Читать книгу Une Vie D'Hôtesse De L'Air - Marina Iuvara - Страница 9
ОглавлениеLe premier vol
Le premier vol est pour tous inoubliable.
On m’attribua une alternance sur Paris, j’étais très émue, embarassée en entrant la première sur cet avion complètement vide, prête à accueillir notre équipage avant les passagers. Je commençais à connaître finalement les “ secrets du galley ”, qui est une espèce de cuisine à bord où se trouvent les fours pour réchauffer les plats, le frigidère pour maintenir les boissons au frais, tous les charriots avec la nourriture, la zone réservée aux déchets, les équipements nécessaires pour le bon fonctionnement du vol.
Dans cet avion tout le service est préparé avant le début du vol et pour les hôtesses, c’est l’endroit le plus confidentiel et intime, l’unique lieu suffisament réservé qui permet quelques minutes de séparation d’avec les passagers grâce à un rideau qui offre de précieux moments d’intimité sur les vols eccessivement longs . Dans le “ coffre aux secrets ” des hôtesses, les révélations et confidences effectuées à voix basse y sont souvent raccontées et dévoilées.
Je controllai, avec l’équipage, que tout fut propre et soigné, que le catering fut approvisionné de manière adéguate, que tous les chariots, les fours et le frigo, les équipements et les éclairages d’urgence fussent efficaces et en règle.
Moi, j’étais l’opposé de mes collègues si spontanées et sûres de leurs mouvements, désormais “ de vieille compagnie ”, c’est ainsi qu’on disait.
Au cours, nous avions pris vision de toutes les portes, les chariots, et les tiroirs encastrés à l’intérieur d’un avion; il y en avait une infinité, complètement pleins de matériel nécessaire pour le bon fonctionnement du vol.
Je décidai de les ouvrir tous pour voir ce qu’ils contenaient et les mémoriser pour une utilisation plus rapide.
Je les refermai, et oubliai la position et le contenu de chacun d’eux, il y en avait trop, tous pareils de l’extérieur.
Je le fis une dizaine de fois, souvent la chance m’aida à deviner l’endroit où se trouvait ce que je cherchais, souvent, j’ai capitulé vu que je ne parvenais pas à trouver les tasses en plastique après une partielle victoire sur les sachets de café et le lait en poudre. Les masques pour les yeux, je crois qu’ils changeaient de place à chaque vol, presque comme un jeu de prestige : après les avoir vus dans un tiroir, il me semblait les retrouver dans un autre.
Je regardais ma jupe qui couvrait à peine mes genoux, les bas lisses et voilés couleur chaire, jusqu’alors jamais utilisés et les chaussures modèle escarpins classiques en cuir de la même tonalité que le sac, avec un talon classique ; une chemise bien repassée, foulard au cou, veste avec une frise et une plaquette nominative obligatoire.
Maintenant ils étaient sur moi. Je portais pour la première fois cet uniforme, de la manière la plus soignée que je pouvais, sur cette épingle mon nom était gravé, et c’était un grand honneur, je la portais avec orgueil, enthousiasme, presque solannité : c’était le début d’un magnifique rêve.
J’aurais voulu faire une autre photographie et l’envoyer à Stefania ; le sourire imprégné sur mon visage qui apparaissait sur la photo, cette fois, aurait été sincère par rapport à celui de nos prises faites pour participer à la sélection, je lui aurais écrit qu’elle me manquait et que j’aurais aimé qu’elle soit avec moi.
En ce moment l’embarras et l’émotion du premier vol m' “ offrirent ” une extrême rigidité.
La couleur de la veste de l’uniforme était semblable à celle du dossier du fauteuil auquel je m’identifiais bien plus qu’à une “ vraie ” hôtesse de l’air.
Heureusement je m’en sortais bien et personne, je
crois, ne se rendit compte de mon apréhension durant tout le vol. Peut être que celà se remarqua seulement durant ma première démonstration du briefing pour visualiser les équipements de sécurité et les différentes sorties de l’avion.
Tous les yeux étaient tournés vers moi, j’étais impréparée à affronter de manière disinvolte ces nombreux regards qui me fixaient de toute part.
Je senti une rougeur sur les joues, mes mains commencèrent à transpirer et un peu à trembler quand je montrais comment attacher la ceinture.
Je n’avais jamais eu de problème à enfiler la boucle en métal dans la fissure, mais en ce bref instant celà devenait difficile à faire ; j’essayais de bloquer ce tremblement incessant dans les doigts qui m’empêchait d’en individualiser le juste accès.
