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HISTORIQUE

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Il y a trente ans, les chemins de fer, la télégraphie électrique et la photographie, ces trois inventions capitales du siècle empruntées à la chaleur, à l’électricité et à la lumière, n’avaient pas encore paru; nous en jouissons pleinement aujourd’hui, ne sachant laquelle de ces inventions admirer le plus.

Pour ma part, j’ai cultivé avec ardeur la photographie, et avant d’en exposer les procédés, je vais rapidement en tracer l’historique.

Antérieurement à la découverte de la photographie, le rôle de la lumière était déjà bien étendu; c’est elle qui vivifie le monde; elle est l’âme de la végétation. sans laquelle la nutrition des animaux ne pourrait se faire. En montrant le relief des corps, elle les relie entre eux de la façon la plus évidente, puisque voir un objet est pour nous la preuve la plus réelle de son existence.

L’activité chimique des rayons lumineux a de tout temps été remarquée. Les couleurs les plus solides appliquées sur les tissus pâlissent à la lumière; on disait alors que la lumière mangeait les couleurs; on dit même qu’elle mange les pierres, parce que les façades des édifices exposés au midi sont altérées plus rapidement que celles que n’éclaire pas le soleil; et l’on dit même que c’est la lune qui est cause du dommage.

En dehors des couleurs en couches minces et des pierres accusant l’effet destructif des rayons lumineux, aussi lent que problématique, on put heureusement constater des phénomènes instantanés et causés uniquement par la lumière solaire. Les composés d’argent eurent ce privilége, et parmi eux surtout le chlorure d’argent, que la moindre coloration tranchant sur sa blancheur native rendait tout à fait propre à attirer l’attention. Il ne pouvait se former dans les laboratoires sans que le phénomène de coloration par la lumière fût remarqué, la surface du dépôt étant devenue noire quand le centre était encore inctact.

Les sels d’argent en solution versés sur du papier formaient avec le temps, des taches brunes qui apparaissaient en un clin d’œil à la clarté du soleil. Cependant, malgré les tentatives de quelques physiciens ingénieux, cette précieuse faculté était restée stérile. antérieurement aux recherches persévérantes des créateurs de la photographie actuelle. Je dis recherches persévérantes, parce que ces inventeurs ne se sont pas contentés de faire quelques essais en passant comme leur devanciers; ils y ont consacré chacun plus de dix ans: en effet, Nicéphore Niepce a commencé en 1814 et s’est associé en 1829 à Daguerre, travaillant déjà de son côté, et qui, jusqu’en 1839, époque de la publication de leurs procédés réunis, compléta presque seul la découverte.

En 1827, Niepce avait exposé son invention devant la Société royale de Londres, et initié sans doute ainsi M. Talbot à cet art nouveau.

Ainsi les inventeurs français ont consacré chacun dix années à leurs recherches, et leurs efforts réunis ont enfin créé la photographie.

Niepce ne paraît pas s’être occupé jamais des composés argentifères; il se servait dans le principe de planches d’étain, et si plus tard il leur a substitué le doublé d’argent, c’était uniquement pour obtenir une surface d’un plus beau poli.

Il avait pris sa substance photogénique dans la classe des corps résineux, et fixé son attention sur le bitume de Judée, après avoir reconnu que l’action continue de la lumière le rendait insoluble dans son dissolvant ordinaire. Cet enduit, susceptible d’être placé par des procédés perfectionnés sur un support quelconque, est une invention capitale qui a reçu déjà et recevra de jour en jour un grand nombre d’applications inattendues.

En raison de la faible sensibilité de sa substance photogénique, Niepce se borna d’abord à faire agir la lumière directe du soleil en copiant des dessins sur papier, et réussit ainsi à former des planches gravées susceptibles d’un certain tirage; et c’était la raison pour laquelle il opérait sur planches métalliques.

Il fit aussi, non sans succès, quelques tentatives pour reproduire les images de la chambre obscure, et cela est prouvé par l’emploi de l’iode pour noircir le fond de ses images; car ce noircissement n’avait aucune signification dans le cas où sa planche n’eût représenté que la contre-épreuve d’une gravure.

Aussi l’emploi du doublé d’argent comme support avec l’iode pour le noircir, se trouvent réunis par le plus pur hasard dans les mains de Daguerre, pour en faire surgir, par l’adjonction du mercure, un procédé complet qui a donné aux images de la chambre noire une perfection que rien n’a surpassé, depuis vingt ans que le monde entier travaille à mieux faire.

Lequel des deux inventeurs a découvert la faculté photogénique secrète de la lame infiniment mince que la vapeur de l’iode forme à la surface de l’argent poli? Cela n’a pas été dit: selon toute probabilité, c’est Daguerre, et avec son habitude de développer ses images à l’aide de corps mis en vapeur, il aura essaye le mercure, seul corps métallique facilement vaporisable.

L’imagé ayant paru une première fois, le pouvoir dissolvant déjà connu de l’hyposulfite, pour les iodure, chlorure et bromure d’argent, aura aussitôt complété son procédé.

Peu après la publication du procédé de Daguerre, on s’occupa de le perfectionner, d’abord en donnant à l’argent le poli le plus parfait, et puis en cherchant à diminuer la durée de l’impressionnement en faisant succéder l’action du brome et du chlore à celle de l’iode. MM. Claudet, Fizeau et Foucault nous permirent de réduire les minutes de la pose à autant de secondes, et de ce moment on put prendre des portraits à la lumière diffuse.

