je ne parvenais pas à jouir de la compagnie des autres car je savais que j’aurais du rentrer tôt.
Il ne m’était permis que le temps de comander, en espèrant un service rapide qui m’aurait permis au moins de goûter une pizza, même si j’avais perdu l’appétit car mon estomac commençait à être tendu et mes sucs gastriques se remuaient d’agitation.
Dans tous les cas, je me levais de table déjà parfaitement en retard pour rejoindre la maison à l’horaire concordé.
C’était toujours difficile de convaincre quelqu’un de m’accompagner en interrompant le dîner, mais l’horaire pour le retour était inéluctable et catégorique et je ne possédait aucun moyen de transport.
Durant le trajet jusqu’à chez moi, sous mon inconsciente et implorante requête, aucune limite de vitesse n'était respectée. Souvent le rouge des feux des carrefours était dépassé avec une inconscience inconsidérée.
J’étais terrorisée par la vitesse en voiture et j’en ai encore peur aujourd’hui. Je voyais filer comme dans un cauchemar ces lumières du soir; les phares des autres voitures et ces lampions qui passaient trop rapidement sous mes yeux.
C’était le prix à payer pour éviter les humiliations et les féroces reproches à mon retour ; si seulement j’avais osé dévier, j’aurais trouvé la porte de chez moi fermée de l’intérieur et j’aurais été contrainte d’inventer n’importe quelle excuse pour essayer de ne pas voir cette grimace menaçante sur le visage de mon père dérangé par ma désobeïssance, par le manque de respect, outre que sûrement préoccupé.
Intimidations, punitions et blâmes se manifestaient de manière répétée par des hurlements, des gifles et de nouvelles interdictions encore plus rigides.
Tout celà, même seulement pour un retard de quelques minutes.
Peu de minutes.
Papa a certainement été trop sévère.
Je me souviens du jour où j’étais si heureuse d’avoir eu la permission de pouvoir participer à l’anniversaire de ma meilleure amie, celà faisait des jours que j’essayais de le convaincre.
Là, j’aurais rencontré un jeune garçon, un compagnon de classe qui me plaisait beaucoup.
Tout en faisant attention à ce que mes vêtements tiennent compte des préférences paternelles, ou pour mieux dire des rigidités, donc jupe pas trop courte, vêtements non ceintrés et chaussures sans talons, décidée à tester une trousse de maquillage que l’on m’avait offerte.
Mes mains inexpertes exagèrèrent en peignant sur mes joues ce fard si rose et si agréable à mes yeux, et ce rouge à lèvres brillant, si rouge sur mes lèvres qu’il me semblait être plus belle, une touche de rimmel sur les cils aurait complèté l’oeuvre.
J’avais seize ans et ce maquillage apparaissait horrible aux yeux de papa, inadéguat pour sa petite fille qui avait tenté d’apparaître une jeune fille plus séduisante.
D’un air irrité, il frotta sa main avec force sur ma bouche en distribuant le rouge à lèvre sur mes joues pour essayer d’effacer ce que j’avais soigneusement peind sur mon visage.
Des larmes commencèrent à couler de mes yeux et une auréole noire se forma sur mes paupières désormais gonflées par les pleurs ; je me regardai au miroir de la salle de bain et je vis le masque d’un clown.
Après m’être lavée avec un savon qui brûlait les yeux, mais qui enleva toutes les tâches de maschara restantes, j’eu finalement la permission pour pouvoir participer et aller à cette fête tant convoîtée, un peu rougie et boursouflée mais sans maquillage.
Je ne parvins pas à m’amuser.
En cette période d’adolescence j’aurais tant désiré fuir, m’évader, partir, voyager, vivre seule.
Les rêves, armés d’obstination et de force de l’âme, se réalisent parfois mais d’autres pas. J’ai compris ce jour là où et quand ils naissent.
Peu à peu, jour après jour, mois après mois, années après années, j’aprenais des nouvelles importantes et
l’expérience nécessaire pour réussir à mieux entrer en relation avec mes collègues et avec les passagers qui avaient une personalité et des caractéristiques multiformes et hétérogènes.
Bientôt je compris toutefois, que la base de l’organisation de ma vie se décidait à la fin du mois, au travers de la “ fiche des pauses ” toujours attendue avec beaucoup d’impatience : un tableau apparament anonyme et froid qui informe sur le programme de travail du mois suivant.
