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L'Europe recevait pareillement des leçons de nos artistes. Car l'éveil de notre génie ne se manifestait pas moins vivement par les œuvres d'art que par la poésie. C'est chez nous, vers 1150, que la Renaissance de l'architecture apparaît: l'Ile-de-France, le Vexin, le Valois, le Beauvaisis, une partie de la Champagne, tout le bassin de l'Oise, en un mot le premier domaine de la dynastie capétienne, sont le berceau certain de l'art ogival. C'est dans les cathédrales de Noyon, de Laon, de Senlis, de Reims, de Châlons, que la transition du style roman au style gothique se fait apercevoir. De l'Ile-de-France, de la Picardie et des pays voisins sortent les grands architectes de l'école nouvelle. Aucune influence italienne ou allemande n'entre dans cette rénovation, qui fut pendant cent ans le caractère exclusif de notre architecture. Les premiers maîtres gothiques de l'Angleterre et de l'Allemagne sont des Français. Le Poitou, l'Auvergne continuent de bâtir en roman jusqu'à la fin du XIIe siècle, la Provence et le Languedoc jusqu'au XIVe. Les pays de langue d'oïl virent l'architecture religieuse passer d'un mouvement presque insensible, et par un progrès très-logique, des austères églises romanes, encore toutes pénétrées des ténèbres et des épouvantes de l'an mil, aux cathédrales gothiques ruisselantes de lumière, de plus en plus aériennes, remplies d'âme et sonores comme un instrument de céleste musique. Ainsi, dans le même temps, la poésie passait de la grave Chanson de Geste, toute pleine d'images de deuil, au féerique poëme chevaleresque, et le même enthousiasme populaire, la même allégresse des cœurs soulevait dans l'azur ces grands vaisseaux de pierre. Ouvrages d'ailleurs plus laïques encore que mystiques, élevés par la piété des foules et l'orgueil des Communes, avec l'or des bourgeois, et non plus, comme à l'époque romane, sous l'œil sévère de l'Église et l'inspiration directe des religieux, mais par la libre fantaisie des maîtres maçons, désormais unis en corporations puissantes.

Sous les portails de ces églises se range tout un monde de statues, madones à l'Enfant, triomphe de la Vierge, personnages bibliques, scènes paradisiaques, évêques et chevaliers. A Chartres, à Reims, à Amiens, la délicatesse du sentiment religieux se révèle par une sculpture très-fine à laquelle il ne manque peut-être qu'une notion de l'art antique pour toucher à la perfection. Quel progrès sur les lourdes figures de l'âge du roman! «Au XIIIe siècle, écrit M. Renan[22], les représentations de la Vierge atteignent une grâce idéale et presque raphaëlesque. Cette espèce d'ivresse de la beauté féminine qui, s'inspirant surtout du Cantique des cantiques, se trahit dans les hymnes du temps, s'exprimait aussi par la peinture et la sculpture; il y a telles de ces statues de la Vierge qui seraient dignes de Nicolas de Pise par leur charme, leur harmonie, leur suavité.» Le rayonnement de maternité grave et naïve qui séduit en Raphaël s'exhale souvent de nos madones gothiques. On entrevoit enfin, à plus d'un indice, l'effort sincère essayé par les artistes de cette période pour étudier la nature sur le nu, en dépit du préjugé religieux qui condamnait cette pratique.

La peinture, qui a plus souffert que la statuaire des injures du temps, nous est connue surtout par les miniatures, les enluminures et les vitraux. Là encore, nous sommes les maîtres, par la fécondité de l'invention, l'esprit de la composition, la douceur du coloris, la chasteté charmante des personnages. L'Europe nous enviait cet art brillant: Dante a vanté l'enluminure parisienne. La peinture sur verre ne le cédait point aux arts voisins: fondée sur les notes dominantes du bleu et du rouge, harmonieuse et ferme de dessin, grâce au morcellement des fragments, sagement subordonnée à l'architecture, aux motifs de laquelle elle s'accommode, la verrière du XIIIe siècle achève, par la magnificence des couleurs où rit la lumière, la majesté de la cathédrale.

Les origines de la Renaissance en Italie

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