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CHAPITRE IV

Table des matières

La philosophie.

— Un artiste vraiment fort a l’indifférence des événements.

— La critique pour un artiste est plus sûre, plus bienfaisante, que la louange.

— Loin de s’irriter contre la critique, l’artiste doit la solliciter.

— Sous le coup d’une critique, l’artiste sérieux s’examine, et de cet examen consciencieux il tire grand profit.

— Tout artiste doit quelque chose à ses défauts; le meilleur moyen de les connaître est la critique, qui en fait souffrir dans l’amour-propre et dans l’intérêt.

— Les ennemis! ça soutient.

— Tout artiste a sa vocation; son talent en est l’appel. Mais, de ce qu’il a obéi à sa vocation, de ce qu’il a réussi à montrer son talent, il ne s’ensuit pas que le monde lui doive le succès, la fortune et les honneurs. La réalisation de son rêve doit être pour lui la vraie récompense.

— Les succès faciles sont pour l’artiste médiocre.

— L’artiste médiocre ne lutte pas; il suit les courants d’opinions et de modes. Généralement, il réussit tout d’abord, puis il échoue constamment, et tombe enfin dans l’oubli.

En vérité, si mon heure est. venue, je n’aurai pas à me plaindre. Depuis cinquante-trois ans, je fais de la, peinture; j’ai donc pu être tout entier à ce que j’aimais le plus au monde; je n’ai jamais souffert de la pauvreté ; j’ai eu de bons parents, d’excellents amis; je n’ai qu’à remercier Dieu.

COROT.

Il faut tout acheter: le plaisir facile n’est pas plus du plaisir que toujours du plaisir; et les ouvrages faciles sont comme les plaisirs faciles; ils font peu d’impression à ceux qui les regardent, et aussi à ceux qui les ont faits.

DELACROIX.

Le dénigrement fait parfois des blessures cruelles à l’amour-propre; il fait aussi rebondir violemment l’artiste et, après un instant de dépit ou de colère, le prépare mieux que toutes les louanges à la lutte de chaque jour. C’est cette lutte, en somme, qui fait vivre, qui stimule, qui agrandit l’esprit et fortifie la pensée; et je ne sais si le créateur d’une œuvre doit espérer laisser traces de son passage ici-bas, lorsque la popularité venue des critiques n’a pas commencé par être aussi grande que la popularité venue des éloges.

CH. GARNIER.

Tout braver avec courage, ne travailler que pour plaire d’abord à sa bonne conscience, puis à peu de monde: voilà le devoir d’un artiste, car l’art n’est pas seulement une profession, c’est aussi un apostolat. Tous ces efforts courageux ont tôt ou tard leur récompense. J’aurai la mienne; après tant de jours ténébreux arrivera la lumière.

INGRES.

Mon tableau aura la fortune qu’il mérite, il sera loué ou blâmé, je ne me préoccupe pas de cela. Je travaille pour ma satisfaction personnelle, sans jamais m’inquiéter du plus ou moins de succès qui m’attend.

J.-P. LAURENS.

Mais vous êtes jeune, vous êtes un artiste, et ceux-là seuls sont dignes de ce nom qui, le cœur brisé et saignant, trouvent dans leur art une consolation, dans leur douleur une épuration, et, le dirai-je? une occasion de grandir.

MEISSONIER.

Je continue à souhaiter seulement ceci: vivre de ma besogne et élever convenablement les miens, puis produire le plus possible de mes impressions; aussi, et en même temps, avoir les sympathies des gens que j’aime bien. Que tout ceci me soit garanti, et je me considérerai comme ayant la bonne part.

J.-F. MILLET.

Raisonnons. J’ai ou je n’ai pas de talent. Dans le premier cas, on peut éreinter mes tableaux tant qu’on voudra. ils sauront bien se défendre, et le public sera juge. Dans le second cas, des éloges immérités ne rendront pas mes ouvrages meilleurs, et personne ne se laissera prendre à ces aimables mensonges.

TH. RIBOT.

Dans les entretiens dé chaque jour, que je me plais à avoir avec mes élèves, je les engage de toutes mes forces à savoir souffrir, à ne pas s’indigner trop vite, à supporter en silence les années dures des commencements et à continuer à travailler le plus possible pour devenir meilleurs, et mériter par la dignité de leur vie et la constance de leurs efforts le rang qu’ils ne peuvent manquer d’atteindre s’ils sont persistants.

ROTY.

Je me soumets d’avance aux critiques. Je veux être critiqué, moi! Si je ne l’avais pas été, je ne me connaîtrais pas. Juste, la critique m’a donné des leçons; injuste, elle m’a donné des forces. Ne suis-je donc plus assez robuste pour me défendre contre elle? Quand je ne le pourrai plus, alors je me cacherai tout à fait.