Ruisselante de sueur je parvins à terminer cette étrange démonstration, comme une dance excécutée par le mouvement de mes mains.
Je me senti comme l’actrice d’un film muet avec un nombreux plublic qui suivait le texte lent diffus par les hauts parleurs de l’avion, et moi qui délivrait par des gestes les indications données.
Durant les annonces de bienvenue, celà fut très étrange et inhabituel d’entendre ma voix prodiguée dans tout l’avion, je parvins seulement après différents vols à l’ajuster au mieux en essayant d’éviter attentivement chaque inflexion dialectale, surtout cette très mauvaise voyelle “ o ” à prononcer, qui d’ ouverte devait assumer une phonétique étroite et fermée, et je devais la répèter fréquement:
“ Bonjouur, bienvenue à boord ”
“ Bienvenue à Roome. ”
Je me rendi compte qu’en serrant les joues, en fermant la bouche et la mâchoire, en contraignant les lèvres et en les poussant vers l’extérieur, en évitant le passage de l’air dans les narines, je parvenais à raccourcir ce son.
“ Bonjouur ”, “ Boord ”, “ Roome ” devinrent finalement:
“ Bonjour ”, “ Bord ”, “ Rome ”.
Après un trajet national Rome-Bologne et un suivant international Bologne-Paris, j’arrivai à la destination finale, même si ce maudit “ o ” était omniprésent.
Je saluai tous les passagers, un bus garé à côté m’ accompagna à l’hôtel ainsi que mon équipage et comme celà arrivait habituellement, après avoir retiré la clé, nous prenions rendez-vous pour aller dîner tous ensemble.
“ nous nous rencontrâmes à 20 heures, sans engagement. ”
Ainsi me dirent mes collègues avant d’aller se changer en chambre.
J’ai appris, à mes dépends, l’importance de la ponctualité.
J’étais contente d’être en bonne compagnie et pouvoir être guidée par ceux qui connaissaient bien la zone.
J’aurais dîné au fameux restaurant “ La Coupole ”, sur le Boulevard Montparnasse, renomé pour son entrecôte et son bon vin rouge.
J’aurais savouré les huîtres à l’apéritif, et j’aurais fait plein de photos pour me souvenir de l’évènement, je les aurais montrées à Stefania, à maman, à papa, à mes cousines, j’aurais été leur princesse parisienne qui dîne dans un fameux restaurant français en compagnie de personnes qui voyagent, qui connaissent le monde et résident dans des hôtels luxueux, j’étais là, je faisais partie de ce rêve qui devenait réalité.
Je pensais ne pas arriver parfaitement à l’heure au rendez-vous dans le hall de l’hôtel, car : une dame doit toujours se faire un peu “désirer ”, tout au moins c’est comme ça chez moi.
J’ai appris qu’ ” une collègue ” ne peut pas le faire car sans engagement signifie: “ Ne sont permises au maximum que cinq minutes de retard ”
Je dînai seule dans la brasserie de l’hôtel qui servait uniquement des sandwichs gratinés : je pris un croque monsieur au jambon et une divine soupe à l’oignon, vulgairement appelée bouillon d’oignons. Ici tout était différent, même le bouillon.
A l’époque je n’étais pas habituée à manger seule et j’en avais presque honte ; je cachai mon embarras avec un livre d’Hemingway ouvert près de mon plat, et mon téléphone portable en main. Les tables étaient typiques, petites et très proches l’une de l’autre, j’avais près de moi une dame élégante aux cheveux reccueillis, vêtue d’un tailleur de Chanel.
Le lendemain matin, après avoir visité la tour Eiffel, une visite rapide à l’arc de Trionfe et les étincelantes vitrines des Champs Elysées, je déjeûnai rapidement chez le renomé “ Relais de Venice ” à Port Mallot, rue Pereire, et je n’hésitai pas à passer chez l’estimé coiffeur “ Carita ”, expert pour refaire le look, il coupait les cheveux après avoir étudié les traits du visage et y adaptait la coupe.
Il m’avait été conseillé par une extraordinaire collègue à la coupe éclatante “ qui s’y connaissait ” et que j’avais rencontrée de passage à l’ aéroport.
Ne jamais suivre les yeux fermés les conseils des collègues, j’ai appris celà aussi.
