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CHAPITRE III.

Table des matières

COMMENT ADALLAH AVAIT ÉTÉ TROUVÉE PAR M. DE SANNOIS.

Le capitaine de vaisseau de Sannois avait été chargé d’un transport de troupes à notre île de la Réunion.

Sa mission était accomplie et son vaisseau avait repris la route de France à travers l’océan Indien.

Il avait atteint le golfe d’Aden, franchi le détroit de Bab-el-Mandeb, et pénétré dans la mer Rouge quand il se trouva en face de Massouah où l’on devait faire station.

Le jour même où le vaisseau entra dans le port, nos marins apprirent qu’une bande de Bogos semblait menacer les environs de la ville.

Le vice-consul français de Massouah confirma cette nouvelle à M. de Sannois en l’avertissant qu’il serait obligé de le requérir avec ses marins si nos nationaux se trouvaient en péril. Pourtant, les craintes ne devaient pas être fondées, les pillards ne se hasardant pas d’ordinaire si près de la côte. L’avis que notre agent donnait au capitaine n’était dicté que par la prudence; il espérait bien ne pas avoir besoin du concours de nos forces.

Les prévisions du vice-consul parurent se justifier. Le bruit se répandit le lendemain que les Bogos avaient disparu. La présence d’un navire français dans les eaux de Massouah avait été connue d’eux et avait suffi, sans doute, pour les mettre en fuite.

Mais, pendant la nuit, M. de Sannois fut réveillé par son lieutenant. Une barque venait d’amener au navire le vice-consul de Massouah. Celui-ci avait une grave communication à faire au capitaine.

— Il s’agit probablement des Bogos, pensa M. de Sannois en se dirigeant en hâte vers l’agent consulaire qu’il trouva sur le pont du vaisseau.

— Regardez, capitaine, regardez! dit vivement le vice-consul en étendant le bras dans la direction nord-ouest de Massouah.

Une lueur rouge montait dans le ciel et formait comme un nuage de sang.

Près du sol, au-dessus d’une masse d’arbres, des flammes brillaient et, par instants, des gerbes d’étincelles s’envolaient, se changeant bientôt en fumée.

— Voyez, capitaine, disait le vice-consul à M. de Sannois qui examinait l’incendie à l’aide de sa lunette, la-bas, il y a des Français que les Bogos ont surpris et dont ils brûlent les habitations. Il faut aller à leur secours. Il n’y a pas un instant à perdre!

Déjà les ordres étaient donnés, et les marins, armés de la carabine rayée et du sabre-baïonnette, s’embarquaient sur les canots qui les conduisaient à terre.

M. de Sannois avait pris le commandement de la troupe.

Au pas de course on traversa Massouah, toute réveillée, toute tremblante, en proie à une panique profonde.

Jamais pillards d’aucune tribu n’avaient eu, jusqu’à cette nuit sinistre, l’audace de s’aventurer aussi près de la ville, et n’avaient agi avec autant de ruse.

Les marins français, conduits par leur capitaine, approchaient de l’endroit incendié.

Des hommes et des femmes de nationalités diverses se réfugiaient dans leurs rangs; ils avaient pu échapper aux bandits, abandonnant leurs demeures, mais là-bas, une propriété importante, la plus éloignée de toutes, brûlait et ses habitants avaient sans doute été massacrés, car ils avaient dû être les premiers surpris par les Bogos. Cette propriété appartenait à un marchand d’ivoire, Josef Theodoros, marié à une Française.

M. de Sannois recueillait ces renseignements et faisait hâter le pas à ses marins.

Bientôt, à travers les arbres, on vit distinctement l’habitation qui flambait! Encore quelques mètres et les marins se trouvèrent devant ses ruines.

Alors derrière un rideau de feu et de fumée on aperçut des êtres noirs, à demi nus, qui, dérangés dans leur œuvre de carnage, s’enfuyaient sans même combattre.

Sur un ordre du capitaine, une décharge générale retentit.

De nombreux hurlements de rage et de douleur prouvèrent que les marins avaient visé juste, puis tout retomba dans le silence.

M. de Sannois, avec ses hommes, s’était jeté sur les traces des fuyards, mais il lui fallut bientôt reconnaître que toute poursuite était impossible.

Les Bogos avaient disparu dans les hautes herbes, où ils se glissaient comme des vipères, et où rien n’indiquait leur passage. Au bout de cette prairie sauvage s’élevaient des montagnes où les bandits trouveraient des refuges assurés et dont l’exploration restait impraticable.

Les bâtiments incendiés, construits surtout avec du bois, ne formaient plus qu’un brasier ardent. Si les malheureux habitants avaient pu s’échapper on les retrouverait dans les environs. Le jour qui commençait à paraître allait faciliter les recherches.

Bientôt le vice-consul fut informé qu’à quelques mètres de l’habitation on venait de découvrir le corps d’un homme, criblé de coups de javelot. C’était le corps de Josef Theodoros, dont les doigts s’étaient raidis, dans la mort, sur la crosse de son revolver.

On trouva encore les cadavres des serviteurs de Theodoros, qui ne devaient pas avoir eu le temps de se défendre. Mais qu’était donc devenue la femme de Josef Theodoros, la malheureuse Angèle Périer, et sa chère fillette, la pauvre petite Adallah?

M. de Sannois s’était dirigé vers un bouquet d’arbres placé sur une hauteur d’où il supposait pouvoir inspecter la campagne et se rendre compte du chemin pris par les bandits.


Tout à coup, pendant qu’il regardait, il lui sembla entendre des murmures plaintifs non loin de lui.

Il fit quelques pas vers l’endroit d’où partaient ces murmures, et alors il distingua ces mots, prononcés par une voix enfantine, mais affaiblie par une bien grosse douleur.

— Maman!... Maman!...

Une petite fille de cinq à six ans au visage bronzé, à moitié habillée, les cheveux épars, se retenait à genoux contre un arbre, les yeux fixés sur l’horizon, du côté où les Bogos s’étaient enfuis.

— Oh! la pauvre enfant! s’écria M. de Sannois.

La petite entendit, et, terrifiée, se serra contre son arbre.

— N’aie pas peur, pauvre petite, dit doucement, très ému, M. de Sannois. Je viens t’aider à chercher ta maman.

A ce mot de «maman» de grosses larmes roulèrent dans les yeux de l’enfant, qui se mit à sangloter, et se laissa emporter par le capitaine.

Cette petite fille, c’était Adallah, maintenant orpheline de père et peut-être de mère, car M. de Sannois avait compris par l’attitude de l’enfant que la mère avait été enlevée par les Bogos. Ceux-ci l’avaient déjà massacrée, ou ils l’emmenaient pour la vendre comme esclave dans l’intérieur de l’Afrique. En tout cas, penser à la retrouver en ce moment eût été folie.

Il ne restait donc qu’à s’occuper du sort de la pauvre petite Adallah.

Le vice-consul ne lui connaissait nul parent au monde. Elle était désormais sans famille. Il faudrait que quelque habitant la recueillît par charité. Tout cela était bien triste.

M. de Sannois réfléchissait.

— Confiez-la-moi, dit-il. Je l’emmènerai en France, et pour famille, je lui donnerai la mienne. Si, le hasard — hasard improbable! — vous fait retrouver la mère, prévenez-moi et je lui rendrai son enfant.

— Hélas! elle ne vous le réclamera jamais, la pauvre femme! répondit le vice-consul en acceptant la généreuse proposition du digne capitaine.

Voilà dans quelles dramatiques circonstances Adallah avait été trouvée par M. de Sannois.


Les parce que de mademoiselle Suzanne

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