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Comment étions-nous?

Je rentre chez moi, en Sicile, au moins deux fois par an pour les jours de fêtes et durant l’été si les pauses et les vacances me le permettent.

Voyager en avion est pour moi désormais habituel, celà fait partie de mon travail.

Même si de nombreuses années sont passées, chaque fois que j’arrive, un intense parfum de fleur d’oranger qui recouvre les orangeries et le vent du sirocco provenant d’Afrique entourent silencieusement même mes souvenirs d’enfance.

Aujourd’hui c’est un jeudi du mois de juillet : les trente-six degrés sont dans la norme.

Durant l’été cette terre est chaude, lumineuse et ensoleillée : tout apparaît plus lent, difficile de maintenir un rythme de vie dynamique à cause de cette température que j’aime, mais parfois si envahissante.

Les rayons du soleil s’étendent sur tous les espaces libres de la peau, ils pénètrent dans les os, souvent me fortifient et parfois me relaxent jusqu’à m’étourdir pour ensuite m’endormir.

La “ pause de l’après.midi ”, habituelle dans cette région, interrompt la productivité de la journée.

J’écoute le son répétitif et presque hypnotique des pales d’un ventilateur posé sur un coffre antique ; sa brise contraste l’air chaud et étouffant de cet après-midi au ciel bleu privé de nuages.

Le soir la température diminue légèrement et d’aimables vents légers apaisent le climat du soir.

Je suis invitée chez mes parents et chaque détail sur lequel se pose mon regard, me renvoie à des scènes vécues et des souvenirs désormains lointains.

J’entrevois un jupon en soie couleur crême avec une délicate broderie d’un ton légèrement plus clair, pendu dans l’armoire en style Louis XVI que ma mère a choisi il y a plus de quarante ans pour décorer sa chambre à coucher et qui depuis lors est toujours la même, inchangée dans le temps ; moi je m’aperçois au contraire d’être si différente depuis le temps où je me blotissais sous les couvertures de ce grand lit pour écouter les fables qu’elle me raccontait avant d’aller au lit et différente également du temps où plusieures années après, à peine adolescente, en cachette, je parvenais à essayer ses coliers les plus précieux en me regardant dans ce grand miroir au grand cadre doré, placé au centre de la pièce, tandis que je dansais seule de manière spontanée et libre, comme une “ éhontée ”, ainsi aurait dit mon papa, s’il m’avait vue.

Je me souviens d’avoir possédé en ce temps là, un sous vêtement d’une couleur identique à celui de ma mère ; j’aimais le porter pour la sensation de légèreté et fraîcheur qu’il me procurait durant les journées les plus humides.

Dans l’éducation que j’ai reçue ce vêtement n’était permis qu’à la maison et porté en ayant soin de bien entrouvrir les persiennes, afin éviter les indiscrets regards extérieurs vu que le balcon donnait sur une grande cour interne.

Dès mon jeune âge j’ai été amenée à me cacher et à bien me couvrir devant qui que ce soit.

Peu à peu des gouttes de pudicité étaient installées dans mon âme, jour après jour. .

“ Couvre-toi, couvre-toi car quelqu’un pourrait te voir ! ” me disait-on si parfois je m’attardais dans ma chambre pour me vêtir, en oubliant de tirer les rideaux pour les fermer.

Aujourd’hui encore, avant d’enlever mes vêtements, je vérifie que tout soit fermé pour que personne ne puisse me voir, et celà je ne l’ai jamais confessé, même pas à Valentina, une de mes chères collègues avec laquelle j’ai partagé un appartement près de l’aéroport, dans la ville où je réside : Rome.

Toute petite j’obéïssais aux règles avec une scrupuleuse attention pour éviter de subir des punitions, souvent excessivement sévères.

Il y avait une austérité de point de vues et coutumes transmises de générations en générations.

Ma tante Carmela, surnomée Lina, raccontait que la première fois où elle osa dire un gros mot, elle fut invitée à ouvrir la bouche et sortir la langue.

“ Quel jeu étrange ! ” pensais-je.

Sa mère, ma grand-mère, pris une des épingles à cheveux qui assemblait ses longs cheveux recueillis, et embrocha sa langue.

