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LE FROMAGE DES PYRÉNÉES

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Au-dessus de Moulis, nous avons rencontré une famille qui vit ici depuis 10 ans. Ils ont 40 chèvres et 3 vaches. Leur étable est une nouvelle construction en bois, bien aérée, avec des quais d’alimentation élevés qui peuvent aussi servir pour la traite en bloquant le cou des animaux à l’intérieur en rabattant une planche vers le bas. Jusqu’alors, ils traient encore manuellement dans un seau, mais projettent pour bientôt l’installation d’une machine à traire, afin d’avoir plus de temps pour d’autres travaux. Parce qu’en outre, ils ont deux appartements de vacance qu’ils louent et, en plus de leurs trois enfants, plusieurs enfants qui leur sont envoyés par les services sociaux. Ceux-ci ne représentent pas seulement du travail, mais ils rapportent aussi de l’argent, ce qui les aide à moderniser leur ferme. Leur fromagerie est relativement petite et enduite d’une peinture de piscine bleu clair, car les murs et le sol doivent être lavables. Mais cette peinture n’est pas faite pour marcher dessus et doit être renouvelée de temps en temps. Et elle n’est pas bon marché non plus ! Toute la ferme donne une bonne impression, on voit que Lulu a étudié l’agronomie et puis travaillé quelques années en Afrique, dans le reboisement des forêts tropicales massacrées. Comme ils ont des enfants et n’habitent pas loin de la route qui va vers St. Girons, nous leur rendons parfois visite. Les enfants sont alors entre eux et nous pouvons nous occuper tranquillement des problèmes de l’agriculture, de la terre et de l’espace, de la matière morte et la nature vivante, de l’espace vide jusqu’à la conscience…


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Ce sont moins les marchés hebdomadaires qui nous attirent en ville que les marchés au bétail, les foires qui se tiennent tous les deuxièmes et quatrièmes lundis à St. Girons. Sur le Champ de Mars et sur la place devant l’église St. Vallier, les marchands de machines et de quincaillerie installent leurs stands ou exposent leurs tracteurs. Près de la rivière se trouve le marché à la volaille où l’on trouve, en plus des œufs, tous les animaux à plumes qui donnent leur charme aux fermes ou qui rôtissent dans les fours des maisons bourgeoises le dimanche. C’est là que se rencontrent, à part quelques touristes, les néos et les autochtones qui ont des animaux. Mais cette fois, la place du marché et le hall sont abandonnés. Nous sommes les seuls à faire des traces dans la neige avec nos roues chaînées. Sur le Champ de Mars, Il y a quelques marchands autour d’un baril où ils brûlent des restes de bois et se réchauffent. Sans doute ont-ils dû passer la nuit dans leurs vans. Toute la ville ressemble à un calendrier de noël et sent le feu de bois. Les quelques voitures moulinent lentement dans la neige, les piétons se déplacent sur la rue pour ne pas être exposés aux avalanches des toits, qui s’abattent parfois. Dans la matinée, j’avais amené les grands à l’école. Je les récupère à midi. La voiture est pleine de choses. Du contreplaqué, des blocs de sel, des câbles électriques, de la nourriture du Prisunic. Tout ce dont on a besoin à la campagne et qu’on ne peut pas fabriquer soi-même…

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Beaucoup de nos amis se sont tournés vers la fabrication de fromage, surtout ceux qui ont peu de surface disponible. La plupart font du fromage de chèvre, ce qui entraîne une offre excédentaire sur les marchés hebdomadaires de St. Girons et des alentours. Les uns ont de beaux stands avec des parasols de marché colorés, d’autres ont déposé leurs produits sur de vieilles caisses de légumes, d’autres encore ont étalé leurs fromages sur des feuilles de fougères à même le sol. Certains ont l’air presque professionnels, d’autres ont l’air plutôt flippés, et avec les chiens à proximité, certains clients préfèrent éviter leurs stands ! Il y a un placier. Mais celui qui arrive le plus tard se serre quelque part dans un trou et propose ses marchandises. Les visites des services sanitaires sont rares, et quand les inspecteurs arrivent la nouvelle se répand plus vite qu’ils ne peuvent contrôler. Ceux qui ne sont pas en règle prennent leur stand et s’en vont ou disparaissent pendant un moment et les inspecteurs ne savent pas quoi faire avec le stand sans vendeur…

A part les nombreux chevriers, nous ne connaissons que deux paysans en Ariège qui fabriquent du fromage de brebis et une demi-douzaine de nouveaux agriculteurs qui fabriquent du fromage de vache. Notre projet le plus récent est d’avoir quelques animaux de chaque espèce, de fabriquer du fromage et, si possible, de le vendre à proximité. Au fil du temps, nous avons bien sûr acquis un peu d’expérience, mais notre optimisme est encore plus grand que notre savoir-faire ! Nous sommes tous d’accord pour fabriquer un bon fromage naturel, comme il était fait ici auparavant. Et bien sûr, chacun pense que son propre fromage est le meilleur !

