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A. — Tissu musculaire.
ОглавлениеLe tissu cellulaire, mou, blanchâtre, et légèrement transparent, constitue l’enveloppe de nombreux organes.
Le tissu adipeux résulte de l’accumulation de la graisse: il se trouve sous la peau, autour des vaisseaux, du cœur et des reins.
Le tissu musculaire est de deux sortes, tissu musculaire de la vie organique, tissu musculaire de la vie de relation. Le premier, soustrait à l’influence de la volonté, intéresse les organes viscéraux, cœur, intestin, etc., qui sont sous sa dépendance directe. Le second est l’agent de la locomotion et des rapports extérieurs.
Les muscles sont les agents actifs du mouvement: ce sont des organes mous, contractiles, de couleur grise ou rougeâtre.
Ils se contractent d’un tiers environ de leur longueur; c’est en s’allongeant et en se raccourcissant qu’ils font opérer aux os les mouvements nécessaires, soit par leurs propres fibres, soit par les tendons qui leur servent de prolongement.
Tout muscle a une insertion fixe et une insertion mobile. L’animal peut, suivant sa volonté, faire de l’insertion fixe l’insertion mobile, et vice versa. L’ilio-spinal, par exemple, qui va de la base de l’encolure à l’ilium, soulève l’avant-main pendant le cabrer quand son insertion fixe est à la croupe, et l’arrière-main pendant la ruade, quand son insertion fixe est à l’encolure.
Les muscles d’une région agissent sur la région voisine ou inférieure, là où ils ont leur point d’insertion mobile. Ainsi, les muscles de la région du garrot font mouvoir l’épaule, ceux de l’épaule agissent sur le bras, ceux du bras sur l’avant-bras, ceux de l’avant-bras sur la région inférieure de la jambe.
Lorsqu’un muscle est perpendiculaire sur le rayon qu’il fait mouvoir, il agit très brusquement au début de son action, mais sa puissance diminue à mesure que sa direction, d’abord perpendiculaire, devient peu à peu oblique: dans ce cas, le mouvement est brusque, puissant, mais court. Lorsque, au contraire,le muscle est oblique sur le rayon qu’il fait mouvoir, il agit avec peu de force au début de son action, mais sa puissance augmente à mesure que sa direction, oblique d’abord, devient peu à peu perpendiculaire: dans ce cas, le mouvement est lent d’abord, mais très étendu.
Il ne faut pas perdre de vue ce mode d’action musculaire, différent suivant la nature de l’insertion du muscle: il nous expliquera plus loin certains mouvements spéciaux, grâce auxquels le trotteur peut produire des vitesses d’hippodrome, et nous servira de base pour la classification des chevaux en deux types de moteurs très différents.
Le muscle au repos est alcalin; il devient acide, lorsqu’il se contracte et qu’il travaille: il consomme alors tout l’oxygène que lui apporte le sang, et il charge ce dernier de nombreux déchets et surtout d’acide carbonique et d’acide lactique. Pour bien se contracter, le muscle exige donc un apport constant de sang très oxygéné. Si le cœur n’est pas suffisamment puissant, si les poumons ne sont pas suffisamment vastes, si le cheval n’est pas suffisamment en condition, en un mot, si la circulation n’est pas libre et active, le sang revient au muscle insuffisamment pourvu d’oxygène et encore chargé de déchets qui lui font perdre sa contractilité : la fatigue se manifeste bientôt par suite de l’encrassement des muscles, et l’activité locomotrice diminue rapidement; c’est dans ce sens qu’on dit fort justement qu’un cheval galope avec ses poumons. (Goubbaux et Barrier.)
L’échange d’oxygène se fait pendant la détente qui suit la contraction: plus les contractions seront répétées, plus l’animal fatiguera.
La quantité d’oxygène absorbée par le muscle est vingt fois plus forte pendant le travail que pendant le repos et la production d’acide carbonique est centuplée. (Chauveau et Kaufmann.)
Fig. 1. — Principaux muscles du cheval.
Il est extrêmement important de considérer la nature et la quantité de tissu musculaire dont l’animal est chargé, d’établir le rapport de cette quantité avec la masse totale: on trouve dans ces différentes constatations un des éléments les plus certains pour déterminer l’adaptation du cheval.
Chez les animaux de pur sang ou très près du sang, l’appareil musculaire, d’excellente qualité, revêt une forme allongée, souple et dense, qui donne à l’animal un aspect sec, dégagé, et ôte à ces différentes régions l’aspect boursouflé qu’elles présentent chez des animaux d’organisation commune. Un système musculaire de cette nature peut, dans une certaine mesure, être une compensation à des inclinaisons osseuses médiocres, parce que ces mucles sont puissamment contractiles, et qu’ils font mouvoir d’une façon rapide et étendue les rayons osseux jusqu’à l’extrémité de leurs révolutions: ils donnent toujours l’action droite. Au contraire, un système musculaire ou trop abondant ou empâté, comme cela se voit chez les animaux loin du sang, sera incapable de profiter des meilleures inclinaisons osseuses, tout simplement parce que les agents actifs de la locomotion sont impuissants à obtenir de ses agents passifs, les os, une révolution ou des mouvements suffisamment rapides et étendus.