Vu les conséquences, dans ma famille, peu de filles et petites filles disent des gros mots, même si dans les moments opportuns elles n’en pensent pas moins.

Je suis à Catania en vacances pour une semaine et je retrouve les antiques saveurs, odeurs, sensations.

Le sourire lumineux de ma mère m’accueille, elle évite de m’embrasser aussi fort qu’elle le voudrait, peut- être par peur de me broyer.

Elle caresse maintes fois mes cheveux noirs comme du charbon, semblables aux siens, longs jusqu’aux épaules, déliés pour les libérer des constrictions de bandages imposées par mon travail.

La peau de maman est blanche et délicate, tendre comme le sable et parfumée comme des pétales de roses mélangées aux agrumes.

Elle me voit toujours amaigrie ( même si selon moi, j’ai bien pris au moins un ou deux kilos par rapport à mon utopique poids idéal ), donc, elle m’invite à manger les gourmandises qu’elle a commencé à cuisiner dès le premier jour, presqu’en m’obligeant à consumer tout ce qu’elle a mis avec abondance dans mon assiette.

Aujourd’hui elle a préparé mes plats préférés : linguine au noir de seiche et espadon en papillote.

Elle n’en finit pas de me regarder et de me cajoler, euphorique et émue à la seule pensée de me revoir.

Même mes tantes et cousines me témoignent leur

affection à chaque geste, chaque fois qu’ elle me revoit et veulent tout écouter sur mes voyages et sur mon travail.

Dans leur imaginaire, je suis une partie de leur monde qui s’est réfugié dans un autre monde : ce monde fait de rêves devant une revue attrayante même si décrite comme dangereuse, tentaculaire, en mesure de dépraver de manière irréversible. Moi, je suis celle, d’entre elles, qui comme elles avait les yeux illuminés mais qui un jour est partie. Je suis la preuve vivante que le monde vous change mais vous restez la même, parce que celà dépendra uniquement de ce que vous êtes à l’intérieur, et elles sont, pour moi, la partie la plus importante de ce que j’ai appris durant tous ces voyages : que l’on peut aller loin uniquement si on a un lieu intérieur d’où l’on est parti et où on retourne. J’ai appris que l’on pourra être partout, mais en vérité on restera toujours où se trouve nos racines émotionnelles.

Elles ont été enchantées par la photo que j’ai prise à New York et elles voudraient partir avec moi pour visiter la Grande Pomme. Elles désireraient aussi que je les emènent visiter Hong Kong pour faire un tour au Stanley Market et au Lady’s Market, les marchés de nuit desquels je leur ai parlé bien souvent avec enthousiasme, oubien passer par Casablanca, où se trouve la médina avec ses couleurs et ses épices, où la menthe et le thé ont une saveur plus forte et une odeur plus presistante que celle de notre mentuccia, goûter les dates exceptionnelles que je leur avais données à mon retour d’un vol, ou circuler dans les ruelles fourmillantes de Shanghai, plonger dans cette foule colorée et ces milles couleurs que j’essaie de décrire sans jamais y parvenir comme je le voudrais

Elles ont un grand sens de l’hospitalité, un art naturel de l’accueil transmis au cours des siècles et elles me saluent toujours avec l’habituel pincement sur la joue en tirant pas très délicatement de chaque côté, elles m’embrassent en prononçant la même phrase depuis que j’étais enfant : “ Sangu miu ! ”, “ Zzuccheru miu ! “

Mon père, même en étant heureux de me revoir, est toujours très silencieux, peu expansif et extrêmement réservé.

Nous avons la même couleur d’yeux, bleus de mer, mais les siens ont cependant une légère nuance de violet qui fait entrevoir de constants réflexes qui parfois me rendent tristes.

Il tend constament à faire des prévisons défavorables, pleines d’anxiété et d’inquiétude, comme ma meilleure amie Stefania, elle aussi sicilienne.

C’est un homme instruit, il aime étudier et est toujours informé sur tous les évènements socio-politique actuels.

Il est discret dans ses manières et formel dans son comportement, il reste des heures enfermé dans son bureau, mais à l’heure du déjeûner et du dîner nous nous retrouvons à table, tous ensemble.

