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CHAPITRE III.

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Table des matières

Château moderne. — Anecdote.

LE château de Thouars est bâti sur un banc de granit connu des savans sous le nom de Gneiss. Ce roc, dur, noirâtre et compact, a plus de trente mètres d’élévation; à partir du pavé de la Basse-Rue qui conduit au Pont-Neuf, jusqu’au rez-de-chaussée du bâtiment; il est sec et aride; on n’y voit guères d’autres plantes que l’ortie romaine, (ortica pilulifera), et le concombre sauvage, (momordica elaterium).

Ce château fut bâti en 1635, par Marie de la Tour-d’Auvergne, épouse de Henri de la Trémouille, duc de Thouars . M. Drouyneau de Brie, dans ses Mémoires historiques manuscrits, prétend qu’une jalousie conçue par Marie de la Tour, contre le cardinal de Richelieu, hâta la construction de ce superbe édifice. Voici comment l’auteur s’exprime à ce sujet:

«Le cardinal de Richelieu, qui n’était pas

» encore premier ministre, mais qui n’était

» guères moins puissant que s’il l’eût déjà été,

» eut envie d’avoir une terre titrée, et visait à

» celle de Thouars, se flattant de pouvoir l’ache-;

» ter mais il ne s’en était encore ouvert à per-

«sonne, parce qu’ayant de grandes idées d’em-

» bellissement, il était bien aise de savoir si le

» lieu y était propre. Ayant envoyé des gens pour

» l’examiner et lui en apporter le plan, ils furent

» pris sur le fait et menés à la duchesse. Marie

» de la Tour, femme d’esprit, mais de la dernière

» hauteur, ayant appris le sujet de leur voyage,

» fut vivement piquée contre le cardinal, dans

» le procédéduquel elle crut entrevoir du mépris.

» C’est pourquoi, dans la vue de se venger, elle

» fit jeter les fondemens du château dans l’en-

» droit même qui avait été marqué par les

» émissaires du cardinal. Elle n’en fit d’abord

» achever qu’un pavillon; depuis elle le fit

» reprendre et le fit perfectionner autant qu’elle

» le put de son vivant»

Je ne prétends point attester ici la vérité de cette anecdote, mais je ne puis m’empêcher d’observer que si le cardinal, qui disposait alors de tous les trésors de la monarchie, avait acheté la terre de Thouars, il est à croire que cette ville serait aujourd’hui la seconde cité du Poitou. Sa rivière, devenue navigable, l’eût rendue l’entrepôt de tout le commerce que fait aujourd’hui Saumur; de beaux établissemens, des grandes routes, de riches manufactures, et la moitié des sommes dépensées presqu’inutilement à Richelieu, auraient doublé sa population et augmenté son importance. Quoiqu’il en soit, Thouars n’a qu’à se louer de ses seigneurs qui, sans avoir jamais joui d’une grande faveur à la cour, n’ont pas laissé d’aider de leur crédit et même de leur argent, la ville et les habitans toutes les fois qu’ils l’ont pu faire.

Marie de la Tour, en construisant son château, paraît avoir suivi le plan que Philibert de Lorme avait donné à Cathérine de Médecis pour bàtir le palais des Tuileries.

Ce château est composé d’un gros corps de logis surmonté d’un dôme et de quatre pavillons, le tout sur une même ligne de cent vingt mètres de longueur et de vingt-sept mètres de largeur. Le Thoué décrit un arc autour des terrasses du château, et l’enveloppe à l’orient, au midi et à l’occident. Les terrasses forment quatre jardins en amphithéâtre, placés, en quelque manière, les uns sur les autres. La plus élevée forme le parterre composé de terres rapportées sur un roc qui avait dans l’origine la forme d’un cône tronqué . Ce seul travail ne pourrait s’effectuer aujourd’hui à moins d’une dépense de deux cent cinquante mille francs.