La plupart des chevaux normands sont dans ce cas: ils ont l’action ronde. Cela tient d’abord aux mauvaises inclinaisons osseuses de leur avant-main, ainsi que nous le verrons plus loin; ils pourraient corriger ce défaut dans une certaine mesure, si leur système musculaire était moins chargé ; mais presque tous étant beaucoup trop loin du sang, ont gardé des auteurs de trait, qui ont formé leur race, une musculature épaisse et courte; cette disposition musculaire défectueuse, jointe à la mauvaise direction de leur ossature, leur interdit généralement toute action droite et en avant, tandis que beaucoup de trotteurs américains, qui ne sont pas mieux partagés que les normands sous le rapport des inclinaisons osseuses, ont, grâce à la perfection de leurs muscles, une bien meilleure progression, sans être parfaite toutefois, surtout en ce qui concerne l’engager des postérieurs sous le centre de gravité.
Enfin, j’aurai suffisamment mis en relief toute l’attention qu’on doit porter à la nature du système musculaire, c’est-à-dire à sa qualité, à son agencement ou à son volume, lorsque j’aurai fait remarquer que beaucoup de vainqueurs du Grand Prix de Paris ont les mêmes inclinaisons osseuses qu’un percheron: la nature du tissu seule les différencie!
Si nous nous plaçons exclusivement sous le rapport du volume, ce serait un grand tort de rechercher pour tous les services qui réclament de la vitesse, un tissu musculaire trop abondant: il faut réserver cette disposition aux animaux destinés à travailler en mode de masse avec allures lentes du trot et du pas.
Lorsqu’on veut déterminer un type de vitesse, il faut savoir proportionner les muscles à la masse du suj et et ne pas oublier que le cheval doit être assez léger pour marcher vite, tout en restant assez fort pour porter lourd; il y a là une question de coup d’œil et de jugement qui n’est pas un des moindres mérites de l’homme de cheval.
Dans ce cas, il ne faut pas seulement considérer la puissance des muscles, mais encore leur longueur, car le travail qu’on réclame d’eux n’est pas seulement un travail de force et d’intensité, mais encore un travail de vitesse et d’étendue.
Les chevaux de vitesse doivent être des animaux à longues lignes, c’est-à-dire à longs muscles, leur permettant des mouvements souples et étendus en avant. Or, c’est le rapport entre le diamètre des muscles et leur longueur qui caractérise les animaux à grandes lignes: s’il n’en était pas ainsi, si la longueur absolue des muscles devait être seule considérée, la plupart des percherons auraient plus de lignes que les chevaux de pur sang.
Deux dimensions sont donc à considérer dans l’examen des muscles: leur diamètre et leur longueur. Le diamètre caractérise la force et la longueur caractérise l’étendue. L’aptitude au travail en mode de vitesse dépend donc de l’accroissement des dimensions linéaires en hauteur, ce qui donne la longueur, celles en largeur restant les mêmes. (Samson.)
L’excès d’ampleur, le trop grand développement musculaire n’est donc pas une beauté à rechercher chez les chevaux de selle, de chasse et même de trait léger. C’est là une grande erreur, acceptée cependant par la plupart comme une vérité indiscutable, que de croire qu’il faut un cheval lourd pour porter un gros poids: plus un cheval est léger, plus il peut proportionnellement porter de poids.
Pour mieux faire comprendre ma pensée, je me servirai de la comparaison suivante. Un cheval porte environ le cinquième de son poids total, soit 100 kilos pour un animal de 500 kilos: ce poids doit être ramené au septième pour l’homme qui n’a que deux membres pour porter sa masse, soit donc 10 kilos environ. Eh bien! si vous avez ce poids de 10 kilos à faire porter rapidement, dans un pays inégal, coupé d’obstacles de toute sorte, qui prendrez-vous? un fort de la halle, un lutteur de chez Marseille, ou bien un homme léger, bien découplé, à formes sèches et élancées? Le second type assurément: agissez de même pour le choix d’un cheval, et n’oubliez pas que tout type de vitesse doit être relativement léger.
Chez le moteur de vitesse moyenne ou chez celui de trait, les formes corporelles peuvent être trapues et rondes, au lieu d’être sveltes et allongées: elles doivent même revêtir ce caractère chez les animaux de gros trait dont les muscles doivent être courts et puissants, leur permettant des efforts intenses, mais sans étendue. La puissance de traction de ces moteurs est alors beaucoup plus grande, puisque la force déployée par un muscle est surtout proportionnelle à son diamètre, et non point à sa longueur.