Ce que mes parents, ma famille, et la société où j’ai vécu m’ont enseigné c’est la grande importance de la famille, du respect des règles et en particulier, du lien inviolable du mariage : une valeur à défendre à tout prix, coûte que coûte, souvent avec d’énormes sacrifices.

Une union à sauvegarder dans tous les cas, même en présence de problèmes qui devront être dépassés ou réprimés, parfois même ignorés.

Ce lien indissoluble a une sacralité absolue que seule la mort peut rompre.

“ Jusqu’à ce que mort ne nous sépare ”

Une promesse qui ne peut plus être inobservée à partir du moment où elle a été stipulée.

Un engagement rigoureux et constant, opportun pour conserver solidement les racines de la famille.

Ce n’est pas uniquement le sentiment d’affection, la cérémonie officielle, le profond devoir qui est inculqué déjà toute petite à travers l’éducation, qui lie la relation matrimoniale, c’est aussi le lourd jugement de la société dans laquelle on vit qui induit et travaille assidûment afin que se maintienne intégralement le lien familial.

Dans le couple, la figure féminine a un rôle très important : le dévouement envers l’époux et les enfants est absolu.

L’homme s’engage à conduire au mieux son rôle de chef de famille, il a l’obligation de se charger de sa protection et de son soutien.

Dévotion et obligation, amour et respect.

Peu importe si ces deux dernières voix sont absentes, car il arrive qu’elles s’affaiblissent.

Le mariage est quelque chose sur lequel compter durant toute la vie, les enfants sont ceux sur qui compter lors de la vieillesse, sa fin n’est pas permise, ou est seulement quelque chose de fou, quelque chose qui va

“ au delà de l’ordre établi ” qu’il faut éviter en trouvant un remède quelqu’il soit.

Dans le rituel du mariage, la déclaration de fidelité est une promesse qui honore dans sa forme la plus absolue.

Ce sont les normes qui m’ont été inculquées dès mon jeune âge. Mon destin, j’en étais certaine, aurait respecté ces enseignements.

J’ai eu une éducation très rigide faite d’attitudes autoritaires, d’ordres, d’obligations et de punitions sans avoir la possibilité de répliquer ou de demander des explications, me conduisant désormais à l’adolescence avec de sérieux doutes et une grande confusion sur ce qui était vraiment juste ou décidément erroné.

Les règles strictes suivaient les directives de l’éducation qui fut administrée à mon père dans les années 40 sans tenir compte des profondes transformations qui eurent lieu dans les années 68 et auxquelles je n’ai participé que par ma naissance.

Malgré celà, à cette époque, la révolution sociale des années 70 ne semblait nullement toucher notre réalité.

Tout était blanc ou noir, juste ou erroné, permis ou interdit, il n’existait aucune nuance, dérogation, compromis.

Les modèles et le style de vie conduits étaient selon moi démodés et dépassés.

Selon moi blanc et noir étaient uniquement les extrémes d’une multitude de couleurs variées, et pourtant les enseignements devaient être respectés, sans répliquer et sans s’opposer.

A partir de l’orientation scolaire jusqu’aux amitiés, aux horaires, aux lieux à fréquenter, à l’habillement, au sport, toutes les décisions suivaient les opinions, les tendances et les goûts qui n’étaient pas les miens et ni même mes inclinations, mais ceux de mon père.

Il choisissait les personnes que je pouvais fréquenter après les avoir soigneusement sélectionées par un précédent entretien de présentation initiale, auquel les personnes choisies devaient se soumettre.

Je me suis souvent demandée quelle était ma route, ce qui était réellement important, quels étaient mes réels désirs et objectifs, et bien souvent mes réponses étaient totalement différentes de celles imposées par mes parents qui agissaient certainement pour mon bien et pour me former le mieux possibile, mais qui ne reflettaient que leurs rêves.

Je suivais soigneusement les “ directions proposées ” et je me retrouvais souvent engagée à jouer un rôle qui plaisait sûrement aux autres, mais pas à moi, je sentais naître et se développer en moi des désirs qui ne représentaient pas le rôle que j’interprêtais et que je n’aurais jamais pu dévoiler, car je savais qu’ils auraient été mal supportés : j’étais séduite par la liberté et par l’indépendance, par les voyages et par les lieux lointains.