Tandis que le daguerréotype arrivait à sa perfection, le procédé sur papier commençait à se produire. En se servant de la chambre obscure pour reproduire un objet quelconque, les clairs étaient représentés par des noirs, et, réciproquement, les ombres par des clairs; c’était alors une grande difficulté à vaincre, et toutes les tentatives avaient pour but de représenter immédiatement les images avec leur dessin naturel. On y réussit en noircissant à la lumière directe un papier couvert d’un enduit photogénique, et en exposant ensuite au foyer de la chambre obscure ce papier imbibé d’une solution d’iodure de potassium, qui possède la propriété de transformer sous l’action de la lumière, en iodure d’argent soluble, les composés d’argent noircis d’avance. En dissolvant postérieurement avec l’hyposulfite ou le cyanure l’iodure ainsi formé, l’image apparaissait dans son état naturel.

Même en employant ce procédé très-compliqué, que M. Bayard sut seul pratiquer avec succès à la faveur de sa longue expérience, on ne pouvait reproduire ces images, pas plus que celles obtenues sur argent.

Les images à ombres transposées furent nommées images négatives, et les images avec ombres dans leur sens naturel furent nommées images positives. Les images négatives furent d’abord regardées comme une curiosité, tant on était loin de soupçonner leur emploi futur, qui est devenu la base principale de la photographie.

M. Talbot eut l’idée lumineuse de faire servir les épreuves négatives à la production indéfinie des épreuves positives, en appliquant l’épreuve négative sur un papier photogénique susceptible de donner, sous l’action de la lumière, une nouvelle image négative qui, étant inverse, quant aux ombres, de l’épreuve type, devenait une épreuve positive dans toute l’acception du mot.

Au moyen de cette invention aussi simple qu’ingénieuse, la photographie sur papier prit un grand essor. Le daguerréotype, impropre à la reproduction, se distinguait par sa finesse accomplie, tandis que la photograpie sur papier, dessinée à plus larges traits, possédait de son côté la faculté de se reproduire à l’infini.

Aux négatifs sur papier ordinaireont succédé bientôt les négatifs sur papier rendu translucide par un vernis, la cire ou autres corps gras qui faisaient disparaître le grain du papier.

M. Niepce de Saint Victor eut alors l’heureuse idée de substituer le verre au papier ciré, et pour vaincre la difficulté qui se présentait pour faire adhérer le composé photogénique à cette surface polie, il imagina d’abord de poser sur sa glace un simulacre du papier translucide qu’il voulait remplacer, en couvrant le verre d’une pellicule d’empois renfermant un iodure qui était soumis à l’action du bain d’argent comme les papiers iodurés.

Il réussit assez bien pour chercher à perfectionner ce procédé : il ne tarda pas en effet à reconnaître que l’albumine des œufs, susceptible de se coaguler par la chaleur et une foule de liquides, et en outre d’adhérer fortement au verre en couches aussi minces que l’on voudrait, était tout à fait propre à remplir l’objet.

En effet, l’albumine iodurée, posée sur glace, passée au bain d’argent, soumise à la chambre obscure et transformée en image négative, a hérité des finesses du daguerréotype, tout en formant un type de la plus grande solidité, propre à se reproduire indéfiniment en images positives suivant le procédé de M. Talbot.

Malgré ses perfections, l’albumine présentait un grand nombre de défauts: elle est longue à préparer, elle ne peut se conserver longtemps, elle est difficile à poser, très-longue à sécher, très-longue à s’impressionner, très-longue à se développer; tout cela exigeait un remplaçant exempt de tous ces inconvénients.

Tel est aujourd’hui le rôle du collodion qui est acheté tout prêt à servir, qui s’étale avec une facilité incomparable sur la glace, sèche aussitôt, possède une grande sensibilité et développe son image à vue d’œil.

Aujourd’hui donc, le collodion sur verre est la base de tous les négatifs que l’on tire sur papier, que l’on transporte sur toile cirée, sur papier végétal, sur émail, sur porcelaine; donnant aussi à volonté des épreuves positives directes qui ne le cèdent en rien à la perfection du daguerréotype.

Par son secours, les épreuves pour stéréoscope et les portraits se multiplient à l’infini, et pour ne rien laisser à l’albumine, nous arrivons à l’employer comme celle-ci à l’état sec sans nuire à sa sensibilité.

Enfin, chaque jour, on découvre de nouveaux moyens pour l’obtention des positifs sur papier, sans employer les sels d’argent, si bien qu’on ne désespère pas de pouvoir bientôt observer les négatifs eux-mêmes par des procédés analogues.

Dans cet historique rapide, je ne puis qu’indiquer eu passant les progrès qu’a faits la gravure héliographique et les reports sur pierre lithographique; la perfection de la photographie réside dans le succès complet de ces deux applications, qui donneront alors des épreuves indélébiles à bon marché. Le problème fût-il résolu, la photographie actuelle ne perdrait rien de son charme, et fournirait encore pour une multitude de personnes l’occupation la plus attrayante des temps modernes.

Vade-mecum du photographe

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