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CHAPITRE V.

Table des matières

LE LARYNX ET LA CLARINETTE.

A partir de ce moment, Adallah, secouée par la dure, mais nécessaire leçon que Suzanne de Sannois avait jugé utile de lui infliger, devint très attentive, très apte au travail avec son intelligence facile, très obéissante et très charmante élève.

Elle avait bien encore, de ci de là, quelques révoltes. Nous avons été témoin de l’une d’elles. Mais les soubresauts de son ancienne nature se calmaient vite et les «je ne veux pas» devenaient de plus en plus rares.

Une après-midi, sous le berceau de Meudon qui formait une salle d’étude pleine de gaieté et de parfum, Adallah, qui venait de prendre une leçon de grammaire, fit à Suzanne cette question extraordinaire:

— Pourquoi parle-t-on

Mlle de Sannois, interloquée, pria Adallah de répéter ce qu’elle venait de dire:

— Je t’ai demandé, reprit Adallah, pourquoi l’on parle?

— On parle, dit enfin Suzanne, pour exprimer ce que l’on pense, ce que l’on veut, ce que l’on demande. Si tu as besoin de manger, comment le saurais-je, si tu ne me le dis pas?

— Comme ça! dit Adallah en portant sa menotte à ses lèvres rouges d’un sang vif et en montrant ses jolies dents.

— Par gestes, reprit Suzanne qui avait compris le mouvement d’Adallah.

— Oui.

— Mais les gestes ne peuvent pas tout signifier! comment me désignerais-tu un bifteck aux pommes ou un chaud-froid de volaille?

Adallah chercha et ne trouva pas.

— Tu vois bien que la parole vient nécessairement compléter le geste.

— Oui, mais ce n’est pas tout à fait ce que je te demandais.

— Je ne t’ai donc pas comprise?

— Non, parce que je me suis mal expliquée. Avant de te dire «Pourquoi parle-t-on?» j’aurais dû te dire: «Comment parle-t-on? »

Suzanne de Sannois, malgré tout son savoir, ne concevait pas l’idée de sa sœur.

Celle-ci, venant en aide à Suzanne, reprit:

Tiens! voici qui sera plus facile: d’où vient la voix?

— A la bonne heure! s’écria Suzanne, je comprends maintenant ta question et je vais tacher d’y répondre. La voix vient du larynx.

— Du larynx? demanda Adallah. Qu’est-ce que c’est que ça, le larynx?

— C’est une sorte de petite boîte triangulaire, placée là, à la partie antérieure du cou.

Et Suzanne appuyait sa main sous son menton pour indiquer exactement la place du larynx.

— Une petite boîte? dit Adallah. En quoi est-elle?

— Oh! fit Suzanne en se récriant, bien sûr, elle n’est pas en carton!

— En quoi donc?

— Elle est formée par des cartilages.

— Des cartilages? interrogea la petite Abyssinienne qui, décidément, était ce jour-là avide d’apprendre.

— Les cartilages sont des os mous, faibles, qui se ploient au lieu de casser. Ce sont eux qui composent le larynx.

— Bien.

— Je ne te citerai pas le nom de ces cartilages qui, dérivant de la langue grecque, sont difficiles à retenir et qui, pour le moment, ne présentent pas grande importance; mais il en est un qu’il faut connaître.

— Lequel?

— Celui que tu peux sentir avec tes doigts, en touchant à la partie antérieure de ton cou. Il est peu saillant chez nous, mais chez les hommes, qui ont la voix plus forte, plus grosse que la nôtre, il présente une bosse à laquelle on a donné le nom de...

— Je sais, s’écria Adallah; c’est la pomme d’Adam.

— En effet!

— C’est la pomme qu’Adam a voulu avaler au Paradis terrestre et qui lui est restée dans le gosier, n’est-il pas vrai, petite sœur?