J’ai presque toujours tenté de fermer à double tour ces désirs et ces rêves, comme dans un tiroir, avec un grand cadenas, au fond de moi, dans ma mémoire, dans mon coeur qui battait fort, attiré par ces attractions qui étaient considérées comme trop anticonformistes et déplacées.

Mes rêves de voyager, d’aller vivre à l’étranger, de me détacher de ma famille pour aller vivre seule étaient bien souvent étouffés, je les avais bien emprisonnés et cachés. A l’intérieur de ce tiroir je ne parvenais à percevoir ni les cris ni aucune douleur causée par le chagrin provoqué par ce renoncement.

J’étais fière de leur avoir trouvé un lieu sûr, en restant dans ce lieu si obscur je n’avais pas la possibilité d’en tenir réellement compte.

Je ne désirais pas que mes vraies passions soient découvertes et je ne voulais même pas qu’elles existent car si elles étaient connues elles n’auraient procuré que des problèmes ; non seulement elles auraient déçus leurs attentes, mais, dans tous les cas, elles n’auraient pas eu vie facile et auraient été rompues avant même de naître.

Mon papa, avocat, était certain que j’aurais suivi ses traces.

J’ai vécu ainsi une grande partie de mon adolescence sans grandes souffrances en parvenant à dépasser brillament les problèmes grâce à ma remarquable procédure secrète, c’est à dire en étouffant et en cachant mes réels désirs et en essayant de contenter les autres.

Un jour, cependant, un de ces multiples tiroirs s’est un peu trop rempli et pour plus de sécurité, non sans effort, j’ai essayé d’y mettre un autre cadenas.

De la manière la plus inattendue, il explosa et il s’ouvrit, j’ai entendu des hurlements, des pleurs, des sanglots, comme s’il s’agissait d’une petite fille qui en demandant de l’aide, suppliait de sortir, d’être elle même.

J’ai refermé ce tiroir, encore une fois, par la force.

Mais ces sons et ces images tentaient encore de sortir et de se libérer.

Ils étaient insuportables

Mon coeur battait toujours plus fort pour écraser le tout et m’étourdir pour oublier.

C’était un tiroir, un seul !

J’avais enfermé tant de rêves en pensant ainsi pouvoir être une femme sereine et heureuse.

J’aurais dû me préoccuper ?

Que serait-il arrivé si encore une fois il s’était ouvert, et puis peut - être une autre fois encore ?

Celà me terrorisait mais je ne peux ne pas reconnaître que celà commençait à me tenter de plus en plus.

Je me suis un jour demandée qui j’étais réellement.

Je me suis demandée où j’allais et qui avait choisi ma route à suivre.

Qu’aurais-je découvert en ouvrant ces tiroirs ?

Serais-je parvenue à réanimer mon essence naturelle désormais agonissante par ces conditionnements externes ?

Serais-je en mesure de dépasser mes faiblesses et affronter mes peurs ?

Je suis une personne optimiste, j’aime la vie ; je suis sociable et j’attache une importance fondamentale à l’amitié.

Entre femmes, malheureusement, il n’est pas inhabituel de voir s’instaurer de fastidieux et inutiles sentiments d’envie et de jalousie, pour cette raison, arriver à une solidarité spéciale et à la complicité qui unit réellement devient extrêmement rare.

Ca n’est pas facile de trouver un vraie amie, toutefois si on a cette chance, tout orgueil et compétition disparaissent, un respect total s’installe, la confiance aveugle et la loyauté grandissent.

L’union devient indissoluble, l’amitié devient un bien à sauvegarder des improbables, rares et exceptionnels évènements négatifs qui auraient la force de l’affaiblir, même si en réalité ils ne peuvent rien contre l’agréable bien être que l’on éprouve à être unis, à se confier les secrets les plus intimes, à partager les rires, les épreuves de la vie, les émotions, à se critiquer réciproquement, et trouver des solutions en commun ; l’objectif principal étant l’union et la force du couple.