Chaque terrasse est revêtue de murs en talus, et garnie d’un escalier de plus de vingt-cinq mètres de hauteur, et de douze mètres de largeur. Les angles saillans sont flanqués de guérites en cul-de-lampe, qui étaient autrefois très-décorées dans l’intérieur. L’extrémité du parterre est pavée et voûtée en-dessous; sous cette voûte est une serre qui contenait, avant la révolution, plus de deux cents pieds de grands orangers. C’était, sans aucune exception, la plus belle orangerie de toute la Franee.

La façade du château est à l’occident. Elle est masquée par une cour carrée à portiques voûtés sur les deux aîles et à balustrades par-dessus. Sur le haut de ces portiques règne une galerie découverte, où l’on se promène; quelques architectes trouvent qu’elle est trop étroite. L’escalier qui conduit aux appartemens du premier étage, est couvert d’un donjon à balustrades qui forme une coupole en-dedans; lesappuiset les rampes sont de marbre jaspé. Cet escalier est très-bien éclairé ; il a beaucoup de rapport à celui du palais des Tuileries. Les appartemens, qui sont en grand nombre, sont très-vastes et très-bien distribués. Avant la révolution, on voyait dans les meubles quelques restes de magnificence; mais très-peu de dorures, de peintures, et point de statues. On peut dire qu’il tirait son ornement d’une majestueuse simplicité.

Les offices sont sous le rez-de-chaussée, taillées dans le roc où l’on a creusé deux puits qui ne manquent jamais d’eau. Elles sont très-vastes et trés-bien éclairées.

Au nord du château est une chapelle fort grande et fort belle, qui offre une assez rare singularité. Quatre églises se trouvent perpendiculairement les unes sur les autres. La plus basse est une chapelle taillée dans le granit qui servait à la sépulture des ducs de Thouars. On y voyait, en 1793, leurs cercueils en plomb rangés sur des tables. Ces illustres personnages s’étaient flattés sans doute d’avoir acquis, à force de soins et de dépenses, une sépulture magnifique, et d’avoir assuré à leurs os un repos honorable, mais rien n’est stable devant les passions humaines, et la cupidité peut être excitée à la vue même d’un cercueil. Le 4 mai 1793, des forcenés, la plupart étrangers à la ville, sous le prétexte de faire des balles pour se défendre de l’armée vendéenne, portèrent une main profane sur ces cendres respectables, les jetèrent au vent et s’emparèrent des cercueils. Ivres de fureur et d’orgueil, ces fanatiques zélateurs de l’égalité, à défaut de têtes illustres à abattre, allaient, jusques dans la poussière des tombeaux, chercher des grandeurs imaginaires à fouler aux pieds. Une partie du plomb fut vendu à des hommes avides qui le payèrent un sol la livre. Je ne dois pas oublier que de l’un de ces monumens funèbres, il sortit une vapeur si forte et si fétide, que deux de ces lâches profanateurs, tombèrent par terre comme asphyxiés, et qu’il fallut les emporter à l’hôpital privés de sentiment. Les cendres des duchesses Barbautine de Nassau et Marie de la Tour, qui, en qualité de protestantes, n’avaient point été mises dans cette chapelle, échappèrent aux profanations de ces sacriléges violateurs de tombeaux, ainsi que nous le rapporterons ailleurs.

La seconde chapelle formait l’église paroissiale de Notre-Dame-du-Château, dont le dernier curé a été l’infortuné et vertueux Nauleau, massacré en 1792 dans une sédition populaire à Thouars.

La troisième était appelée chapelle de la Vraie-Croix. On y conservait sur un autel, incrusté dans un crucifix de vermeil enrichi de pierres brillantes et de prix, un morceau de la vraie croix que le cardinal de la Trémouille avait apporté de Rome en 1506, et dont il avait fait présent à l’église du château. Ce morceau précieux a été dérobé en 1793, le même jour que les tombeaux des ducs furent violés; on n’a jamais pu savoir depuis ce qu’il est devenu. On s’était flatté, pendant long-temps, que quelque personne pieuse avait soustrait cette relique vénérable au vandalisme révolutionnaire; on craint aujourd’hui, que l’on n’en découvre aucune trace, qu’elle n’ait été la proie de quelque profanateur impie ou de quelque voleur sacrilége.

