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IV

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La comtesse sortait rarement, ne voyait personne exceplé ma tante. Ma veille tante fut d’abord un peu étonnée de mon empressement, car je l’avais jusqu’alors fort négligée. Comme toutes les personnes âgées, elle aimait à causer: J’appris d’elle la douleur de madame de D*** à la mort de mon frère, douleur assez violente pour avoir mis en péril sa vie et sa raison. La femme de l’amiral me portait un vif intérêt sans me connaître, et m’avait secrètement appuyé de son crédit pendant ma campagne. Depuis la fin tragique de celui qu’elle avait aimé, elle ne faisait plus mystère de son aversion pour son mari et passait sa vie, seule, à son piano.

Tous mes efforts pour la rencontrer au théâtre ou chez ma tante furent vains. Un seul jour je l’aperçus à sa fenêtre sur le cours d’Ajot: quand nos regards se rencontrèrent, elle sembla frappée de la même stupeur qu’à notre première entrevue; elle quitta lentement la croisée tenant toujours dirigés sur moi ces mêmes yeux fixes qui m’avaient si singulièrement bouleversé.

Par une belle nuit tiède, nuit d’été, assis sous les fenêtres de sa chambre éclairée, je rêvais aux moyens de la revoir et de lui parler; la lune fliltrait ses rayons blancs à travers le dôme élevé du feuillage des vieux arbres; les feux des navires étincelaient sur la rade, la dryade de marbre blanc, au bout de la longue allée, ressemblait à un grand fantôme. Les promeneurs avaient regagné leur logis à cette heure avancée. Où trouvait-elle ces mélodies, si tristes, que le piano semblait gémir et sangloter sous ses doigts.

Puis le piano se tut, il régnait sur la promenade un profond silence.

Poussé sans doute par un méchant esprit de l’air, je chantai à demi-voix cette ballade de nos mères dans laquelle un chevalier, mort en Palestine, vient arracher au festin de noce son infidèle fiancée.

Une forme blanche apparut au balcon; et quand j’achevai par ces mots:

Craignez, craignez, ô jeunes filles,

Craignez de trahir un serment.

La forme blanche disparut, et je l’entendis s’affaisser sur le plancher.

Le lendemain ma tante m’apprit le départ de la comtesse pour les bains de mer de ***. L’amiral l’accompagnait. Il ne me connaissait pas. Je fis aussitôt route pour les rejoindre.

Contre vent et marée

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