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II

Table des matières

Le général, paraît-il, avait une étrange habitude; il écrivait chaque jour, le soir, ce qui lui était arrivé dans la journée–c’est ainsi qu’à sa mort et lorsque le baron, mon maître actuel, devint possesseur du fameux coupé, il y trouva ce que nous avons appelé:

Le Manuscrit du Général.

La première chose que fait quelqu’un, lorsqu’il devient possesseur d’un objet quelconque, d’un meuble; c’est de l’examiner, de le retourner, de le fouiller jusque dans ses coins et recoins les plus secrets.

Qui sait ce qu’on trouvera? C’est ce que le baron fit aussitôt.

Tout fut fouillé, interrogé, examiné dans toute ma personne.–Extérieur, intérieur, les coussins moelleux, les stores de soie, la glace, la boîte aux cartes de visite, tout fut reconnu et le baron passant à la petite caisse en acajou qui existait entre les deux glaces, avait déjà ouvert le premier tiroir et s’apprêtait à ouvrir le second; lorsqu’il sentit une résistance.

Ce second tiroir était fermé à clef –la serrure était une serrure de sûreté, la clef manquait, comment faire?–Et puis, que renfermait ce tiroir? des secrets peut-être,– des secrets de femme, ceux qu’on enferme, qu’on cache, qu’on garde et dont on a la clef sur soi, la petite clef d’or attachée à la chaîne de sa montre!

Rien de possible pour avoir, pour retrouver cette clef; il fallut donc faire ouvrir ce tiroir par une main mercenaire, par un ouvrier.–

On l’ouvrit et on y trouva le secret d’une femme.

C’était un manuscrit fort long, écrit jour par jour, c’était l’histoire dernière des dernières amours du pauvre général, l’histoire de tout ce que moi, fidèle coupé, j’avais vu, su, et entendu, et que voici;–le titre était:

L’AMOUR AUX EAUX

Titre étrange qui promettait.

En tête, on lisait cette maxime de La Bruyère:

«Ce roman n’est pas vrai, non, il y manque le vraisemblable!»

Et cependant, ajoutait le général, il a existé!

Il y avait là évidemment un roman, une femme, une histoire d’amour.

La scène s’ouvre:

Le général, son coupé et ses trois chevaux sont installés à Luchon, dans une charmante villa, la villa Diana, celle qui existe au milieu de la verdure et des sapins, au bout du parc, près de l’allée des bains.

Le général est un habitué, un passionné de la délicieuse vallée au milieu de laquelle s’élève la petite cité de Bagnères-de-Luchon.

Il y vient chaque année, depuis25 ans,–il y connaît tout le monde,– fait chaque année des connaissances nouvelles, avec cette société cosmopolite qui apporte, en elle, tous les goûts, toutes les allures, tous les charmes, toutes les faiblesses de celles qui, en moins de30jours, se sont donné pour régime et pour hygiène le don de plaire, d’aimer et de se faire aimer!

Pour une semblable besogne, la journée ne se compose pas, comme ailleurs, dans les villes par exemple, de plus ou moins d’heures perdues.– Dans le monde des villes, l’amour a ses étapes, ses longueurs, ses distances, ses longues attentes, ses longues désillusions, ses longues douleurs;–ici, aux eaux, le jour des amours se compose d’heures, de minutes, de secondes dont pas une n’est à perdre.

Cette vie des eaux, ce monde des eaux est donc un monde propre et particulier–un monde dans lequel chacun apporte sa note, sa couleur, sa personnalité; toutes marquées au coin d’un seul et unique but, d’un seul et unique sentiment:

LE PLAISIR!

Plaisir des yeux, plaisir d’un jour, plaisir d’un mois–amour des eaux, monde des eaux–arrivée de tous et de toutes,–prétentions de tous et de toutes–fautes, chutes, souvenirs et regrets:–C’est ce que le général, –passé maître en cette délicate matière,–peignait dans son curieux manuscrit, en traits si vifs, si colorés et si vrais, qu’on eût dit un peintre arrachant à sa palette toutes les couleurs dont il avait su vivifier son charmant tableau;–qu’on eût dit un livre, un guide, un guide-bijou dont chaque feuillet retraçait quelque chose du riant voyage à travers ce pays des eaux, ce monde des eaux, du plaisir et des amours!

Les mémoires de mon coupé

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