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3° Observations sur la Vallée de la Valserine appelée communément «Pays Franc»
ОглавлениеLa zone douanière de l’Ain s’étend actuellement sur tout l’arrondissement de Gex. Or, la vallée comprise entre la rive gauche de la Valserine et la crête du Jura faisait partie du Bugey, réuni à la France en 1601 et soumis, depuis cette époque jusqu’ en 1815, au régime intérieur des autres provinces françaises, tandis que le pays de Gex, bien que réuni à la France en même temps que le Bugey, bénéficia de franchises à diverses époques, ainsi que nous l’avons vu.
Le traité du 20 novembre, en déclarant que la ligne de douanes françaises serait placée à l’ouest du Jura, fixait-il l’établissement de cette ligne à la crête du Jura ou au bas du versant ouest?
Pour M. Debussy, rapporteur de la Commission des douanes à la Chambre des députés en 1905, la partie située entre la crête du Jura et la rivière de la Valserine doit être comprise dans la zone résultant du traité. Comme preuve à l’appui de sa thèse, il cite ce fait qu’une carte de la République de Genève et des zones, dressée en 1816, comprend cette région dans la teinte affectée à la zone de Gex. Cela ne nous paraît pas une preuve convaincante. Peut-on tirer un argument suffisant du dessin d’une carte? Nous-même ne discutons-nous pas la ligne méridionale de neutralité politique de la Savoie, qu’on traçait de Lescheraines à Viviers, alors que nous estimons que le texte des traités l’établit plus au nord, de Lescheraines à Brison-Saint-Innocent? Nous connaissons d’autres cartes plus récentes témoignant que ceux qui les dessinèrent prenaient leurs désirs pour des réalités!
Nous partageons l’avis des auteurs qui affirment que, dans cette petite région, la franchise n’était que tolérance administrative, rien autre, jusqu’au jour où la loi de 1897 l’établit en droit .
Quoi qu’il en soit, un arrêté du Conseil d’Etat, du 6 avril 1819, avait indiqué que l’arrondissement de Gex entier devait rester en dehors de la ligne de douanes. Le règlement de l’administration des douanes, qui suivit cet arrêté, parle lui-même indistinctement du pays de Gex et de l’arrondissement de Gex. Ce qui est certain, c’est qu’étant donnée la difficulté qu’aurait présentée la surveillance le long des crêtes du Jura, l’Administration des douanes considérait cette région comme incorporée dans la zone franche. Une circulaire ministérielle, le 24 avril 1822, vint la replacer dans le territoire assujetti. Une surveillance active s’exerça: des fraudeurs, contestant la légalité des saisies dont ils avaient été l’objet, en appelèrent aux tribunaux qui donnèrent gain de cause à l’Administration des douanes .
Les populations s’émurent. Le Conseil Général de l’Ain protesta contre la suppression de ce qu’il appelait des franchises «légales et légitimes». Il prétendit que les «habitants, s’ils étaient dépouillés de ce droit (!), seraient réduits à la misère». Bref, ces franchises furent rétablies en 1830.
En 1897, elles faillirent être à nouveau supprimées. Le projet de déplacement de la frontière économique était déjà en préparation. Les intérêts menacés s’agitèrent. De vives protestations se firent entendre. La réforme, plus vigoureusement combattue que défendue, fut abandonnée. Par une contradiction bizarre, le privilège fut au contraire consolidé cette même année par un texte formel et précis:
«La partie de la vallée de la Valserine, comprise entre la rive gauche de cette rivière et la crête du Jura, sera assujettie au même régime que le pays de Gex proprement dit, tant que la ligne des douanes ne sera pas reportée à la frontière du pays de Gex» .
Il s’en suit que, née du traité international du 20 novembre 1815, comme le prétendaient les représentants de l’Ain ou d’une tolérance de l’Administration, comme nous l’estimons, la zone de la Valserine est aujourd’hui consacrée par une Loi française et fait corps avec la zone du pays de Gex.