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CHAPITRE II

Table des matières

LA CONQUÊTE ROMAINE.

Du 1er au ve siècle, Rome, ayant conquis la Gaule, l’administre, la discipline, lui inculque ses mœurs, l’instruit dans ses lettres et la couvre de monuments.

Jamais transformation ne fut plus rapide. Dans la verdure de ces régions, vouées jusqu’ici aux forêts, monte de toutes parts, comme par enchantement, la blancheur des nouvelles bâtisses. Les villes groupant leurs spacieuses maisons construites à la mode italienne, s’enceignent de murs en belles pierres équarries, flanqués de tours, percés de larges portes cintrées, crénelés et sillonnés de chemins de rondes. Des temples haussent leur fronton triangulaire sur leur rangée de colonnes. Dans les plaines, de somptueuses villas éparpillent, comme dans les campagnes romaines, leurs petits bâtiments autour de leur habitation centrale. Des basiliques ouvrent leur triple nef aux audiences des juges et aux réunions de marchands. Les théâtres et les cirques arrondissent leurs étages de gradins aux flancs des collines. Les colonnes commémoratives et les arcs de triomphe se dressent sur tous les lieux fameux. Les moindres cités se pourvoient de thermes. Et les aqueducs serpentent à travers les vallées.

Fortune inespérée par la Gaule! Au sortir même de sa barbarie la voici en possession d’un art complet et parfait qu’elle n’aurait pu constituer d’elle-même sans de longs siècles de labeur. Elle n’a plus, semble-t-il, qu’à le pratiquer à l’instar de ses vainqueurs et, de concert avec eux, à hâter son évolution logique.

Eh bien, non! Pour admirable que soit cette architecture, elle reste néanmoins une importation étrangère, et les arts, comme les plantes, ne croissent jamais hors de leur milieu natal sans s’étioler. A peine établie sur notre sol mille obstacles contrarient sa fortune et mille influences viennent la dénaturer.

D’abord, ce ne sont sans doute pas ses meilleurs architectes que Rome a répandus les premiers sur cette terre à peine défrichée. Les maîtres habiles étaient restés en Italie à diriger les grands travaux des Césars et des patriciens. A leur place accouraient leurs élèves, les inoccupés contraints d’aller chercher fortune au loin, les déclassés enclins aux plus médiocres besognes, bientôt des indigènes instruits à la hâte . «Ils couvrent la Gaule romanisée de monuments tous revêtus de la même ornementation banale, des mêmes bas-reliefs mous et grossiers d’exécution, comme ces joueurs d’orgue de nos jours qui vont porter des airs, d’opéra jusque dans nos plus petits villages .» Un art d’exportation, un art pour colonies, a fait ainsi la première éducation des Gaulois.

Puis, les Romains ne se sont point établis en assez grand nombre dans la Gaule pour y assurer la prospérité de leur architecture par la persistance de leur initiative et le contrôle incessant de leur goût. Ils s’en remettent la plupart du temps au zèle des vaincus. «Tous ces monuments furent élevés non par des hommes de race romaine, mais par les Gaulois eux-mêmes, à leurs frais, d’après les décrets de leurs cités, par un effort de leur propre volonté .» Or, ces Gaulois, si grande que soit leur bonne volonté, ne sauraient en quelques générations contracter absolument toutes les habitudes intellectuelles de leurs maîtres. Dans cet art raffiné bien des choses sans doute leur restent incompréhensibles qu’ils devront peu à peu modifier ou délaisser et bien des choses les ravissent qu’ils ne pourront manquer d’exagérer plus tard. Pratiquer sans faillir l’algèbre compliquée par laquelle le module détermine les dimensions des moindres éléments du temple, maintenir dans leur forme pure les palmes et les acanthes dont la flore locale n’offre aucun modèle, profiler des corniches dont nulle tradition séculaire n’impose l’invariabilité, il est certain d’avance que ces fils des barbares n’y réussiront point.

Enfin, cette architecture est essentiellement une architecture de pays chauds. A ciel ouvert ces cirques et ces théâtres se trouvent infréquentables pendant la majeure partie de l’année dans nos régions froides et pluvieuses. Ces temples construits pour servir de centre aux cérémonies qui s’accomplissaient sur leur parvis ou sous leur péristyle seront contraints de s’élargir un jour pour abriter les prêtres et les fidèles. Ces thermes eux-mêmes, au milieu de ces populations plus dispersées et plus astreintes au travail, perdront bientôt leur vogue et par conséquent leur splendeur. Puis, avec leurs pentes presque insensibles les toits à l’italienne ne laissent pas suffisamment glisser la pluie et la neige. Il n’est monument auquel une série de modifications ne s’impose.

Ainsi, dès ses débuts parmi nous, l’architecture romaine trouve les hommes et la nature conjurés contre elle. Survient alors un facteur nouveau, le christianisme, qui mieux encore précipite sa décadence.

L'évolution de l'architecture en France

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