Je connais une personne spéciale qui reflète ces caractéristiques. Stefania n’est pas seulement une amie, parfois elle est une mère qui étend ses conseils, parfois elle est la fille à laquelle je donne mon amour ; celà peut

sembler étrange mais la voir interprêter le rôle de la fiancée jalouse n’est pas improbable, surtout si je la délaisse un peu, cependant elle reste toujours l’épaule sur laquelle m’appuyer, la parole qui me réconforte, le respect de mon silence, la compréhension de mes faiblesses et le doux poids à supporter.

Stefania a un physique athlétique, elle est très grande, quelques centimètres en plus que moi.

Ses cheveux sont châtains et luisants avec des nuances qui tendent au roux foncé comme le bois d’amarante, souvent reccueillis en une tresse qui se déplace sur son dos. Elle s’habille habituellement de manière décontractée, elle privilégie les avantages pratiques de ce qu’elle porte, moi, au contraire, je préfère porter des vêtements plus féminins, selon son opinion plus gracieux et douceâtres.

Sa sincère exubérance et sa naturelle franchise, portent parfois à des jugements impitoyables.

Malgré les centaines de kilomètres qui nous séparent actuellement, je sais de toujours pouvoir compter sur elle et vice e versa.

Nous nous supportons, nous nous critiquons avec obstination, nous emettons de dures sentences, nous nous félicitons et nous nous envoyons promener … toujours affectueusement, difficile de vivre l’une sans l’autre.

La sécurité réciproque rend cette sincère amitié spéciale, un ingrédient habituellement absent dans les liens amoureux.

Nous avons une grande passion en commun : partir vers des destinations lointaines.

J’ai toujours adoré voyager, celà me donne une sensation de bonheur.

Lorsque je m’éloigne de tout et de tous et me retrouve dans des dimensions et des horaires différents, c’est comme si je parvenais à évaluer le reste “ de l’extérieur, de loin “, avec un détachement effectif tant physique que mental.

Tiziani Terzani a écrit que “ Notre destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle manière de voir les choses ” : c’est ainsi pour moi aussi et pour nous tous.

En voyage je parviens à mieux voir à l’intérieur de moi même, à voir clairement qui je suis et à m’améliorer.

C’est comme si le monde s’éloignait avec tous ses problèmes, comme si l’horizon changeait, et moi je retrouve mes forces, mon énergie.

En me détachant de la réalité des habitudes, une charge d’adrénaline me renforce jusqu’à me donner de la vitalité et une énorme positivité, celà m’aide à retrouver les justes réponses.

Voyager est une évasion dans des mondes qui ne sont pas les miens, c’est toujours une joie qui me procure un enivrant sens de liberté et m’aide à redécouvrir une partie de mon autonomie.

Depuis longtemps j’ai réalisé ce grand désir que j’avais déjà toute petite : je suis devenue une hôtesse de l’air.

Des années ont passé mais je me souviens comme si c’était hier du moment où j’ai décidé de changer de vie. Ce jour là est imprimé dans ma mémoire. J’étais avec Stefania.

je voudrais devenir une hôtesse de l’air

“ Ca suffit, j’en ai marre ! “ Mario est devenu insuportable, il en est arrivé à me suivre même lorsque je vais prendre un café avec mes amies, il ne veut pas que j’aille à la salle de sport et va jusqu’à m’interdire de saluer mon ex !

Je veux penser davantage à moi même et devenir indépendante. Pourquoi ne créons-nous pas quelque chose de bien à nous ensemble et ouvrons une activité ?

“ Toi, que prévois-tu pour ton futur, Anna ? Quel travail aimerais-tu faire ? ”

C’est ce que me dit Stefania, à l’habituel rendez-vous matinal pour un cafè au “ Bar della Finanza ”, en face de chez moi, mécontente de sa perspective de future ménagère, tant désirée par son fiancé très jaloux plus que par elle.

Je ne m’étais jamais sérieusement posé la question, ni

avais fait de projets précis sur mon futur travail.

Après avoir fréquenté le lycée classique et m’être inscrite à l’université à la faculté de droit, vu que les matières scientifiques n’étaient pas de mes préférées, je me mis à chercher un travail de secrétaire pour me maintenir aux études et satisfaire quelques petits caprices.

