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LETTRE V.

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Tu m’avais promis de venir dans la saison du muguet ou du chèvrefeuille. Celle des dernières récoltes ne te trouve pas plus fidèle à tes engagemens, et déjà je vois se flétrir les reine-marguerites que j’avais multipliées, parce que tu en aimes les couleurs diverses. Tu recevras du moins ces-violettes d’automne, avant–qu’elles deviennent plus communes Vois s’il n’y a pas ici d’odeurs suaves, si on n’y sent que la résine des sapins, et si le fracas du torrent éloigne les plantes les plus aimables.

Je prétends que ce n’est pas ta mère seule qui diffère de mois en mois. Je vous trouve coupables toutes deux; l’arrivée du colonel livonien réveille les projets de lune et change peut être les idées de l’autre.

Si tu avais passé une quinzaine de jours ici, avant que la saison fût trop avancée, j’avoue que ce n’eût pas été sans inconvénient, à moins que tune te fusses piquée de conserver des grâces au milieu de nos habitudes rustiques. Il aurait fallu sarcler, arroser, ramasser des châtaignes, et surtout se fatiguer dans les sables, s’égratigner à travers les ronces, se gâter les pieds dans les roches. Tu ne connais guère les environs que du côté de la plaine, mais je t’aurais conduite dans les montagnes, jusqu’au point où finit la végétation: ce n’est qu’à cinq lieues d’ici, et l’on ne monte avec difficulté que durant trois heures. Tu sais déjà que beaucoup plus bas, derrière des bois presque impénétrables, on trouve des pans de vieux murs, et quelques vitraux de cloître. Plusieurs grandes dalles sont renversées dans un marécage que forme une source devenue inutile. Nous les aurions déterrées, afin d’y chercher des inscriptions; c’est un travail qui. aurait taché tes mains pour une semaine ou deux, et qu’on aurait fait la veille de ton retour à la ville.

Mais maintenant tu peux venir sans crainte; nous renoncerons à ces hautes vallées que la neige doit couvrir d’un moment à l’autre. Tu ne parcourras pas sans plaisir des sites montueux qui commencent auprès de la ferme, et qui s’étendent jusqu’au torrent d’Evaldar. Nous saurons nous y procurer, dans une ou deux habitations assez propres, d’excellente crême présentée par de bonnes gens. On y rencontre et les teintes agréables des pâturages, et plusieurs ravins presque inaccessibles qu’ombragent de vieux ifs. Quelques ruisseaux descendent vers l’Isère au milieu des châtaigniers ou des épicéas. Les sentiers sont rares; mais une herbe courte garnit les espaces découverts, et, même dans les bois, on marche facilement sur une mousse épaisse qui ne permet guère à des plantes épineuse des s’élever ou d’obstruer le passage.

Isabelle

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