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CHAPITRE VII.

Table des matières

PARCE QUE ADALLAH AVAIT AVALÉ DE TRAVERS.

Adallah, les yeux pleins de pleurs, les pommettes rougies, toussait, toussait, toussait.

Tout le monde, à table, regardait la pauvre mignonne avec inquiétude.

Mme de Sannois, à côté d’Adallah, lui disait, fort émue:

— Qu’as-tu donc, chère enfant?

Adallah portait sa petite main à son cou. Enfin elle put dire, un peu confuse comme si elle avait mal fait un devoir:

— J’ai avalé de travers!

— Alors, ce n’est pas bien grave, fit Suzanne en essuyant les yeux de sa petite sœur.

— Mais ça fait bien mal, ajouta Adallah avec conviction, et je voudrais bien ne plus m’étrangler!

— Voilà un vœu facile à réaliser, dit M. de Beaucourt.

— Qu’est-ce qu’il faut faire? demanda vivement Adallah.

— Il faut ne pas parler et ne pas rire quand on est en train d’avaler. C’est bien simple, comme tu vois.

— Pourquoi?

— Ah! interroge Suzanne!

— Pourquoi, Suzanne? dit Adallah en se tournant vers Mlle de Sannois.

— Avant de te répondre laisse-moi adresser une question à bon papa.

— Encore! s’écria en souriant M. de Beaucourt.

— Une toute petite: Adallah s’est servie des deux expressions «avaler de travers» et «s’étrangler». Quelle est la meilleure?

— La première, sans doute. Tu t’en rendras compte toi-même en expliquant à ta jolie petite sauvage l’acte délicat de la déglutition. Le verbe «s’étrangler» signifie réellement serrer son larynx pour empêcher l’air d’y pénétrer. Ce n’est pas le cas où se trouve Adallah.

— Assurément! s’écria cette dernière.

— Bon papa, tu as raison!

Et Suzanne répondit alors à la demande d’Adallah:


— Tu sais déjà que, lorsque tes quenottes ont divisé, séparé mâché un morceau de pain, ce morceau passe de ta bouche dans un tube, que les savants appellent l’œsophage, qui le conduit à ton estomac . C’est l’acte de la digestion.

— Oui, je sais, dit Adallah.

— Mais ce que tu ne sais pas, c’est ceci: au moment où tu avales le morceau de pain, tu crois sans doute qu’il n’a qu’à se diriger vers l’œsophage.

— Dame!

— Eh bien, non. Il se trouve alors en présence de deux tubes; l’un est, en effet, l’œsophage; mais l’autre est la trachée-artère. La trachée-artère est le tube qui conduit aux poumons l’air que tu aspires. Ces deux tubes sont si rapprochés l’un de l’autre que le morceau de pain doit avoir une seconde de cruelle hésitation. Quel chemin prendra-t-il? Dans quel tube va-t-il s’engager? Il est probable que le morceau de pain ne saurait se tirer tout seul de cette indécision. Aussi est-ce le tube où il ne doit pas pénétrer qui se bouche de lui-même dès qu’il l’aperçoit. Ce tube, je te l’ai déjà nommé, c’est...

— La trachée-artère, dit Adallah en répétant très correctement ce nom difficile.

— Très bien, reprit Suzanne satisfaite. La trachée-artère connaît sa mission. Elle est chargée de laisser passer de l’air et non pas du pain. Aussi, comme elle se méfie de l’intelligence du morceau de pain, elle s’empresse de rabattre sur elle un petit couvercle. Ce petit couvercle a été appelé épiglotte. Le morceau de pain, sans initiative, n’a plus qu’à se laisser glisser, et comme il trouve fermée la porte de la trachée-artère, il entre dans l’œsophage qui, lui, est grand ouvert. Comprends-tu?

— Oui, mais cela ne m’explique pas pourquoi je me suis étranglée ou plutôt pourquoi j’ai été prise subitement d’une toux qui m’a fait si mal?

— La réflexion d’Adallah me paraît assez juste, dit avec un sourire Mme de Sannois.

— Maman, répondit Suzanne, je n’ai pas fini mon explication et je touche seulement à la question directe de Mlle Adallah.

— Continue, mon enfant, tout le monde t’écoute avec intérêt.

— Eh bien, voici le petit accident qui est arrivé à Adallah: juste au moment où elle avalait, elle s’est mise à rire.

A cette minute-là le morceau de pain, ayant trouvé le couvercle posé sur la trachée-artère, s’apprêtait à passer dans l’œsophage. Mais voici Adallah partie d’un éclat de rire. Pour rire, on est forcée d’expirer de l’air, et cet air, par où veut-il sortir? par la trachée-artère. Celle-ci, pour lui livrer passage, est obligée de soulever son couvercle...

— L’épiglotte.

— L’épiglotte, comme dit Adallah. Et le morceau de pain, voyant alors la porte ouverte, cherche à passer par là...

— Il est bien curieux, le morceau de pain! murmura naïvement Adallah.

— Et bien bêta, car il n’a pas le droit d’entrer dans la trachée-artère. Aussi à peine a-t-il pu parvenir à s’introduire un peu dans ce tube, que celui-ci se met en colère et chasse, par un violent accès de toux, l’étranger téméraire et importun!

— Ah! j’ai compris, s’écria Adallah toute joyeuse, et désormais je ferai bien attention à ce que ma trachée-artère n’ouvre pas sa porte au moment où j’avalerai. Je veux avaler droit et non plus de travers!


Les parce que de mademoiselle Suzanne

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