Il y a aussi deux usines de fromage à St. Girons qui fabriquent des fromages des Pyrénées, l’une portant le nom de Montségur, avec la croûte noire classique. Mais en regardant de plus près, la croûte noire se révèle être un film plastique. Il serait plus logique de nommer le fromage ‘St. Girons’ plutôt que d’après le village de Montségur, situé à 70 kilomètres de là, où il n’y a même pas de vaches laitières ! En 1244, Montségur a été le théâtre du dernier grand massacre de Cathares, où plus de 200 « purs » ou « parfaits », comme ils s’appelaient, ont été brûlés sur le bûcher par les représentants de l’Eglise catholique. « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! », était la devise des bouchers. En Pologne, appellerait-on un fromage ‘Auschwitz’, ou ‘Holocauste’ ? Peut-être dans 800 ans, selon la manière dont l’humanité aura réécrit son histoire…

Si l’on regarde les plaques d’immatriculation des camions de livraison dont le lait est pompé dans les réservoirs de stockage à hauteur d’une tour, il y en a très peu avec 09, le numéro de l’Ariège. Il y a un trafic énorme qui transforme le lait standard en lait de qualité des Pyrénées ! Nous, par contre, voulons réinventer le vrai fromage du pays avec notre propre lait.

Il y a beaucoup de troupeaux de vaches dans les vallées. Pour un Toulousain, elles sont tous identiques bien sûr, même si elles ont parfois des couleurs différentes. La plupart des vaches sont des animaux de boucherie et servent à l’engraissement de veaux ou de génisses, peu de paysans ont encore des vaches laitières, comme Elie dans notre village. Il y a une fromagerie au village voisin. Celle-ci collecte le lait dans la vallée. Ça ne donne pas grand-chose, et en fonction de la saison, parfois rien du tout. Quand c’est le cas, le fromager remplit sa citerne d’un des camions de collecte des grandes entreprises. Il y a une autre fromagerie à Luzenac, ainsi qu’à Seix, qui fabriquent de bons fromages. Mais elles commencent à tricher. Pas en achetant du lait, mais en achetant des fromages non affinés aux usines ! Ils les font mûrir dans leurs caves, puis collent leur étiquette traditionnelle, et le « fromage artisanal des Pyrénées » est prêt !

Bien sûr que les autochtones le savent. Mais pas les citadins ou les touristes à la recherche de spécialités locales ! Ce qui pose problème, c’est que l’un des grands groupes se considère comme le propriétaire de l’appellation « Tomme des Pyrénées » et veut interdire aux petits d’utiliser ce nom ! En outre, tous ces fromages industriels sont fabriqués avec du lait pasteurisé. Nous, les néos, ne voulons travailler que du lait cru, car c’est là que sont contenus tous les arômes spécifiques d’une région, ainsi que toutes les vitamines, les enzymes et bien d’autres choses dont nous n’avons encore aucune idée ! Ce serait pour nous le plus grand éloge si l’un des habitants des vallées, en goûtant nos fromages disait : « Autrefois chez nous il avait le même goût, quand les parents faisaient encore leur fromage ! »

Dans plusieurs villages de notre vallée, on fabriquait autrefois du Camembert. Le village Camembert ne se trouve pas dans les Pyrénées, même un Toulousain le sait. Mais ceux qui l’achetaient ne s’en souciaient guère, car ils habitaient loin, en Algérie. Ici on était plus proche de l’Afrique que de la Normandie, et des gens débrouillards ont donc développé un système qui offrait un débouché aux producteurs de lait locaux et, grâce à un transport plus court, un produit optimal aux consommateurs d’Afrique. La durée du transport correspondait à la période de maturation du fromage. Mais l’Algérie a été « perdue », les colons, les pieds-noirs, sont revenus en France. Le Camembert des Pyrénées n’étant plus à la mode, les fromageries ont alors fermé.

De même, en raison de la baisse permanente du prix du beurre, les « fruitières », les laiteries où le lait des paysans était autrefois écrémé, ont fermé. Les paysans y récupéraient le lait écrémé qu’ils utilisaient eux-mêmes pour faire du fromage, la cuisine, pour l’alimentation des animaux. Le crémier transformait la crème en beurre qu’il livrait à un prix intéressant dans les villes. Mais désormais, le beurre est devenu un sous-produit de l’industrie du lait de consommation et doit être stocké dans des entrepôts frigorifiques à grande échelle pour maintenir les prix stables !

Quel était le fromage que les paysans fabriquaient avec leur lait écrémé ? Comme je l’ai entendu dire, c’était une sorte de fromage frais, donc du lait devenu épais en s’acidifiant, à consommer avec des ‘patates’, les pommes de terre. Ou on mettait ce caillé dans une toile à égoutter pour obtenir du fromage blanc. Celui-ci, le plus souvent formé en boules, pouvait être conservé pendant un temps limité. Ceux qui étaient mieux équipés et avaient suffisamment de lait le réchauffaient, ajoutaient de la présure, une enzyme de l’estomac du veau, qui fait cailler le lait, ou les tiges d’une plante appelée ‘caille-lait’. Le lait caillé était « coupé » en petits morceaux, parfois réchauffé et, après un temps de brassage, entreposé dans des moules et pressé entre deux plaques de schiste. Il était ensuite frotté avec du gros sel. Le fromage ainsi obtenu pouvait être conservé pendant des mois. C’est de cette manière que le fromage est fait dans toutes les régions du monde. La différence entre les diverses « variétés » est due aux espèces animales, aux différents types de plantes fourragères, aux variations de température ou des différences dans le mode de fabrication. Le plus souvent, le hasard y a joué un rôle important.