— J’ignore si cela est vrai, dit en souriant Mlle Suzanne de Sannois, mais ce que je sais, pour l’avoir appris avant toi, c’est que les savants appellent ce cartilage: le cartilage thyroïde, d’un mot grec signifiant bouclier.

Du côté droit et du côté gauche du larynx, à l’intérieur, partent deux morceaux de peau membraneuse, deux espèces de langues, qui se dirigent l’une sur l’autre, mais sans s’atteindre; les extrémités de ces langues se rapprochent beaucoup l’une de l’autre, mais elles ont beau faire, elles ne peuvent se rejoindre complètement. De cette façon, il reste entre elles un vide, mais un vide de quelques millimètres seulement.

Ce vide est appelé la glotte, et les langues dont je viens de te parler se nomment les cordes vocales.

Écoute bien maintenant: lorsque l’air veut s’en aller de la poitrine, il ne trouve pour passage que l’espace vide laissé par les extrémités des cordes vocales. Il se précipite dans ce vide et fait remuer, fait vibrer les extrémités des cordes vocales; c’est cette vibration qui produit la voix. As-tu compris?

Il faut l’avouer, Mlle Adallah n’avait pas l’air d’avoir compris grand’chose à l’explication de Suzanne.

Elle garda quelque temps le silence, réfléchissant; puis elle dit:

— Par où vient-il donc, l’air qui veut s’échapper de la glotte?

— Il arrive par un tuyau cartilagineux, nommé la trachée-artère, tuyau qui communique avec les poumons où se trouve l’air.

— Et pourquoi se trouve-t-il dans les poumons, l’air?

— Oh! fit Suzanne, voilà une question qui nous entraînerait fort loin de notre sujet. Je t’y répondrai quand, un jour ou l’autre, tu me demanderas pourquoi on respire.

— Alors, reprit Adallah sans se déconcerter, explique-moi maintenant pourquoi l’air, en faisant vibrer les cordes vocales, produit la voix?

Ce fut au tour de Suzanne de paraître hésitante.

— Je crois avoir employé trop tôt ce mot: voix. J’aurais dû dire que la vibration des cordes vocales produit seulement les sons, car j’oubliais les lèvres et la langue, qui se chargent, par leurs mouvements divers, d’articuler ces sons, de les rendre intelligibles et d’en faire ce que nous appelons la voix.

— Soit, dit Adallah, cela ne m’empêchera pas de te demander comment la vibration des cordes vocales produit les sons. Le larynx est donc un instrument de musique?

— Justement! s’écria Suzanne, enchantée de la comparaison qu’Adallah lui offrait d’elle-même. C’est un instrument de musique. Le son ne se produit pas seulement dans le larynx, tout ce qu’on fait vibrer donne un son; si tu pinces les cordes d’un violon, si tu frappes une cloche de verre, tu obtiens un son, et si tu fais vibrer tes cordes vocales au moyen de l’air que tu expires, tu produis également des sons; de même encore, si tu souffles dans un mirliton ou dans une flûte, tu mets en vibration la baudruche de l’un et le bois de l’autre. Tiens, écoule!


A ce moment, un mendiant s’approchait de la grille, soufflant dans un instrument d’où il tirait des sons plus ou moins mélodieux.

— Connais-tu l’instrument dont joue ce pauvre homme? demanda Suzanne.

— Oui, dit Adallah, c’est une clarinette.

— Eh bien, cet instrument peut te donner une idée de ton larynx. Il est muni de deux lames placées en face l’une de l’autre comme tes cordes vocales. L’air chassé de la poitrine les fait vibrer et, alors, on entend un son qui serait uniforme si les lèvres et la langue du musicien, en se pinçant, en s’ouvrant et se remuant, ne lui donnaient une diversité voulue, de même que tes lèvres et ta langue transforment en voix le son produit par tes cordes vocales. As-tu compris maintenant?

— Oui, j’ai compris, dit Adallah. Puis elle ajouta en souriant: C’est égal, je ne m’attendais pas à apprendre aujourd’hui que j’avais une clarinette dans la poitrine!


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