Ceci, toutefois, n’est vrai que d’une manière absolue. En effet, il a été établi par le professeur Welcker, de Halle, que si un type s’agrandit dans ses dimensions linéaires, l’aptitude mécanique ne croît pas proportionnellement à l’agrandissement de ses dimensions. La somme de ses diamètres musculaires augmente comme le carré de cet agrandissement, tandis que la masse totale que le système musculaire doit mettre en mouvement augmente, elle, comme le cube de ce même agrandissement.
C’est là la confirmation scientifique de ce fait pratique bien connu des hommes de cheval, qu’il y a fort peu de très bons chevaux parmi les animaux de grande taille, et que tous les exploits de fond et de résistance ont été accomplis par des chevaux de taille généralement au-dessous de la moyenne.
Lorsque la taille du sujet diminue, il arrive peu à peu à ne plus pouvoir compenser par l’accroissement proportionnel de sa puissance musculaire la brièveté de ses rayons locomoteurs; c’est pourquoi au-dessous d’une certaine taille, la puissance motrice absolue tend à devenir de moins en moins grande.
M. Samson, quia merveilleusement développé cette thèse du cheval relativement léger pour porter lourd en marchant vite, estime que le poids de 500 kilos est le plus favorable économiquement pour la fonction de moteur en mode de grande vitesse. C’est le poids d’un fort pur sang comme Zut, par exemple, qui, étant étalon, pesait 520 kilos. M. Samson pense, avec beaucoup de raison, que les races orientale, asiatique et africaine, ainsi que leurs dérivés, sont seules aptes au travail en grande vitesse, en admettant, bien entendu, que les conditions d’adaptation soient pleinement réalisées: seul, en effet, le cheval de sang peut marcher vite en portant lourd.
MM. Goubbaux et Barrier partagent entièrement l’avis de M. Samson, dont ils citent plusieurs passages, notamment celui qui s’applique aux chevaux normands dont est composé notre grosse cavalerie: «Les grands et lourds chevaux de selle, d’ailleurs si difficiles à produire bons et bien conformés, ne rendent dans la cavalerie militaire que de pitoyables services. Ils doivent être réservés pour les attelages de luxe, où ils n’ont qu’à fournir un faible travail, et où ils ne servent qu’à flatter la vanité des riches.»
On ne saurait mieux dire que les célèbres professeurs de l’Institut agronomique et de l’école d’Alfort, et on ne saurait condamner plus sévèrement le carrossier normand comme cheval d’armes.
A l’appui de cette assertion, il n’est pas inutile de rappeler la façon brillante dont se sont comportés, pendant les campagnes de Crimée et d’Italie, les chasseurs d’Afrique et les hussards montés en petits chevaux algériens; ils se sont montrés, au double point de vue de la vitesse et de la résistance, infiniment supérieurs aux troupes de grosse cavalerie montées en chevaux normands ou anglais.
L’abondance du tissu est un des défauts les plus caractérisés de la race normande. Elle tient cette fâcheuse disposition de ses auteurs, qui étaient des animaux de trait, ainsi que de l’alimentation trop aqueuse à laquelle elle est soumise dans les pâturages de Normandie. Une infusion constante de sang pur et une nourriture tonique pourraient combattre cette tendance, qui est une des causes, malheureusement trop nombreuses, de la mauvaise adaptation du cheval normand au service de la selle.
Les courses au trot n’ont contribué que très lentement à la diminution du tissu chez le trotteur, et cela pour deux raisons: plusieurs familles, celle de Normand particulièrement, n’ont eu que très peu de croisements avec le pur sang; chez certaines autres branches, plus favorisées sous ce rapport, l’éleveur a cru devoir éliminer les sujets faits en chevaux de sang et ne conserver pour la reproduction que les animaux lourds, communs, à formes empâtées, l’administration des Haras ayant toujours manifesté ses préférences exclusives pour ce genre de type.
Cependant, depuis que les courses au trot ont atteint des vitesses excessives, les animaux amples et d’un grand format, comme Cherbourg, tendent à disparaître. Ce fait est regrettable, cette famille étant assurément la plus belle d’Europe au point de vue de l’adaptation carrossière.
Parmi les types les plus remarquables sous le rapport de la légèreté de tissu, on peut citer en première ligne le pur sang, les races orientales et leurs dérivés, les anglo-arabes, les hongrois, les chevaux du midi de la France, beaucoup d’irlandais et de très rares normands près du sang; la grande majorité des chevaux normands, les norfolks, les hanovriens, les mecklembourgeois, etc., etc., sont au contraire très alourdis par l’abondance de leur tissu et ne sont, par cela même, aptes qu’aux services lents ou à la traction.
CONCLUSION. — Les muscles sont les agents actifs du mouvement: un apport constant de sang oxygéné est indispensable à leur bon fonctionnement.
Les muscles produisent des mouvements différents, suivant leur longueur, leur volume et leur insertion.
Volumineux et courts chez les animaux appelés à fournir de la force et peu de vitesse, ils donnent à ce type un aspect trapu et rond; minces et longs chez les animaux appelés à produire beaucoup de vitesse et peu de force, ils donnent à ce type un aspect dégagé et élancé.