On m’a souvent demandé si je ne pouvais pas faire le « fromage de la oule » (mot gascon), dont on entend tant parler, mais que l’on ne trouve nulle part. J’ai demandé un peu autour de moi pour trouver le « secret ». La « oule » est un récipient en grès. Tout ce qui était impropre à la consommation dans le fromage, ou tout ce qui en restait, on le jetait dans un récipient avec un couvercle et on l’oubliait pendant un moment, jusqu’à ce que son odeur le rappelle au souvenir. Les restes de fromage se transformaient, à l’aide de la fermentation et parfois des vers à mouches, en une masse collante et filandreuse, quasiment vivante, utilisable au mieux pour les pêcheurs et à transporter dans un pot accroché au rétroviseur à l’extérieur…

Une autre spécialité introuvable était la ‘brousse’. Pour fabriquer ce fromage, le lactosérum, le petit-lait qui reste de la production du fromage, devait être porté à ébullition, puis on ajoutait du jus de citron. Ceci faisait décanter le reste des protéines. Beaucoup d’énergie pour peu de résultats, surtout quand on a des porcs qui veulent aussi leur part…


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Entre-temps, lors de nos excursions, nous avons visité toutes les fromageries artisanales de la région, nous nous sommes renseignés, nous avons goûté, afin de nous faire une idée plus précise sur la tomme des Pyrénées. La plupart du temps, ce sont des fromages mous, contrairement à ceux des Alpes, très forts, plutôt destinés à être consommés rapidement que stockés pour affiner l’arôme. Nous voulions faire un fromage qui nous plairait, qui se conserverait quand les clients manqueraient, qui soit facile à fabriquer et à entretenir, plus à la façon dont certains de nos amis paysans le fabriquaient déjà. Aussi naturel que possible, uniquement avec du lait entier, de la présure et du sel !

Aujourd’hui, on appellerait ça de « l’espionnage industriel », mais pour moi cela relève tout simplement de l’intérêt : analyser les outils de manière précise, connaître l’atmosphère dans la cave, la disposition des ustensiles dans la fromagerie, l’origine du lait, voir l’étable, les terres, connaître le fromager. Et j’ai vite découvert une chose : plus la fromagerie est petite, plus l’amour du fromager pour son métier est grand ! J’ai connu des fromageries dans les Alpes. Pour moi, c’est un métier magique, les fromagers ressemblent presque à des magiciens, comme des maîtres de cérémonie, parce que tous les gestes sont faits consciencieusement et lentement, le rythme du fromager est déterminé par le développement du caillé, difficilement reconnaissable pour les profanes. C’était plus facile pour Jésus de transformer l’eau en vin ! Il se servait d’un miracle, un truc déloyal ! Pour le fromage c’est plus difficile. Bien qu’il y ait des acidimètres et des thermomètres qu’on peut utiliser, beaucoup de choses sont devenues un « sentir » au fil des ans…

Mais nous en sommes encore au tout début. En plus de la fascination, nous avons un peu d’expérience en raison de nos trois chèvres en Allemagne. L’an passé nous avons participé à un stage de fabrication de fromage et, heureusement, nous avons appris des choses. Nous avons un chaudron, nous avons une potence dans la cheminée pour l’accrocher, nous avons notre lait. C’est parti ! La première vache a vêlé ! Traire d’abord pendant une semaine et nourrir le veau au colostrum, comme on appelle le premier lait légèrement brunâtre ou coloré de sang, avec la bouteille et le biberon. D’abord, il faut veiller à n’en donner qu’un petit peu au veau, environ 2 litres, puis augmenter lentement la quantité, car autrement, s’il boit trop au début, il refuse toute nourriture pendant des jours. Et s’il ne veut pas boire, il faut le laisser jeûner, puis il demandera de lui-même ! Certains paysans chauffent l’excès de colostrum dans une poêle, ajoutent du sucre et préparent ainsi un mets semblable à une crêpe épaisse.

Notre veau est un veau mâle. Son destin est scellé dès la naissance. Maurice nous l’achètera pour 950 Francs. Est-ce que c’est un bon prix, ou nous a-t-il escroqué ? Jean-Paul, le fils d’un fermier du village, dit qu’« il faut toujours essayer d’en obtenir plus, mais les prix des veaux fluctuent énormément. En fonction de l’offre ! En hiver, il y en a peu et le prix augmente. On donne aussi environ 30% de plus pour les veaux mâles que pour les vêles, parce qu’ils sont plus faciles à engraisser. Soit heureux de ne pas avoir des Holstein ! Parfois, les paysans donnent leurs veaux pour avoir le lait ! »

Au bout d’une semaine, le lait est blanc, plus liquide, et apte à faire du fromage. Avant, on faisait du fromage deux fois par jour. Dans la Barousse, c’est toujours comme ça. C’est le plus simple, car le lait est encore chaud et vivant. Mais il faut vivre dans une grande famille ou dans une communauté pour avoir toujours quelqu’un de disponible pour faire le fromage. On a mis le lait du soir en bidon dans la fontaine. L’eau de source a une température d’environ 12 degrés, idéale pour le stockage du lait. Mais pour des périodes plus longues, il faut une installation de réfrigération, car la température de stockage sur plusieurs jours est de 4 degrés. Après avoir trait le matin, nous acheminons le bidon de la veille et le lait frais dans la cuisine et les vidons dans le chaudron en cuivre mis sur le feu dans la cheminée.