A l’époque je me réveillais tous les matins à la même heure et après un rapide petit déjeûner, je plongeais dans le cahotique trafic urbain en affrontant les trois quarts d’heure d’interminables queues aux carrefours, les bruyantes rangées de voitures qui essayaient de me dépasser de toute part pour parvenir à épargner uniquement les quelques minutes nécessaires pour arriver à l’heure au bureau.

Chaque jour boulevard Barriera del Bosco, où j’étais embouteillée à l’habituel point crucial, aux feux, pendant au moins quinze minutes, je rencontrais souvent un homme, un clochard, toujours assis sur un petit tas de terre forgée de ses propres mains.

Accroupi sous l’ombre d’un arbre, il observait ces interminables allées et venues chaque jour pareilles.

Le regard de cet individu avait un air serein, il regardait en coulisse une réalité si éloignée de la sienne : tous ces hommes, femmes et enfants qui passaient emprisonnés dans leurs voitures.

Il était assez discret, comme s’il ne voulait pas faire remarquer qu’il était là, il les regardait attentivement et s’émerveillait de rencontrer chaque matin les mêmes visages nerveux et épuisés, les mêmes voitures embouteillées une derrière l’autre dans des encastrements toujours différents, toutes, avec ces claxons qui sonnaient pour protester ; je crois qu’il se demandait combien il aurait été difficile pour ces hommes, retrouver cette tranquilité que lui semblait avoir rejoind.

Ses pupilles se déplaçaient attentivement et adressaient des regards presque de bienveillance et d’indulgence à ces nombreux chauffeurs qui à leur tour, le scrutaient avec compassion et mépris, lui et les traces qu’ils déposait sur le pré, souvent humide.

Chaque matin je me demandais qui des deux était réellement complètement fou, moi chauffeur nerveuse ou lui.

Je pensai toute la nuit à cette question que me posa Stefania par rapport à mon futur.

La réponse arriva en fin d’après midi, à la même heure où je rentrais du travail, dans ma “ petite voiture ”, après avoir évité une colision frontale avec un crétin qui m’avait coupé la route à la fin d’une interminable journée de travail, aux prises avec un chef de bureau aimant les brimades et les chicanes, avec des collègues que j’aurais bien volontier évité de rencontrer, faux et prévaricateurs.

En sortant du bureau, j’abandonnai ce parking longuement cherché durant la matinée, obtenu après avoir discuté de manière assez violente avec un autre mal élevé convaincu d’avoir vu la place avant moi, qui m’intimait grossièrement à partir et qui obstruait mon entrée.

Cet après-midi là je n’eu qu’une petite griffe sur la carrosserie et les essuie-glaces postérieurs mis en position contraire.

Chaque jour j’arrivais chez moi fatiguée, je rangeais et préparais en vitesse le dîner à cause de ma “ faim famélique ” que je parvenais à étouffer provisoirement en arrachant du frigo quelques restes froids du jour précédent et quelques morceaux de fromage jaunis, car mal rangés dans les confections en plastique restées ouvertes.

“ JE VOUDRAIS VOLER ! ” hurlais-je tout à coup.

“ Oui ! J’ai trouvé ! Je voudrais voler ! ”

Ce qui me séduisait absolument était d’éviter l’habituelle routine de tous les jours, la circulation urbaine, toujours voir les mêmes visages et les mêmes endroits. J’aurais aimé établir des relations avec des personnes chaque fois différentes, changer d’espaces, élargir mes horizons, avoir la possibilité de voyager autour du monde et délecter des recettes de cuisine internationale.

C’est ce que je pensais en mâchant un cracker et la dernière olive qui restait.

Mon rêve était de voler, j’aurais voulu être hôtesse de l’air.

J’appelai immédiatement Stefania.

Stefania fut enthousiaste par l’idée et m’annonça qu’elle aussi aurait aimé la poursuivre ; son unique préoccupation était d’affronter son fiancé.

Peu de temps après, les yeux brillants et avec en main

la page déchirée d’une revue, nous nous retrouvâmes à lire attentivement, pleines d’enthousiasme, les indications sur :

Une Vie D'Hôtesse De L'Air

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