La compagnie aérienne inserrait les comunications officielles dans les boîtes personnelles près de l'aéroport. Une espèce d’étendue de boîtes postales infinies placées dans une pièce digne d’un film policier, dernièrement remplacées par le courriel.
La “ fiche des pauses ” se contemplait mois après mois, elle m’offrait des angoisses, souvent de l’entousiasme et de grandes attentes, parfois des déceptions pour des repos et des vacances convoîtées qui n’étaient pas toujours approuvées.
Tous les rendez-vous, les engagements, les mariages auxquels j’aurais pu être le témoin, les éventuels fins de match de football, les billets réservés pour la première au théâtre, l’adieu au célibat de ma meilleure amie, l’anniversaire d’un éventuel fiancé, le déjeûner de Noël, l’anniversaire de mes parents, la semaine dans la multipropriété à la montagne, le cours de tango du jeudi après-midi avaient bien souvent peu de possibilité, la participation à tous ces évènements devait chaque fois s’adapter aux décisions prises par l’ordinateur de la Compagnie du groupe de travail.
A partir de ce moment là on pouvait accepter ou décliner des invitations, fixer des rendez-vous importants, établir des horaires déstabilisants pour aller à la salle de sport, faire des sauts mortels pour arriver à l’heure n’importe où, ou rejoindre, même avec du retard, la réunion de la copropriété, dire adieu au tournoi de brisque mais en compensation avoir la “ satisfaction ” de voir Gigi Marzullo, éveillées comme des lièvres par le décalage horaire.
Les jours de repos durant le mois étaient environ dix, tandis que pour les vingts jours restants on portait l’uniforme.
Moi, Eva, Valentina et Ludovica, espèrions toujours avoir des horaires et des jours de départ décalés l’une de l’autre, tant pour avoir plus d’espace à la maison, que pour une meilleure organisation du temps sur le principal inconvénient : le séjour prolongé dans la salle de bain.
Il était fréquent qu’un vol commençait très tôt le matin et le réveil, à l’aube, se mettait habituellement une heure à l’avance.
Après un petit déjeûner rapide et une bonne douche vivifiante, on endossait l’uniforme préparé le jour précédent, en controllant que les chaussures soient lucides et que les bas ne soient pas déteints par les fréquents lavages ou endommagés.
La majorité d’entre nous avait un secret “inconfessable”: la chemise était endossée à l’intérieur des horribles collants, souvent gradés pour éviter l’apparition des varices et les gonflements dûs à la préssurisation, de cette façon seulement, nous pouvions éviter que la chemise ne sorte de la jupe quand nous levions les bras pour ranger les bagages et aider les passagers.
Sous la jupe nous sommes horribles !
Une fois l’habillement fixé, on passait au maquillage soigné, on faisait attention à ce que les cheveux soient en ordre, puis on contrôllait les documents.
Dans le sac à main, ne devaient jamais manquer : des vêtements de vol, une lampe de poche, le carnet des annonces, le manuel d’opération, les bas de rechange, les chaussures à talons plus bas pour les trajets plus longs, les gants en cuir. A l’aéroport au “ Crew Briefing Center ”, le centre de récolte de tous les équipages, dans chacune des petites salles réservées commençait justement le briefing.
On se réunissait pour connaître l’équipage, on se présentait, on discutait sur les criticités du vol, sur les conditions météréologiques, on était informés sur les aspects commerciaux, sur les types de services et sur les passagers qui auraient été à bord.
L’encadrement était de type militaire, il existait une hiérarchie et comme telle elle devait être respectée.
A la tête de tout équipage il y avait le commandant, puis le copilote, ensuite les assitants de vol, selon leur grade.
Tous les assitants de vols, en ce qui concerne le service fourni et la relation avec les passagers, avaient comme point de référence le responsable de leur respectif secteur de travail qui collaborait avec le chef de cabine, celui-ci dirigeait tout le bon fonctionement du vol et maintenait les contacts avec le cockpit, la cabine de pilotage, c’est à dire les pilotes.
A la fin du vol, chaque assistant était soumis à un jugement écrit et signé, où étaient évalués sa professionalité, ses compétences techniques, la connaissance de la langue étrangère, l’assitance donnée aux passagers et si l’aspect esthétique était conforme aux normes.
C'est ainsi que les années passèrent, vol après vol, rencontres sur rencontres, décalages horaires et nuits d’insomnies, langues différentes entre elles, pays très chauds et continents gelés, nourritures épicées et saveurs délicates, ciels sereins et turbulences insoupçonables.