L’amie de David, qui a entre-temps repris le bar de ses parents, avait hérité de son grand-père une collection d’objets anciens qui devaient être exposés dans l’ancien presbytère, rebaptisé musée. Pendant des nuits, nous nous sommes occupés à analyser, étiqueter et accrocher aux murs ces pièces de collection. Et pour certains objets, on restait assis devant bien longtemps pour découvrir à quoi ils avaient pu servir ! Il y a des objets en bois ressemblant à des fouets, dont on voit bien qu’ils sont fabriqués à partir de la pointe d’un petit sapin, dont les branches coupées sont maintenues en cercle par des entailles coupées dans le manche. Comme Christelle nous l’a expliqué, ils s’appellent ‘toudeilhe’ et servaient à ‘brasser’, remuer le ‘caillé’, la masse du fromage. En dessous du presbytère, il y a une plantation de sapins de noël. Là-bas, je me suis procuré une petite cime et je l’ai transformée en ‘toudeilhe’.



Notre lait commence à chauffer. De temps en temps, nous pêchons des cendres et de la suie sur la surface. Je devrais faire un couvercle, mais avec un couvercle on ne peut plus remuer, et rien n’a plus mauvais goût que le lait brûlé ! « Un thermomètre ! » « Il y en a un dehors ! » Mais je ne veux pas utiliser celui-là, il est en métal. Doris a une idée : « Nous avons encore le vieux thermomètre de bain des enfants ! »

À 32 degrés, nous enlevons le chaudron du feu et ajoutons une cuillère à café de présure que nous avons achetée à la pharmacie. Bien remuer, puis un torchon au-dessus du chaudron pour que le lait reste propre et chaud. Après une demi-heure, nous trempons un doigt courbé dans le lait et le déplaçons légèrement vers l’avant. Le lait est un peu floconné, mais pas encore aussi solide que du yaourt, comme nous l’avons vu pendant le stage. Alors il faut attendre encore ! Après une heure, il est un peu plus dur, mais toujours pas assez. On appelle Éric, qui avait donné les cours l’an dernier. Il dit : « Vous avez dû acheter votre présure à la pharmacie. Elle est souvent périmée. Qu’est-ce qui est marqué sur le flacon, quelle concentration ? » Nous regardons la bouteille. « Il n’y a rien ! » « C’est typique. On exige d’un fromager qu’il écrive tout sur les étiquettes et ceux-là ne marquent même pas la concentration et la date de péremption ! La prochaine fois, prenez le double de présure, encore mieux, faites-vous remplir une bouteille dans l’usine à fromage de St. Girons. Là vous êtes sûrs que c’est frais et que vous connaissez la concentration. Leur présure a une concentration de 10 000, c’est-à-dire que vous avez besoin d’1 litre de présure pour faire coaguler 10 000 litres de lait si vous faites du fromage lactique, comme le Camembert ou le fromage frais. Dans votre cas, dans le cas du fromage à pâte pressée, il vous faut 2,5 litres. » « C’est trop compliqué ! », crie Doris dans le téléphone. « Pas du tout ! » « Écrivez, vous pourrez compléter vous-même la liste : pour votre fromage, il faut 25 ml pour faire coaguler 100 litres de lait, c’est-à-dire 2,5 ml pour 10 litres. Combien de litres de lait avez-vous ? Vingt ? Alors il vous faut 5 ml. Aujourd’hui continuez comme ça. En tout cas il y aura un résultat. C’est comme ça qu’on apprend, en faisant des erreurs et en essayant ! Si le lait est bon, ça sera comestible. Vous venez peut-être d’inventer un nouveau fromage ! Et n’oubliez pas de vous procurer une pipette de mesure pour la présure, ce qui simplifie énormément les choses ! »

Rassurés, avec un couteau de cuisine nous coupons le contenu ressemblant à du yaourt en morceaux, puis brassons avec la toudeilhe, le fouet en cime de sapin. Ensuite nous remettons le chaudron sur le feu en le remuant. Dans les fromageries, on utilise une ‘harpe’, un tranche-caillé, un cadre recouvert de fils fins (de piano), qui contribue à faire peu de ‘poussière’, c’est-à-dire des particules fines, parce que celles-ci se perdent avec le lactosérum, ou elles bouchent les pores dans le fromage moulé et l’empêchent de bien s’égoutter. Et c’est justement le prochain outil qu’il nous faudra, car la bouillie dans le chaudron est trop opaque !