GERICAULT

PEINTRE

1791-1824.


PRINCIPALES ŒUVRES

Le Radeau de la Méduse;

Officier de la garde impériale chargeant;

Cuirassé blessé quittant le feu;

Un carabinier

(Musée du Louvre).

Que m’importent leurs injures? Et s’ils ont raison, qu’y a-t-il de mieux à faire que de baisser la tête? Quant à moi, je fais de mon mieux. Lorsque je quitte mon atelier pour me reposer, je le fais la conscience pure, comme la plus belle fille du monde qui n’a pu donner que ce qu’elle avait.

HORACE VERNET.

Pendant son séjour à Londres, en compagnie de Géricault, raconte le colonel de La Combe, Charlet, rentrant à l’hôtel à une heure avancée de la nuit, apprend que son ami n’est pas sorti de la journée, et qu’on a lieu de craindre de sa part quelque sinistre projet. Depuis plusieurs jours, il se montrait d’une tristesse navrante. Charlet va droit à la chambre de Géricault, frappe sans obtenir de réponse, frappe de nouveau, et, comme on ne répond pas davantage, enfonce la porte. Il était temps. Un brasier brûlait encore, et Géricault était sans connaissance, étendu sur son lit; quelques secours le rappellent à la vie. Charlet fait retirer tout le monde, et s’assied près de son ami: «Géricault, lui dit-il de l’air le plus sérieux, voilà déjà plusieurs fois que tu veux mourir; si c’est un parti pris, nous ne pouvons t’en empêcher à l’avenir, tu feras donc comme tu voudras, mais au moins laisse-moi te donner un conseil. Je te sais religieux; tu sais bien que, mort, c’est devant Dieu qu’il te faudra paraître et rendre compte; que pourras-tu répondre, malheureux, quand il t’interrogera?... Tu n’as seulement pas dîné...!» Géricault, éclatant de rire à cette saillie, promit solennellement que cette tentative de suicide serait la dernière.

Au Salon de 1851, Corot, qui était déjà âgé de cinquante-cinq ans, constatant que personne ne s’occupait de son envoi, se fit cette réflexion que les hommes sont généralement des moutons de Panurge; il en conclut que s’il s’avisait de se planter devant l’un de ses tableaux si dédaignés, en affectant de paraître le regarder avec beaucoup d’attention, les passants suivraient peut-être son exemple. Il mit aussitôt son idée à exécution. Un jeune couple, qui vaguait irrésolument dans la salle, s’approcha de Corot. L’homme dit, après avoir jeté un rapide coup d’œil: «Cela n’est pas mal, il semble qu’il y a quelque chose là dedans.» Corot était radieux, et se félicitait de son stratagème. La femme s’approcha à son tour et répliqua aigrement: «C’est affreux! allons-nous-en!» Et le couple partit en effet. Corot contait gaiement sa mésaventure, et ajoutait qu’il n’avait pu que se dire à lui-même: «Eh bien! es-tu content d’avoir voulu entendre l’opinion publique? Tant pis pour toi!» Et il riait. Le tableau en question fut acquis longtemps après le Salon pour la somme de sept cents francs, par un amateur audacieux. En 1881, on le vendait douze mille francs.

Corot disait un jour à son ami Dumesnil: «Les architectes ne veulent pas de moi parce qu’on prétend que je mets pas mal d’air dans mes tableaux; et ils craignent que ça fasse des trous dans leurs murailles, ce qui serait malsain.»

En l’accompagnant chez lui, place Pigalle, le soir du banquet de son cinquantenaire de peintre, à l’Hôtel Continental, le 16 janvier 1885, où la jeunesse artistique l’avait bruyamment fêté, et où il avait dû entendre de nombreux discours sur son œuvre et sur sa gloire, un ami intime demandait à Puvis de Chavannes pourquoi il paraissait rêveur et soucieux: «J’ai bien mal dîné,» répondit le maître.

Sur la fin de ses jours, Puvis de Chavannes devint un des artistes les plus décorés de France et de Navarre. Ces distinctions honorifiques lui plaisaient, parce qu’elles étaient pour lui la consécration officielle du triomphe de ses idées; mais il riait le premier de ce qu’il appelait ses faiblesses d’homme du monde; et, en rentrant d’une réception, il entassait les grands cordons d’ordres étrangers, les plaques endiamantées, dans un des tiroirs de sa commode, pêlemêle avec ses chaussettes et ses mouchoirs.

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