La quatrième église est la plus vaste et la plus belle. C’est la chapelle ducale érigée depuis en chapitre. Elle est bâtie dans un genre gothique moderne, très-régulière, et très-bien éclairée. La principale porte, qui est d’une sculpture hardie et délicate, était autrefois ornée de figures en relief d’un assez bon goût et d’une ciselure parfaite. Le vandalisme de 1793 a singulièrement défiguré ce monument.

Ce château, l’un des plus beaux qui existent dans toute l’Europe, a coûté à Marie de la Tour, d’après les comptes et mémoires qui sont restés aux archives, douze cent vingt mille livres, valeur du dix-septième siècle. Tous les remblais, les transports et une partie de la main-d’œuvre ont été faits par des corvées gratuites. Le parc Chalon, situé à sept kilomètres de Thouars, a fourni tout le bois de construction. Tous les matériaux, les pierres de taille, les tufs étaient à vil prix. Des fours construits par Marie de la Tour, lui fournirent la chaux, la tuile, la brique et les carreaux de toute espèce. Les principaux ouvriers ne recevaient, par jour, que six sous ou un boisseau de méteil du poids de dix-sept livres. On estime aujourd’hui qu’une somme de douze millions, valeur actuelle, ne suffirait pas pour faire un pareil ouvrage. Charles Belgique, petit-fils de Marie de la Tour, a souvent déploré les tristes suites de l’orgueil de son aïeule, et a regretté plus d’une fois les sommes énormes employées à la construction d’un palais, qui depuis l’abolition par degrés de la féodalité réelle, n’était plus pour la famille ducale qu’une maison de campagne et de plaisance.

Ce beau château n’a pas eu deux siècles d’existence. La faulx du temps l’eût épargné très-long-temps; le sceptre de plomb de l’anarchie, sans l’abattre entièrement, lui a fait de tous côtés des brèches presqu’irréparables. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un cadavre qui conserve encore de nobles proportions, mais qui a perdu sa fraîcheur, son éclat, sa beauté et sa couleur de vie. Nous raconterons ailleurs comment ont eu lieu successivement ces dégradations moins dues encore à la cupidité et au vandalisme, qu’à l’esprit philosophique qui ne veut plus de châteaux, et qui cherche encore, même aujourd’ hui, à promener, sinon sur toutes les têtes, du moins sur tous les édifices, le niveau anarchique de l’égalité.

En 1815, l’un des agens du gouvernement des cent jours, sous le prétexte de défendre la ville contre les Vendéens, a, par des fortifications intempestives, achevé la dégradation de ce beau monument; on estime qu’une somme de trente mille écus ne pourrait réparer les ruines qu’il a faites. L’Hôtel-de-Ville a été obligé d’augmenter le produits des octrois pour payer ces dépenses inutiles.

On conservait au château les titres de la duché-pairie , et ceux de dix-sept cents gentilshommes vassaux des ducs de Thouars. Ses principaux fiefs étaient:

Airvault.

Apremont.

Argenton-Château.

Beauvoir-sur-Mer.

Belleville-en-Thouarçais.

Bressuire.

Bournezeaux.

Le Brandois de la Maurière

Chantonnay.

Château-Mur.

Château-neuf-en-Gâtine.

La Chaise-le-Vicomte.

Chavannes

Commequiers.

Chalans.

Les Essarts.

La Forêt-sur-Sèvre.

La Garnache.

Saint-Gervais.

Saint-Gilles-sur-Vie.

La Grise.

Saint-Hermine.

La Jarrie.

La Merlatière.

La Ralière.

Saint-Jouin.

La Fougereuse et Breuil-

Baret.

Mareuil.

Moncoutant.

Montaigu.

Mortagne.

Les Mothes-Boëmé.

La Chapelle-St.-Laurent.

Mouchant.

Oiron.

Palluau.

Le Parc.

Pouzauge.

Noirmoutier ( Isle de ).

Le Puy-Béliard.

Tiffauge.

Vigournay, etc. etc.

Quelques-uns de ces titres ont été perdus dans le cours de la révolution, mais la majeure partie a été conservée dans le trésor.

Histoire de la ville de Thouars, depuis l'an 759 jusqu'en 1815

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