J’ai trouvé des bandes en acier inoxydable d’une épaisseur de trois millimètres chez le ferrailleur que je plie dans un étau en deux cadres rectangulaires distincts. Je soude les bouts de chaque cadre ensemble et y fixe un support pour une poignée en bois. Dans le haut et le bas d’un des cadres, je perce à une distance de 2,5 cm des petits trous, dans l’autre je perce les deux côtés. Pour trouver du fil de piano, je dois aller à St. Gaudens, il n’y en a pas de notre côté du col. Le plus difficile est de trouver des vis avec des anneaux. Finalement mon frère en trouve en Allemagne et me les envoie. Dans un côté de chaque cadre, je mets les vis à anneaux depuis l’intérieur dans les trous et un écrou à papillon sur le filetage dépassant à l’extérieur. A travers deux trous au côté opposé, je rentre un morceau de fil de fer, dont je fixe chaque bout dans une vis à anneaux en face. Pour cela, il est pratique de se servir d’une pince universelle et d’une pince à bec effilé, car le fil s’avère difficile à tordre ! Ensuite je fais la même chose dans les autres trous. Quand tous les fils sont fixés, je les tends jusqu’à ce qu’ils émettent le son d’une harpe, ou plutôt d’un « violon du diable ». Comme poignées, j’utilise des manches de haches cassées que je coupe droit. Maintenant j’ai enfin les outils appropriés pour le décaillage !



En brassant lentement, nous chauffons à 36 degrés et puis nous enlevons le chaudron du feu. Je continue de brasser à la main. On ne sent plus la différence de température, ça veut dire que le lait a la température du corps. Je commence à remarquer que les petits grains de lait caillé deviennent plus fermes. Je continue de brasser pendant 45 minutes. En faisant ça, beaucoup de choses me passent par la tête. Et il y a tellement de choses qui passent qu’il faudrait tout écrire ! Doris cherche une feuille et marque le plus important, comme la quantité de lait, la durée de réchauffement, les températures, l’heure, l’heure de l’emprésurage, la quantité de présure, le temps de coagulation, la fermeté du lait caillé, la taille du grain, la température finale, le temps de brassage, et pourquoi pas le temps à l’extérieur, la date, si la vache a vêlé dernièrement, etc. Car c’est la seule façon de détecter certaines erreurs et de faire le « fromage parfait » ! Et si la prochaine fois on change quelque chose, ça ne doit être qu’un seul paramètre, sinon on ne voit pas de façon précise comment une amélioration (ou une détérioration) a été atteinte !

Pour faire un moule, nous avons percé un petit seau en plastique à de nombreux endroits. Lors de leur dernière visite, mes parents nous avaient apporté une toile à fromage des Alpes. C’est un énorme morceau de jute dans lequel sont emballés les fromages d’Emmental lors de leur moulage. Il mesure presque deux fois deux mètres, trop grand pour nous ! Doris l’a découpé en neuf morceaux et ourlé les bords avec un fil à coudre. Nous avons trempé la toile dans de l’eau chaude pour qu’elle soit souple. Puis on laisse décanter le caillé un instant, j’essaie d’en former une boule dans le lactosérum, ce qui n’est pas facile. Ensuite, j’enroule un bord du tissu autour d’un morceau de fil de clôture courbé en demi-cercle et j’essaie de récupérer la boule avec le tissu, comme je l’avais vu faire dans les Alpes, puis on met tout dans le seau-moule qui est placé dans le lavabo. Le lactosérum gicle à l’extérieur. Quand nous vidons le chaudron, nous nous rendons compte qu’il y a encore du caillé dedans. Nous faisons tout couler à travers un tamis pour ne rien perdre. En faisant ça, l’idée nous vient de tout verser à travers un tamis pour éviter de pêcher la prochaine fois ! Notre fromage ne pèsera que 2 kilos, et pas 50, comme un Emmental !

Le caillé s’effondre lentement. Après 10 minutes, on sort la toile et on l’ouvre. Et quel miracle ! La masse est déjà assez solide, et elle se tient quand on ouvre le tissu ! On pose la boule de caillé sur l’autre main et on remet la toile par-dessus. En faisant ça, la boule se déchire et un peu de lactosérum s’échappe. Puis, on prend les quatre coins de la toile, les soulève et retire la main qui tenait le fromage. Maintenant il se trouve à l’envers dans la toile et on le remet dans le moule. Six heures plus tard, nous le retournons une autre fois en nous apercevant qu’il est déjà bien solide et souple à la fois. On peut mettre une pierre plate en haut dans le moule pour presser légèrement le fromage. Mais cela est inutile lorsque le moule est plus haut que large, car, dans ce cas, le propre poids du fromage exerce une pression suffisante.

Après 12 heures supplémentaires, le fromage peut être démoulé. Mais où donc le mettre ? Chez des amis, nous avons vu qu’ils gardaient le fromage dans une grande armoire entourée de moustiquaire. Donc, je fabrique un meuble de ce genre à partir de planches de parquet. Je cherche un rouleau de moustiquaire et je superpose des planches amovibles (pour le lavage) à 20 centimètres d’écart à l’intérieur. Nous installons ce meuble au fond de la cuisine. En bas, nous déposons des couvercles de vieilles cuisinières comme bac pour récupérer le peu de lactosérum qui s’échappe encore. Nous y déposons le premier fromage, après l’avoir frotté avec du gros sel.

