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Chronique des Arts et de la Curiosité. 3 octobre 1869.

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Il n’est plus possible d’en douter: la collection des dessins de princes de la maison royale de France est perdue pour le public! Depuis plus de dix ans qu’un écrivain réclame la communication de ces documents pour achever un travail; depuis plus d’un mois que la presse, saisie de l’affaire, cherche à savoir où se trouvent ces dessins, l’administration du Louvre se refuse. à dire ce qu’ils sont devenus! Cette façon d’agir ne nous étonne point; elle est conforme aux procédés habituels des officiers de la liste civile. Dépendant directement du souverain, volontiers ils s’imaginent qu’ils n’ont aucun compte à rendre au pays. Dans leur manière de voir, les œuvres du Louvre sont communiquées au public, non pas en raison d’un droit incontestable, mais par l’effet d’une grâce toujours révocable; suivant eux, le Louvre n’est qu’un vaste et riche garde-meuble dans lequel la couronne peut, à sa convenance, prendre la Joconde de Léonard, la Mise au tombeau du Titien, la Sainte Famille de Murillo, pour placer ces chefs-d’œuvre dans une salle de bains, dans un cabinet de toilette, dans un oratoire ou dans un club privilégié. Comment s’étonner qu’une administration, admettant et défendant de tels principes, ne retrouve plus des dessins qui ont pu orner un album impérial, parer une table des Tuileries et être offerts inopinément à des princes étrangers?

Longtemps on a pu considérer nos craintes comme exagérées, lorsque nous combattions pour empêcher le Louvre de dépouiller nos bibliothèques et de s’emparer du musée Campana. Aujourd’hui les faits nous donnent raison. Il n’est plus permis de croire que les musées de la liste civile, sur lesquels pèse un droit d’usufruit, offrent au public les mêmes garanties que les musées de l’État, où personne ne peut disputer aux travailleurs la jouissance des objets qui y sont conservés. Mieux que toute dissertation, la disparition de ces dessins fait sentir la nécessité de confier à des administrations absolument séparées la gestion des musées nationaux destinés à l’enseignement-public et celle des tableaux, sculptures et objets d’art affectés à la décoration des palais. Enfin nous tirerons de cet événement une dernière conséquence obligée. Depuis un temps considérable, les dessins actuellement perdus faisaient partie de la Bibliothèque nationale, d’où ils ne pouvaient sortir que par une loi, lorsque le 15 février 1852 un décret vint les en retirer, avec bien d’autres œuvres merveilleuses, pour les placer dans le Musée des souverains. En faisant ainsi, par un simple décret, passer ces œuvres du domaine public dans le domaine de la liste civile, on ne peut nier aujourd’hui qu’on n’ait porté une grave atteinte à la propriété nationale. Après la perte regrettable de ces dessins, personne n’osera prétendre qu’il est indifférent que des œuvres précieuses soient conservées dans les collections du Louvre, concédées en usufruit à la couronne, ou dans les collections appartenant complétement, entièrement, sans restriction aucune, à l’État. A cet égard, il ne peut plus y avoir de doute. C’est pourquoi nous demandons que tous les objets d’art, enlevés indûment et arbitrairement à nos dépôts publics, pour être annexés aux collections de la liste civile, soient recherchés et réintégrés dans les collections nationales. Cette conclusion ne sera certainement pas du goût de l’administration du Louvre. Aussi n’est-ce point à elle que nous adressons notre requête, mais à la Chambre des députés, protectrice du domaine public.

Études critiques sur l'administration des beaux-arts en France de 1860 à 1870

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