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«Mon ami, ce que tu dis là est beaucoup bête: le faux, c'est tout; le vrai, c'est l'amour.»

Cette citation avait décelé à Pauline l'âme de Jacques.

A compter du jour où cette confidence involontaire d'un homme contenu et sévère dans ses allures, était devenue la proie de l'ardente jeune fille, elle en avait fait son talisman.

Elle l'avait cachée dans un livre à elle; elle la relisait souvent.

Et, si quelque recherche exquise de sa part pour le bien des enfants confiés à sa tutelle était payée d'un regard affectueux, ou d'un serrement de main par son hôte, elle avait envie de lui répondre:

—Si je chéris vos enfants, c'est que le vrai... c'est l'amour!

Comme elle y songeait, elle ouvrit le livre où la brûlante maxime était serrée, voulant y chercher un contre-poison à la haine que Mme de Guermanton lui avait marquée le soir même et elle ne l'y trouva plus.

Elle frémit, étonnée, chercha feuille à feuille, regarda à terre...

Le petit papier avait disparu. Plus de doute; une main indiscrète l'avait trouvé et repris!... La main de Jeanne, peut-être?

Ce petit fait pouvait expliquer bien des choses.

La nuit de Pauline fut fiévreuse, et le peu de sommeil qu'elle goûta fut pire que l'insomnie.

Quoi qu'il en fût, son premier soin, en se retrouvant avec ses hôtes, le lendemain, fut d'être comme à l'ordinaire, tout en cherchant dans leurs physionomies les traces d'une émotion qu'ils n'avaient pu manquer de mettre en commun, d'une discussion qui s'en était suivie peut-être, d'une lutte quelconque dans laquelle la femme ou le mari avait triomphé.

Rien de visible; et il ne fut d'abord question de rien.

Mais Pauline, après s'être contenue devant les enfants, rechercha un tête-à-tête avec leur mère et elle lui dit résolument:

—Madame, vous m'avez témoigné hier que nous devions nous séparer; la séparation aura donc lieu, mais daignez m'en indiquer l'époque, car ma carrière ne fait que commencer, à en juger par le peu de temps que je l'ai fournie et par l'état de ma fortune, je dois, n'est-ce pas me pourvoir? Combien de temps me laisserez-vous pour cela?

—Mais... le temps indispensable, répondit Mme de Guermanton d'un ton glacé. Et même, ajouta-t-elle pour tempérer la dureté de cette réponse, vous n'échangerez, si vous m'en croyez, votre position actuelle contre une position analogue qui si vous repoussez mes conseils et notre appui dans la recherche d'une condition meilleure!

—Mais quelle condition meilleure pourrais-je obtenir? s'écria Pauline, impatientée de cet implacable sang-froid.

—Toutes seront meilleures pour une femme de votre caractère, dit Jeanne, que la vie d'institutrice en face du bonheur des autres, lorsque vous n'êtes pas appelée à le partager.

—Je n'ai rien fait pour troubler le vôtre, dit Pauline avec une conviction sincère.

—Et l'eussiez-vous tenté, ajouta ironiquement la femme de Jacques, vous n'auriez pu y réussir! Mais pourquoi une situation fausse et pleine de dangers? Une femme bien née, jeune et jolie comme vous l'êtes, ne saurait trouver éternellement son bonheur à soigner les enfants d'autrui. Les mères, toujours très jalouses de leur influence sur leurs enfants, ne la voient pas volontiers partagée par une autre personne. Il n'y a, tout compte fait, qu'un système rationnel, mettre ses garçons au lycée et ses filles au couvent. Mariez-vous, ma chère, et ayez aussi des enfants; vous comprendrez alors tout cela!

Un sourire mélancolique crispa les lèvres de Pauline, quand elle répondit à Mme de Guermanton:

—Il ne me manque qu'une toute petite chose pour fonder une dynastie, c'est le royaume!

—Qui sait? répliqua énigmatiquement la châtelaine. Tout arrive.

Barbe-bleue

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