Le lendemain, nous fabriquons le fromage suivant. Cette fois, avec un caillé découpé plus grossièrement. Voyons ce qu’il va devenir ! Mais nous verrons le résultat définitif au plus tôt dans un mois. Mais comment savoir quel fromage a été fabriqué de quelle manière et quand ? Il faut les marquer ! Pendant une nuit, je réfléchis à un système que j’aurais aussi bien pu trouver en 5 minutes ! Marquer la date dessus serait trop long. Ça donne aussi une surface trop rugueuse ! Mon système est plus simple : nous avons une sonde à fromage. C’est une sorte de tube en métal semi-ouvert, affûté sur les côtés avec une poignée en forme de T. Avec ce tube, on peut percer le fromage, puis couper une sorte de carotte en le tournant et l’extraire pour tester la nature de la texture de l’intérieur. Il ne faut pas oublier de remettre le bout extérieur en guise de bouchon, sinon, le fromage va moisir à l’intérieur. Sur un côté de la poignée de cette sonde se trouve un petit couteau semi-circulaire qui permet de couper des entailles de deux millimètres dans l’extérieur du fromage. Avec ça nous marquons les fromages, seulement avec un ou deux petits traits, pour chaque fabrication à un endroit différent du fromage et dans des configurations différentes par rapport à la fois d’avant. Le premier jour, juste un trait au milieu. Le deuxième, deux traits. Le troisième, un, mais un peu décalé par rapport au milieu. Le quatrième, un sur l’extérieur, sur le talon. Ça donne beaucoup de possibilités, mais implique de tenir un registre précis ou d’inscrire les critères de fabrication sur un calendrier, accompagnés du signe correspondant à ce fromage. Mieux encore est une fiche de fabrication qu’on garde dans un petit classeur.



Au fil des jours, à l’extérieur du fromage se forme une moisissure grise qui devient noire si l’on ne la lave pas. Tous les deux jours, nous retournons les fromages et les lavons ensuite avec une solution d’eau salée saturée, préparée dans un petit seau à moitié rempli d’eau bouillie, avec en bas, une couche de sel. L’outil le plus simple pour laver le fromage est un gant de toilette. On peut aussi le brosser avec de la saumure, mais on garde la cave plus propre en utilisant ce gant ! Nous avons aussi essayé de le laver avec du lactosérum. Les fromages sont devenus jaunes et amers. Nous sommes vite revenus à la saumure.

Le meilleur moyen est de commencer à laver les fromages les plus anciens afin de transférer les cultures de la croûte (moisissures) vers les plus jeunes. En tout cas, la moisissure grise disparaît au bout d’un moment et fait place à une moisissure orange. Plus tard une moisissure blanche va s’installer sur celle-ci. C’est bon signe ! La moisissure orange est la plus facile à entretenir tant qu’elle est sèche. Il y a un autre type de moisissure orange qui se forme surtout lorsque le caillé du fromage n’a pas suffisamment séché. Elle sent fort l’ammoniac et les fromages collent sur les planches. Il est parfois préférable d’enlever cette croûte poisseuse en grattant avec une raclette et de laisser se former une nouvelle couche, surtout si l’on ne veut pas laver les planches tout le temps ! Les jeunes fromages doivent être tournés et lavés tous les deux jours. Pour les plus âgés, on peut augmenter l’écart. Il faut toujours utiliser des planches propres et sèches. Le sapin convient bien comme bois. Il ne faut pas prendre de bois dur, il n’absorbe pas assez l’humidité, il est trop lourd et il peut influencer le goût (acide tannique).


D’abord avec satisfaction, puis avec peur, nous nous rendons compte que notre armoire sera bientôt pleine. Alors que faire ? Les fromages doivent avoir au moins deux mois d’affinage pour avoir du goût, et plus encore, pour être une « spécialité ». Notre armoire est trop petite ! Et bientôt la prochaine vache fera un veau, puis la troisième… Il faut agir d’urgence ! De plus, certaines tommes commencent à se fissurer. Dans les fissures nous trouvons des moisissures bleuâtres. Evidemment, la cuisine est trop sèche. Nous réalisons que notre type de fromage a besoin d’un entrepôt humide, d’une vraie cave ! Le stockage dans un garde-manger aéré est bon pour les fromages lactiques, comme les petits fromages de chèvre.

Mais on n’a pas de sous-sol dans la maison. Elle est construite directement sur la roche. Je me rappelle que le rez-de-chaussée est une sorte de carrière, ça ne peut pas être mieux ! Là en bas, on va mettre en place notre fromagerie et la cave du côté de la colline. La démarche officielle serait maintenant d’aller voir la DSV (Direction départementale des Services Vétérinaires) et de faire approuver le projet. Mais c’est justement eux que je ne veux pas voir en ce moment, puisque nous fabriquons et vendons déjà du fromage ! En outre, je n’aime pas voir les administrations, cela peut en effet rapidement créer des complications, si le projet est refusé ou soumis à des charges impossibles. Je pense qu’il vaut mieux les mettre devant le fait accompli. Et en plus le temps presse ! Je fais un dessin et en parle à Éric, le technicien fromager de l’AFFAP, l’Association des Fromagers Fermiers et Artisanaux des Pyrénées.