Avec une petite frange horrible au dessus de mes sourcis et mon compte en banque qui touchait à sa fin ( heureusement j’avais une carte de crédit et le champagne, tartines au saumon, étaient offerts par le coiffeur ), je rentrai à l’hôtel juste à temps pour enfiler mon uniforme, tenter de cacher cette frange avec du gel et essayer de refermer ma valise qui, je ne sais pour quelle obscure raison, semble ne jamais avoir la même capacité qu’à l’aller, aucun vol ne fait exception.
Cette fois le manque d’espace était provoqué par ce chapeau style rétro avec une large bande circulaire plissée qui m’a fait rêver, malgré la certitude que je ne serais jamais parvenue à le porter. Je n’ai donc pas pu résister et je l’ai acheté après l’avoir vu au marché aux puces de Saint Queen.
Une collègue de ce vol me dit qu’elle était allée durant l’arrêt, aux grands magasins Lafayette, dans une boutique rue du Bac où l’on peut trouver du divan de P. Starck à la pile de poche aussi peu encombrante qu’une carte de téléphone, de la shopping bag la plus extravagante à l’armoire faite avec des cordes et des boutons. Je pris note : j’y serais allée moi aussi la prochaine fois.
Immédiatement après avoir atterri, les collègues préparèrent “ l’happy landing ” en mon honneur, un drink à base de mousseux et jus d’orange pour fêter tous ensemble ma “ première fois ”.
Je rentrai chez moi débordante de joie, prête à montrer mon nouveau chapeau à Eva, la seule qui, plus que les autres, aurait apprécié l’achat et me l’aurait sûrement demandé en prêt. Au moins il aurait été utilisé.
Valentina dormait sur le divan, exténuée par son vol de longue portée et pas encore habituée à ce soudain changement d’horaire et de température.
A Buenos Aires c’est l’hiver quand ici en Italie c’est l’été, le décalage horaire est de quatre heures.
Son corps percevait la nuit, puisqu’il avait été éveillé durant treize heures (environ la durée du vol) mais la lumière du soleil et ses rayons si puissants confirmaient l’heure du déjeûner, étrange, vu qu’elle venait de prendre son dîner à bord.
Cette nuit elle ne serait pas parvenue à dormir, malheureusement, moi non plus, vu que nous partagions la même chambre.
Le maquillage terne du visage de Ludovica et ses boucles, comme si elles voulaient se révolter aux élastiques désormais fatigués par la longue tenue, confirmaient qu’elle aussi avait besoin de repos, vu ses jambes gonflées comme deux ballons à cause de la préssurisation de l’avion.
Ca n’est pas une nouveauté que son fiancé “ non volant ” comme tous les futurs petits maris des hôtesses de l’air, aurait aimé le matin suivant faire une belle promenade avec l’aimée qu’il ne voit pas très souvent : l’heure du déjeûner serait idéale pour déjeûner, l’après midi un tour en ville et, grande idée, “ un petit cinoch après le dîner ? ”
Inutile également de tenter d’expliquer la nécessité d’un long repos, quelque soit l’horaire établi par Greenwich.
C’est difficile de faire comprendre à un fiancé que nous ne sommes pas parties pour des vacances de plaisir et que ces fauteuils soft aux bras et dossier inclinables sont destinés aux passagers, pas aux hôtesses ; que nous n’avons pas le temps de nous complaire à regarder ce film que l’on projette en première vision.
Nous travaillons pendant de longues heures et arrivons exténuées.
J’ouvre le frigo et je déguste le “ bife de lomo ” ( filet de boeuf ) que Vale a ramené d’Argentine et conservé dans des glaçons secs durant le vol.
Dans la cuisine, en voyant le nouveau coûteau à la lame en céramique et les différents sachets de thé vert, je compris la raison des boucles rebelles de Ludovica ; le vol pour Tokyo dure au moins douze heures, et sa mise en plis n’a pu résister. Ludovica, avant de prendre congé de nous pour son nécessaire “ repos après le vol ”, décrit ses impressions sur cette ville si frénétique en contraste avec la délicatesse de ses habitants, avec leur extrême timidité qui les porte souvent à rire en mettant leur main devant leur bouche, avec leurs milles inclinaisons pour saluer.
