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III

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L'Italie n'a donc point souffert du mal intellectuel que les excès de la dialectique firent à l'esprit français. Quand le danger fut passé, dès la première heure de la Renaissance, elle jugea avec quelque ironie cette éducation despotique qui entravait si étroitement chez nous l'exercice de la raison. Pétrarque n'a point ménagé la scolastique. Il la dénonce partout où il la rencontre, dans «la ville disputeuse de Paris», contentiosa Parisios, et les bavardes argumentations de notre montagne latine[62], dans les écoles pseudo-aristotéliques de l'averroïsme italien, le charlatanisme des médecins, les pompes ridicules des examens universitaires[63]. Il affirme qu'Aristote n'est pas la source de toute science[64] et qu'aucune autorité n'est supérieure à la raison[65]. Enfin, il répète que l'œuvre de l'éducation est d'apprendre non pas à disputer, mais à penser. «Cura ut fias non ventosus disputator, sed realis artifex», écrit-il à un jeune homme[66]. Il accepte la dialectique comme une armure utile, une gymnastique de l'esprit. «Mais si on a raison de passer par là, on aurait tort de s'y arrêter. Il n'y a que le voyageur insensé auquel l'agrément de la route fait oublier le but qu'il s'était fixé[67].» Il revient enfin, au nom même d'Aristote, dont il a pénétré, dit-il, l'esprit véritable, à cette pensée familière aux sages antiques, que la science vaut surtout par le progrès intérieur de l'âme du savant, et qu'il faut étudier seulement pour devenir meilleur[68].

Un demi-siècle s'était à peine écoulé depuis la mort de ce Pétrarque que l'on a justement surnommé «le premier homme moderne»[69]; les humanistes, dont il avait si ardemment encouragé l'effort, regardèrent derrière eux et l'aperçurent dans un lointain extraordinaire; oublieux de tout ce qu'ils lui devaient, ils le raillèrent, et avec lui Dante et Boccace, ces fondateurs de la Renaissance, en qui l'on ne voyait plus que les hommes des temps gothiques; tant le génie italien, dans son libre élan vers la science, se montrait impatient de toute tradition. Un roman curieux de cette époque, le Paradis des Alberti[70], par Cino da Rinuccini, nous révèle le préjugé dédaigneux des lettrés qui se rient du Trivium et du Quadrivium, méprisent chacun des Sept Arts, la logique aussi bien que la musique et l'astrologie, ne s'intéressent qu'aux histoires de l'âge de Ninus, vénèrent Varron comme le plus grand des théologiens, et croient aux dieux païens plus dévotement qu'au Sauveur. Quant aux vieux poëtes de l'Italie, aux écrivains de langue vulgaire, qu'ont-ils laissé, selon le jugement des nouveaux docteurs? Des contes de nourrices. Certes, Pétrarque avait bien de l'esprit et l'âme très-libérale, mais il était jaloux de sa propre gloire, et se fût affligé d'être ainsi relégué parmi les scolastiques, lui qui aima si peu la scolastique et tenta d'en effacer la trace assez légère de l'éducation de ses contemporains.

Les origines de la Renaissance en Italie

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