Le décaillage


Il trouve le plan satisfaisant, mais attire mon attention sur les points faibles et m’explique comment les contourner. C’est la France ! Plus d’exceptions que de règles ! Il doit y avoir un petit lavabo dans l’entrée. Alors je le dessine. Il doit y avoir un local pour le lavage des ustensiles. J’ai un évier en céramique avec plateau. Je vais installer celui-ci au fond du couloir, qui alors servira en même temps de salle de lavage ! En fait, il devrait y avoir une sorte de sens unique, ce qui veut dire que le fromage ne doit pas sortir par la porte par laquelle le lait est entré. Mais ce n’est pas faisable, surtout à cause des murs extrêmement épais. Mais c’est justement pour cela qu’il y a une exception : le fromage va officiellement sortir les jours où il n’y a pas de fabrication !

Tout d’abord, je creuse une petite tranchée et pose un égout dans le couloir. Ensuite, je coule une mince couche de béton sur le sol, avec assez de pente, qui est déjà donnée par la nature de la pièce. Puis je prends les mesures de la pièce. Parce-que la pièce fait à peine deux mètres de haut, je n’ai pas besoin de beaucoup de blocs de parpaings pour les cloisons, surtout que j’ai encore une demi-palette de 10 qui traîne. Une fois que je me mets aux calculs, je fais vite une estimation des quantités de lait. Nous avons pris 10 litres par jour comme base, mais une vache peut donner plus de lait. Avec 4 vaches, ça fait 50 à 60 litres par jour, c’est-à-dire deux fromages. Et ça fait presque 180 tommes sur trois mois. Je dessine avec de la craie sur la dalle en béton frais où les murs doivent être posés. Je sais que l’espace doit être utilisé au mieux, sinon nous ne mettrons pas 180 fromages là-dedans et c’est la quantité minimale, car bientôt il y aura aussi le fromage de brebis, sans parler du fromage de chèvre que nous voulons faire sécher dans notre garde-manger. Le problème, ce sont les murs. Ils doivent être lavables et les carreaux sont chers !






Je fais part de mon problème à un marchand de matériaux qui va bientôt prendre sa retraite. Il me propose un « carrelage industriel » pour 10 Francs le mètre carré. « Carrelage industriel » ne sonne pas aussi naturel que « fromage de la ferme », mais le prix est encore plus bas que la peinture de piscine ! Comme les murs sont faits en pierres naturelles, non enduits, et que je veux aller vite, je renonce à enduire, et je dépose une portion de mortier à l’arrière de chaque carreau et l’appuie avec un léger mouvement rotatif contre le mur. Et ça marche bien, même très bien, ça tient et ça ne bouge pas ! Deux allumettes dans le joint servent à garder l’écart exact et l’ensemble peut durcir. Mais la pose des joints a failli mal tourner. On nous avait conseillé de les faire au « ciment noir », du ciment d’oxyde d’aluminium, parce qu’il est plus résistant à l’acide. Comme celui-ci ne voulait pas prendre au début, nous remplissons alors tous les joints au moyen d’une raclette en caoutchouc. Mais soudain, il prend en même temps et partout, et nous sommes occupés jusque dans la nuit à nettoyer les carreaux à l’aide de laine d’acier ! Depuis, il existe de meilleurs produits, comme l’époxy. Et pour un local qui est utilisé presque tous les jours, il ne faut pas faire d’économies, sinon les joints doivent être refaits tous les cinq à dix ans !

Entre-temps, nos fromages s’affinent encore dans la cuisine. Mais ils ne restent pas aussi uniformes qu’ils l’étaient les premiers jours. Certains s’étalent, d’autres deviennent durs, et quand on les coupe, ils sont comme du plâtre à l’intérieur. Je vends les plus mous en premier. Ils ne se conservent pas longtemps, mais ils sont bien crémeux et doux au goût. Le mieux, c’est de laisser les clients goûter, comme ça il n’y a pas de surprise. Je réalise que le lait n’est pas du ciment, c’est une matière vivante. Il est très sensible, surtout en fonction de la météo et de la propreté. Heureusement, le technicien n’habite pas loin, et j’essaie d’être un bon élève. De temps en temps un fromage raté, on peut le manger soi-même. Mais une série entière… il vaut mieux l’éviter !

Une mastite (mammite) modifie la consistance chimique du lait, sans parler des bactéries qu’il contient et qui peuvent être nocives ! Avec la fièvre de Malte que j’avais attrapée avec les brebis et dont je ressens encore les séquelles, j’ai appris que l’homme peut attraper certaines maladies des animaux. Comment peut-on détecter une mammite ? La vache ne se laisse pas toucher le pis. Le pis est dur, chaud, rouge, enflé. Le trayon est bouché par du lait caillé, ne se laisse pas vider, il peut même y avoir du pus à l’intérieur… Nous avons essayé l’homéopathie, « Vegebom », une pommade contenant du camphre, avec peu de succès. Les huiles essentielles sont une autre possibilité. Finalement, nous avons appelé le vétérinaire. Il nous a dit qu’une mammite a plus chances de guérir si l’on la soigne tôt. Et comme traitement, il n’y a heureusement (et malheureusement) que les antibiotiques ! Et même avec un tel traitement, il est préférable de laisser faire une analyse avec un antibiogramme pour être sûr que le produit prévu fonctionne, car il existe des germes différents, dont quelques-uns répondent uniquement à certaines familles d’antibiotiques. Le mieux, c’est de ne pas avoir de mastite ! (Plus d’information sur ce thème plus tard, parce que cela nécessite des années d’expérience avec les animaux). En outre, il peut y avoir mammite à la suite d’un coup de corne, d’une blessure, d’une machine à traire mal réglée, d’un régime alimentaire non équilibré… Même des génisses, vêlant pour la première fois, peuvent parfois avoir une mammite ! Heureusement, des problèmes aussi graves ne surviennent que de façon limitée.