Elle fut surprise par les gratte ciel, par la multitude de voitures et de piétons sur les routes, par les écritures incompréhensibles des idéogrammes japonais. Elle raconta être allée au marché au poisson de Tsukiji, le plus grand au monde, tellement propre et ordonné, d’avoir vu des papeteries à neufs étages et des bars qui contiennent au maximum cinq persones ; de s’être perdue à Harajuku, un quartier à la mode dans la minuscule rue Takeshita parmi les boutiques de tendence fréquentées par les plus jeunes aux vêtements apparents et extravagants ; d’avoir su qu’il existe des restaurants appelés Maid Cafè, où les serveuses alimentent les clients, pour démontrer leur soumission, elles les masses et les entretiennent avec des dances et des chansons, comme des antiques geishas, au contraire dans les Butler Cafè ce sont les maîtres d’hôtel qui servent les dames, de la même manière. Elle nous informa que là, les prix sur les nouveaux modèles d’appareils photo et caméras sont très compétitifs et que l’on peut en trouver de seconde mains en parfaites conditions, comme aussi les dernières nouveautés en matière de technologie non encore arrivées en Italie, que les montres de marques prestigieuses ont des prix inférieurs de 35% par rapport aux prix italiens, et on en trouve de seconde mains avec la garantie des boutiques Best. Elle nous dît enfin, avant de s’écrouler de fatigue sur le lit, que dans un restaurant appelé Al dente, les spaghettis sont excellents, presque meilleurs qu’en Italie, et qu’elle était enhousiaste du massage chiropracteur fait dans la zone de Shinjuku.
Nous apprîmes de simples mais nécessaires règles à suivre, que j’écris avec diligence sur un bout de papier et que j’appliquai sur le frigo avec l’aimant que Valentina avait pris à Buenos Aires, ils représentaient deux danseurs de tango, et avait l’inscription “ Bienvenido in Argentina ”, le premier d’une longue série d’aimants provenants de tous les coins du monde qui envahirent radicalement le frigo, faisant par la suite perdre de vue ce rappel à consulter avant chaque vol qui nous fut si utile initialement. Avec le temps il est devenu une partie de moi.
Ce memorandum disait ainsi :
“ Choses à ne pas faire :
- Ne pas donner l’impression d’être pressé.
- Ne jamais parler d’épisodes personnels entre collègues durant le service.
- Eviter les expressions d’ennui ou d’apathie et les attitudes distantes
- Essayer de ne pas utiliser des phrases autoritaires du genre :
“ Fermez votre guéridon ! ”
“ Ceinture ! ”
“ Portable ! ” mais inviter gentillement à suivre les directives.
- Ne pas parler à haute voix entre collègues
- Ne pas se décourager en trouvant des places libres proches de personnes qui voyagent ensemble et font d’éventuels déplacements mais inviter à se rendre au check-in à l’avance pour avoir davantage de possibilités de s’attribuer les places.
“ Choses à se rappeler ”
A - Exgigences de base requises : capacité de garantir la sécurité, la responsabilité et la professionalité.
B - Le passager a besoin de confort pychologique, de se sentir protégé du stress et de la peur de voler.
C - Eléments qui ne peuvent jamais manquer : courtoisie, attention et disponibilité durant tout le vol ”
Nous comprîmes immédiatement que notre attitude est fondamentale pour contribuer à la résolution d’un problème à bord :
Certains inconvénients et mauvais services étaient justement l’objet de plaintes de la part des passagers et impliquaient la nécessité d’une intervention, réussir à comuniquer clairement et essayer de résoudre les difficultés et les problèmes qui se présentaient à bord n’était pas toujours simple.
Il fallait tenir compte de la gravité du problème, du contexte sur le moment, du caractère et de l’état psychologique et physique de l’individu avec lequel nous étions en relation, car nous ne connaissions jamais la personne avec laquelle nous nous rapportions, la situation qui aurait pu se vérifier et les ultérieures dégénérations possibles qui auraient pu surgir.
Calmement et avec détermination, il était fondamental d’assister en prenant sur soi le problème de l’autre et en se présentant comme un point de référence sûr, comprendre les motifs de ce qui est arrivé et centrer le problème.
Il était important d’écouter ce que l’autre disait, mais également d’observer objectivement la situation, informer et expliquer avec sensibilité et responsabilité, en exposant avec transparence les solutions possibles.
Souvent l’insatisfaction du passager était influencée par des facteurs externes comme les retards, les transits difficiles, les embarquements désordonnés, avions inconfortables, nettoyages rapides, donc, un style compréhensif et des propositions pouvaient nous aider à la résolution du problème.