La détection précoce est donc importante. Avec le temps, je commence à sentir déjà au lavage des mamelles ou à l’amorçage que quelque chose se prépare. Et à ce stade on peut utiliser des remèdes naturels. Il y a un appareil, appelé ‘Traytest’ ou ‘Leuco-Test’, une sorte de plateau rectangulaire muni d’un manche, équipé de quatre bols ronds, peu élevés. On trait un peu de lait de chaque mamelle (après avoir éliminé les premiers jets) dans le bol correspondant, on ajoute un réactif et on fait bouger le tout pendant quelques secondes en décrivant un cercle. En fait, c’est un test pour détecter une augmentation de la teneur en cellules mortes dans le lait. Mais comme une mammite va toujours de pair avec une augmentation du nombre de cellules, c’est un bon test pour déterminer si une inflammation du pis a lieu. Le lait forme un gel dans les bols, comme du blanc d’œuf, s’il y a un excès de cellules. Si la mamelle est également bouchée, il y a confirmation de mammite et il faut traiter !

Le fromage est le résultat d’une interaction de protéines, de graisse, d’eau, d’enzymes et de bactéries. Il n’y a que les protéines qui coagulent, la crème est prise entre elles. Le lait qu’on laisse sans intervenir dans une pièce devient acide et puis épais en raison de la chaleur et des bactéries qu’il contient et d’autres qui sont dans l’air. Cette masse, filtrée à travers un chiffon, donne le fromage blanc, le fromage le plus originel. Dans la fabrication du fromage, ce processus est accéléré et dirigé afin d’obtenir un résultat précis. On peut accélérer l’acidification du lait en ajoutant du lactosérum de la veille ou des ferments. On peut accélérer la coagulation par l’ajout de présure. Le lait pasteurisé est mort et, après un contact prolongé avec l’air, il se transforme à cause des bactéries de putréfaction présentes dans l’air, en une masse nauséabonde, impropre à la consommation. Le lait pasteurisé doit être réactivé par addition de ferments, sinon on ne peut pas en faire du fromage. Le lait refroidi longtemps (à 4 degrés) est pauvre en bactéries actives et doit aussi être réactivé, que ce soit par une période de chaleur plus longue ou par un faible apport en ferments.

Dans la fabrication du FROMAGE LACTIQUE (camembert, petits fromages de chèvre), on utilise l’acidification naturelle du lait, qui peut être stimulée par l’ajout de ferments acidifiants. On y ajoute la présure le soir, on garde le lait au chaud et on continue à travailler le lendemain. Le matin le lait s’est acidifié et a coagulé. Généralement, le caillé est ensuite posé avec une louche en couches successives dans les moules, puis retourné plusieurs fois, et plus tard mis à sécher. C’est pour ça qu’on les stocke dans un placard aéré.

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Dans nos FROMAGES À PÂTE PRESSÉE ou semi-pressée, on transforme du lait non acidifié. Le caillé qui fera le fromage a déjà séché dans le chaudron par le décaillage, le brassage et le réchauffement, ce qui se manifeste par le rétrécissement des grains. (C’est pourquoi ici une cave humide est nécessaire). Le caillé commence à s’acidifier quand il est dans les moules. Mais pour le voir, il faudrait un acidimètre, et seul le technicien en a un. Il y a deux types d’instruments pour mesurer l’acidité. Lors de la mesure de l’acidité avec un PH-mètre, il faut retenir que plus l’acidité est élevée, plus le chiffre est bas (lait frais de vache ≈ 6,5) ! Avec un Instrument Dornic : plus c’est acide, plus le chiffre est élevé (lait frais de vache ≈ 18) ! Un jour, quand j’aurai assez d’argent, j’en achèterai un, parce que cela permet de voir assez tôt comment le caillé se développe et peut-être d’intervenir de manière corrective, du moins lors de la prochaine fabrication. Une solution moins chère est le ‘papier tournesol’, des bandelettes en papier, que l’on trempe dans le lactosérum. Elles changent de couleur en fonction de l’acidité (ph). Une échelle des différentes couleurs sur la boîte d’emballage permet de comparer le changement. Là, où les couleurs de la bandelette et de la boîte correspondent, on relève le PH. Car le fromage ne réagit pas toujours comme on s’y attend ! C’est pourquoi la devise d’un jeune fromager devrait être : le fromage, c’est quand on peut le manger quand même !











Les Néo-Ruraux Tome 2: Le Fromager

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